T-rex ronfle profondément, un filet de bave au coin de la bouche, quand sa nuit est brusquement interrompue ; par qui ? par quoi ? Elle n’en a pas la moindre idée. A l’instar de ses compagnons de chambre, par réflexe reptilien plus qu’autre chose, elle se met à crier elle aussi, le coeur battant et l’esprit embrumé. Comme si cela pouvait chasser ce qui ressemblait à un mauvais cauchemar.

Quand elle comprend qu’elle est effectivement réveillée, elle s’arrête, se roule en boule sous sa couverture remontée jusqu’aux yeux et essaye de discerner quelque chose dans le capharnaüm de l’instant. Dans son malheur, son lit se trouve plutôt proche de la porte d'entrée.

Elle plisse les yeux, le plus immobile possible pour qu'on l'oublie surtout, mais elle ne comprend pas bien que les vagues formes des inconnus tout proches qu’elle parvient à discerner lui semblent si monstrueuses et effrayantes. Elle sait juste qu'elle se sent en danger, parce que des méchants attaquent sa maison. Elle a peur bien sûr, T-rex ; mais c’est un chevalier, et les chevaliers sont courageux. Et ils se battent contre les méchants. Toujours.

Alors sa décision est prise, elle ne réfléchit pas plus longtemps avant de glisser hors de son lit en faisant le moins de bruit possible. Elle attrape son dinosaure en plastique qui trône sous son oreiller (celui de son ami Eight), puis s’allonge par terre et entreprend de ramper d’abord sous son lit, puis sous le lit de son voisin, et ainsi de suite jusqu’à celui de Pissenlit, comptant seulement sur sa bonne étoile pour y arriver sans obstacle. Elle ne douta pas une seule seconde que son idole saurait quoi faire dans un moment pareil, qu'elle aurait un plan. Parce que c'est une redoutable guerrière, qui connait des tas de gros mots, et qui n'a peur d'absolument rien, surtout pas des monstres.

Récap des familles o/:

Le chaos prend des airs de bataille. Comme pour lui donner raison d’avoir foi en elle, Pissenlit hurle en se jetant à l’assaut d’un des assaillants ; T-rex se tortille pour sortir de sa cachette, toute proche du lit de son héroïque idole alors. Elle grimpe dessus, décidée à l’imiter et à l’aider, émulée par sa combativité. Elle discerne mal les contours de son opposant mais le situe mieux alors qu’il prend la parole et se débat avec elle.

Elle fronce d’autant plus les sourcils quand elle l’entend la menacer. Plusieurs de ses compagnons prennent les armes à leurs tours, et T-rex s’apprête à les imiter ; mais elle est coupée dans son élan, soudainement, sans réellement savoir pourquoi. Car subitement, il n’existe plus que la silhouette d’un deuxième ennemi à l’allure déjantée, qui assourdit jusqu’aux sons environnants.

Puis déferle alors un nouvel évènement qui n’a pas plus de sens que le premier ; une ribambelle de silhouettes, aussi petites que des enfants, mais plus agiles, plus rapides, et plus… poilues. Elles se joignent à la fête avec un naturel vertigineux.T-rex les discerne bondir ça et là, et prendre d’assaut un des méchants. Quelque chose lui caresse la joue dans le même temps, et là tout proche, il lui semble bien que ce soit un singe. Comme ceux qu’elle a vu à la télé avec son papa, le dimanche après midi à la maison. Il ne lui fait rien, et elle arrondit les yeux de circonspection, bien heureuse de trouver là de nouveaux... alliés ?

Puis elle se rappelle Pissenlit et ça la frappe : il est vraiment de son devoir de chevalier de l’aider, maintenant. Elle reporte son attention sur l’assaillant tout proche, discerne des mouvements anarchiques. Pas question de tourner autour du pot : Pissenlit a montré le chemin et T-rex allait le suivre. Elle se prépare, tente de trouver une ouverture, et s’élance à son tour depuis la hauteur du lit, imitant son amie avec moins de style : “Tu laisses Pissenlit, connard qui pue-du-cul !” Elle espérait rencontrer un dos ou un bras auquel s’accrocher mais elle se retrouve finalement suspendue au manche d’une hache sans trop savoir comment. Peu importe, elle mouline des pieds dans l’air, espérant tant s’emparer de son arme que filer quelques coups à son propriétaire au passage.

Récap:

Le discours de Merlin la transporte : elle ne voit rien de sa chute, en perçoit juste le bruit étouffé. Et peu importe, parce que la force qu’il lui transmet par les mots est réelle. Alors, quand fusent les insultes fleuries d’un de leurs ennemis, cela termine de la conforter dans son orgueil risible de petite fille inconsciente. Elle voit l’aventure là où il y le danger, elle sent le courage à l’endroit de la peur.

Alors quand elle comprend que leur ennemi s’affaisse sous leur poids et sous les coups, T-rex se sent victorieuse et invincible, et bien plus grande qu’elle ne l’est en réalité. Elle a vaincu : Elle oublie que la vie n’est pas un jeu, elle oublie que rêver n’empêche pas de souffrir, elle oublie que ses parents sont morts. Elle part à la renverse en même temps que son ennemi s’écroule, et déséquilibrée, maladroite, malchanceuse, à force de gigoter elle s’assomme à moitié sous le poids du bras et de l’arme. Le saillant de la lame vient mordre la chair en haut du crâne, sur le front, mais le choc l’étourdie plus qu’il ne lui fait mal sur le coup.

Cependant, une main toujours accrochée au manche de la hache, désorientée et tendue par l’adrénaline soudainement relâchée dans son corps, elle se redresse, obnubilée par la seule quête qui semble faire encore sens : lui prendre son épée coûte que coûte ! (même si c’est une hache)

“Pissenlit !! Faut lui prendre son épée... comme ça on peut tuer les.. monstres” Rien de plus logique alors, mais son équilibre lui joue des tours, sa voix tremblotte sans qu’elle comprenne pourquoi. Et elle tire à nouveau sur le manche côté lame, bêtement, sans jugeote, sans réfléchir ; les oreilles sifflent et la tête tourne. Quand la voix froide du deuxième inconnu lui intime l’ordre de relâcher ce qu’elle tient, elle redouble d’efforts par simple esprit combatif, avec la force de ce qu’elle est : une toute petite fille. "Non !" Elle sent quelque chose de chaud qui s’écoule sur son arcade droite, et parce qu’elle met alors tout son poids à tirer elle s’emmêle les pieds par terre, glisse et lâche tout. Même si le monstre face à elle n’y met pas beaucoup de force, elle suffit à faire siffler la lame trop près des petites mains prestes et les paumes s’entaillent à son contact. Elle tombe sur les fesses, penaude.

La conscience flotte une seconde, tout au plus, avant qu’elle réalise qu’elle a mal, que ça pique, que ça brûle : elle est rapidement secouée par des sanglots et laisse échapper de petits cris aiguës quand elle tente d’examiner ses mains de plus près. Elle se rappelle que la vie n'a rien d'un jeu, qu'elle ne peut plus rêver, et qu'elle est bien impuissante face aux monstres terrifiants qui ont fait irruption dans sa chambre cette nuit.

Résumé de l'échec critique: