Holes in my false confidence [22/04]

Au début ce n'est qu'un rêve, celui de sa mère qui chante, rien d’inhabituel. Il se force à garder les yeux fermés, à ne pas se réveiller pour en profiter encore un peu. Mais quand il ouvre enfin les yeux - parce qu'il le faut bien, parce qu'on ne peut pas continuer de rêver - il rencontre ceux de sa mère et la musique ne s'arrête pas. Et il est un peu perdu Little Fang, il se dit que ça a peut-être enfin vrillé dans sa tête.

Le garçon reste muet, échoué sur le sable il retient son souffle de peur qu'un seul mouvement, une seule parole, ne stoppe l'enchantement. Sa mère le regarde un sourire dans les yeux « On va rester comme ça longtemps ? J'ai envie de danser moi ! », ses doigts tapotent le sable au rythme de la musique et en la voyant si vivante Little Fang - Noah - ne peut pas empêcher une larme de couler sur sa joue.Il décide d'arrêter de réfléchir, de se laisser rêver pendant encore quelques minutes. Alors il affiche un sourire sur son visage et se relève en chantonnant, elle guide ses pas, elle a toujours été la plus douée pour danser.

Ils s'éloignent progressivement de leur point de départ, des cadavres de bouteilles, des adolescents qui hallucinent, de la radio qui marche beaucoup mieux qu'hier. Il s'éloignent en dansant et peu à peu la musique se mélange aux cris d'oiseaux, sa mère lui dit toute excitée « Regardes comme ils sont nombreux ! Viens je veux les voir de plus près ! » et il la suit, évidemment. Sa main dans la sienne il ne pense pas aux serres qui vont s'abattre sur eux si ils s'approchent plus, il se fout des coups de becs qui menacent et des cris menaçant qu'il entend à peine sous les paroles.

Mais il rêve un peu trop Noah, au premier coup de serre -au premier sang- il lâche sa main et elle s'échappe, au début il recule face à l'attaque mais lorsqu'il ne la voit plus -lorsque la musique se tait- il s'en veut d'avoir lâcher, veut la rattraper. Il appelle maman dans la tempête, d'abord timidement, il ne veut pas lui faire peur, elle a toujours été sensible aux haussements de tons ; sa voix se fait ensuite plus forte, plus tremblante aussi, et il avance malgré la douleur. Il protège ses yeux avec ses bras, parce que s'il ne peut pas la voir alors à quoi bon lui courir après ? Et il crie à s'en déchirer les cordes vocales maintenant, parce qu'il y a trop de bruits, trop d'oiseaux et que si ça continue elle ne l'entendra pas, elle ne reviendra pas.

Il tente de s'enfoncer encore un peu plus, pas après pas, mais des mains l'agrippent et le tirent loin du centre, loin d'elle. Il se débat mais il ne peut rien faire et bientôt il voit à nouveau la lumière et à défaut de crier, il respire. D'abord il ne le voit pas – son sauveur -  il tente de retourner dans la masse mais il se fait repousser encore et encore, il se débat, griffe, mord mais rien n'y fait. Et puis il est jeté sur le sable, il sort les crocs mais c'est Noah qui gagne quand les bras le plaquent contre la surface chaude, et il tremble, et il pleure.

« Merde reprends toi Little Fang tu cherchais à faire quoi là ? Te suicider ? » Le garçon ne répond pas mais il ne lutte plus, l'étreinte se dessert, le sauveur se relève, soupire. « Tu pourrais me répondre quand même, regardes l'état de ma tenue ! » Le ton se veut amusé, rassurant - il est inquiet, fatigué-, plein de bonnes intentions. « Ça va aller... Noah ? »

Il se calme enfin, sourit, ça faisait longtemps que Burn ne l'avait pas appelé par son prénom. La douleur fait son chemin jusqu'au cerveau et il regarde les griffures sur son corps qui commencent déjà à sécher. Il prend la main tendue.

« Oui ça va... J'ai cru... Enfin c'est rien, t'inquiètes. Désolé pour tes vêtements je te revaudrais ça ! Saletés d'oiseaux hein ? »

Un blanc lui répond, une tape sur l'épaule. Quand ils reviennent vers le groupe Little Fang se rend compte qu'il n'est peut-être pas le seul à avoir halluciner, ils ont fumé quoi hier soir ? Il se retourne vers Burn, le doute dans les yeux, un tremblement dans la voix.

« Eh est-ce que tu as vu... quelqu'un ?
- Non. »

C'est dit trop vite, trop sèchement. Et Little Fang se sent idiot, il se sent inutile à être l'enfant à sauver alors que les yeux de son ami parlent milles douleurs. Alors Little Fang sourit, fait semblant d'être enjoué.

« Tu aurais juste pu me dire que tu ne voulais pas en parler tu sais !
- … Allez viens on rentre, t'es couvert de plaies.
- Yes sir ! »

C'est vrai qu'il sent que sa tête tourne un peu, peut-être qu'il a perdu un peu trop de sang avec ses conneries. Mais ça ne l'empêchera pas de parler pendant tout le trajet, pour combler le silence, pour le remplir de choses inutiles et couvrir le son de la radio qui résonne encore dans leurs têtes.