(0211) but this is just a bump in the road (and i promise i'm trying) ○ lollipop

A LITTLE BUMP

Des cris.
Des cris de joie, qui résonnent encore dans le crâne comme une migraine mélancholique quand on se réveille après une nuit une peu trop longue, un peu trop épuisante.
Des éclats de rire qui traînent encore comme une fumée blanche quand on redescend sur la terre ferme, quand on s'y écrase en prenant conscience que tout est terminé.
Quand on ouvre les yeux sur un tableau chaotique, quand on tire son corps comme un cadavre hors d'un lit délabré, pour aligner quelques pas dans un monde qui l'est tout autant.
Il reste incrédule, Lollipop.
Il est tombé à genoux sur le sol, devant son van rouillé toujours grand ouvert, lorsqu'il a demandé la date à un compagnon pirate qui semblait pris dans un malaise tout aussi profond que le sien.
Lundi 2 novembre 2020.
Il le répète en boucle entre deux pensées,
Essaie autant qu'il peut de trouver une explication rationnelle.
De comprendre.
A défaut de pouvoir accepter.
Ça continue de chauffer dans sa nuque, ça tourne comme un film dans sa tête. Tout avait l'air si réel. Comme s'il avait remonté le temps. Comme s'il avait pu sauter dans le passé, un an plus tôt, le temps d'une journée.
D'une journée sans apocalypse.
Un simple aperçu de ce qu'aurait pu être sa vie sans cette foutue tempête destructrice, pour le replonger dans le chaos l'instant d'après.
Il se redresse, claque la porte du petit camion dans un élan d'amertume. Est-ce qu'il a vraiment pu imaginer tout ça ? Les retrouvailles du trio, Léo toujours à leurs coté, Alan avec le sourire aux lèvres et...

"Putain, Alan."

Il fait volte-face, le gamin. Il aurait dû y penser plus tôt. S'il a bel et bien tout inventé, Alan saura le lui dire. Et dans le cas contraire... Il préfère ne pas y penser. L'idée de l'état dans lequel il pourrait retrouver son compagnon de mésaventure fait courir son sang d'inquiétude dans ses veines. Sans perdre une seconde, Beryll attrape sa batte et son skate pour se lancer dans la traversée de la ville étrangement déserte. Il s’époumone pour rejoindre le quartier résidentiel et crache quand il arrive enfin au bas du vieil immeuble en ruine dans lequel se cache le brun. Quelques marches plus tard, il déboule en trombes dans l'appartement pour découvrir un Eight aux yeux perdus dans le vague, si loin de la réalité que le pirate se demande s'il l'a ne serait-ce qu'entendu entrer.

"Putain... Alors tout est vrai."

Ses yeux s'écarquillent de désemparement, ses jambes flagellent d'émotion quand il parle. Mais Eight ne répond pas. Il appelle, se rapproche :

"Alan ?"

Silence radio, encore. Comme si son compagnon d'infortune s'entêtait à se perdre dans le tourment au point d'ignorer les bruits extérieurs à ses pensées.
Ça le fait paniquer, Lollipop. C'est pas la première fois qu'il le voit se renfermer comme ça. En fait, ça fait même quelques temps qu'il a l'air bloqué dans sa propre armoire sombre Eight, quelques temps qu'on essaie d'être là pour lui mais qu'on y arrive pas. C'est ça, qui fait peur. Il a pas envie de le voir sombrer sous ses yeux. Il peut pas l'accepter. Sa gorge se resserre.

"Merde, Alan ! Je sais que tu m'entends, arrête tes conneries ! Pourquoi... Pourquoi tu fais ça ? T'es là à juste, attendre de faner. On dirait que t'effaces toi-même ta putain d'existence pour devenir une espèce de... de fantôme ?!" il laisse tomber sa bâte sur le sol poussiéreux pour serrer le poing et déglutir d'émotion "Pourquoi tu te recroqueville sur toi-même au lieu de... de je sais pas, de parler ?! Regarde-toi, t'es qu'un abruti ! T'as pas le droit de juste te laisser crever ! Ça fait mal et ça transperce le cœur mais t'es encore là ! Et j'suis encore là moi, aussi pour t'aider à avoir un peu moins mal et... Bordel ! C'est tout ce que je peux faire et c'est pas grand chose mais c'est assez pour t'interdire de te perdre dans ton espèce de... labyrinthe de tourments de merde ! Je peux pas te laisser, disparaître toi aussi, pas après... pas après... Léandre... et..."

