[terminé] Tea Time • Rafaël

Tea Time

Ft. @Rafaël

Bien étrange vision que celle d’un homme aux allures vagabondes descendre la rue jonchée encore de quelques ruines et de vitrines brisées, sur un vélo semblant daté d’un autre temps mais remis au goût du jour par une mode vintage. Les pieds croisés sur la barre supérieur de sa bicyclette et les mains sur le guidon, il file en zigzagant dans l’éclair bleu canard du veston qu’il offre à la vue de tous, sur ce vélo qui n’a jamais vraiment été le sien, loué avant la tempête et gardé par la force des choses, jamais réclamé par son ancien propriétaire que Leon suppose aujourd’hui décédé. Dans le petit panier à l’avant, quelques articles sont entassés avec une organisation bien à lui, un bordel qu’il entretient avec un soin tout particulier, quelques articles venant d’un bout de la ville, de quelques négociations avec les Greens dont il est extérieur, lui il n’est ici que pour faire la livraison et le trajet, l’aller et le retour avec les biens troqués.

Il s’arrête sans se préoccuper de l’heure devant la devanture d’un salon de thé rouvert depuis peu et reconstruit à la hâte, où Leon a lui aussi ses habitudes lorsqu’il est en manque de théine, si bien qu’il y vient tout de même régulièrement parce qu’il s’agit bien du seul endroit dans cette ville désormais détruite où il peut obtenir un thé décent. Il paye bien ses consommations grâce aux allers-retours qu’il fait pour le compte du propriétaire, permettant ainsi à ce dernier d’obtenir ses précieuses feuilles de thé à servir aux quelques clients qu’ils parviennent jusqu’ici.

Il s’arrête donc devant ces fenêtres rafistolées de planches de bois, un air insouciant et franchement à l’ouest sur la face, sans se rendre compte de son immense retard, comme c’est d’ailleurs toujours le cas, à nouveau perdu au milieu de la ville sur le chemin pour venir ici. En retard, en retard, plus personne ne devrait s’en étonner avec Leon parce qu’il ne connaît pas franchement bien la ville, parce que parfois encore il oublie jusqu’à ses propres livraisons.

Il descend de son vélo avant de sortir de l’une de ses poches intérieures un petit carnet empli d’adresses, de noms et de produits, certaines lignes raturées : il s’agit simplement de son carnet de livraisons, il raye dès qu’il a fini puis il passe à la suivante. Il tire de sa poche un petit crayon de bois pour d’ailleurs raturer une ligne, celle concernant ce salon de thé, avant de rentrer dans la boutique avec un air nonchalant sur les traits, inscrit dans sa manière d’être. Il laisse à l’extérieur son vélo couleur rouille, grossièrement attaché à une barrière survivante.

- C’est le thé ! annonce-t-il en rentrant dans une salle encore vide en ce début d'après-midi, avec son accent anglais on ne peut plus prononcé et les sachets de feuilles de thé tenus du bout des doigts. Sans même penser un instant à s’excuser de son retard, il laisse glisser son regard ambré sur la salle à la recherche du propriétaire des lieux.

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Ft. @Rafaël

Quatre heures ? C’est qu’il pourrait s’en étonner, Leon, d’ailleurs le voilà même qui jette un rapide coup d’œil sur l’horloge du salon de thé, l’un des sourcils levé et un air étonné sur la face, mais effectivement, l’horloge indique bien quinze heures et quelques minutes passées. Mais désormais, c’est une nouvelle question qui prend place dans son esprit, pourquoi Rafaël semble-t-il si énervé, ne devrait-il pas être au courant depuis le temps, Leon arrive constamment en retard si bien qu’il pourrait élever cette capacité au rang d’art. Et c’est qu’il serait capable de s’en trouver des excuses, et toujours des bonnes, du moins elles sont bonnes dans son esprit. “Je me suis perdu.” “J’ai d’autres livraisons.” “Il y avait un oiseau bizarre sur le bord de la route, je me suis arrêté pour le prendre en photo.” “J'ai oublié”, bien qu'il n'ait jamais parlé à Rafaël de ses pertes de mémoire régulières ou de ses crises d'épilepsie.

- “Un magicien n’arrive jamais en retard, ni même en avance, mais précisément à l’heure prévue”, lui balance-t-il plutôt, dans un ton comiquo-tragique qui se rapproche clairement du foutage de gueule. Ou quelque chose comme ça...

