ce matin va être une pure soirée ▬ bunny&acid

Acid dormait, il dormait du sommeil du bienheureux, du sommeil de l'abruti fini qui se rappelle à peine comment s'est fini sa soirée de la veille. D'ailleurs, était-ce une soirée ? Une après-midi ? Ou même une journée, qui sait ? Le temps est infini maintenant et les artifices qui courent dans nos veines ne font que l'accentuer.

Il grogne, et remue. Il est allongé sur quelque chose de vivant, puisque c'est chaud et ça respire. Sa tête est posée sur un torse et il bave allègrement sur le tee-shirt de ... Bunnybro, ouais c'est forcément lui. Il tend une main poussiéreuse pour palper le visage - sans aucune délicatesse - de son ami, histoire de vérifier sans ouvrir les yeux.

Nouveau grognement. Il a la mâchoire qui lui fait mal, qui tire de partout signe qu'il a crissé des dents toute la journée, soirée, nuit. Les chewing-gums sont des denrées rares dans ce monde et quand on a de l'ecsta dans les veines, ça manque un peu. Triste vie de camés rigolos. Il se retourne et se redresse. Ses yeux s'ouvrent sur une chambre ravagée.

Il fait la mise au point, difficile, trop lente mais en même temps trop rapide, ça tangue, ça rend nauséeux d'être presque sobre. Il y a sur le sol des gravats, un pan manque au mur face à lui et le papier peint rose pend, arraché par la tempête. Une chambre de petite fille abandonnée comme il en existe des centaines dans cette foutue ville désormais. Il pourrait se foutre de leur gueule à tous les deux. Déjà, parce qu'ils sont dans un sale état, ensuite parce qu'ils sont dans une chambre de fille, à deux sur un mini matelas.

Mais, il n'en a pas le temps, pas les neurones assez activées pour ça aussi. Des pas dans l'appartement où ils se trouvent, des voix qui montent. Acid soupire, envisage de se recoucher et de faire le mort.

- Mec, on a choisi le moins abandonné des immeubles abandonnés. J'suis sûr que c'toi qui l'a choisi, t'as que des idées de merdes.

Sa voix est rauque, un peu cassée. Ils ont sûrement beuglé dans la rue, dans les couloirs pendant des heures - ah qu'il est bon de ne plus se soucier du tapage nocturne. Il se frotte les yeux, passe une main dans ses cheveux sales et lâche un bâillement, pas inquiété le moins du monde par les pas qui se dirigent vers eux.

- Bunnybro, file moi un clope.

Non, définitivement, l'arrivée imminente d'un groupe de vagabonds, probablement armés - parce qu'on est jamais trop prudents dans ces contrées désormais sauvages - lui en touchait une sans remuer l'autre.

bro
bunny & acid

Bunny avait toujours eu le sommeil particulièrement lourd - imperturbable. Il voyageait au-dessus des astres dans un brouillard lacté et grumeleux, visiblement loin de son corps trop lourd - trop bas. Les mouvements du corps de Acid n'y avaient rien changé, et c'était à peine s'il avait remué un sourcil ; presque comme s'il était mort. Il lui faut plusieurs minutes de plus que lui pour se sortir de sa torpeur, dans un grognement sourd et le plissement excessif de l'arête de son nez.

« Merde, on est où ? »

On est quand et on est comment auraient été des questions avec autant de sens que celle-ci.

Bunny s'était relevé sur ses coudes, les yeux pris d'une sécheresse intense, au même titre que sa langue ou son palais. La moiteur de toutes ses muqueuses le rendait pâteux.

« Oh, hé, me prends pas la tête dès le matin. »

Ou dès le soir, il ne savait plus bien, finalement. Quelle heure était-il, même ?

Il termina de se relever, assis les deux jambes pliées devant lui, et mastiquant dans l'air comme pour débloquer sa mâchoire. Il passa une main pleine de paresse dans l'une de ses poches avant de tendre une clope à Acid. Bunny avait toujours de quoi faire sur lui, mais il était étonné qu'il lui reste autant dans son paquet s'ils avaient festoyé la veille.

Était-ce la veille ? Depuis combien de temps étaient-ils là ?

Il avait extirpé une clope pour lui-même et avait sorti son allumette, la tendit encore allumée à Acid, sans faire attention aux bruits qui se faisaient de plus en plus forts. C'est qu'il avait les oreilles qui bourdonnaient, Bunny. Alors quand il tira sa première taffe et qu'à travers la fumée qu'il rejeta il aperçut les silhouettes de trois pecnos perdus mais armés, il haussa les sourcils.