Sa voix s'éteint doucement.
Léandre.
Ça lui fait tout drôle, de prononcer ce prénom. Ça lui fait drôlement mal, aussi. Comme si le simple fait de l'entendre à l'oral, après tout ce temps à prendre soin d'éviter le sujet, suffisait à remuer un couteau chauffé à blanc dans la plaie de la disparition. Ça freine la colère et l'inquiétude, mais les émotions remontent au galop le long de la colonne vertébrale. Et il doit expirer difficilement un pincement au cœur quand il risque un autre regard vers Eight. Il le sait, qu'il y a un facteur en plus qu'il ne comprend pas ; un quelque chose qui chamboule tout, qui place le brun au bord de la rupture.
Parce qu'il veut juste comprendre, Lollipop.
A défaut de pouvoir accepter.
Dans un soupir tremblant, il s'approche pour s’asseoir à coté de lui sur le lit et fixer le blanc de ses yeux fuyards.

"Parle, dis un truc. Dis-moi c'que t'as dans la tête, dis-moi pourquoi tu veux mourir, dis-moi d'aller me faire foutre. N'importe quoi, mais putain ! Alan, parle-moi... s'te plait."

dato 1 › dato 2 › dato 3

A LITTLE BUMP

Il tremble, Beryll.
Il a aucun argument.
Comment lui en vouloir?
D'un trio imbrisable, ils sont passés à un duo de pantins cassés.
En mille morceaux.
Et il n'a jamais été doué avec les puzzles.
Alors comment lui en vouloir?
Pourtant, il est buté, le sale gosse. Il a toujours refusé de laisser tomber quoique ce soit. Quand on lui dit "non", il entend "cap ou pas cap". Même si ça fait mal. Même s'il doit en crever. Alors quand Alan lui demande de changer de sujet, il serre le poing,

"Non..."

Il regarde le sol, murmure, c'est presque inaudible. Ça lui écorche presque la langue, de continuer de parler après s'être pris un mur aussi haut, aussi épais en pleine face. Mais ça lui écorcherait cent fois plus le cœur, de se taire à ce stade de l'histoire. Alors il inspire, attrape son courage à la volée, répète, hausse la voix.

"Non."

Jusqu'à relever vers Eight un visage déformé par la douleur de l'âme et des yeux larmoyants, prêts à lui déborder dessus à tout instant.

"On changera pas de sujet. On peut pas l'éviter indéfiniment. On peut pas ignorer sa disparition, ni sa réapparition ou, ou bien ce rêve, ou peut importe ce que c'était, c'est trop injuste pour lui. On peut pas faire comme si tout ça s'était jamais passé parce que...!" et la panique recommence à prendre le dessus "Ce serait comme... comme l'enterrer loin de nous. Putain, je sais pas comment te faire comprendre! Alan t'es mon meilleur ami ok, et lui c'était... c'est mon meilleur ami autant que toi. Et il le restera toujours quoiqu'il arrive alors je peux pas faire ça! Je peux pas le mettre de côté et l'oublier. Et je sais que toi non plus."

Il reprend finalement sa respiration, laisse son regard se perdre dans le vide, laisse une larme rouler sur une de ses pommettes.

"J'ai... J'ai jamais été foutu de lui dire ça. De lui dire que c'est mon meilleur pote et que nous trois c'est pour la vie. J'ai jamais été foutu de vous le montrer, ou de vous le dire, ou même de me le dire à moi-même, j'ai disparu pendant trois ans et voilà. Maintenant, il est plus là, et je pense à tous les trucs dont j'aurais dû lui parler et j'me sens... Tellement stupide, putain!" il chasse ragement les larmes de ses joues et plante son regard dans celui de son ami "Je sais très bien ce que tu fais en t'enfermant dans ta tête. Tu ressasses et tu regrettes et tu te demandes ce que t'as fait de mal... Putain, j'fais pareil."

