dark necessities ❥ (gotcha)

DARK NECESSITIES

ft. GOTCHA — FÉV. 2020

L’air charriait encore des relents âcres et poussiéreux tandis que que Garance roulait en direction du cimetière de verre brisé
–Garance, et non Gasoline, car c’était seule qu’elle traçait son chemin sous un ciel sombre de nuages, et ce qui l’amenait dans le coin ne concernait pas les pirates mais plutôt, au sens littéral, une affaire de famille, une lettre qui la sommait de venir au plus vite et surtout un sale pressentiment dans ses tripes. Et ses tripes avaient toujours un peu remplacé l’ange gardien absentéiste qu’on avait dû lui attribuer Là-Haut si tant est qu’un tel endroit existe ; elle leur faisait plus confiance qu’à n’importe quoi d’autre.
C’est pourquoi lorsque Garance arriva enfin devant l’échoppe du prêteur sur gage, elle avait déjà étouffé le moindre soupçon d’espoir avant de poser un pied au sol.
Mieux valait partir pessimiste plutôt qu’espérer des chimères
–question de probabilités, c’était tout simplement mathématique.

Elle gara sa moto entre les décombres pour la dissimuler des regards du mieux qu’elle pouvait et sécurisa l’anti-vol avant de s’engouffrer dans l’immeuble et engloutit les escaliers deux par deux, une certaine agitation se pressant sous la surface de son calme olympien.
Garance était peut-être du genre à préférer le chemin à la destination, mais elle n’aimait guère ces entre-deux là, incertains, pesants, qui n’aidaient pas à tourner la page –et tout de suite, elle avait hâte de savoir si elle pouvait fermer le livre tout entier.
Elle ne prit pas la peine de s’annoncer avant d’entrer en pénétrant dans l’échoppe et se planta devant le comptoir, son casque sous le bras et un vague trouble dans le regard.

Je suis là.
Finissons-en.

code - misha

Sans-Visage du Voyage de Chihiro
le sang paraît plus noir à l'éclairage d'un gyro'

le coté officiel du noir sur blanc superficiel Gotcha préfère lorsqu'il est question de signer des contrats. il aimait la mécanique de faire claquer les lettres sur le papier et c'était comme provoquer l'atterrissage forcé des feuilles volantes pour ses ambitions terre à terre lorsqu'il les coinçait dans les rails de la machine à écrire de l'échoppe. celle-ci servait à rédiger proprement des circonstances de prêt et des ultimes rappels avant saisie, qu'on signait ensuite à main levée. venait alors le moment tant attendu de se délecter des expressions des destinataires - c'était un air qu'il dévorait avec plaisir. les sourires extatiques de certains lorsqu'ils étaient satisfaits de l'échange fraichement passé, ou bien les mines déconfites d'autres tandis qu'on refermait les griffes sur ceux à quoi ils tenaient. tout ceci possédait un équilibre simple, des règles basiques qui mettaient rien qu'un peu d'ordre au milieu du chaos ambiant.

ah - aujourd'hui Gotcha avait froncé les sourcils aux retours à la ligne. c'est rarissime pour lui, de ne pas trouver les mots. alors il s'était cantonné aux formules de base, les toutes faites qu'on rédige sans y mettre le moindre morceau de cœur - car c'était un deal qu'on n'aurait jamais voulu remplir, tant il était injuste, et l'on exècre les accords qui font ressortir perdant.

Gasoline, il ne t'a rien dit pas écrit - probablement que Gotcha compte un peu trop sur ses talents d'improvisation vu l'inédit de vos conditions.
il est dos à toi lorsque tu arrives finalement à destination.

penché presque brisé sur les plans de travail derrière le comptoir, il t'entend passer la porte - tinte le carillon - mais fait mine d'écouter plutôt le tourne-disque qui trône à ses cotés, concentré sur des bagues qu'on examine pour en évaluer le carat à la loupe. café froid et cendrier plein, expliquent l'atmosphère enfumée de l'endroit. oh même si l'air était clair, on discernerait comme il faut tes regards perçants - il songe qu'ils ont la même couleur que l'encre qu'on utilise ici tandis qu'il fait finalement tourner sa chaise de bureau sur elle-même. et le sourire professionnel, refait surface en toutes circonstances.

