Voilà déjà un moment, qu’il n’avait pas mis les pieds dans un potager. En haut de son garage, plus d’un an désormais qu’il l’avait quitté - ah parfois il lui manquait un peu, légèrement, toujours un peu plus alors que peu à peu il laissait la Poste derrière lui, sans pour autant totalement les abandonner. Pensif un instant, Ginger endormi à quelques pas de là, il mène sa pipe à ses lèvres après avoir réussi à trouver quelques feuilles de tabac à y bourrer. Lui qui alors s’était contenté de cigarettes depuis un moment, ah comme ce geste simple lui avait manqué.

Il a le dos cassé au-dessus de la terre, et le visage masqué par la fumée et la buée qui s’échappe de ses lèvres. Seule Ginger tapote le sol avec sa queue, un intervalle régulier qui offre un rythme régulier à ses pas.

Il regarde un peu autour de lui.
Les allées vides et déglinguées.
Le froid qui reprend peu à peu sa place.

Il renifle et se frotte le nez, mordu légèrement par la fraîcheur matinale, à profiter de l’absence encore de bruit et de gens. Arroser les quelques plans qui restent vigoureux malgré l'automne avançant, voilà ce qu’il avait argué. Mais en vérité, il ne fait que profiter de ce calme tout relatif, alors qu’il s’assoit sur le trottoir en posant ses doigts dans la fourrure chaude de Ginger. Elle respire fort à ce contact, semble soupirer alors que ses yeux restent désespérément fermés.

Il sourit faiblement.
En la regardant dormir.

Alors que finalement tes pas viennent troubler sa quiétude. Il redresse le regard pour le poser sur toi, reconnaître ta longue chevelure blonde. Il cligne un peu des yeux de te voir dans les parages, avant que ses yeux ne se posent sur Woolf. Il inspire, en se disant que finalement c’est logique.

- Salut Eli, qu’il te salue sobrement, alors que Ginger à ses côtés ouvre un œil.

Elle baille largement en regardant le second chien à ses côtés, sœur dont elle se rappelle de loin, alors que l’excitation encore ne se voit qu’à travers ses oreilles qui se redressent et son regard qui ne se décroche.

Il resserre sa main dans la fourrure de son chien.
Leon ou Noel, qu’importe désormais.

- Tu viens m’aider à arroser le potager ? demande-t-il alors en laissant couler son regard sur les quelques plans qui subsistent. ...Ou du moins ce qu’il en reste ?

Et il repose les yeux sur toi.
Te sourit faiblement.

Il a un sourire un peu triste sur les lèvres.
Un peu ailleurs sur la face.

Il regarde ton chien alors que tu t’approches, lui offre une caresse de bonjour. Et de nouveau il mène sa pipe à ses lèvres, tire longuement comme pour s’apaiser et se réchauffer. Il jette un regard aux plantes derrière lui. En vérité, elles n’ont rien d’exceptionnel ; elles semblent même dépérir peu à peu à mesure que passe le temps et que se refroidit l'atmosphère.

- Le boulot, qu’il souffle en même temps que la fumée du tabac qu’il fume. J’ai arrosé, même si je sais pas si ça sert à quelque chose.

L’air est humide, le brouillard se lève désormais tous les matins ou presque. Elles doivent boire bien assez d’eau, n’est-ce pas ?

Il jette un regard un peu pensif sur les deux chiennes, occupées à se renifler, occupées à se (re)découvrir. Bien moins excitées que lorsqu’elles étaient petites. Ginger ouvre grand la gueule comme pour l’inviter au jeu, alors qu’elle se lève finalement et vient lécher les oreilles de sa sœur. Adorable, comme toujours.

Il sourit.
Il savoure encore un moment.
Le calme, la fraîcheur de l’instant.

- Qu’est-ce que tu fais ici de si bon matin ? finit-il par te demander.

Il passe une dernière fois sa main dans le pelage de son chien, avant que celle-ci ne s’en aille hors de sa portée, à présent parfaitement réveillée par la simple présence de Woolf à ses côtés.

- J’ai des gâteaux, si tu veux.

Il propose ça bêtement.
Un reste de gâteaux secs dans le fond de son sac.

Si jamais, tu as envie de t’asseoir quelques minutes à ses côtés. Pour parler simplement. De tout et de rien.