Mais il y a quand même quelque chose qu'il ne comprend pas, Beryll. Quelque chose qui lui échappe, qui affecte Alan plus que ça ne peut l'affecter lui.
Il voudrait tellement deviner.
Réussir à rentrer dans la tête du brun pour savoir ce qui s'y planque, pour faire en sorte qu'il s'ouvre enfin à lui et qu'ils puissent commencer à essayer de s'en sortir.
C'est pas de l'espoir.
Pas une envie d'aller mieux.
Juste un besoin urgent d'avoir moins mal.
Et si leur seule option envisageable est d'être la béquille l'un de l'autre, alors Lollipop est prêt à forcer Eight à s'appuyer sur lui.

"Qu'est-ce que tu regrette de pas lui avoir dit, toi ?"

dato 2 › 11 › 2020

A LITTLE BUMP

On s'attend pas à beaucoup de coopération. On voit Alan mouliner, on pourrait presque voir les pensées courir dans ses iris, et on se demande s'il va un jour répondre, s'il va continuer de se taire et de se braquer, si on va devoir finir par le secouer, par lui taper dessus pour lui faire enfin sortir un son.
On se demande si on est en train de le perdre pour de vrai.
De perdre son meilleur ami.
Son seul ami.
Être seul quand on était seul, ça a jamais fait peur.
Être seul maintenant qu'on a quelqu'un, c'est terrifiant.
Les joues sèchent mais les yeux menacent toujours de déborder, on plante son regard dans celui de son ami, on essaie de passer au travers de la barrière de pensées qui le coupe de la réalité,
On y cherche un signe de vie,
Une raison de ne pas exploser en mille morceaux,
Un indice,
N'importe quoi.
Et puis soudain, il parle. Il vanne - mais à quoi bon tenter de cacher son malaise derrière les rires ?

"T'es con."

Il est amer, Beryll, et pourtant la phrase de son ami lui arrache un sourire déformé par la douleur.
Il a pas tort, après tout.
Ils ont toujours été trois abrutis à pas être foutus de parler. Sous prétexte que les mots, ça fait trop mal. Sous prétexte qu'on est fort, qu'on peut se débrouiller seul.
On s'enterre, on se terre, et la lumière du jour fait mal quand on sort pour enterrer les siens.
Mais Alan, lui, il a toujours eu une tolérance à la douleur inférieure à celle de Beryll. Il le dit lui même, que ça fait trop.
Il se dénigre, se cache derrière ses mains.
Sa voix, elle tremble quand il parle, comme une corde de violon sur le point de lâcher.
Comme une note sur le point de se briser.
Il sait ce qu'il va se passer, Beryll, il veut pas voir ça. Il veut pas le voir sombrer à son tour.
Faut pas pleurer.
Faut pas pleurer,
Lui a lamentablement échoué,
Il veut pas voir les larmes s'échouer
Sur les joues de son ami. Il veut pas voir le désespoir difformer son visage. Il veut détourner le regard, fermer les yeux, s'enfuir en courant, mais il reste là à fixer le bout d'humain recroquevillé à côté de lui. Il le regarde fondre et se décomposer, caché derrière ses paumes tremblantes comme si elles pouvaient le protéger.
Il a l'air plus fragile qu'un avion en papier.
Comme si un coup de vent pouvait le faire plier.
Comme si on pouvait le casser en deux d'un coup de pied.
Alors on réfléchie pas, et des deux bras on l'enlace. Pour étouffer les pleurs - étouffer aussi ses propres larmes,
Pour tenter de contenir toute la douleur,
Pour soigner.
On se demanderait presque ce qu'on est en train de foutre, mais plus rien n'a de sens depuis bien trop longtemps.

"T'as raison. C-c'est bien trop." la voix hoquette, la langue tremble "V-vraiment... Vraiment plus que ce qu'un humain devrait avoir à, à supporter."

Et à contrecœur, il le finit par le lâcher, risquer un regard vers son visage écorché.

"T'es vraiment moche, quand tu pleures."

Il rigole d'un air désolé - mais à quoi bon s'entêter à cacher son malaise derrière les rires ?
Il renifle, essuie ses pomettes d'un revers de manche. Il doit pas être beaucoup plus beau à voir, le sale gosse.
Pas un pour rattraper l'autre.
Mais au moins, maintenant qu'ils chutent ensemble, peut-être que l'un d'eux pourra finir par trouver comment ouvrir ce foutu parachute.