ahh - mon combustible préféré. ça a été l'trajet ? pas trop d'monde sur les routes ?

dans une autre vie on aurait été l'heure de pointe. et Gotcha délaisse tout le matériel pour s'en remettre au consommable, récupère la cigarette fumante et la coince entre ses lèvres - reprend du mauvais souffle avant de te rejoindre au comptoir. c'est désinvolte qu'on s'y accoude, silence abrasif -
et la risette, elle s'évapore au moment de soupirer les volutes grises.

j'ai quelque chose pour toi...

d'habitude on est rayonnant quand on dit ça, mais tu n'es pas là pour tout ce qui brille Gasoline, pas vrai ? le bâtonnet empoisonné entre les doigts, de sa main libre Gotcha sort alors une enveloppe bombée de la poche de son bomber, pour la déposer devant toi. scellée.

... t'es pas obligée d'l'ouvrir maintenant.

car Gotcha a déjà vu ce qu'il se trouve à l'intérieur, deux fois - pour de vrai et puis, sur les polaroïds qu'on t'a glissé.
on a retrouvé ce que tu voulais, enfin
des images de ce qu'il en reste.

mimo

DARK NECESSITIES

ft. GOTCHA — FÉV. 2020

Garance prit ses aises devant le comptoir en y posant négligemment son casque avant de s’y accouder avec des gestes peut-être un peu plus lourds que d’ordinaire –mais en bas son pied s’agitait en tapotant le sol dans un rythme frénétique qui traduisait sa hâte. Elle ne répondit aux salutations narquoises de Gotcha qu’avec un sourire cynique et un ricanement presque inaudible, à peine soufflé par le nez –c’était souvent comme ça avec elle, n’avoir aucune voix à faire entendre, ça pousse l’autre à faire attention aux détails, aux subtilités de son visage qui n’étaient pas bien expressif par dessus tout.

J’ai quelque chose pour toi –voilà enfin tout ce qui l’intéressait.

Son regard anthracite se fixa dès lors sur l’enveloppe qu’il fit glisser devant elle et elle n’y toucha pas pendant un instant, se contentant de l’observer avec la même méfiance que s’il s’eut agit d’une boîte à mystère capable de lui exploser au visage. Mais Gotcha n’en resta pas là, ajouta qu’elle n’était pas obligée de l’ouvrir maintenant, et il n’en fallut pas plus pour la pousser à faire l’inverse.
C’était la réponse qu’elle cherchait depuis des semaines, là sous ses yeux –quelle qu’en soit l’issue, elle n’allait pas attendre de faire le chemin du retour pour rayer ses incertitudes une bonne fois pour toute.
Alors après avoir levé un regard impénétrable sur le prêteur sur gage une dernière fois, elle sortit de sa poche la lame à cran d’arrêt qui ne la quittait presque jamais et s’appliqua à ouvrir l’enveloppe avec la même patience que si elle était en train d’ouvrir le courrier ; sans se presser, ni ralentir l’échéance, et presque en paix maintenant que ses doutes étaient quasiment confirmés.

Elle étala les photos sur le comptoir pour les observer, méticuleusement, et pendant de longues secondes alourdies par un silence pesant, Garance ne ressentit absolument rien devant les images du corps décharné de celui qu’elle avait jadis presque appelé Papa.
Rien du tout.
Le visage impassible, elle sorti néanmoins à son tour son paquet de cigarettes pour s’en griller une avant de regarder les clichés une seconde fois, et cette fois un étrange sourire, un peu moqueur, un peu nostalgique, étira le coin de ses lèvres.
Si elle avait su, la première fois qu’elle l’avait rencontré à tout juste six ans, qu’elle aurait un jour l’occasion de le voir ainsi, elle ne l’aurait pas cru. Il était de ces hommes qui semblaient presque immortels tant il pouvait se tenir droit debout malgré tout ce que la vie avait pu lui prendre –une femme et des premiers enfants, et un bras tout entier, pour n’en citer que quelques exemples.
Mais il était mort, là sous ses yeux, et Garance trouva risible sa naïveté d’enfant d'avoir vu en lui le géant éternel qu’il n’était pas.