Il secoue l’une de ses mains d’un air dramatique avant de donner au jeune propriétaire du salon de thé sa commande : quelques sachets de feuilles de thé en provenance de chez les Greens. Lesquels, Leon n’en a pas la moindre idée malgré l’attrait qu’il pourrait avoir, n’est-il pas client lui-même ici, client régulier même ? Il hausse les sourcils lorsque le jeune commence à lui parler dans une langue germanique, très probablement de l’allemand ceci-dit, que Leon reconnaît sans pour autant savoir le parler comme il sait le faire avec de nombreuses langues, talent acquis au fil de ses voyages dans de nombreux pays.

- Ah bah non, aucun moyen de prévenir, confirme-t-il comme s’il s’agissait là de l’évidence même. Il ne s’excuse toujours pas du retard, probablement parce qu’il ne s’en préoccupe pas et qu’il n’a pas vraiment d’excuse : il s’est perdu comme c’est souvent le cas et il avait bien d’autres commandes à réaliser avant celle-ci. Mon téléphone est mort et il y a plus de réseau.

Il le laisse docilement s’exciter et philosopher sur le retard du livreur, quelques minutes durant dans un drôle de mélange d’anglais et d’allemand. Durant ce temps, il décharge ses colis sur les tables libres avant de palper son veston bleu canard puis les poches de son pantalon en toile brun foncé. Il retrouve enfin ce qu’il cherchait, un simple petit tube de pommade hydratante recueilli lui-aussi chez les Greens, cédé à Leon après quelques services en retour.

- Tiens, fait-il au jeune homme en lui balançant sans aucune délicatesse, testant ainsi ses réflexes. [color:5f43=~b2a2c7]Cadeau.

Il renifle et se frotte le nez, Leon, avant de détourner les yeux vers ses colis posés sur la table, c’est qu’il sait bien que l’impressionnante brûlure que Rafaël a sur le visage doit encore être traitée et soignée, c’est qu’il sait bien que ces tubes de crème lui sont indispensables et c’est qu’il sait bien que ce sont aujourd’hui des denrées convoitées. Leon s’en contrefout de la crème hydratante, il n’en a pas la moindre utilité après tout mais s’il trouve le moyen d’en obtenir pour cet enfant, il n’hésitera pas.

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Ft. @Rafaël

En vérité, Leon ignore pour quelle raison il apprécie cet enfant avec qui il passe le plus clair de son temps à se bouffer le nez, pour un oui ou pour un raison, juste pour l’emmerder et s’en amuser. Mais c’est qu’il n’irait pas se l’avouer, Leon, c’en est hors-de-question, et pourtant dès qu’il le peut, il lui ramène l’un de ces tubes de crème hydratante. Il ne sait pas si ça lui suffit mais il se dit déjà que ça peut l’aider, alors pourquoi pas ?

- T’as des tics bizarres autour de l’œil quand t’es à cours, lui répond-il en pointant l’un de ses propres yeux, le gauche étonnamment, celui qui lui est devenu parfaitement inutile depuis que son verre s’est brisé.

Leon a toujours eu une vue catastrophique, presque aveugle sans ses lunettes de vue. Désormais, l’un de ses yeux n’est absolument plus fonctionnel et il ne peut se reposer que sur le second, qui travaille bien trop depuis lors si bien qu’il n’est pas si rare qu’il finisse ses journées en proie à une migraine ophtalmique. Alors il peut bien comprendre une partie de ce que ressent ce jeune homme, qui lui aussi à brusquement perdu une partie de son acuité visuelle.

Mais alors qu’il s’apprêtait à faire demi-tour, les mains déjà parties recherchées son carnet de livraison à l’intérieur de son veston, quelques mots prononcés le retiennent dans ce geste. Il est bien simple d’appâter Leon avec du thé, il suffit de voir sa tête qui brusquement se redresse ou ses oreilles qui s’agitent comme un chien à qui on proposerait une promenade au parc. Il lève un doigt comme pour lui demander d’attendre quelques secondes supplémentaires, le temps qu’il vérifie son carnet de commandes, dans un geste on ne peut plus professionnel. Il voit du coin de l’œil qu’il lui en reste deux à effectuer, pour le gérant du bowling et pour un autre magasin. Ce n’est pas bien loin, songe-t-il, une petite pause ne saurait lui faire de mal.

