1Habite-elle à Arcadia Bay ou était-elle juste de passage ? Elle y habite depuis son plus jeune âge. Elle y a aménagé à 9 ans.
2Que faisait-elle avant la tempête ? Lycéenne discrète dans le lycée général d'Arcadia Bay. Des résultats moyens, pas d'aspirations particulières, traînant dans l'ombre de sa meilleure amie populaire et espionnant les réseaux sociaux sans jamais vraiment participer. En dernière année, elle ne visait que le
community college du coin en sociologie et ne faisait aucun effort pour se démarquer.
3Quels dégâts a-t-elle fait dans sa vie ? La tempête a emportée la petite maison préfabriquée où elle vivait. Pouf ! Plus rien ! On a retrouvé plus loin le corps de sa mère, tandis que son père, son frère et ses fréquentations ont disparu. Peu à peu, toutes ont refait surface à l'exception de son père, mais elle n'a jamais cherché à s'en rapprocher.
4Que faisait-elle lorsque la Tempête a frappé ? C'était un banal vendredi après-midi ensoleillé. Elle suivait un cours de sport en extérieur, lorsque la Tempête les a pris de cours. Les élèves ont eu le temps de se réfugier dans le lycée mais grand mal leur en prit : celui-ci fut détruit par la tempête. Beaucoup de morts parmi ses camarades, beaucoup de cris, de pleurs. Mais Charlie sait gérer le stress. Elle sait souffler, elle sait s'asphyxier et respirer quand même, elle sait se taire, elle sait se rouler en boule et elle sait disparaître.
5Quitterait-elle tout pour retrouver sa vie d'avant ? [ ] OUI [ X ] NON
En fait, elle s'en fiche de sa vie d'avant. Elle n'avait pas d'avenir. Ici, dans cette parenthèse spatio-temporelle, elle se sent moins prisonnière de la société.
6Pourquoi et comment a-t-elle rejoint les Knights ? Elle a été recueillie par les Chevaliers. C'est tout naturellement qu'elle est restée, n'ayant rien de mieux à faire.
7De quelles activités est-elle en charge ? Elle s'y est faite une place en tant que Nounou. N'ayant aucun esprit de Leader, elle n'est en charge de rien du tout et assiste les Nounous existant, notamment Mum. Elle prend le relais quand ils sont fatigués, elle écoute les enfants, elle joue et rit avec eux, leur raconte des histoires qu'elle a pu lire ou entendre dans son enfance.
8Comment se passe son intégration au sein du groupe ? Fortifié par ces rafales, l'Oiseau a pris toute la place dans son cœur et elle s'est isolée du passé. Si bien que lorsque sa "meilleure amie" a fait son apparition plusieurs mois plus tard, elle l'a rejetée comme une malpropre. Charlie maintenant ne se définit qu'à travers une couleur, celle du chaos sur lequel l'Oiseau a refermé ces ailes.
Red n'est pas très bien intégrée, si ce n'est auprès des enfants les plus jeunes.
9Que pense-t-elle des autres groupes qui s'organisent ? Qu'il y ait d'autres groupes et des frictions lui est bien égal. Tout en plus, ça la conforte dans le fait que les lois du dehors n'ont pas d'effet sur celles du dedans.
Octobre 2017 - Piscine municipale d'Acardia Bay - 10:07amFlottant au milieu de l'eau, elle s'interroge. Se demande ce que ça ferait de se noyer, ici et maintenant.
Paisible, elle se sent portée par cette présente aqueuse qui engourdit ses membres dont elle entend les doux murmures qui l'invitent à se laisser aller. Elle se détend, et tous ses problèmes semblent disparaître sous un voile épais et pesant.
Mais son corps demeure, et dans sa poitrine, ses poumons appellent à l'air. Ils appellent la lumière, le bruit et le dioxygène. Ils appellent la vie du mammifère bipède, albatros sans ailes. Ça serre et ça veut inspirer, ça veut absorber, ça veut vivre. C'est plus fort qu'elle, c'est l'instinct de survie qu'elle déteste, celui qui lui assure que la mort par noyade est aux antipodes de la paix de ses fantasmes, celui qui la secoue, la violente, l'agite vers la surface.
