1Tu habites à Arcadia Bay ou tu étais juste de passage ? J'ai toujours habité Arcadia Bay. A croire que c'est un héritage familial dont je me serai bien passé par moments.
2Tu faisais quoi avant la tempête ? Vendeur en assurances
3Quels dégâts a-t-elle fait dans ta vie ? (Dépression, blessures, handicap, perte de proches, etc...) Perte de proches : jusque là, je n'ai aucune idée de ce que sont devenu mes parents et ma fratrie, même si nos relations n'étaient pas au beau fixe, nous ne dirons pas que je ne s'en souciais pas. C'est étrange, mais à chaque fois que je vois un grand homme blond au coin d'une rue, j'ai encore l'espoir de voir surgir mon père.
4Que faisais-tu lorsque la Tempête a frappé ? Une partie de domino en solitaire. Ne le dites pas trop fort, hein, ce n'est pas comme si j'en étais particulièrement fier.
5Tu quitterais tout pour retrouver ta vie d'avant ? [ ] OUI [X ] NON (c'est tout de même l'occasion de faire enfin une VAE)
6Pourquoi et comment as-tu rejoint les Greens ? La Foi que le groupe véhicule qui correspond à mes objectifs, la sécurité et l'assurance de trouver un groupe fiable. Mais la Foi fait beaucoup.
7De quelles activités es-tu en charge ? Je suis bâtisseur. Il arrive donc plus que souvent que je mette la main à la pâte pour construire des choses, tu vois ? Tu vois le banc sur lequel tu es assis ? Et bien, tu as son créateur devant les yeux. Bon, maintenant, passe-moi mon mètre.
8Comment se passe ton intégration au sein du groupe ? J'y suis depuis un an, il me semble, cela me semble plutôt bien se passer, l'essentiel est de se montrer utile, non ? De cuisiner, de devancer le moindre petit besoin, se montrer cordial. Si nous vivons en communauté, je ne pense pas que ce soit la peine de ne pas l'être.
9Que penses-tu des autres groupes qui s'organisent ? Oh, je suis loin de négliger les autres groupes qui nous entourent. Les Knights sont des gens biens, même si leur sens de la débrouillardise est un peu à revoir. Il m'arrive de temps à autre de les aider avec quelques bâtiments à reconstruire. Il s'agit de personnes généralement aimables, nous nous entendons donc bien.
En ce qui concerne les Pirates, en revanche, j'en connaissais certains avant de partir chez les Greens. Si j'ai tout à fait conscience qu'ils peuvent être individuellement très sympathique, la volonté des Pirates de prendre les ressources des autres me sidère un peu. Mais je reste convaincu dans tous les cas qu'il ne s'agit pas de personnes foncièrement mauvaises.
James avait toujours aimé jouer du violon. À son sixième anniversaire, il se souvenait qu'on lui avait offert cet instrument aux cordes lisses et au bois parfait. Il l'avait dans un premier temps regardé comme s'il était tout à fait incongru de devoir s'y mettre, puis avait pincé ses premiers accords. L'archet avait émis un bruit strident, accompagné d'une grimace de quelques auditeurs. Nous n'allions pas prétendre que cela avait été facile, au contraire. Il dut même énerver quelques oreilles précieuses, mais l'enfant persista, plus ou moins régulièrement.
Il y avait eu les concours de chant, les ateliers d'éveil musical dans lesquels il s'escrimait péniblement avec l'instrument en question.
James n'avait sûrement jamais eu le sens du rythme et il était facile de dire qu'il dénotait au milieu de tous ces bons élèves aux coups d'archet si parfait. La musique, ce n'était pas pour lui, mais c'était difficile à dire à des parents qui faisaient tout pour le pousser dans cette direction.
À dix ans, il faisait partie d'un petit orchestre à l'école de musique, à 12, il séchait allégrement les cours avec quelques amis pour aller fumer leurs premières cigarettes derrière le bâtiment. Au milieu de la deuxième année de collège, le violon de James subit une violente attaque ; ses cordes si tendues furent sectionnées d'un coup sec par quelque chose qui devait être, au choix, soit un sécateur, soit une paire de ciseaux. Bien que le coupable désigné fut en réalité assez évident (un de ses jeunes frères qui ne tenaient pas en place, c'était évident vu le cinéma qu'ils faisaient parfois quand ils se mettaient à jouer), James, malgré la rancune qu'il éprouva quelque peu, fut en réalité soulagé de devoir arrêter de jouer de cette instrument. Il le rangea sous le lit avec le gant de baseball, le kit du parfait chimiste reçu à ses huit ans sans oublier un magnifique Monopoly même pas ouvert.
Sa mère le retrouverait des années plus tard en rangeant sa chambre et il s'en suivrait la première dispute de sa vie, vraiment dramatique.
