I want to heal, I want to feel [PV : Almace - Date calendrier 1/11/Terminé]

I want to heal, I want to feel

Ft. @Cursed

C’est idiot.

C’est idiot comment un simple bout de papier peut mettre un tel coup au moral, juste quelques mots qui ressortent sur une suite de phrases qu’il ne sait déchiffrer. Il est loin, bien loin d’être un médecin alors le plus gros qu’il lit sur cette feuille, il ne les comprend pas. Les chiffres et les expressions, il ne sait les analyser ou les décrypter alors il laisse parler la doctoresse en face de lui, lui n’a que ses yeux braqués sur cette page. Elle résume ce qui s’est dit, ce qui s’est fait.

Une découverte fortuite une semaine plus tôt suite à une prise de sang tout à fait banale, puis une suite d’examens pour confirmer, affirmer, décrire. Prévoir un traitement également. Il fait la moue à cette idée, il n’a jamais aimé les cachets. On continue de lui parler, lui tourne les feuilles en essayant de comprendre mais son esprit n’est qu’un immense trou noir. On lui parle de ses prises de sang, détection d’une anomalie - “grandes cellules immatures et taux élevé de globules blancs” - puis de sa ponction médullaire et biopsie de moelle osseuse - il grimace à son simple souvenir. On lui parle soudainement d’une anomalie génétique - “Chromosome de Philadelphie”, il ne sait de quoi il s’agit mais il comprend que c’est génétique - et là il réagit enfin, réponse d’un enfant qui s’inquiète trop peu pour lui-même.

- J’ai un jumeau.

C’est acquis, lui répond-on comme s’il allait comprendre immédiatement de quoi il en retournait, alors on lui explique. Ce n’est pas une anomalie présente à la naissance, c’est quelque chose qui apparaît au cours de la vie possiblement parce qu’il fumait encore comme un pompier quelques mois plus tôt, bien peu de chance pour que son jumeau monozygote la possède également. Mais on vérifiera quand même, dans le doute.

Il hoche lentement la tête.
On embraye sur le traitement.

Encore des mots qu’il ne connaît pas ou ne comprend pas, des noms de médicament, de molécules et des posologies qui rentrent par une oreille pour ressortir par l’autre. Lui, dans le trou noir actuel de son esprit, ne s’occupe que d’une chose : Je vais perdre mes cheveux ? C’est un effet secondaire, effectivement, lui dit-on. Cette réponse ne lui plaît pas. Finalement on le laisse enfin maintenant que tout est expliqué, mais on lui redonne un rendez-vous pour début novembre, le 5 novembre afin de parler plus en détail du traitement et enfin de le diriger vers un centre de soin plus compétent, probablement Portland qui possède un service oncologie.

Cinq minutes plus tard, le voilà en-dehors de l’hôpital et de ses salles blanches emplies d’une odeur de désinfectant. Il a un gobelet de café dans la main et ses papiers dans l’autre, il ignore comment il en est arrivé là. Son esprit est encore bien trop parasité, il ne fait plus vraiment gaffe à ce qui se passe autour de lui.

Un cancer.
Ça n’arrive qu’aux autres, normalement.
Ça aurait parfaitement pu être son voisin.

Il se frotte les yeux, dégoûté d’avoir pu avoir une telle pensée. Puis il reprend pied comme il le peut, il songe à appeler son frère mais à défaut, il se contente de lui envoyer un simple SMS. Ils se verront plus tard dans la journée afin de pouvoir en discuter plus calmement, Wilhelm n’est pas encore au courant, Etham avait pris soin de cacher ses divers rendez-vous médicaux à son jumeau. Il se bouffe la lèvre inférieure à cette pensée, puis il souffle.

Et son attention est attiré.
Un jeune qui s’éclate la main contre le capot d’une voiture.
Il hurle au téléphone.

Situation familière.

Il plisse les yeux alors que leurs regards se croisent, l’autre raccroche et s’avance vers lui d’un air menaçant. Une question résonne, Etham renifle d’un air arrogant. Il n’apprécie pas ce ton ou ces mots et pourtant, quelque chose le pousse à ne pas juste l’ignorer. La sensation de déjà-vu ne quitte pas le creux de son ventre.