Elle ferma les yeux un instant, et s’enfuma les poumons à souhait avant de chercher carnet et stylo dans son sac ; elle griffonna quelques mots sur le papier qu’elle déchira avant de le glisser vers Gotcha.

« T’as rien de fort à boire ici ? »

Peut-être qu’elle conduisait et que ça n’était pas bien raisonnable de boire à une telle heure, mais les circonstances étaient particulières, et ça n’était pas un seul verre qui allait lui faire perdre ses moyens devant le guidon de sa moto.
Le papier se froissa à nouveau sous la pointe du stylo.

« Je veux le voir en vrai. »

code - misha

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le sang paraît plus noir à l'éclairage d'un gyro'

les mauvaises augures étalées sur le comptoir, Gotcha s'était détourné aux premiers reflets de lames tranchant le courrier mais l'on reconnaitrait ce bruit entre mille - les cartes de hwatu qu'utilisait Lili pour lui tirer le tarot faisaient le même. et comme avant la Tempête il détourne systématiquement le regard, refuse de voir l'idée qu'un destin soit tout tracé par d'autres mains que les siennes. le tien Gasoline, il avait dépassé toutes les esquisses qu'on s'était faite - rappelle que cet univers parallèle dans lequel on évolue existe bel et bien.

laisse-le rêver encore un peu. poser le menton au creux de la main qui ne tient rien de toxique pour lever les yeux vers l'horizon. les dominos de verre et de béton là dehors, la plupart debout encore - tant qu'ils ne tombent pas tous. font resurgir les images des décombres de celui où l'on a pris les photographies, et Gotcha ferme fort les yeux une seconde.

pour les rouvrir en entendant la pierre d'un briquet crisser. Gasoline tu relis les prédictions et Gotcha tente d'en déchiffrer le sens dans tes expressions - se demande si c'est bon signe, ce genre de sourire. en pensée seulement, on ne se permet pas de poser des questions, elles sont exit des contrats, pas même en alinéa. un sourcil se hausse lorsqu'on te voit sortir de quoi en écrire d'autres. l'intitulé annonce - exige de quoi noyer l'horoscope mortifère. alors on obtempère, acquiesce d'un hochement de tête à défaut de signature, Gotcha se redresse pour se détacher du zinc.

tu crois quoi, y a pas marqué salon d'thé sur la devanture.

rien de léger dans les placards, c'est l'avantage de tenir les promesses sans faire d'histoire, les quémandeurs lui rendent bien. le mégot écrasé dans le cendrier le plus proche il s'éloigne pour passer derrière les tentures à motif, ça fait nager les estampes de carpes koï dessinées sur le tissus au milieu des volutes quelques instants.

éclipsé coté cuisine reconverti arrière-boutique, on n'entend plus que des cliquetis métalliques mêlés à des tintements de verre - ça couvre le bruit du tourne-disque jouant dans le vide et puis, du stylo qui gratte le papier de nouveau. lorsqu'il revient Gotcha manque d'y poser la bouteille de saké et les deux godets dont il s'était chargé les mains - les affaires, toujours les affaires.

lit à peine "je veux" qu'il soupire. sans un mot il se contente de faire le service - on sait jouer au roi du silence aussi, Gasoline, tu vois ? non ce n'est pas ça que tu veux voir, mais Gotcha dépose quand même un verre plein devant toi, sans rien demander en échanger et c'est rare.

tu veux pas boire un coup avant de demander quoi qu'ce soit ?

noyer tout ça pour digérer les présages, et l'on verra une autre fois pour ce qu'il y a sur les images. ah - il a beau finir de lire ta phrase manuscrite au travers de la liqueur, Gotcha déchiffre parfaitement le message. ça rend la gorge sèche tout à coup, la voix met un court moment à s'y frayer des chemins.

