[END] [FdR] Turn Around // Jackpot

Turn Around.

Un peu de normalité, comme une couverture dans laquelle on se pelotonne les soirs d’hivers les plus rudes, une chaleur bienvenue qui nous éloigne de la réalité un peu plus bizarre chaque jour. Voilà ce que tu étais venu chercher. Toi, un pirate, pourri jusqu’à la moëlle, tu avais mis les pieds sur le territoire de ceux que tu désignais de toi-même comme tes ennemis, les Greens. Et l’oubli n’avait pas tardé à te gagner, toi qui n’avais jamais mis les pieds dans un zoo, n’ayant jamais eu l’occasion que de voir un éléphant et même alors, tu avais été plus occupé à le fuir qu’à le regarder. Tes yeux s’étaient agrandis à l’instar de soucoupes alors que tu observais les mammifères divers et variés évoluer devant toi, à quelques mètres de tes mains curieuses. Comme un enfant.  



Et pourtant, alors que ton regard glisse pour suivre les acrobaties d’un lémurien particulièrement agile, tu captes un détail si déroutant que tu t’interromps sur le champ. Non... ça ne pouvait pas être. “Eh toi!” Tu l’avais oublié, comme il était d’usage de le faire après une rupture aussi crasseuse que la vôtre l’avait été, tu avais rangé dans un tiroir les moments qu’il t’avait volés, qu’il t’avait offerts, et tu t’étais arrangé pour en perdre la clé. Alors comment se faisait-il que le simple fait d’apercevoir sur lui ce pull qui avait été l’objet d’une de vos dernières disputes fasse couler un flot de sentiments pêle-mêle tout le long de ta colonne vertébrale ? “C’est mon pull!” Mais quel idiot. C'est à moitié une morsure à moitié un constat, comme un 'rends le moi même s'il est bien sur toi'. Bien sûr que tu ne pouvais pas être doux, bien entendu aucun mot comme ‘comment vas-tu?’ ‘as-tu oublié?’ ‘as-tu guéri?’ ne pouvaient franchir tes lèvres dont les crocs s’étaient aiguisés au fil des jours, ruminant ta rancœur comme s’il s’agissait du plus exquis des mets.     

Turn Around.

Oh... Il semblerait qu’en quelques mois, la douce rose aux rares épines que tu avais abandonnée lâchement sur le rivage s’était mû en un véritable buisson de ronces prêtes à déchiqueter jusqu’à la plus petite parcelle de peau. Et en toi ce sont des sentiments contraires, des émotions qui s’entrechoquent sans que tu les comprennes. De la colère, bien sûr, il réagit si vite, si violemment, et ton instinct te hurle de te mettre sur la défensive, de ne pas perdre. De l’amusement, découvrir que celui qu’on a si longtemps vu comme un petit lapin inoffensif s’était laissé pousser les crocs n’était pas vraiment pour te déplaire. De la surprise, quand tu avais quitté Bambi, il n’y avait pas eu cette rage claire au fond de son regard et bien que vos derniers échanges par courrier aient été plus que glaciaux, tu ne t’attendais pas à le voir dans ses prunelles. Et peut-être, bien loin tout au fond, un peu de peine de renoncer définitivement à la vision de lui dans tes vêtements à toi.

“Eh ben vas-y, mords tant que t’y es?!” Un sourire un poil trop mauvais dérobe ta bouche, empruntant les traits de ton visage. “C’est mon pull que tu portes! Alors quoi? T’as pas réussi à le jeter à la rue?” Deux enjambées et les quelques mètres qui vous séparaient se fondent en quelques centimètres, dérobant un peu ta respiration alors que tu inspectes discrètement ses traits. A-t-il maigri? Hah... Non, tu t’en fous, c’est pas ton problème, ça fait un peu moins d’un an que ce n’est plus ton problème, comme un entêté sans jugeotte. “Ou bien alors, je te manquais?” Bien entendu, tu sais que ce n’est pas le cas, qu’il n’avait qu’une hâte: se débarrasser de la simple marque que tu avais pu laisser dans son esprit. Et tu as sans doute juste envie d’en prendre une ou deux sous la pommette, là où ça fait mal. D’en donner une ou deux, au creux du ventre, là où tu le sais si tendre.     

Turn Around.

OEst-ce que tu aimerais lui avoir manqué? Tu ne sais pas vraiment toi-même, le souvenir d’une relation un peu trop fusionnelle encombrant encore tout l’espace dans ton cœur, comme si rien n’avait pu être comparé à la destruction, à la création, que son histoire avec Prisoner avait généré. Pourtant, quelque part, un tremblement, un sanglot au fond de ton esprit supplie de lui avoir manqué. Et tu as tôt fait de l’écarter quand il sort les crocs à nouveau, plus froid, plus cruel qu’il ne l’a jamais été. Tu te souviens... Il y a un an, la déchirure de savoir cette personne que tu croyais tienne prête à s’abandonner à d’autres.  