- Si tu continues, tu vas te blesser, fait-il d’un ton étonnamment calme et paternaliste. Il pointe par ailleurs sa main, comme pour continuer sur sa lancée. Regarde, tu... Il fronce les sourcils, quelque chose ne va pas. ... Saignes ?

Mais sa main, certes rougie, est vierge de toute égratignures ou de blessures. Il ne saigne pas. Alors pourquoi en était-il persuadé ?

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Ft. @Cursed

Je saigne ?
Il saigne ?

Etham fronce les sourcils en fixant ses doigts, il en était pourtant persuadé de voir ses doigts et ses phalanges blessées, en sang à cause des coups frappés sur la toile de la voiture. Mais finalement il se persuade : il a mal vu, n’a-t-il pas la tête ailleurs après tout ? Il serre ses doigts sur les papiers qu’il tient dans la main, papiers encore dans une petite pochette de protection afin qu’on ne le puisse pas lire, afin que les résultats ne soient visibles à le vue de tous. Il soupire, à dire vrai il n’a pas vraiment la volonté de répliquer face à ce doigt d’honneur qui se dresse devant ses yeux alors il soupire de fatigue, sur le point de partir pour rentrer chez-lui un moment avant de revenir dans cette ville pour visiter son jumeau.

Pas la peine de me regarder comme ça, fait l’autre. Il hausse un sourcil, Etham, à demi-surpris de ces mots alors que voilà déjà un moment qu’il ne le regarde plus. Et puis à quoi s’attendait-il ? Il frappait une voiture au milieu de la rue, comment souhaitait-il que les gens le regardent dans ces conditions ?

- Te regarder comment ? lui demande-t-il donc.

Il semble toujours très calme, très posé alors qu’il est juste fatigué en vérité. Il souhaiterait juste s’allonger et dormir quelques heures pour se reposer. Voilà ce dont il a besoin : du repos, beaucoup de repos.

Peut-être sortir de ce cauchemar ?

- J’ai mal vu, s’explique-t-il donc avec cet air toujours épuisé. Il faut avouer qu’on pourrait s’y attendre en frappant une voiture à main nue.

Il hausse les épaules simplement avant de se détourner, retourner le regard dans le fond de sa tasse de café, boisson qui lui avait tant manqué - pourquoi cette pensée ? - alors il en boit une gorgée, noir et serré comme il l’aime. Il serre ses papiers dans sa paume alors qu’un téléphone sonne et que son regard se retourne vers le jeune. Son téléphone, c’est lui. Mon Amour, entend-il alors et soudainement, il sent sa poitrine se serrer pour ce jeune homme qu’il ne connaît pourtant ni d’Eve ni d’Adams. En est-il si sûr ?

Il renifle alors que son téléphone sonne à son tour. SMS de son frère, qui répond bien rapidement après son propre message et il voit directement dans son message qu’il se doute, qu’il se doute de quelque chose. Il pince les lèvres, Etham, car il aurait dû s’y attendre n’est-ce pas ? Ils se connaissent trop bien l’un l’autre. Sifflement qui sort du fond de sa gorge alors qu’il range à son tour son téléphone dans sa poche arrière. Il avisera plus tard.

Il lance un dernier regard fatigué au jeune homme avant de hausser les épaules à son tour. Mêmes problèmes apparemment, sans pourtant qu’ils ne le sachent. Mais il ne dit rien, il se contente de hausser les épaules. Et il se dirige alors vers un banc non loin de l’entrée. Il a soudainement le besoin de s’asseoir, de se poser alors c’est ce qu’il fait.

Ses papiers entre les jambes.
Et son café entre les doigts.

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Ft. @Cursed

Fatigue.
Fatigue.

Il n’aime pas ce sentiment, celui de ne rien contrôler, de ne rien pouvoir faire si ce n’est attendre patiemment, si ce n’est compter sur autrui, sur des thérapie. Alors il renifle, il se demande si c’est tombé sur lui uniquement parce que c’était un abruti, uniquement parce que c’était un sale con. On lui a bien assez de fois répété, et peut-être est-ce vrai finalement ? Ne le mérite-t-il pas ? Peut-être.