- J’ai fini ma journée, annonce-t-il donc dans le plus calme des mensonges, en refermant brusquement son carnet et un large sourire traversant ses traits de part en part. Il s’assoit à la table où Rafaël verse déjà de l’eau chaude dans deux tasses, c’est qu’il ne lui aurait pas laissé le choix, de toute manière. T’as un truc aux agrumes ?

Quelque chose de simple, évidemment. Leon sait bien que depuis la tempête, ce genre de denrée peut être difficile à se procurer, les mélanges trop exotiques n’existent tout simplement plus. Dommage pour lui, qui adore tester tout et surtout n’importe quoi.

Il se distrait un peu de son sachet de thé dans l’eau chaude, observant les volutes dans le fond de la tasse en attendant doucement que le thé infuse, sourcil et air amusé sur la face à l’écoute des paroles du jeune homme.

- Tu sais que c’est pas pour le thé que je te ramène ces tubes de crème, dès que j’en trouve ? annonce-t-il soudainement, comme un écho aux mots de Rafaël prononcés plus tôt. Et c’est qu’il semblerait soudainement dix années plus âgé, Leon. Bref, qu’importe. Il se rattrape bien vite dans ses paroles, prononcées sans réellement y avoir réfléchi, les sentiments ayant pris le pas sur la raison. M’enfin, j’imagine que c’est gênant quand ils en ont pas en stock pendant deux semaines et que t’en as besoin.

Il baisse les yeux vers sa tasse en remuant l’eau chaude à l’intérieur, comme si ce geste allait faire infuser son thé plus rapidement.

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Ft. @Rafaël

Lui qui pensait qu’un thé aussi simple qu’un thé aux agrumes était encore courant, il se mettait apparemment le doigt dans l’œil jusqu’au coude puisque le jeune tenancier ne semble pas apprécier la demande de son livreur, alors que c’est pourtant lui qui lui a proposé un thé à la base. Leon pensait juste quitter le salon de thé pour finir ces quelques commandes, avant d’être vilement retenu de la sorte.

- T’aurais préféré que je te demande un thé gingembre canneberge fleurs d’hibiscus ? lui demande-t-il par ailleurs en marmonnant dans sa barbe alors qu’un sachet du thé demandé est tout de même déposé dans sa tasse afin d’être infusé. Leon commence doucement à jouer avec, remuant silencieusement l’eau chaude dans l’espoir que son thé infuse plus vite.

Je suis pas à plaindre, répond Rafaël aux quelques mots non réfléchis qu’aura lancé Leon à peine cinq secondes plus tôt, avant de détourner le sujet dans l’espoir qu’il ne l’ai pas remarqué. Il plisse rapidement des yeux, Leon, derrière les verres des ses lunettes. Pense-t-il sérieusement qu’il s’agisse là de simple pitié de sa part ? Mais il ne répond rien, ce n’est pas ses habitudes de prendre les gens en pitié probablement parce qu’il n’aime pas qu’on puisse lui-même le trouver pathétique. Malheureusement il sait bien que certains comportement peuvent être vus de la sorte.

Il hausse un sourcil à l’écoute de la question de Rafaël, les yeux tournés vers lui et fixant son sourire volontairement moqueur. Et il le lui rend bien Leon, bien qu’il sente sans le dire ses oreilles chauffées par une gêne qui est heureusement masquée par sa peau foncée.

- Il est bon, ce thé, affirme-t-il soudainement comme s’il n’avait pas entendu sa dernière question, après avoir retiré le sachet de la tasse du thé désormais infusé et après en avoir goûté une première gorgée. Bien piètre tentative de détourner une conversation qui se dirigeait alors vers une direction qu’il n’avait pas vraiment prévu, et qu’il était par ailleurs loin d’apprécier. C’est parce que j’en ai pas besoin pour m’hydrater les mains, alors autant que ça te serve.

Il prononce rapidement ces dernières paroles, en une vérité à moitié masquée parce qu’il est bien vrai qu’il n’a pas la moindre utilité de cette crème hydratante malgré l’état catastrophique de ses mains, entre ongles rongés et peau bouffées par le stress. En revanche, il n’irait pas dire qu’il part volontairement la chercher pour la lui donner, c’est comme s’il annonçait tranquillement qu’il tombait sur ces tubes par hasard.