« Gros j'ai encore des hallus je cr-
Donnez ce que vous avez »

L'ordre avait été donné de manière si distincte que ça l'avait pris de court. Bunny, au dépourvu, avait ricané, puis fini par rire à gorge déployée. Presque à en pleurer.

« Ahahah mais vous êtes pas crédibles les gars, pouah... »

Encore un peu euphorique de tout ce qui se traînait dans son sang, il sursauta lorsqu'un coup de batte de baseball défonça l'encadrement de la porte.

« Tout de suite ! »

Ah, il venait d'allumer sa clope.
Gâcher des ressources c'était pas vraiment un plaisir, pour Bunny. Il râlait d'avance.

« Ok, ok... »

Il tira une taffe, adressa un regard complice à son acolyte, et se leva.
En se pointant devant les trois perdus qui lui cherchaient des noises, ils devinrent bien pâles, car Bunny faisait au moins deux têtes de plus qu'eux.

« Soyez pas impatients, hin hin... »

Une autre taffe.
Une enjambée.

do it like a pizza

Les yeux qui collent encore de sommeil et de poussière. C'est dur de se réveiller quand on est une pente qui descend, descend vers une sobriété un peu trop ennuyeuse. La langue sur le palais qui patauge dans une salive aussi épaisse que du mortier, l'haleine d'un chacal putréfié.

Bunny râle, Acid l'ignore. Il ignore souvent les gens qui râlent - sauf Chanel, parce que Chanel est chiant quand il s'y met. Et puis, c'est Bunnbybro, il râle uniquement pour la forme. Parce que c'est le matin et qu'on a la tête dans le brouillard.

La clope change de main et la flamme du brique et lèche le bout. La fumée envahit le corps. À bien y réfléchir, Acid respire probablement plus de cette poussière de feu que d'air pur. Un rire débile et rauque s'échappe de sa gorge. Des hallus, soit ce shlag avait repris un para sans lui, soit ...

Les hallus de Bunny parlent, perdant ainsi leur statut de semi-rêve envoyé par on ne sait quel psychotrope. Hélas pour elles, les hallus-qui-n'en-étaient-plus avaient eu le malheur de tomber sur le duo d'abruti le moins impressionnable d'Arcadia. Acid joint son rire à celui de Bunny, les épaules qui se secouent alors qu'on contemple les trois clampins qui s'avancent, batte de baseball en main.

Le rire d'Acid s'amplifie quand la batte percute le cadrant de la porte. C'est si drôle qu'il en a mal aux côtes. Ce gars a vu trop de films avant le chaos et se croit intimidant.

- 'tention au mobilier s'te plait, on y tient. qu'il hoquette entre deux éclats d'hilarité.

Bunny se lève et le regard qu'ils échangent s'accompagne d'un sourire carnassier. Acid le suit et les deux géants surplombent leurs adversaires avec un flegme déconcertants. Les visages pâlissent alors qu'Acid coince sa clope entre ses lèvres. Tire une taffe.

L'instant est suspendu. Acid lâche un soupir.

- Dommage. J'aurai bien aimé la finir.

Et d'un geste bien plus vif que ce que laissait présager son état, il écrase le bout brûlant, les braises incandescente sur la main du batteur qui lâche son arme en hurlant. Acid s'en saisit et repousse le blessé d'un coup de batte dans le ventre avant de la poser sur son épaule, nonchalamment appuyé contre la chambranle de la porte.

- C'pour le mobilier, on y tient vous comprenez.

Il se répète, ravi d'être débile, alors que les autres hallus récupèrent leur potes et sortent des couteaux de cuisine d'un air menaçant. Ah, ils ont l'intention d'émincer du pirate défoncé, vaste programme.

bro
bunny & acid

Bunny, lui, ne s'était pas détaché de sa clope. Il avait regardé son acolyte faire, sans s'encombrer d'aucune compassion ou d'empathie pour le bougre qui devait avoir sacrément mal en face d'eux. Bunny était bien trop perché pour comprendre tout à fait ce qui leur arrivait, mais s'il y avait une chose qu'il pouvait faire peu importe son état (même en dormant, c'est dire), c'était se battre. On aurait dit qu'il était né pour ça. Alors, à la vue de coutelas qui, définitivement, n'étaient pas faits pour trancher de l'humain (du lapin, à la limite), il s'esclaffa.

« Vous les tenez même pas bien, vous êtes ridicules. »

La tempête avait eu la bonne idée de faire croire aux petits gens qu'ils étaient tous destinés à être des héros. Mais Bunny avait trempé dans ces milieux désastreux et pleins de violence depuis trop longtemps que pour être mis en déroute par des débutants.