Il souffle, fixe sa tasse de café.
Elle est presque vide.

L’autre s’assoit à ses côtés sans qu’il ne l’entende, il ne finit par s’apercevoir de sa présence uniquement parce qu’il tourne un moment les yeux vers lui. Mais il ne dit rien, il se questionne juste sur le pourquoi. Pourquoi vient-il s’asseoir ici alors qu’il semblait si énervé à peine quelques secondes plus tôt ? Et pourquoi lui-même ne se lève pas de ce banc pour partir à son tour, lui qui a désespérément besoin de solitude. Il souffle à nouveau.

Fatigue.
Fatigue.

- Une maladie à la mode ? rigole-t-il avant de se prendre la tête entre ses mains. Il serre à nouveau dans ses mains ses quelques papiers, car pour le coup il n’arrive pas à le contredire alors qu’il le voudrait. Une maladie à la mode et un ramassis de mauvaises nouvelles.

Et pourtant, il voudrait se convaincre du contraire, car c’est bien à l’hôpital qu’il a vu pour la premier son filleul, après l’accouchement d’Helena. Ce fut une assez bonne chose à ses yeux pour qu’il parvienne à sourire, un sourire perdu et triste qui n’atteint pas ses yeux, alors que le jeune homme plaisante à son tour à propos d’un traitement qu’il suit. Le sourire d’Etham s’évanouit rapidement à ces mots. Il n’aime pas les cachets et il sait qu’il va devoir en prendre désormais.

Il déglutit à cette idée.

- C’est un cancer, balance-t-il soudainement d’un ton neutre. Paraît que c’est à la mode.

Il hausse les épaules.
Les cancers, ça n’arrive qu’autres normalement.

Il boit une gorgée de son café et secoue ses papiers en soupirant sur le buée de son gobelet. Soupir, soupir. Il vient tout juste de l’apprendre, il vient tout juste de le confirmer alors il est encore ailleurs, Etham. Ailleurs, absent, fatigué, épuisé. La nouvelle lui tombe dessus petit à petit, et ce sera probablement encore plus le cas tout à l’heure, lorsqu’enfin il l’annoncera à ses proches.

- J’ai pas hâte des cachets, se plaint-il alors, toujours un petit rire froid dans le fond de sa voix. C’est comment ?

Il lui demande sans savoir pourquoi, si ce n’est qu’il n’y pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il est sous traitement, pour lire entre les lignes. C’est idiot, pourquoi tenter de se rassurer désormais ?

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Ft. @Cursed

C’est la merde.
Ces mots lui arrachent un sourire, car lui-même n’aurait pas mieux dit. C’est la merde, qu’il soupire comme pour confirmer alors que ses mains secouent doucement son gobelet de café donc il commence à voir le mac sédimenter dans le fond. Il devient froid, songe-t-il avec une moue déçue sur les traits. Il n’aime pas le café froid.

- Ça semble joyeux aussi, commente-t-il plein d’ironie parce que des anti-dépresseurs et des anxiolytiques, ce n’est pas la panacée non plus. Il renifle, amer.

Il ne parvient même pas à rire à la blague qu’il entend parvenir à lui, une blague sur les cheveux qui lui arrache à peine un sourire malheureux. C’est qu’il y tient à ses cheveux mine de rien, alors il passe une main dans sa tignasse qui doucement commence à grisonner sur les tempes - plus qu’il ne voudrait l’admettre en vrai. Mais son sourire s’efface lorsqu’il ramène sa main devant ses yeux, s’imaginant une touffe de cheveux perdue dans la paume de celle-ci.

Et l’autre lui parle de ses pertes de mémoire.
Joyeux aussi.

Il boit une nouvelle gorgée de son café, et il grimace juste après. Comme attendu, il est devenu froid et c’est là bien dommage pour lui. Il irait bien en recherché un nouveau, il semble en avoir excessivement besoin avec ce manque étrange dans le creux de son ventre. Et le jeune lui tend alors la main.
Shaun pas comme le mouton, se présente-t-il.

