"Waiting for this cough syrup to come down" || Kitten

- Professor Layton & The Unwound Future's theme -

5 Novembre 2020.

Une femme d'un peu plus d'une trentaine d'années parcourt les ruines de la ville avec son groupe de sauvetage improvisé. L'espoir de retrouver des survivants s'amenuise de plus en plus. Entre ceux qui n'ont pas eu le temps de se réfugier en intérieur et ceux qui ont disparu sous les éboulements, il y avait peu de chance de trouver qui que ce soit en vie par ici.

Suivie par un grand homme blond, presque la quarantaine, elle balaye la zone des yeux, fouillant sans relâche les décombres alentours.

Si elle pouvait ne sauver ne serait-ce qu'une seule personne aujourd'hui, cela serait déjà un pas vers quelque chose. N'importe qui, pourvu qu'on puisse avancer, pourvu qu'on puisse reconstruire.

Ses yeux s'arrêtent sur un tas de gravats. Le sol aux alentours est teinté d'un rouge sombre.

Son sang ne fait qu'un tour. Elle appelle ses camarades les plus proches de sa position :

"JE CROIS QU'IL Y A QUELQU'UN LA-DESSOUS !!"

Elle s'y précipite et alors qu'elle comptait se mettre au travail, elle entend une respiration saccadée. Il y a bien une personne ici, quelqu'un de vivant.
Elle commence à retirer frénétiquement le plus gros des gravats. Elle s'affaire jusqu'à s'en meurtrir les doigts, mais elle ne s'arrête pas.

Elle continue jusqu'à découvrir une jeune femme, grièvement blessée.
Elle avait visiblement perdu beaucoup de sang et ne semblait pas en capacité physique de bouger ne serait-ce qu'un doigt. Son regard fixé vers le ciel, la jeune fille saignait abondamment de la tête et son corps entier était couvert d'hématomes.

Les sourcils froncés par l'inquiétude, Arthur comprit qu'elle n'en aurait plus pour longtemps à moins qu'on ne lui apporte des soins d'urgence. Elle se retourne par réflexe alors que son compagnon arrive lentement à ses côtés. En voyant la blessée il détourne son regard et ferme les yeux : il ne veut pas en voir davantage.

Elle approcha sa main de celle de la jeune femme.

- "Vous m'entendez ? On va vous sortir de là, je vous le promets."

Leurs mains se touchent et soudain... le néant. Les dernières pierres qui reposaient sur le corps de la jeune femme tombent à l'endroit précis où elle se trouvait un instant plus tôt.

Les yeux d'Arthur s'ouvrent en grand alors que sa main se referme sur du vide.
Elle serre lentement son poing de frustration, envahie par l'impuissance, envahie par la sensation d'être parfaitement inutile, qu'il n'y a plus de raison d'espérer.

Un échec de plus. Une autre personne qu'elle n'a pas réussie à sauver. Elle a failli à sa tâche.

Pas encore...pitié...


Samia ouvrit les yeux et se redressa en sursaut, faisant de son mieux pour calmer sa respiration saccadée. La vision trouble, il lui fallut quelques secondes avant de voir un peu plus clairement autour d’elle.
Elle se trouvait assise dans l’herbe à une vingtaine de mètres d’un amas conséquent de morceaux de béton de diverses tailles et de verre brisé. La route la plus proche était fendue en de multiples fissures, s’étendant parfois jusqu’à devenir de larges crevasses par endroits. Seules quelques fondations tenaient encore debout et les quelques portions de murs restantes étaient dans un sale état.

C’est quoi ce bordel-

Sam se releva lentement, le souffle encore court, de petits nuages de vapeur sortant de sa bouche entrouverte. Elle regarda plus attentivement autour d’elle, ses yeux couleur lavande observant la désolation environnante avec une incompréhension grandissante. Ce bâtiment n’était visiblement pas le seul à avoir subi les ravages du temps. Les quelques maisons et routes environnantes semblaient ne pas avoir été entretenue depuis des mois, les herbes folles ayant presque entièrement pris possession des jardins sur les sols comme sur les façades des habitations. Elle fit quelques pas vers les décombres les plus proches et leva la tête à l’endroit où aurait dû se trouver… l’immeuble.
Soudain elle se souvint.


