clothed with the sun ☼ pellinor

Le chant des oiseaux accueillant l'aurore se faufile par la fenêtre ouverte, empli la pièce et lentement fait battre ses cils. Tout comme elle le soleil peine encore à se lever, nimbant les meubles d'une clarté bleutée promesse de beau temps. Derrière elle, une respiration régulière s'ajoute à la symphonie matinale.

Le lit (de récupération, comme tellement de choses maintenant) est trop petit pour deux adultes confortablement installés. Il oblige les peaux à se frôler, les jambes à s'entre-mêler, on y repousse sans arrêt des cheveux et y respire sans arrêt des odeurs. Autrement dit, il est parfait.  

Ant reste un moment immobile, à savourer la sensation du souffle qui s'écrase sur son épaule tandis que le mobilier prend une teinte de plus en plus clair autour d'elle. Puis le chant du merle s'élève à nouveau, plus fort, et avec un soupir étouffé elle se décide à lui obéir.

Ramassant quelques vêtements éparpillés pour se couvrir, Ant se déplace sans un bruit jusqu'à l'établi qui lui sert de cuisine. Contraste saisissant d'une carrure sans douceur et d'un pas de ballerine, le plancher pourtant grinçant reste muet sous ses pieds. Elle qui n'a toujours eu que trop bien conscience de sa place dans ce monde, l'ombre gigantesque qu'elle y projette et les contours trop larges de ses épaules ; de sa honte exacerbée, elle en a fait une délicatesse. À gestes précis et discrets, elle rempli une casserole d'eau de pluie filtrée et la met à chauffer sur le réchaud qu'elle a récupéré d'un magasin de camping. En temps normal elle aurait préféré en économiser le gaz et descendre aux cuisines, mais c'est une journée particulière.

Elle ouvre la porte de la petite maison, s'avance sur la terrasse encore sans rambardes pour goûter l'air du petit matin. Elle est secrètement contente, Ant. De ces petits riens, ces petites attentions. Ce besoin d'atténuer les sons et chuchoter les sourires ; elle est habituée à ce quotidien où l'on se croise et où l'on s'entasse, où on apprend à vivre doucement pour mieux ménager les autres.
Popi qui n'a toujours vécu qu'en famille et qui s'est vue son foyer arraché. Ant qui n'a toujours dormi qu'en dortoir et qui fatalement se retrouve avec le luxe d'une maison individuelle. L'intimité de la solitude est agréable, mais parfois elle se demande si elle vaut vraiment la chaleur du nombre.

Les rayons du soleil finissent par percer entre les feuilles des arbres et Ant sent sa poitrine se remplir d'une gratitude toute pieuse devant ce spectacle. Elle se gorge un instant de lumière, puis retourne à l'intérieur au son de l'eau en train de bouillir. Dans le lit des cheveux roux brillent et s'agitent (et sur sa tête couronnent douze étoiles) et c'est un sourire qui étire ses lèvres en retour.

Oui elle est contente, Ant. Même si elle sait au fond d'elle qu'il y a toujours quelque chose à craindre, comme cette discussion qu'elles n'ont pas eu la veille et qu'elle appréhende ; il y a aussi tellement à apprécier. Comme se réveiller une douce matinée d'août auprès d'une amante qu'on apprécie.

« Bonjour. » Elle dépose l'eau, deux tasses et deux récipients sur la table en bois mal dégrossie. Du café instantané (immonde) pour elle et du thé (durement trouvé) pour Dorothy. « Bien dormi ? »

Oui, c'est une belle journée.
Et même si quelques nuages doivent y défiler, Ant ne peut imaginer comment elle pourrait être gâchée.