- Ce foutu dessin-animé, plaisante-t-il alors que des images de son neveu, devant la télévision et repassant ce truc en boucle, lui reviennent. Il doit avoir à peu près son âge, songe-t-il tout en lui serrant à son tour la main. Alma- euh Etham.

Il se présente également, sans vraiment savoir d’où vient ce premier prénom qu’il lui donne, pas le sien de toute évidence car voilà cinquante-trois qu’il le porte et sauf erreur de sa part, il ne l’a jusque là pas encore oublié. Il secoue la tête de droite à gauche pour reprendre ses esprits avant de serrer la main de Shaun pas le mouton d’une poignée ferme et brève, d’une main douce, presque une main de bureaucrate, où seuls se trouvent quelques cicatrices restes de quelques fouilles maladroite de ses années de jeunesse.

Nouvelle sonnerie de téléphone.
Le sien. Un nouveau SMS de son frère.

- Mon frère... marmonne-t-il en jetant un regard rapide sur son portable avant de le ranger. Il ne lui répond toujours pas bien qu’il sache parfaitement que ce comportement va finir par l’agacer. Il sait pas encore mais il se doute, le bougre.

Il lâche une moue agacée durant un court instant.
Puis balance son gobelet de café à demi-vide dans la poubelle non loin.
Il est froid de toute façon.

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Ft. @Cursed

La fumée de la cigarette parvient jusqu’à lui et immédiatement, le voilà qui se tend car après tout il n’a arrêté qu’il y a quelques mois à peine, alors le manque le tient encore dans le creux des tripes et l’odeur tire sur la corde sensible. Il renifle en essayant d’en détourner les yeux afin de ne pas trop l’avoir, en essayant de résister à l’envie de lui en demander une ne serait-ce que pour se détendre. Il en aurait bien le droit, n’est-ce pas ? Après toute cette journée ? Et pourtant il parvient à se retenir, car c’est probablement à cause de ces merdes qu’il en est là aujourd’hui. Rien est moins sûr mais c’est bien ce que les médecins nomment un facteur aggravant, n’est-ce pas ? Alors il déglutit et évite soigneusement de la regarder trop longtemps, sans pour autant parvenir à s’empêcher d’inspirer la fumée qui vient jusqu’à lui.

- Mais j’y tiens à mes cheveux, moi, se plaint-il alors à la manière d’un enfant qui a grandit trop soudainement, lorsque le jeune lui assure qu’il s’est bel et bien rasé les cheveux et qu’il ne sont pas tombés seuls, par l’opération du Saint-esprit. Je veux pas les voir tomber...

C’est au même moment qu’il reçut son SMS, son frère encore qui demande des détails, des explications, des nouvelles car il se doute que ce n’est pas rien, que ce ne sera pas une joyeuse nouvelle qu’Etham va lui annoncer dans la soirée. Et ce dernier pince des lèvres, ne lui répond pas - pas encore, pas de suite - et range son téléphone après quelques commentaires sur sa famille et son frère parfois trop perspicace.

C’est le grand ?
Il aurait bien envie de dire que oui, juste pour la blague que tous-deux se traînent depuis l’enfance, car Wilhelm est effectivement plus âgé de vingts minutes, vingts minutes qui font facilement basculer le cinquième jour du mois au sixième. Des jumeaux qui n’ont pas la même date de naissance, ça étonne toujours.

- C’est le même, se contente-t-il finalement de répondre en haussant les épaules car voilà la seconde vérité : ils sont identiques, jumeaux monozygotes uniquement distinguables par qui les connaît bien ou par un grain de beauté dans le cou d’Etham, apparu durant sa jeunesse et ses premières fouilles sous le soleil de plomb du Moyen-Orient.

Wilhelm commence à s’appâter aussi.
Une boutade qui revient régulièrement entre eux désormais.