C’est à son tour de s’adosser dans le dossier de sa chaise, en croisant les jambes sous la table et les bras sur son torse. Devant lui, sa tasse de thé fume toujours, il n’est pas du genre à laisser refroidir sa boisson lorsqu’il a l’occasion de la boire chaude. Il jette un regard amusé à Rafaël, sourire moqueur et yeux plissés de malice. C’est désormais à son tour de le mettre devant le fait accompli.

- Pourquoi tu t’inquiètes quand j’arrive à la bourre ? demande-t-il donc en buvant une nouvelle gorgée de son thé après s’être penché vers l’avant. Tu devrais avoir l’habitude pourtant à force.

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Ft. @Rafaël

Son sourire moqueur s’accentue lorsqu’il voit le rouge doucement colorer les joues de Rafaël. S’il y a bien une chose pour laquelle il a toujours aimé la couleur de sa peau, c’est qu’il est bien impossible d’y déceler une quelconque trace de gêne. Plus jeune, Leon détestait sa peau si différente de celle de ses autres camarades, entre les remarques et les regards que les autres lui accordaient parfois. Aujourd’hui, il s’y est fait, il a appris à l’aimer et à ne plus se soucier de ce que pouvaient en penser les autres.

Et cette fois, c’est bien un rire lui aussi moqueur qui sort de ses lèvres lorsqu’il le voit et l’entend essayer d’esquiver la question. A son tour, songe-t-il en buvant une nouvelle gorgée de son thé encore brûlant qui blesse ses lèvres et sa langue. Karma instantané, sûrement. Il tire la langue en grimaçant, alors que son visage chauffe à nouveau.

- La colère, rigole-t-il une fois la douleur passée. Tu sais, j’ai une fille, j’ai appris très rapidement que colère était synonyme d’inquiétude.

Il souffle sur son thé à ses mots. Il n’est pas si rare qu’il évoque sa fille ou sa compagne quand bien même il ne se souvient pas parfaitement d’elles mais en présence de Rafaël, c’est bien là la première fois. Et comme toujours lorsqu’il évoque sa famille presque entièrement oublié, son regard se perd dans le vide et son visage se ferme. Une demi-seconde, bien assez pour le voir et s’en rendre compte avant qu’il ne reprenne son air habituel, entre la moquerie et l’amusement avec son sourire éternel, comme un masque qu’il porte face au monde.

- Scheisse, comme tu dis, répond-il. Son accent allemand était on ne peut plus parfait, mais c’est qu’il a toujours eu un certain talent pour imiter les accents sans pour autant savoir parler la langue. D’ailleurs, il ne connaît que deux ou trois mots en allemand.

Il ne dément pas les mots de Rafaël, pourquoi le ferait-il ? Après tout, c’est qu’il a bien raison ce petit con, n’est-ce pas ? Même s’il en faudrait bien plus pour que Leon ne le dise de lui-même, plutôt que de ne pas réfuter une affirmation. Il boit une nouvelle gorgée de sa tasse, toujours sans rien dire.

Mais à nouveau son sourire s’étale sur sa face lorsqu’il remarque enfin les réactions du jeune tenancier, entre gêne et amusement de le voir agir de la sorte alors qu’il n’en a pas réellement besoin.

- T’es gêné ? lui demande-t-il alors. Cette fois, toute trace de moquerie a disparu de sa voix, il n’y a là qu’une espèce d’amusement timide. Tu devrais pas.

Comme s’il devait y avoir une honte quelconque à montrer ses sentiments.

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Ft. @Rafaël

Peut-être n’était-ce pas là la meilleure des choses à dire. Il détourne lui-aussi son regard, Leon, lorsqu’il voit le jeune croiser des bras et rentrer la tête entre ses deux épaules. Il se demande d’ailleurs durant un court instant qu’en sera-t-il de sa fille lorsque celle-ci aura à son tour atteint l’adolescence. Il se demande également s’il sera là pour la voir atteindre l’adolescence. Les yeux alors tournés vers l’extérieur, il ravale la boule qui doucement se formait dans le fond de sa gorge. C’est qu’il est parfois difficile de porter continuellement ce masque, de faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, de sourire assez pour ceux qui désormais n’y parviennent plus.