Jusqu'à ce qu'elle émerge enfin la tête de l'eau, la gueule grande ouverte, pour engloutir dans un sifflement typique une grande goulée d'air dans ses bronches affamées.
Clignant des paupières, ses yeux se pose sur les rebords blancs de la piscine. Elle entend les voix résonnantes des jeunes qui discutent, le bruit des pas nus et mouillés, l'eau soulevée et claquée par les bras et les pieds des jeunes nageurs.
- Charlie ! Qu'est-ce que tu attends ?Elle se tourne vers l'enseignant qui lui somme alors de faire ses longueurs. Soupirant, elle commence à nager.
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Octobre 2013 - Chez les Travis - 10:07pmElle navigue sur son smartphone sur le sofa quand elle entend s'ouvrir la porte. Levant les yeux du thread twitter qu'elle lisait avec attention à propos de l'horrible désastre qu'annonçait la Corée du Nord, elle aperçoit le profil de son père qui active le verrou avant de jeter ses clés sur le petit meuble de l'entrée. Ses yeux sombres fusent sur Charlie dont le sang se glace.
- T'es pas encore au lit, toi ?- J'allais me coucher...Elle se lève déjà. D'un pas pressé, elle file dans le couloir, croise la silhouette floue de sa mère, et s'enferme dans la chambre. Les voix ont commencé à s'élever avant que le battant ne touche le chassis.
Dans le noir, elle se hâte dans son lit, se cache sous la couette, et retient sa respiration.
Les palpitations rugueuses de ses artères font echo sur les côtés de sa gorge aux battements sourds de son cœur lourd.
Le monde se tait. Le monde se voile. Le monde n'est plus. Son père ne crie pas. Le verre ne se brise pas. Sa mère ne se dérobe pas. Son frère rit avec elle. Elle se rappelle sa voix éclatante, ses yeux plissés par l’exaltation, le bruit de ses claquettes sur le sol, le soleil chaud sur son visage, l'odeur de l'herbe fraîche.
Souffle. Souffle. Souffle.
Mais il n'y a pas de vent sous sa couette, pas d'air frais à avaler, pas de parfum floral ni même l'odeur des draps propres. Elle n'a que l'asphyxie solitaire lorsque après avoir vidé ses poumons, elle ne trouve plus assez d'oxygène à inspirer.
Et personne ne viendra jamais la secourir.
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Octobre 2018 - Lycée général d'Arcadia Bay - 12:47pm- Tu croirais jamais ce qui est arrivé hier soir !- Ah bon ? Il s'est passé quoi ?Elise alors déroule toute son histoire. Jamais interrompue, elle passe sur tous les détails de la soirée, insistant sur la dispute avec sa mère, tandis que Charlie ponctue son monologue de "Mh Mh", "Oh", "Ah bon ?", "Wow !", les yeux brillants, coupant son souffle aux bons moments.
Dans Charlie, on n'entend pourtant pas les histoires d'Elise. On entend le bruit du silence. Comme un cave plongée dans le noir, dans une maison vide, au bois sans vie, sans craquements. Un courant d'air deux étages plus haut, une araignée qui tisse une toile dans le garage. Dans le salon, une cheminée éteinte et noire de suie.
Charlie est comme cette maison vide. À l'extérieur, les murs sont beaux, le gazon vert, des fleurs sur les bords du jardin.
C'est la maison vide.
Pendant qu'Elise parle et parle et parle, Charlie prend conscience d'à quel point elle se fiche éperdument de ce qu'elle dit. Un ennui morne passe en elle comme une rafale tandis que l'Oiseau du Néant, percé à jour, décide de gonfler subitement. Ses grandes ailes noires se déploient et submergent l'espace.
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Octobre 2011 - Chez les Travis - 10:14pmTableau.
Ci-git les boyaux du yaourt éventré par sa chute sur le sol, contemplé par les muets Charlie et Sean. Leur père vient de surgir dans la cuisine.
- Qui a fait ça ?Son ton est dur. La voix est basse. La menace, éloquente. Tétanisée, Charlie serre la petite cuiller en tremblant légèrement.