En revanche, il oublie consciemment de préciser son âge car il annoncerait également le sien et voilà une idée qui ne lui plaît guère. Cinquante-trois ans déjà et cinquante-quatre dans quelques mois. Il souffle brusquement par les narines en y songeant alors qu’encore, l’odeur de la cigarette le titille. Il passe une main dans ses cheveux, essayant tant bien que mal de l’oublier, avant de jeter son café froid dans la poubelle non loin.

- Le café froid, boisson de Satan, annonce-t-il dans une tentative médiocre de faire de l’humour alors que déjà le voilà qui regrette son geste.

Car il a une main de libre désormais, une main qui pourrait aisément tenir une clope entre ses doigts et Shaun à côté n’en a-t-il pas en sa possession ? Il déglutit à nouveau en la fixant d’un regard semi-envieux, passe à nouveau sa main dans ses cheveux, inspire et finalement...

Il craque.

- T’as pas une clope ? finit-il fatalement par demander.

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Ft. @Cursed

Des jumeaux ?
Il hoche simplement la tête, de haut en bas et bien rapidement comme s’il voulait passer sur ce fait en une seconde. Oui c’est bien son frère et oui, ils sont bien jumeaux. Voilà, c’est tout. Que pourrait-il rajouter à cela après tout ? Son portable a pour le moment arrêté de vibrer dans sa poche arrière, les SMS se sont tus mais pas pour longtemps, il le sait, il l’appréhende déjà, Etham. Son jumeau, il le connaît beaucoup trop, il sait bien qu’il serait capable de venir le chercher par la peau du cou, le ramener chez-lui par la force ou bien faire une scène devant tous ces gens sans aucune notion de pudeur. Son frère, en somme.

- Merci, remercie-t-il Shaun lorsque ce dernier lui donna la clope demandée. Il l’allume avec le briquet gracieusement tendu, tire un court instant sur la cigarette avant d’être perdu dans une quinte de toux. Ça fait longtemps... se justifie-t-il la voix rauque.

Quelques mois déjà, et le voilà qui retombe dans ses vices premiers, une addiction qui lui tient encore le ventre malgré le sevrage. Il est finalement bien faible, songe-t-il en essayant de fumer une nouvelle fois. Nouvelle quinte de toux, plus légère cette fois mais tout de même un putain murmuré sort de ses lèvres alors qu’il fixe la cigarette d’un regard de défi, comme s’il voulait lui montrer qu’il était plus fort qu’elle. Pourtant, c’est bien lui qui la fume.

- Ouais, je vais lui en parler ce soir... marmonne-t-il à Shaun. Si je le fais pas, cet idiot serait capable de m’engueuler.

Rire froid qui sort de ses lèvres, mais également un rire étonnamment sincère. Parce que mine de rien, il l’aime bien l’idiot en question, quand bien même il se doute déjà de sa réaction. Et c’est bien là ce qui est amusant à ses yeux, s’il ne peut rien cacher à son frère, l’inverse est vrai également.

Il laisse sa clope se consumer entre ses doigts.
Il faudra aussi prévenir son neveu préféré et seul neveu, ceci-dit.

Il renifle soudainement en écrasant la cigarette à peine commencée sur l’accoudoir du banc sur lequel il est assis. Il soupire en la fixant, à moitié déçu et à moitié fier. Un point pour lui et zéro pour le tabac, se dit-il à la vu du bout fumant mais bel et bien vierge de toute lueur rougeoyante. Mais il ne va décemment pas la jeter alors il la tend à nouveau au jeune à ses côtés.

- Désolé, je suis censé arrêter.

Une excuse bien inutile que voilà, il y a peu de chance pour que Shaun ne se décide à la fumer à nouveau par-dessus. Mais sait-on jamais alors il la lui rend puisqu’elle est à peine entamée.

- Marié ? demande-t-il alors soudainement en pointant du menton l’alliance qu’il voit pointer à son annulaire gauche.

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Ft. @Cursed

- Ouais, il aura sûrement raison de m’engueuler...

Il concède, Etham. Car depuis une semaine, il ne lui a rien dit, rien précisé, il lui a tout caché de ses visites à l’hôpital, de ses doutes, de ses examens. On dit que les jumeaux ont un sixième sens, ce lui de sentir lorsque l’autre va mal mais c’est totalement faux, car si désormais il se doute, Wilhelm, c’est bien parce que son frère a employé un ton grave dans ses messages. Mais jamais ils n’ont ressenti ce sixième sens, aussi proches soient-ils l’un de l’autre.