- Sérieux ? questionne-t-il, un sourcil haussé assez haut pour que l’on puisse aisément le voir au-dessus de ses verres. C’est ennuyant d’être sérieux.

Il sifflote cette dernière phrase, le regard toujours tourné vers les fenêtres condamnées de la boutique. Peut-être tente-t-il de garder la face, de garder ce masque qui doucement s’effrite, celui de cet homme qui fait toujours tout pour sourire et rire. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il n’ose regarder à nouveau Rafaël dans les yeux.

Mais il vacille, cet éternel sourire qui s’étale sur ses lèvres. Il vacille et finit par totalement s’éteindre, laissant alors apercevoir ce sérieux qui détonne sur son visage, les yeux toujours tournés vers l’extérieur, vers les quelques ombres qu’il croit apercevoir passer derrière les planches de bois. Il sert un court instant la mâchoire, Leon. C’est qu’il n’est pas vraiment doué pour faire dans le sentimental, en vérité. Il souffle brusquement par ses narines, les doigts crispés autour de sa tasse encore brûlante.

- Je n’ai pas envie de perdre quelqu’un de proche non plus... finit-il par soupirer, le regard maintenant rivé au fond de sa tasse de thé.

Ses oreilles sifflent à ces mots, une sensation étrange s’insinue dans le creux de son ventre. Comme s’il voulait rajouter un mot, une phrase lourde de sens sans pour autant qu’il ne comprenne ni pourquoi ni comment elle vient parasiter son esprit.
Encore. Quelqu’un d’autre.
Mais il préfère les oublier, Leon, ces quelques mots. Comme il oublie beaucoup d’autres choses désormais. Alors il remet son masque sur son visage et il sourit.

Encore.
Toujours.

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Ft. @Rafaël

Encore.
Encore.

Pourquoi Encore ? D’où lui vient ce Encore qui siffle dans ses oreilles ? Un sifflement qui ressemble là à une bien mauvaise blague, un sifflement qui le nargue et s’amuse de lui. Mais il l’oublie, Leon. Bien vite il l’oublie ce souvenir qui le tente depuis des semaines désormais, ce souvenir qui est là sans vraiment l’être, qui vient et qui repart, qui attend encore avant de brusquement explosé dans sa mémoire défaillante. Et il sourit. Il sourit dès qu’il le peut, Leon.

Il finit bien rapidement sa tasse de thé, rapidement pour ne pas qu’elle refroidisse bien qu’il ne puisse en profiter pour la déguster comme il aurait aimé le faire. Parce que derrière son mensonge pour rester un moment ici, il a bien encore quelques livraisons à effectuer, non-loin il est vrai. D’ailleurs, voilà que Rafaël se lève, frappe des mains sur la table et s’éloigne de celle-ci. La conversation est finie, de toute évidence.

- Hm... peut-être, qu’il répond, Leon, en faisant mine de réfléchir à une question dont il connaît parfaitement la réponse. Oh, il sait qu’il n’est pas un bon livreur, après tout pour lui non plus cela n’a jamais été une vocation. Peut-être un. Ou deux.

Précision importante et lourde de sens puisqu’il admet lui-même avoir menti quelques secondes plus tôt. Et il s’en amuse, il est vrai, Leon n’a pas du genre à réfléchir aux conséquences de son comportement d’autant lorsqu’il s’agit de sujets aussi peu graves qu’une livraison en retard. Mais le voilà donc qui se lève à son tour, amène sa tasse vide près du jeune tenancier.

- Merci pour le thé, lui sifflote-t-il une fois à ses côtés en déposant sa tasse dans le fond de l’évier. Il lui octroie même un clin d’œil moqueur et un sourire carnassier avant de faire demi-tour dans la boutique.

Il lui balance un geste de la main en guise de salut sur le pas de la porte, puis le voilà enfin qui retrouve sa très chère bicyclette style vintage. Dans la panier se trouvent encore quelques articles, des piles et des outils venus tout droit du territoire pirate. Il sort alors son calepin de sa poche intérieure, regarde rapidement les notes qui y sont inscrites, avant d’enfourcher son vélo et de partir à nouveau vadrouiller à travers les rues en ruine.