"Tu m'as jamais, jamais vraiment parlé de avant qu'on se retrouve, quand vous étiez que tous les deux. Comment vous avez survécu ?"

L'utilisation du mot survivre fait grincer des dents, mais on l'ignore du mieux qu'on peut.
Peut-être qu'en faisant remonter les souvenirs, on se dit, en faisant remonter les bons souvenirs, on pourra briser les défenses, rentrer dans la bulle, essayer de l'attraper au vol et de le sortir de son néant.
Avec des peut-être, on refait le monde, c'est vrai.
Mais si de toute façon, ce monde est déjà foutu,
Tout ce qu'on peut faire, c'est rebatir par dessus.

dato 2 › 11 › 2020

A LITTLE BUMP

Ça soulage, de pouvoir serrer son ami dans ses bras. Ça réchauffe, de le voir répondre à son attaque. Mais surtout, ça fait du bien de l'entendre se mettre à parler.
Parler pour de vrai.
Arrêter de fuir.
Et pendant une fraction de seconde, il se dit qu'il a peut-être réussi à faire un truc bien, Beryll. Il écoute en espérant que tout ça mènera à du bon. Il imagine fixe le mur décrépit, sourit, imagine les scènes dépeintes par Alan, pourrait presque entendre les voix. Ça ramène en arrière.

"J'aurais bien aimé être avec vous... J'avais déjà rejoint ces abrutis de Pirates à l'époque." ça lui arrache un sourire amer "Ils m'ont recrutés super tôt parce que j'ai tabassé l'un des leurs, je crois que ça les a fait marrer. Mais bon, c'était toujours mieux qu'être tout seul dans le froid. Et c'est dingue que j'ai jamais croisé Léo avant qu'on se croise toi et moi, quand j'y pense !"

La pression dans l'air semble être redescendue un peu. Et même si son ami tient à rester mystérieux, ça le rassure, Lollipop, de le sentir se détendre ne serait-ce qu'un peu. Il sourit, les yeux toujours perdus dans le vide.

"Je comprends mieux pourquoi vous aviez l'air plus... proches ? Qu'avant. Vous avez vécu des trucs-"

Et puis soudain, son cerveau fait un tour complet dans son crâne.
Est-ce qu'il vient bien de dire "plus proches qu'avant" ?
Mais ça veut dire quoi, au juste ? Plus proche que quoi ? S'ils ont toujours été des meilleurs amis, ça veut dire plus proche que des meilleurs amis ? Beryll se rappelle le regard fuyant d'Alan, des mots qui ont l'air bloqués dans sa bouche quand il parle de Léandre.
Impossible.
Il fait des connections.
Il a l'impression de faire des connections ?
Trop de questions.
Il se redresse et regarde le brun, un sourire nerveux logé au coin de la bouche.

"Alan, est-ce que... Est-ce que Léo et toi, enfin..." il déglutit, cherche ses mots "Vous sortiez ensemble ?!"

C'est tellement surréaliste comme question, mais ça semble si évident en même temps, quand on pense aux comportements d'Alan – et Beryll le connaît si bien. Et même si Léandre n'est – n'était – pas le plus expressif des trois, ça pourrait expliquer tout ce que le Pirate ne parvient pas à comprendre.
Une lueur mitigée de peur et d'impatience brille dans ses yeux, à la recherche de la première réaction de son ami.
Faites que ce soit ça.
Et qu'il comprenne enfin.
Mais faites que ce soit autre chose.
Et qu'il ne se retrouve pas face à cette situation.
Il ne sait plus quoi souhaiter, Lollipop.
Il ne sait plus comment espérer.

dato 2 › 11 › 2020

A LITTLE BUMP

Parfois l'univers aime à se jouer des esprits.
Parfois il aime aligner les situations désespérées, et lorsque l'on se rend compte du marais noir dans lequel on s'est enlisé, il est déjà trop tard.

Lorsque Beryll réalise qu'il aurait dû tenir sa langue, il est déjà trop tard.

Alan est là, à coté de lui, et pendant un instant on dirait qu'il a pris la foudre. Il se tétanise, bégaye, emmêle ses gestes dans ses pensées. Alors le pirate comprend. Il se rend compte, que le terrain est glissant, qu'il n'aurait pas dû poser une telle question, qu'elle en soulève bien trop de nouvelles.