Parfois il lui arrivait d'imaginer ce qu'ils étaient avant. Ceux-là devaient être étudiants, à réchauffer leurs nouilles instantanées au micro-ondes et pleurer parce que leur petite-amie au nom à coucher dehors avait perdu son cacatoès dans la nature. Bunny, à cet âge-là, ne pleurait même pas lorsqu'il avait pris une balle dans l'épaule.

« Fait chier. »

Il jeta sa clope lorsqu'un des deux clampins se jeta sur lui. Il attrapa le poignet de ce dernier, le débarrassa du couteau de cuisine qu'il jeta plus loin. Bunny n'était pas un assassin, il ne l'avait jamais été. Il se contenta de ses poings pour au moins casser le nez du pauvre imbécile qui s'était aveuglément jeté dans une mêlée forcément désespérée. Son collègue s'était jeté sur Acid, et Bunny n'avait même pas besoin de regarder pour savoir qu'il avait subi le même sort.

Ils se confondaient en jérémiades plaintives qui se voulaient menaçantes, mais c'était eux qui pissaient le sang, ni Bunny, ni Acid.
Bunny avait continué de frapper.
Fort, trop fort.
S'il y avait quelque chose qu'il supportait mal, c'était bien qu'on le sous-estime. Ca lui donnait envie de prouver sa suprématie. Et son ascendance, en l'occurrence, il la prouvait avec des coups - des os fracturés. Bunny, lorsqu'il commençait à se battre, avait toujours l'air d'un animal.

Habituellement, c'était Bones qui l'arrêtait. Mais en l'état, il s'acharnait. Il entrait dans une transe malsaine, noyé de violence et d'hystérie. Il riait.

do it like a pizza

Lourde soirée

w/ Bunny Bro

Aucune empathie, aucune pitié. Pourquoi s'encombrer de ça ? C'est eux qui avaient commencé après tout. Ils ne faisaient que leur rendre la monnaie de leur pièce, et trouver une excuse pour faire passer la redescente. La pente est rude mais on a l'habitude de la dévaler en rouler bouler pour choper la prochaine fusée, le prochain avion pour la stratosphère.

Les deux survivants pointent devant eux leurs armes tremblantes. Acid sourit, il a été cuistot pendant suffisamment longtemps pour reconnaitre une lame ébréchée et mal aiguisée. Il claque de la langue, et ça sonne comme une menace alors qu'il est juste moqueur. Pas besoin de paraitre menaçant, il l'est tout simplement.

- Ça coupera que dalle votre machin, la lame est foutue.

Bunny râle, mais prend le premier assaillant à bras le corps, il le percute avec force et les coups s'enchainent avec précision. Acid sait qu'il ne le regarde même plus, il n'en pas besoin. Bunny est une bête quand il se bat. Acid est un serpent, il fait tomber son adversaire alors que ses poings dégagent l'arme de fortune pour s'abattre sur la mâchoire, faire cracher quelques dents. Dommage, ça sert ces merdes-là.

Il chope le gars par les cheveux et le traine à côté de son pote qui tient toujours sa main brûlée et son ventre. Et finalement, il a eu de la chance, c'est lui qui s'en sort le mieux. Le pire, le pire, c'est celui de Bunnybun. Ne pas se fier au lapin. Dans Sacré Graal, le lapin est redoutable, le bro c'est un peu le lapin dans Sacré Graal en fait.

La main toujours dans la tignasse gémissante du gars, son pied sur les côtes de l'autre qui appuie, qui vole le souffle pour le maintenir à terre, chasser chez lui toute velléité de rébellion, Acid sourit. Le rire de Bunny résonne. C'est le signal. Il sait, il connait bien depuis le temps. Il lâche le gars sur le sol, il racontera sa vanne après. Tant pis.

- Bunny.

Voix forte, presque un ordre. On ne l'entend pas souvent cette voix.

- Stop tu vas le tuer. Bunny !

Il s'avance et chope son poing au vol. Contracte tous ses muscles. Il fait plus d'efforts là qu'en démontant les deux autres, quelle merde. Leurs yeux s'affrontent un instant. Puis, Acid redevient stupide.

- Mec, j'ai pensé à un truc de ouf, t'es un peu comme le lapin de Sacré Graal, genre il est grave mims et tout mais en vrai, il tue des chevaliers. Avec ses dents et tout.

On espère la transe rompue. On est un peu faya encore, on sait plus bien faire, déso bro.

Halloween