passer ses pensées (éviter la corde sensible) (13/07)

On court, on court, on court.
Jusqu’à avoir mal dans les jambes.
On court, on court, on court.
Jusqu’à en avoir le souffle coupé.

On court, on court, on court.
Jusqu’à tomber lorsqu’on se prend les pieds dans la nature qui reprend ses droits ici.
Pourtant, ce ne sont pas les genoux ou les mains un peu écorchées qui font mal.

Il doit courir, Darell.
Pour rattraper.
Les visages qui sont encore trop flous.
Pour ne plus avoir mal.

Il doit courir, encore plus vite, c’est parce qu’il est trop lent qu’il n’y arrive pas.
Il faut aussi qu’il aille retrouver Eli. Mais elle est retournée à la maison, à sa maison à lui, comme tous les autres. Normalement. Alors, il a le temps de la retrouver.
(Parce que Darell a l’impression, au fond de lui, qu’il n’aura pas le temps de retrouver les visages qu’il recherche s’il ne se dépêche pas. Alors, il doit aller encore et encore plus vite.)

Pourtant.
Il s’assied quand même, sur la racine dans laquelle il s’est pris les pieds. Redresse le bonnet qui a finalement glissé devant ses yeux. S’il n’arrive plus à respirer à force de courir autant, il ne pourra pas aller aussi loin qu’il le voudra.
(Elles sont loin. Il a cette sensation qu’elles sont loin.
Et qu’il devra courir encore longtemps pour les rattraper.)

Peut-être. Qu’il devrait rentrer à la maison, après tout.
(Comme s’il venait de se rendre compte que sa course n’avait aucun sens.)

Résumé:

INTERVENTION

Peut être parce que tu as tant couru que ton souffle couvre le bruit de ses pas à lui. Peut être parce que ta tête est ailleurs, aussi. T'avais l'air si sur de toi, et pourtant, il y avait rien de logique dans tes trajectoires, il le sait, il traverse cette ville en long en large et en travers, on lui fait pas a lui. Mais si t'avais fait un peu gaffe, t'aurais vu que ça faisait un moment que tu étais plus tout seul, il était deja là quand tu étais avec la grand mère.
Il était déjà là quand tu la fait disparaître.

Il est bien content que tu marques une pause, parce que d'un coup des choses à te dire, il en à plein. Et des questions aussi.

" J'ai tout vu."

Il se tiens debout, les manches de sa grandes vestes retroussé alors qu'il pose les mains sur ses hanches. Il fait un peu le fière, mais la vérité c'est que pour te rattraper, lui aussi à du tenir le rythme. Mais ça il veut pas l'avouer.

De toute façon, celui qui doit avouer, c'est toi.
C'est lui l’enquêteur, il sait comment te faire parler, il en a lu plein d'abord, des romans policier.

" Comment t'as fait. Et fait pas genre, j'sais c'toi. "

Le soleil qui se couvre.
On pense une seconde que les nuages sont venus le cacher mais lorsqu’on relève les yeux, c’est ta présence qu’il remarque. Tu as tout vu, tu dis, et Darell fronce les sourcils.
Tu as vu quoi ? Il ne comprend pas.
Tu sais que c’est lui, tu dis, et Darell fait la moue.
Il a fait quoi ? Il ne comprend pas.

Pourtant dans tes mots, il reconnaît ceux de maman quand elle sait qu’il a fait une bêtise et qu’il souhaite s’échapper de la dispute. (Il reconnaît les siens, ces mots à lui, qu’il n’a pourtant jamais pu prononcer…)

Alors, c’est tout naturellement que les paroles se font sur la défensive. « C’est pas moi j’ai rien fait. »

En plus, c’est la vérité. Il n’aime pas mentir, Darell.
Même quand maman est en colère. Même quand la vérité est trop dure à expliquer.
(Il fronce encore les sourcils. Pas à cause de toi, cette fois-ci.)

« J’parle pas aux inconnus moi. »

Eli était une inconnue mais elle était si gentille. Il veut la retrouver, avec elle, il avait moins mal, même si ce n’était pas elle qui creusait creusait creusait à l’intérieur. Il regrette de l’avoir envoyé au loin (il regrette à chaque fois).
Mais toi, toi tu n’es pas gentil.
Tu n’as pas l’air, en tout cas.
Darell n’aime pas les gens qui ne sont pas gentils.

Il ne comprend même pas ce quelle bêtise il aurait pu faire.

Résumé:

» FAIRE PASSER LES REFUGIES POLITIQUES