- C-C'est moi ! revendique finalement son grand-frère.
La claque est immédiate. Elle résonne dans le crâne de la fillette et fait écho derrière ses yeux où crépitent les éclairs de l'émotion qui la remplit : elle est sous le choc.
- Allez dans la chambre, somme leur père.
Ils s'exécutent sans un mot. Sitôt la porte fermée, le garçon retire la main de sa joue endolorie pour soulever un pan de la fenêtre et se hisser de l'autre côté. Jetant un dernière regard sombre vers sa petite sœur, il court alors vers sa première fugue.
Encore bouleversée, Charlie ferme la fenêtre derrière lui, s’assoit sur le bord de son lit, et tente d'assimiler la scène à laquelle elle vient d'assister.
Non.
La scène où sa participation est sans appel. Par lâcheté, Charlie a agi sans action, a parlé sans bruit, et a condamné son frère.
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Octobre 2019 - Chez Phyllis - 8:35pm- JOYEUX ANNIVERSAIRE !Phyllis souffle ses bougies. Et tout le monde applaudit. Charlie frappe fort dans ses mains jusqu'à s'en brûler les paumes. Puis tout le monde donne les cadeaux : sa petite-amie, son meilleur ami, son trio de potes du lycée, ses amies rencontrées au bar pendant ses études. Ils ont tous quelque chose à sortir de leur sac ou d'un coin de la pièce.
Charlie à son tour sort une petite enveloppe et la tend à Phyllis. C'est le cadeau qu'elle ouvre en premier. Dedans, un carte toute simple qui s'ouvre sur une photo d'elles deux : Charlie toute souriante et Phyllis, blasée d'avoir ainsi forcée à poser devant l'objectif, faisant tout de même un V sur chacune de ses mains.
« À ma meilleure amie et ma grande sœur, merci de m'avoir sauvée. Je t'aime. Charlie. » À Phyllis, Charlie arbore un large sourire. Elle est persuadée de ressentir pour elle un amour qui se rapproche de ce qu'elle a pu ressentir pour son grand frère, sa mère et même son père quand elle était petite. Cet amour qui bat et crache plein de couleurs qui se mêlent et se dissolvent pour former un sentiment unique. Cet amour pour lequel elle a volé un billet à son père pour acheter cette carte. Cet amour pour lequel c'est sa mère qui s'est faite réprimandée.
L'Oiseau du Néant pourtant n'est pas loin et picore déjà les premières perles de cet amour dont il prendra goût.
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Novembre 2019 - ??? - ???Emmitouflée dans un large gilet gris foncé trop grand pour elle, les chaussettes trouées aux genoux, les chaussures couvertes de boues, Charlie contemple, estomaquée, le terrain où se trouvait sa maison. Cinq minutes se sont écoulées. Cinq longues minutes durant lesquelles son regard est passé d'un débris en ferraille à un tas de bois. D'un tricycle en plastique à une valise éventrée. Des bouts de tissus déchirés, elle croirait reconnaître la robe de la fillette qui habitait le quartier voisin de l'autre côté du bois.
Cinq minutes ?
Les nuages pourtant ont parcouru le ciel entier avant qu'elle ne fasse un premier pas en direction de ce bout de champ de bataille. Ses chaussures s'enfoncent dans la boue, elle glisse mais se rattrape. Petits pas ventouse.
De sa maison en préfabriqué, il ne reste plus grand chose. Pas de maman, pas de chambre, pas de toit. Des bouts de meubles peut-être, mais avec la boue ils pourraient aussi bien appartenir à d'autres maisons.
Poussant du pied un tas de branchages, elle aperçoit des filaments familiers. Instinctivement, elle plonge sa main dans la terre meuble et gluante et trouve quelque chose à empoigner, à tirer. Au prix de quelques efforts, elle déterre un bout de tissu long, et détrempé, couleur terre, couleur cimetière. Elle se redresse, le plie en deux puis le roule en boule contre son ventre, par-dessus le gilet qu'elle salit de boue.
Tournant précautionneusement les talons, serrant son trésor tout contre elle, elle repart de ses petits pas ventouse vers le château, son seul repère dans ce monde défiguré.