je fume une cigarette papier maïs au coin de la sixième ⊚ Tobacco

Il y a encore un peu de neige fondue sur ses ruines.
Les habitations changent de forme chaque nouvelle fois qu’il vient dans ses rues, Mum. Des nouvelles réparations, de la peinture sur les murs, de la végétation qui reprend sa place. Et les routes toujours aussi craquelées, assez pour se prendre les pieds dans le bitume éventré.
Mum n’aime pas, ses maisons.
Mais il y a trop de souvenirs, ici. Beaucoup trop.

Tout reprend forme, vaguement, tout doucement, sous ses toits, sur ses murs.
Mum n’aime pas, ses maisons, mais encore une fois

Il devrait arrêter (il l’avait déjà fait, il sait qu’il en est capable, il pourrait recommencer).
Ça lui évitera bien des allers-retours et des échanges. Mais au moins, c’est une raison, de se forcer à venir ici, sinon jamais il ne le fera. Il faut regarder sa réalité en face pour finir par l’accepter s’y habituer au bout d’un moment.

Et après tout, n’a-t-il pas d’autre choix que de venir jusqu’à toi ? Les pirates, pas question. Les greens non plus. Il est vrai qu’il pourrait envoyer d’autres chevaliers à sa place, mais Mum ne veut pas déranger juste pour quelques cigarettes.
De voir si tu vas bien. Si les cernes sur ton visage s’agrandissent encore. Si c’est encore les premières étincelles de tes énervements qui s’allument dans tes yeux.

Il est patient, tu sais, Mum.

Alors, tu verras que parfois, comme aujourd’hui, oui ce sont pour les cigarettes qui vient jusqu’à ce qui te sert de chez-toi. Mais aussi, juste pour prendre des nouvelles.
(Parce que tu sais, il en faut peu pour qu’il s’attache et il en faut encore moins pour que tu disparaisses comme tous les autres.)

Et comme à chaque fois,
Et il a attendu, simplement.

Il y a tes cernes toujours plus grandes.
La fatigue qui te plombe les yeux, qui semble peser une tonne sur tes épaules.

C’est la première chose qu’il voit lorsque tu ouvres la porte.
Premier échange silencieux. Mum ne s’encombre pas des mots, souvent. Ils restent coincés dans le fond de la gorge et il préfère
Laisser ses pas le guider entre ses murs.
L’odeur du tabac, déjà.

Mum observe.
Il remarque tous tes détails, à toi, ceux qui sont flagrants à ses yeux et ceux qui sont moins évidents. Tu sais, on peut en dire, des choses sur une personne, rien qu’à la manière dont elle se tient debout. Rien qu’à l’état des murs et à ce qu’il se trouve sur sa table.
Tu sais, sans même un mot de ta part, il peut dire tant sur toi. Sans même te connaître tant que ça.

Mais ce sont des choses qu’il garde pour lui.
Un peu égoïstement, peut-être. Il dira juste que ce sont
Ne laisser personne d’autre les connaître. Un contrat de confiance, peut-être.

Il a un vague sourire, Mum, lorsque tu demandes. Il n’est pas venu les mains vides, comme toujours.

« Je t’ai amené à manger, » qu’il répond simplement alors qu’il fouille dans le sac qu’il transportait. Il en sort deux tupperwares généreusement remplis, qu’il dépose sur la table. Il en montre un du doigt. « Je te conseille de manger celui-ci en premier. Il date d’hier soir. Le deuxième date de ce matin. »

Il te conseillerait surtout— de dormir. Mais ce n’est pas vraiment sa place, n’est-ce pas ?

« Qu’est-ce que je peux avoir en échange ? »

Est-ce suffisant ?
Mum n’a aucun de mal à donner, il a plutôt du mal à
il se sait bien trop généreux, bien trop attentif aux autres et si peu à lui-même. Il sait que c’est sujet à disputes, au château. Il sait aussi que c’est plus fort que lui.

Il veut juste

Alors, regarde comme les discussions vont vers toi. « Les affaires vont bien en ce moment ? »

Et toi, est-ce que tu vas bien ?

Un cadeau.
Mum, d’un côté, n’oserait avouer qu’il n’apprécie pas grandement les cadeaux. Il ne veut pas qu’on lui offre quoi que ce soit.
Peut-être est-ce juste un peu trop de modestie.
Peut-être est-ce plus que ça, cependant il ne souhaite pas y penser.

Il ne veut pas s’aventurer par là.

Alors il accepte simplement, fait rouler cette cigarette entre ses doigts, à hésiter à l’allumer tout de suite ou bien à attendre un peu— les stocks sont toujours trop faibles et il sait qu’il vaut mieux les garder pour les situations qui s'y prêtent.
Lorsque le manque est trop grand à l’image des angoisses.

« Merci. »

Il t’offre simplement un sourire, à l’image de ta générosité.

« Tant mieux. »

Tu serais surprise, de voir à quel point Mum pourrait s’y intéresser. C’est vrai que ça peut paraître ennuyeux à première vue et que c’est bien loin de sa zone de confort— mais Mum sait s’intéresser. Pas tant s’intéresser aux sujets, mais s’intéresser aux gens.
Mum adore vous écouter parler.
Il trouve tant d’intérêt à écouter les autres parler de leur journée, de ce qu’ils aiment, des raisons pour lesquelles ils ouvrent les yeux le soir ou bien qu’ils n’arrivent pas à fermer l’œil la nuit.

Il trouve que plus personne ne s’écoute, maintenant.

Ta question le prend un peu par surprise. Pendant une seconde— il ne sait juste pas quoi dire, Mum. Le regard dévie ailleurs, les mots se coincent mais il— se force à sourire, finalement.

(Le regard un peu triste.) « Comme toujours, » c’est toujours la même réponse, n’est-ce pas ? On ne répond pas vraiment, on ne dit pas si ça va ni si ça ne va pas (non ça ne va pas du tout), on ne veut juste— pas parler de soi. « L’hiver commence à se terminer. C’est une bonne nouvelle, j’imagine. »

Mum pense souvent qu’il n’a pas autant de mérite que vous.
Lui, il n’a pas à se débattre pour survivre, ici. Il n’est pas seul. Il n’a rien à faire, pour avoir de la nourriture dans son assiette, pour avoir un lit où dormir, pour avoir une famille.
Il lui a juste fallu tomber sur la bonne personne au tout début de cette histoire.

« Enfin, je la vis un peu mieux avec des cigarettes. »


« Tu n’as pas de problèmes ? Avec les pirates, je veux dire. »

Il veut juste s’assurer que tout va bien.