... écoute, le deal, c'était que j'le retrouve. noir sur blanc daté signé. et comme promis, j'l'ai retrouvé.

baisser les yeux pour éviter les tiens trop aiguisés - mauvaises idées, c'est là où se trouvent les clichés de lui. alors Gotcha détaille plutôt son verre à lui, qu'il saisit du bout des doigts tandis qu'il croise de nouveau les bras sur le comptoir entre vous.

c'que t'exiges, c'était pas dans l'contrat.

à demi-mots car Gotcha n'est jamais bien doué pour les formulations soucieuses - les sous-titres inquiets
disent tu ne veux pas voir ça.

mimo

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ft. GOTCHA — FÉV. 2020

Les verres s’emplirent de saké dans un silence presque religieux ; ironique de trouver un rien de sacré ici bas ces temps-ci. Garance hocha la tête en remerciement quand le godet fut déposé devant elle mais n’y toucha pas tout de suite. Les yeux vissé à la silhouette de Gotcha, elle attendait sa réponse calmement –elle était plus apaisée désormais– mais avec dans le regard une détermination sans faille.
Mais lui, baissa les yeux, et la ramena une fois de plus à la seule chose qui les liait véritablement tous les deux –un contrat, deux signatures sur un bout de papier fragile, et pourtant il n’avait pas dans la voix l’assurance narquoise ordinaire qu’elle lui connaissait quand il parlait de ces choses là.
Garance était observatrice, mais ça s’arrêtait là ; ses émotions n’étaient jamais assez matures pour qu’elle puisse prétendre lire dans le cœur des autres alors qu’elle ne savait même pas déchiffrer les tréfonds du sien.
Apparemment, sa demande dépassait les lignes du contrat.
Cliquetis du stylo, encore.

« Faisons-en un autre dans ce cas. »

Le pragmatisme à toute épreuve.

« Je veux savoir où il se trouve. Je ne te demande pas de venir avec moi, juste de me dire où il est que je puisse aller le voir et l’enterrer. »

C’était le minimum qu’elle pouvait bien lui offrir à son géant déchu ; un semblant de dépouille par une fille aimée était toujours plus digne que de laisser son corps pourrir à jamais.
Machinalement, elle tapota du bout du stylo sur les clichés encore étalés sous ses yeux avant de se pencher de nouveau sur son carnet.

« Si je ne me trompe pas, il a de l’or sur lui. Dis moi ce que je veux savoir et c’est pour toi. »

Et si quelqu’un s’est servi avant moi, tu sais très bien que ton prix sera le mien dans tous les cas.
Garance porta enfin la main à son verre et le leva en un toast cynique en direction du jeune homme pour le vider d’une traite à son tour, un étrange sourire flottant au coin des lèvres.

code - misha

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laisse, oublie Gasoline, les stylos et la calligraphie - on aimerait mentir et affirmer tout à coup qu'on ne sait pas lire. cliquetis des lourdes bagues aux doigts contre le verre qu'ils tiennent, la joue s'échoue sur la plage de la paume libre et accoudé là, Gotcha n'a jamais été aussi peu enthousiaste à voir rédiger des contrats. encore un. qui se passerait de lui pour une fois.

tique, la langue claque contre le palais et il tourne de nouveau le nez ailleurs, balaie les volutes et les idées futiles d'un mouvement de poignet.

tu pourrais pas y accéder même si tu m'disais qu'ta Harley avait des suspensions d'monster truck.

même si tu lui disais que les décombres ne t'effraient pas - les ruines de quelqu'un c'est pire encore que les paysages volant en éclats. tempo mortifère sur le comptoir, bat le rythme sur les photos devant toi, son attention à lui ne revient qu'au moment où l'on porte un toast et il s'apprête à trinquer - s'oblige finalement à regarder, fixe les images et puis,
ton prix.

les doigts abandonnent le verre qu'on tient pour s'emparer de la dernière page, ton dernier mot Gasoline, Gotcha l'arrache et froisse dans le poing, aussi froissé qu'est son visage et jette au loin.

vas-y arrête tes conneries - propose pas des vieux deals comme ça.

les ancêtres t'ont à l'œil Gotcha et il souriait à chaque fois que Mami lui rabâchait ces mantras claqués. aujourd'hui il les entend résonner quelque part dans son crâne et il sait, sent comme des regards perçants par dessus son épaule. si elle était là aujourd'hui elle lui en voudrait tout le peu de vie qu'il lui reste. alors on ne signe pas.

