Jour de repos.
C'était tombé comme une mauvaise nouvelle dans le journal. On aurait annoncé à Thompson la mort de son père, il n'aurait pas eu autant d'émotions. Et avant même que son réveil ne sonne, il était réveillé à regarder le mur sans ciller. Un matelas de mauvaise qualité à même le sol, une bouteille d'eau, et un vieux radio-réveil qui affichait mal les heures. De loin, on aurait pu croire qu'il vivait en plein milieu de l'apocalypse, survivant grâce aux quelques vivres qu'il avait trouvés dans son errance.
Non, ça, c'était la vie normale de Tyler Thompson.
Il resta un long moment, à contempler le plafond. Il en remarquait les fissures, les bouts de plâtres qui se décollaient, ou l'araignée qui faisait sa toile dans un coin. Il détestait les jours de repos. Il s'y sentait vide, enfermé entre quatre murs, lui qui avait soif de liberté et de froid. L'Alaska lui manquait.
Puis, Tyler se leva, il se lova dans sa routine. Un oeuf qu'il cassa sur le coin du lavabo et qu'il avala, l'eau chaude pour le café soluble. La douche. Des cheveux coupés à l'arrache, le regard indifférent lancé à la balafre recouverte de son tatouage. Et faire l'inventaire des conserves qui lui restaient. Puis frapper, frapper, le sac de sable qu'il s'était fabriqué pour s'entraîner.
L'armée ne lui avait appris aucune discipline, depuis l'enfance, il agissait comme un militaire. L'armée lui avait fait prendre conscience qu'il détestait une chose en particulier.
Resté enfermé, à rêver d'aurores boréales.
Ne pas oublier ce qu'il faisait ici.
Son poing percuta le sac, et à cet instant, Tyler apprécia le silence dans son appartement. Le souffle court, un simple débardeur recouvert de sa sueur et un pantalon troué, il observa les phalanges de ses mains. Il reprenait son souffle.
Et c'est là que le son strident de la sonnette lui arracha un froncement de sourcils. Ses épaules s'affaissèrent, le soupir traversa ses lèvres, et il jeta un regard à sa carabine. C'était sans doute le voisin du 202, qui avait encore perdu son chat. D'un pas traînant, Tyler alla ouvrir la porte.
Personne ?
Un regard sur la droite, puis sur la gauche, et ses yeux acérés se baissèrent sur le gamin blond et maigrichon qui lui faisait face. Tyler le fixa, puis il parla enfin d'une voix grave, un peu douce :
«
Je ne suis pas intéressé par l'achat de vos cookies pour financer les Fiers Écureils Nageurs. »
Une autre chose que Tyler n'aimait pas : les adolescents et les scouts. Les premiers puaient les hormones, les seconds puaient les hormones et le sucre. En plus d'envahir la (sa) forêt avec plein de bons sentiments. Modèle américain, haine féroce pour l'Inuit.
Et ce n'était pas de chance, si le visage du gamin lui disait vaguement quelque chose, Tyler croyait voir juste un scout.