Et finalement, il lui rend sa clope.
Quelle idée de la fumer, quelle idée de l’avoir allumée.
Elle avait déjà gagné à ce moment-là.

- Fiancé, uh ? questionne-t-il en réponse à cette affirmation donnée à peine une seconde plus tôt. Il souffle un peu du nez, peut-être un peu hypocrite alors qu’il repense brusquement à May et à leur mariage catastrophique. Il se doutait déjà de l’issu avant la cérémonie pour tout dire, jamais il n’a su être fidèle, concept bien trop flou pour lui qui n’a jamais vraiment compris le principe d’exclusivité.

Il y a moins d’un an, précise-t-il.
Il hoche la tête comme s’il savait quoi lui répondre mais il ne lui dit rien, il ne voudrait pas briser ses espoirs, chaque histoire est différente il est vrai, et puis dans la sienne ce fut bien lui qui a été un gros con. Alors il ne dit rien, il hoche la tête et voilà tout. Il le regarde jouer avec son alliance tandis que la trace blanchâtre de la sienne a fini par disparaître avec le temps. Aujourd’hui, May est loin et July a la trentaine, elle-aussi a quitté la ville à la fin de ses études.

- Non, répond-il donc, car il est bel et bien seul désormais. Non, plus maintenant.

Il soupire un peu comme une âme en peine, et ça peut paraître bien idiot car c’est lui qui a provoqué sa propre situation. Mais en vérité, il aimait ces deux femmes, alors il s’en veut à lui-même.

- Divorcé, précise-t-il après s’être rendu compte que ses mots dits plus pouvaient sonner comme bien plus sombre.

Et il hausse les épaules. Il n’a rien d’autre à ajouter.

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Ft. @Cursed

Pas facile, les femmes.
Il lâche un rire soudain, bienvenue et bien rare de sa part, un rire qui résonne soudainement au milieu de la rue et au milieu de cet atmosphère jusqu’alors pesante. Il pourrait bien approuver, il le voudrait également, il est vrai que la communication avec son ex-femme était devenu des plus difficiles peu de temps avant leur divorce. Parce qu’il ne voulait l’avouer, parce qu’elle n’osait demander. Peut-être. Puis il retombe dans son apathie du moment, son téléphone à nouveau vibre dans sa poche arrière. Son frère encore, probablement

Et il l’écoute, le jeune à ses côtés, parler de son job, en parler au passé. L’armée, Etham pince des lèvres. Il n’apprécie pas forcément les militaires, il y a déjà eu affaire et de peu dont il se rappelle, il n’en garde que très peu de bons souvenirs si ce n’est aucun. Alors il renifle du nez mais ne dit rien. Apparemment, ça divorce beaucoup dans l’armée, et ça ne l’étonne qu’à moitié entre les absences et la pression du métier. Lui a eu la chance de rencontrer son ex-femme sur les fouilles, elle était également chercheuse, même zone géographique que lui alors très souvent, ils étaient envoyés ensemble. Ça, ce n’était pas un problème.

- J’suis archéologue, je fais mes recherches à l’université là... il marmonne en pointant vaguement du doigt la direction de l’institut Blackwell. Je suis spécialisé en numismatique, on m’envoyait souvent au Moyen-Orient.

Il hausse les épaules sans plus rien dire, à nouveau son téléphone vibre encore et encore. Trois message d’un coup, il regarde enfin les messages. Son frère, sans grande surprise. Il dit qu’il va venir le chercher, de force et qu’importe ce qu’il en pense, Etham, de la future scène qu’il va lui faire devant tous à l’hôpital.

- Maladie du siècle, comme tu dis... il souffle doucement, Etham en se frottant le crâne. Mais c’est curable à ce stade, au prix de mes cheveux.