ça va, j't'emmènerai là-bas. c'qu'il aura sur lui j'en veux pas - j'te rends un service en bonus, parce que t'as toujours payé dans les temps.

c'est ce que font les assurances quand on n'a jamais eu à faire de relance - on récompense les clients sages. c'est aussi ce que font les gens biens, il paraît - et Gotcha, malgré les ambitions de requin, aimerait croire qu'il lui reste des fragments de conscience, même après la fin du monde.

libre à toi d'mettre ses trucs au clou plus tard.

haussement d'épaules, la procédure habituelle. et on en ravale tous les souvenirs - noyés dans le saké, tandis qu'il descend son verre d'un trait. reposé sur le comptoir dans un bruit sourd façon marteau de commissaire-priseur - adjugé vendu.

mimo

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ft. GOTCHA — FÉV. 2020

Derrière son verre, le sourire de Garance s’étira un peu plus encore quand le jeune homme arracha la page du carnet sur laquelle elle venait d’écrire en cédant malgré tout à ses insistances
–est-ce qu’on toucherait enfin du bout des doigts les points sensibles, Gotcha ?
Elle s’en fichait bien personnellement ; découvrir les failles du prêteur sur gage n’était pas dans ses plans puisqu’elle n’en n’avait pas eu besoin jusqu’ici. Qu’il accepte par appât du gain ou cas de conscience, seuls les résultats lui importaient.
Mais c’était quand même plus
agréable
peut-être ?
de pouvoir compter sur lui comme ça.
C’était toujours difficile à dire chez Garance, ces choses-là.

Elle ferma les yeux un instant –le temps de profiter des premiers effets de l’alcool dans son corps– et posa le verre sur le comptoir avant de les rouvrir sur les photographies morbides qui lui sautaient toujours au visage dès qu’elle posait le regard dessus ; et l’espace d’une seconde peut-être, mue par une émotion soudaine et fugace, une lueur presque mélancolique se glissa sur sa figure.

« Merci. »

Mais le temps d’un battement cil, et le marbre était redevenu dur.
Dans un geste sec, qui brisa cet instant de flottement étrange qui venait à peine de s’installer, Garance rassembla les clichés pour les remettre à leur place dans l’enveloppe et les ranger ensuite dans son sac –elle ne savait pas encore bien ce qu’elle en ferait, peut-être qu’elles alimenteront le prochain feu de joie des Pirates.

« On y va quand tu veux. »

Son regard s’abaissa sur la bouteille de saké qui trônait toujours sur le comptoir et elle la pointa nonchalamment du bout de son crayon.

« Si t’as une autre bouteille plus dégueulasse ça serait pas bête à emmener sur place. Ça aide pour l’odeur. »

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le sang paraît plus noir à l'éclairage d'un gyro'

en bas de page les signatures elles font toujours se serrer les tripes - c'est qu'on vit une époque sans assurance, sans accords de confiance qui fait que demain l'autre sera de retour et que le jour se lèvera alors
Gotcha observe toujours la manière dont les plumes esquissent les patronymes, les estafilades bleues sur le papier blanc c'était comme jurer à très vite.

Gasoline te voir écrire merci ça file de drôle de papillons dans le ventre et pas de ceux qui se nourrissent à même le sang triste des charognes - non
c'est des battements d'ailes tristes qui résonnent sourdement dans les entrailles parce qu'on n'aurait préféré ne jamais être remercié pour ce que tu sais.
elle est amère
la rupture de contrat.