Elle se revit marcher avec Myllie, leurs doigts entrelacés, légèrement crispés par le froid. Elles étaient toutes deux habillées de vêtements plus qu’adaptés à combattre des températures basses telles que celles-ci; mais cela n’empêchait pas Sam de légèrement grelotter, ses lèvres peintes de noir et ses mains mordues par le vent glacial qui soufflait avec vivacité.
Ce n’était pas un peu de fraicheur qui allait les empêcher de profiter de cette journée en amoureux. Cette escale à Arcadia Bay se passait très bien jusque-là. Enfin, c’était sans compter les quelques regards très appuyés de quelques habitants voyant 2 filles se tenir la main en public. Cela faisait bien longtemps que Sam avait appris à ignorer l’opinion des autres; du moment que ces idiots ne s’en tenaient qu’à des regards et quelques insultes, ils pouvaient bien penser ce qu’ils voulaient.

Mylendra tenait à aller à un endroit particulier aujourd’hui. Elle avait visiblement quelque chose en tête et Sam avait approuvé l’idée de la balade jusqu’au phare avec un petit sourire. Malgré le temps qui s’annonçait orageux, elles auraient une vue imprenable sur la baie. Elle leva légèrement la tête et posa son regard sur les yeux amandes de sa petite amie. Peu importe combien de fois elle la regardait, Sam ne se laissait jamais de la beauté et de la douceur qui se dégageait en permanence de sa Mylendra Foster. Mis à part Math, elle était la seule personne avec qui elle se sentait totalement en confiance. Elle l’avait sortie d’un enfer dont elle n’avait jamais cru pouvoir s’échapper et elle était la seule qui arrivait à faire taire ses anxiétés par sa seule présence. Celle qui avait un sourire aussi étincelant que le soleil.
Elle serra sa main un plus fermement.


Sam claqua la porte juste après le passage de Mylendra. Quoi qu’il se passe dehors, ça n’était pas une petite tempête qui s’abattait en ce moment même sur la ville. Elles avaient tout juste eu le temps de se réfugier dans ce bâtiment dont la porte avait miraculeusement été laissée ouverte et bloquée par une cale, sans doute par quelqu’un qui descendait quelque chose d’encombrant. Peu importe la raison, ça n’avait pas empêché Samia de dégager la cale d’un coup de pied bien placé avant de fermer la porte le plus rapidement possible.
Le bruit de vent devenait de plus en plus fort et la jeune française faisait de son mieux pour essayer de réfléchir à la marche à suivre. Il faut dire qu’à part les inondations, il n’y avait pas beaucoup de catastrophes naturelles dans son pays d’origine.

"Sam!!"

Mylendra la prit par la main et l’entraîna le plus loin possible des fenêtres dans un coin du hall d’entrée. Elles s’assirent en silence, en se tenant toujours la main, les yeux écarquillés par l’angoisse tandis que le vent se faisait de plus en plus assourdissant. Dehors, on pouvait entendre des bruits sourds, comme si un géant avait fait de cette ville son terrain de jeu. Aucune d’elles n’osait parler. Sam espérait de toutes ses forces que la tempête se calme, que tout s’arrête et qu’elle se réveillerait enfin de ce mauvais rêve.
Dehors, les bruits se multipliaient. Des cris perçants et des bruits sourds se faisaient entendre, accompagnés de secousses qui faisaient parfois trembler la terre, comme si la ville entière était en train de s’écrouler sous la puissance des rafales de vent. Sam vit passer une ombre devant la fenêtre à une vitesse extraordinaire et pendant quelques instants, elle fut persuadée que ce qui venait de passer à quelques mètres d’elles était une silhouette humaine. Elle espérait vraiment s’être trompée.
Elle se rapprocha un peu plus de Myllie. Les mains tremblantes, Sam la regarda dans les yeux. Les mots semblaient comme coincés dans sa gorge et elle du s’y reprendre à deux fois avant que sa voix accepte d’obtempérer.