Mais, d'une certaine manière, James était un garçon si calme, bien plus que ses frères, alors cela jouait en sa faveur. Et pourtant, James se sentait seul. Seul après les cours, alors que ses parents s'affairaient à conduire August et Salomon dans leur activités respectives, seul dans les seules de classe si remplies, seul dans cette chambre pleine de mots d'amis, de carte ou d'uniformes de sport.
Parfois, il se surprenait à penser vouloir fuguer. Il se passionna un moment pour les aventures de Robinson et entreprit même à penser à une fugue. Il vivrait par monts et par vaux, il prépara un sac, y rangea un canif, une gourde pleine, un slip de rechange ainsi qu'une couverture de survie.
James ne tint pas longtemps et ses parents, absents pour la soirée, ne remarquèrent même pas son absence. De ces quelques heures, il retint le froid de la nuit et la terreur que lui inspirait le hululement des hiboux. Bizarrement, il leur en voulut. Quelque chose en lui se tordit à ce moment précis, les accusant de ne pas avoir été assez présent pour lui, trop pour ses frères.
La jalousie s'ancra doucement mais sûrement en lui, alors que certains de ses camarades pouvaient s'entendre de l'autre bout de la rue, lui se renferma. Sa quatorzième année fut le début de la posture avachie, des mains dans les poches, des cheveux tombant sur la figure, des boutons sur le nez et du poil au menton. James rentrait de plus en plus tard, les seules fois où il parlait à ses parents était pour répondre d'une voix monocorde des choses banales à propos de la vie au lycée.
Et la vie semblant se passer, l'enfant devint adolescent, prit quelques centimètres, eut des sueurs froides quant aux programmes d'études proposés par les nombreuses facultés, regarda avec désespoir, presque, ses bulletins scolaires en soupirant.
Bref, les études ne seraient pas pour lui.
À cette époque, les reportages sur les espèces en voix d'extinction, voire totalement éteintes, se multipliaient. James les regardait un œil blasé, soupirait d'un air dépité, se disant qu'il ne pouvait rien faire de plus à son échelle.
Il fit de rapides études là où on l'accepta puis obtint un travail dans les assurances. Il admettait ne pas vraiment aimer ça, mais avait-il le choix ? Il louait un petit appartement et avait bien besoin de son salaire pour ne pas être expulsé. James vivait bien. Il mettait de côté pour s'acheter une maison, avait eu quelques relations à cours terme, sortait parfois le soir avec ses collègues. La vie lui paraissait pourtant longue, aussi longue et pleine de vacuité que l'étaient les repas du dimanche midi chez ses parents.
Leur ressemblait-il vraiment ?
Deviendrait-il leur caricature ?
Le garçon devenu homme était taraudé par l'envie de fuir. Il se souvenait de l'expérience de la fugue, l'envie le rendait fébrile et l'idée de tout abandonner pour vivre une vie plus en adéquation avec la nature, sur les routes et en improvisant se faisait une place dans son esprit.
Il savait pourtant que cela n'arriverait jamais, c'est pourquoi la catastrophe qui secoua Arcadia Bay fut pour lui un choc salutaire bien qu'un brin traumatisant.
Il est amusant de constater à quel point les priorités de l'ancien monde pouvaient devenir désuètes ou futiles. James ne fit pas le fier et s'il s'était imaginé une vie naviguant par monts et par vaux, force était de constater qu'il n'avait littéralement aucune expérience pour survivre en milieu hostile. Les bâtiments qui s'effondraient, les morts par dizaines ou le manque de nourriture, il fallait admettre que sa survie du début tint un peu du miracle. Par la suite, il rejoint un groupe de vagabonds et apprit peu à peu la douceur du bois, le son du burin et les éclats de rire un peu fatigués qui pouvaient résonner, parfois, après une longue journée de boulot.
Il se fit des amis et de l'expérience dans les multiples chantiers en cours. Fit également de nombreux allers retours dans l'hôpital qui se constituait déjà, victimes de blessures caractéristiques de son métiers. Il lui restait encore actuellement quelques points, cicatrices ci et là, surtout sur les mains, comme témoins de ses efforts.
Calme il resta car c'était tout de même un des traits de personnalités qui lui convenaient le mieux, c'est surtout qu'en ces temps d'apocalypse, la colère descendit au fur et à mesure, elle qui avait déjà presque disparu alors qu'il devenait adulte. Finis les songes de grands voyages, mais il marcha. Il vit les paysages, il fit agir ses mains, plaint les baleines. Les Greens furent le meilleur des refuges pour lui et il rejoint ainsi d'autres bâtisseurs et affina sa croyance en sa nature. Lui qui avait cru pendant des années que la catastrophe écologique était inéluctable et non de son ressort comprit qu'il pouvait agir.