Nouveau rire bien plus froid cette fois. Ces pauvres, pauvres cheveux. Ils repousseront, songe-t-il en se bouffant les lèvres alors qu’il a les yeux fixés sur son téléphone. Il soupire, pince les lèvres et le range à nouveau dans sa poche arrière. Son frère a déjà dû démarrer la voiture à ce stade.

- Il arrive, annonce-t-il tranquillement. Puis il précise : Mon frère. Il va me faire une scène.

Il lâche un rire amusé, mais peut-être également à moitié gêné.

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Ft. @Cursed

L’Afghanistan.
Il hausse les épaules, il préférerait ne pas avoir à s’en occuper. Les soldats sont les soldats, les quelques relations qu’il a pu avoir avec eux n’ont jamais été des plus cordiales. Des fouilles à protéger, des artefacts à surveiller, beaucoup se demandaient la raison derrière ces affectations mais il ne faut pas oublier que la culture est l’une des nombreuses choses que fauchent ces conflits. Ce que détruisent les guerres et le terrorisme ne pourra jamais être récupéré, les artefacts sont des denrées limitées qu’il faut conserver. Ne serait-ce que pour les pays puissent se reconstruire une fois la guerre finie, autour d’une identité commune et connue mais également pour le tourisme duquel dépendent de nombreux acteurs de ces pays.

Mais qu’importe.
Il souffle du nez.

La langue arabe à nouveau lui fait penser à son ex-femme, parce qu’il en connaît un bout, des notions comme on dit, il est loin d’être bilingue comme il peut l’être avec le français mais il dirait qu’il sait comprendre et se faire comprendre. May parlait cette langue parfaitement, des origines arabes via ses grands-parents immigrés ici, peut-être pour cette raison qu’elle a également décidé d’étudier cette partie du monde. Etham quant à lui, ce fut pour l’avoir visité durant son tour du monde et son année sabbatique, avant qu’il ne commence son doctorat à proprement parlé.

- La levure de bière, je la bois, annonce-t-il bien calmement, en réponse à l’absurdité évoquée plus tôt. Je me l’étale pas sur les cheveux.

Il semble un peu trop sérieux en parlant, peut-être pas entièrement non plus mais l’idée lui fait rire. Un shampooing à la bière c’est bien une idée de bonne femme, songe-t-il, parfaitement le genre de connerie que May ou July auraient pu lui annoncer.

Et voilà venu le silence, le message de son frère. Il va arriver et c’était prévisible, il prévient Shaun à ses côtés, il n’aura probablement pas envie d’assister à une scène entre Wilhelm et lui. Et voilà donc le silence qui s’en suit entre eux-deux, Etham tend l’oreille, il s’entendrait presque à entendre la voiture de son frère arriver à tout instant. Il oublie à ses côtés la présence du jeune, il fixe entre ses jambes ses papiers qui pendent au bout de sa main. Mais bientôt le silence est brisé, encore il le pousse à parler. Il a de la chance, c’est vrai, Etham de n’avoir aucun secret à porter et une famille prête à l’écouter. Mais il lit entre les lignes que ce n’est pas le cas de tous, comment comprend-il ceci aussi facilement il n’en sait foutre rien pour tout avouer, mais le fait est qu’il comprend ce qu’il en est, comme s’il connaissait Shaun depuis plus longtemps qu’il semblerait.

- On a tous le choix de parler, fait-il en haussant les épaules. Ça dépend de notre volonté et des personnes qui sont prêtes à nous écouter.

Il lâche une moue entendue, sans vraiment savoir pourquoi alors qu’au loin, il reconnaît enfin le son de la voiture de son frangin. Une Toyota gris métallique déboule dans l’allée, il n’a jamais su conduire calmement de toute façon. Etham la fixe d’un œil fatigué alors que son sosie conforme en sort sans délicatesse. Il est légèrement plus empâté, l’âge commence à faire son bonhomme de chemin les rendant tous-deux bien plus distinguables qu’auparavant. Et avant qu’il n’est pu s’approcher, Etham se lève pour se diriger vers lui, plus vite il montera dans la voiture et moins son frère pourra lui faire tout un fromage devant l’hôpital.

Il se contente d’un rapide geste de la main.
En direction de Shaun.