"End… il faut-"

Un choc d’une puissance phénoménale fit trembler les fondations mêmes du bâtiment et la fenêtre en face d’elles explosa en morceaux. Sam hurla alors que quelque chose d’énorme percutait l’encadrure de la porte. Cette dernière se détacha de ce qu’il restait de ses gonds avant d’être emportée à l’extérieur telle une simple feuille de papier. Mylendra s’accrocha fermement à une rambarde d’escalier et serra sa main de toutes ses forces.
Une énorme bourrasque passa dans la pièce et faillit emporter Sam avec elle, mais elles tinrent bon. Ce ne fut pas le cas du plafond.

La pièce entière était en train de s’écrouler. Les néons au plafond s’éteignirent et la lumière grisâtre de l’extérieur devint leur seul éclairage. Par pur réflexe, Sam regarda à l’extérieur et ses yeux s’agrandirent de terreur.
La tempête était plus proche que jamais et elle était en train de tout emporter avec elle.
Personne ne viendrait les sauver.

D’énormes gravats commencèrent à tomber dans le hall. La rambarde se détacha soudainement de son support. Sam fut violemment projetée en arrière, le son du vent recouvrit son cri de pure panique. Elle se cogna la tête et la douleur fut telle qu’elle sombra immédiatement dans l’inconscience.


Samia ouvrit lentement les yeux. Il lui fallut de longues secondes pour réussir à reprendre un semblant de conscience. Sa tête lui faisait tellement mal qu’elle semblait sur le point d’exploser. Elle tenta de bouger mais son corps ne se déplaça pas d’un centimètre, elle était complètement coincée sous les débris du bâtiment; si bien que même sa tête était immobilisée. La tempête semblait encore faire rage dehors mais le son était comme étouffé sous cette tonne de gravats.

"MYLENDRA !!"

Aucune réponse.
Sa respiration s’accéléra. Il fallait qu’elle la retrouve. Elle ne pouvait pas rester ici bloquée sous ces conneries de rochers. Elle DEVAIT sortir de là, maintenant.

"MYLLIE !"

Elle essaya désespérément de se relever mais elle tout ce qu’elle y gagna fut un élancement qui parcourut son corps tout entier. Sa vision se brouilla et elle retint un gémissement de douleur. La plaque de pierre sur sa poitrine semblait devenir de plus en plus lourde et appuyer encore davantage sur elle.

Samia essaya d’appeler une dernière fois mais aucun son ne sortir de ses lèvres. Tout devint sombre à nouveau.


Sam était debout au milieu des décombres. La majorité du bâtiment avait volé en éclats mais elle reconnut sans peine le coin dans lequel Mylendra et elle s’était recroquevillées; là où elle s’étaient tenues l’une contre l’autre alors que la fin du monde se produisait à seulement quelques mètres d’elles.
Cela devrait être impossible mais son corps semble être en parfaite santé, contrairement à son manteau qui est troué à de multiples endroits. Combien de temps s’était-il écoulé ? Pourquoi était-elle seule ? Où était Myllie ?

Elle se met à courir.

"MYLENDRA !!"

Elle appelle son nom des dizaines de fois. De toutes les déclinaisons, de tous les surnoms qu’elle avait pour elle. Elle hurle à s’en casser la voix mais rien ni personne ne lui répond : la baie semblait totalement déserte.
Sam continue à courir, passant devant de nouvelles habitations à l’abandon. Les battements de son cœur s’intensifient de plus en plus, jusqu’au point où elle les ressente dans ses tempes, mais elle ne s’arrête pas.

Si Myllie était en vie, elle ne l’aurait jamais laissée ici. Elle ne l’aurait jamais abandonnée. Est-ce que ça voulait dire ?...

Elle ne s’arrête que lorsque sa voix n’est plus qu’un croassement. Ses jambes n’arrivent plus à la porter. Elle s’écroule. Les larmes lui montent aux yeux et elle n’essaye pas une seule seconde de les retenir.

Elle était à nouveau seule.