"Ok, heu non pour rien j'ai-"

Tu as quoi, Beryll ?
Il a fait une bourde monumentale. Et son ami ne l'écoute déjà plus, se perd dans ses mots, secoue la tête comme s'il tentait vainement de chasser des souvenirs trop douloureux.

Il tremble, comme un p'tit vieux,
comme une feuille morte.

Et Beryll ne sait pas quoi faire. Il a envie de le rassurer, de lui dire que c'est pas grave,
mais il a l'air si fragile, Alan
Beryll a peur de lui briser les os en attrapant ses mains.
Alors il n'en fait rien.
Il reste là, à le regarder, essaye d'articuler, de se rétracter.

"Écoute heu- j'aurais pas dû... 'Fin- t'es pas obligé de, de parler, tu vois..."

Mais le brun n'en démord pas ; c'est presque comme s'il avait besoin de dire ce qui dévore ses pensées. Il prend une inspiration et Beryll attend en suspens, fini par parler et Beryll se décompose.
Lui qui ne savait plus s'il devait espérer une réponse positive ou négative à sa question, le voilà face à un entre-deux des plus destabilisants. Il se lève brusquement, tente d'assimiler l'information.

Il ne sortaient pas ensemble.
Mais Alan l'aimait.

Et il se sent stupide, le sale gosse, de ne pas y avoir pensé plus tôt.
Mais en même temps, ça semble si improbable.
Ils étaient les meilleurs amis du monde,
tous les deux,
(et puis, Léandre est un homme)

Ça fait bizarre, d'entendre ça,
ça fait,
comme un pincement au coeur
(et il ne sait pas pourquoi)
Il ne peut qu'imaginer ce que son ami ressent, Beryll, et pourtant cela suffit à lui broyer la poitrine. Mais Eight ne s'arrête pas là ; il continue de parler, il parle trop, peut-être.
Et les mots qu'ils prononce déchirent les tympans du pirate. Ils se faufilent jusqu'à son esprit, forcent le passage jusqu'à ses émotions, se propagent dans ses veines jusqu'à ses membres.

Et il ne peut le retenir.

Un coup descendant, du poing gauche.
En plein dans la machoire d'Alan.
Il ne réfléchie plus, Beryll. Ses mains tremblent, ses yeux noircissent, il préfère laisser sa colère le dominer.

"Ça va pas de dire dire des trucs pareils ?!" sa voix résonne dans l'appartement en ruine "Qu'est-ce que t'aurais pu y faire t'façon ? Tu lui aurais latté la gueule à c'te putain d'Ombre pour pas qu'elle te le prenne ?!"

La pression continue de monter, les larmes aussi.

"Nan, t'aurais rien pu faire du tout ! Elle t'aurait juste-"

Et puis soudain, on réalise ce qu'on est en train de dire. Et la voix tombe. Les larmes aussi.

"Elle t'aurait juste pris, toi aussi..."

Il se laisse tomber sur le sol, face à son ami, ravale quelques sanglots. Il n'arrive pas à lui expliquer, il n'arrive même pas à le murmurer ; à quel point c'est un miracle qu'ils soient encore en vie, tous les deux ; à quel point il n'a pas le droit de briser ça en disparaissant à son tour. Alan s'effondre devant lui et il est incapable de lui daire comprendre à quel point il compte pour lui, tout simplement.
Pourtant, il refuse de l'abandonner à son sort. Alors, il daigne enfin attraper ses mains abîmées par le temps, saisir à la volée ses yeux abîmés par la tristesse.

"Je- J'aurais pas dû te taper dessus." il serre fort sur les doigts du brun, peut-être un peu trop "Mais redis jamais ça, t'entends ? Jamais. C'est pas d'ta faute. Et ça le ramènera pas."

Et il desserre son emprise, doucement, sans pour autant lâcher son ami. Comme si celui-ci pouvait disparaitre, s'enfoncer dans le sol à tout jamais, s'il avait le malheur de laisser ses mains s'enfuir.
Comme s'il pouvait l'abandonner, comme ça, d'un instant à l'autre.

(Reste là, Alan. Il a encore tant à te dire.)

dato 2 › 11 › 2020