... de rien, va.

parce que c'était ça qu'on t'avait offert, Gasoline - rien, nada, du vide, le néant à l'autre bout du fil.

tu ajoutes quand tu veux et Gotcha veut jamais, mais jamais c'est impossible alors, pas avant un autre verre. il remplit en silence le sien, et puis le tien, regarde bien où il sert car l'éthanol commence à lui embrumer les synapses à lui aussi et puis, on peut poser les yeux sur le comptoir désormais débarrassé des photographies. ricane narquois en lisant le dernier petit mot.

tu dis quoi toi - ça va pas être possible j'ai que des bons alcools ici.

heureusement que c'est avec toi qu'on trinque Gasoline, toujours des étincelles même dans les moments les plus sombres.

puis pour l'occaz', j'pense qu'on peut s'permettre d'embarquer la meilleure bouteille.

quelques gorgées encore pour finir de brûler le palais - prêt pour l'âpreté de ce qui vous attend - et Gotcha se redresse. lève les yeux vers le cadran surplombant le comptoir avant de décrocher sa veste du dossier de chaise au bureau. un détour en cuisine et il revient, la poche du manteau alourdie d'une flasque de bourbon désormais.

allez on bouge avant qu'il fasse nuit.

emboîte lui le pas, on embarque les clés de l'échoppe pour décoller - pas qu'on soit impatient mais on sait ce qui nous attend, Gasoline - ça prendra le temps qu'il faudra.

mimo

DARK NECESSITIES

ft. GOTCHA — FÉV. 2020

De rien va.
Un sourire doux, peut-être un peu amer, s’étira discrètement sur les lippes de Gasoline quand le verre devant elle s’emplit à nouveau ; le dernier pour la route, elle connaissait la chanson. Entre deux gorgées, elle se fendit d’un ricanement narquois car le cynisme était un refuge paisible contre la réalité brute, et tant qu’ils n’y faisaient pas encore tout à fait face elle voulait bien s’y laisser aller encore un peu.
Mais les verres à saké étaient bien petits ; on n’y versait pas beaucoup de temps de répit dans cette vaisselle là. Alors le bruit sourd du verre contre le bois résonna de nouveau par deux fois dans l’échoppe, et tandis que Gotcha fit un crochet par l’arrière boutique, Garance rassembla ses affaires et acquiesça en silence quand le jeune homme refit surface –sans l’ombre d’un sourire sur ses lèvres cette fois.
Je te suis.

×××

Garance avait toujours trouvé que la photo avait tendance à embellir involontairement le monde. La 2D, ça ne lui faisait pas d’effet –l’image aplatie sur papier glacé d’une vérité qui se lisait en trois dimensions et en cinq sens ne valait rien comparée à une réalité palpable et nauséabonde.
Peut-être était-ce là au fond la véritable raison pour laquelle elle avait tenu à le voir en vrai ; pas pour lui donner de sépulture digne de ce nom mais pour savoir si la mort en face à face –pas à travers une lentille– suffirait enfin à l’ébranler d’une façon ou d’une autre.
La tristesse, le dégoût –qu’importe. Elle voulait ressentir.

Devant la dépouille putride, Garance fronça les sourcils et plissa les yeux ; mais sans jamais les fermer. Elle se tenait de toute sa hauteur, le dos droit et raide, et observait sévère les restes d’un paternel rongé par la vermine mortifère. Le nez froncé, elle osait à peine inspirer, mais trouva au fond d’elle une forme de soulagement de se sentir un tant soit peu écœurée.
Il lui fallut plus de volonté qu’elle ne l’aurait cru pour s’arracher à sa contemplation silencieuse et se tourner vers Gotcha, un sourire las et résigné d’avance aux lèvres, et lui demanda de lui tendre la bouteille en mimes évidents.

De son sac, elle sortit un foulard qu’elle imbiba d’alcool –non sans en avoir bu une nouvelle gorgée avant– et le noua autour de son visage pour couvrir le nez et la bouche afin que l’odeur du bourbon refoule au moins un peu la pestilence.
Sur le papier, sa main ne trembla pas.

« Je t’en voudrais pas si tu veux pas regarder. »

Car Garance passerait bientôt en mode pilote automatique et ça n’était jamais très agréable à observer.

Récupérer les objets de valeur.
Brûler le reste.
Boire pour embrumer les souvenirs tout frais.

❥ gasoline suit gotcha hors de son échoppe jusqu'au cadavre retrouvé de son père.
❥ elle boit un coup puis se prépare à dépouiller le corps de tout objet de valeur utile.
❥ elle compte ensuite l'incinérer (grosse ambiance).

code - misha