“Hah! Ca, j’ai même pas besoin que tu me le dises pour en être certain.”  

Tu repousses de façon étonnement habile les images de lui qui remontent doucement à la surface, effaçant d’un revers de main les larmes qui avaient inondées son visage sur la plage cette fois-là, parce que tu t’en fous de l’avoir blessé. Après tout, il l’a fait en premier, tu n’as rien à te reprocher toi. “Ecarter les cuisses ça a toujours été ton point fort!” Tu as envie de lui montrer que s’il souhaite te blesser à son tour, tu n’es pas en reste, tu n’as pas épuisé toutes tes cartes ce jour là et s’il est parvenu à surmonter la rancune qu’il ressentait à ton encontre, tu as pu passer au-delà de la peine que sa ‘trahison’ t’avait inspirée. Tu ne le laisses pas répondre, ta main lisse distraitement un pli sur ton ancien pull alors que tu ris un peu amèrement. “D’ailleurs c’est peut-être la même histoire à chaque fois, un gars qui pense que tu es fou de lui, qui pourrait t’offrir le monde... Et toi qui gâche tout parce que tu sais pas te contenter d’un seul mec. Non?”  

Assauts répétés,  
pour ne pas montrer  
la brèche qui s’est créée      

Turn Around.

Il était là, le rejet que tu avais toi-même imposé au blond lors de votre rupture, un geste presque dégoûté, un pas en arrière pour signifier le souhait de ne pas respirer le même air et un regard plus glacial que tous ceux que tu aurais pu recevoir par le passé. C’était fini, la dernière connexion que tu aurais pu avoir avec Bambi venait de sauter avec tes mots venimeux. “Je vois...” Mais tu ne vois rien du tout, tu ne vois jamais rien jusqu’à ce que ce soit jeté directement devant toi, juste sous ta rétine, comme un enfant.  

“Oh... Alors plutôt que de me demander à quel point je t’aimais, tu t’es dit que tu allais coucher avec d’autres gars... Au cas où?”

Tu as un haussement d’épaules, comme si ça t’était devenu égal avec le temps, pourtant la dureté de tes mots n’avait rien de désinvolte et tu t’écorchais toujours sur les songes de votre relation manquée. “Oh... Donc tu penses que t’es un vrai ptit lapin?” Un petit rire glisse sur ta bouche et tu secoues la tête, levant les mains avant de les plonger dans les poches de ton pantalon pour prouver que tu ne le toucherais plus. “Bien sûr tu peux le voir comme ça. Ou alors...” Tu plantes tes yeux clairs droit dans les siens, bien décidé à frapper là où ça faisait mal une fois encore. Tu n’avais pas joué toutes tes cartes. “Tu peux te demander pourquoi personne n’arrive à te satisfaire. Et pourquoi t’as jamais réussi à rester avec quelqu’un. Qu’importe à quel point on ‘t’aime’.”     

Turn Around.

L’air est lourd, tout autour de vous, tu peux apercevoir au loin les autres qui rient, quelques couples qui se tiennent par la main, des amis qui se donnent de grandes claques dans le dos... Mais autour de vous, c’est comme si le temps s’était figé après avoir fait un bond dans le passé, à l’époque de votre rupture, quand tu aurais pu arranger les choses en ravalant ta fierté et en lui demandant des explications plutôt que de lui aboyer dessus comme le chien enragé que tu étais devenu. Alors tu n’es pas étonné qu’il tape aussi bas.

“Oh alors tu penses que je doute de ma capacité à t’avoir satisfait? Bah... Vu que les trois quarts d’Arcadia n’y sont pas parvenus je me considèrerai dans la norme alors?”

Un petit rire sec t’échappe, tu aurais aussi pu te vanter de ta relation avec Ban... Mais ça aussi, tu l’avais fichu par terre alors il n’était pas question de lui donner plus d’armes que tu ne pouvais parer. “Quant à être monsieur parfait hey... J’ai pas cette prétention. Mais au moins, moi, j’ai voulu de toi, vraiment.” Tu regardes le ciel désormais, pensif, un peu moins agressif désormais, un peu plus apaisé, comme si sa dernière attaque t’avait inspiré de la pitié plus que de la haine. Tu hausses une épaule un peu distraite. “Enfin... Je te plains... C’pas simple ta vie.”