compte à rebours hurle neuf huit sept
bat la chamade au cœur de la fête et brandit comme des trophées les gobelets rouges typiques des soirées. dehors c'est un concours à qui criera le plus fort - la jeunesse ou bien l'orage, frappe à la fenêtre à coup de rafales comme pour dire
laissez-moi rentrer.
et ils l'avaient tous ignorés, le cataclysme
laisse des appels manqués.
insiste mais c'est qu'on arrive à six cinq quatre
secondes encore avant la majorité internationale et ça à Gosha ça lui parle. extase générale il est euphorique d'avoir enfin
son âge à lui tandis que la famille est loin et qu'il n'est pas chez soi. les clés du restaurant laissées dans un coin rien à foutre - on fera des affaires plus tard, ils peuvent bien attendre demain, les crevards, pour manger des gyozas.
déboule la Tempête comme un invité exécrable, indésirable elle fait voler la baie vitrée en éclats scandalisée hystérique qu'on ne l'ait pas convié c'est
ellequi avait scandé haut et fort
trois deux un
éteint toutes les lumières
on n'avait pas soufflé les bougies encore
ni attendu demain.
les exclamations insouciantes changées en plaintes paniquées, extatique cède à la panique mouvement de foule comme des vagues, engloutit tous les rires, métamorphose les sourires en grimaces cauchemardesques - il fallait fuir le paradis rendu enfer,
vérifier, si l'on avait toujours quelque part où retourner
Gosha avait quitté le premier
son propre anniversaire.
ah - il n'aurait pas du faire ce vœux stupide il s'en est mordu les doigts de le voir exaucé cette nuit-là. vingt années qu'il tranche la ganache le premier à souhaiter que ces lieux fades soient balayés par quelque chose, n'importe quoi. aujourd'hui le gâteau était resté intact et pourtant -
tables et chaises renversées vitres brisées tentures en lambeaux et toute la vaisselle qu'on était sensée faire on n'avait plus besoin
arrive le petit matin
fin du décompte
zéro
il ne restait plus rien.
quelle heure est-il ? est-on encore hier ? notion du temps battue par le vent la psyché comme rouée de coups, il était resté assis là ce qui lui avait semblé une éternité, sur une chaise remise sur pied et campée aux fenêtres. l'interdiction de fumer levée, cigarette du bout des doigts au bout des lèvres, à guetter les premiers rayons de soleil. et c'était
toi qui les ramenait,
ramenait Gosha à la vie,
il avait passé la nuit
à se demander
si l'on vivait encore.
bon anniversaire Gosha.lève un regard cerné de noir par l'atroce nuit blanche, le teint assorti à celle ci, ton visage comme un mirage brouillé par l'agonie. fixe, craignant que tu te volatilises, comme tout le reste. et voyant que tes contours restent nets, Gosha se lève. se tenir debout fait mal et il s'appuie sur le dossier de la chaise, porte une dernière fois le filtre à sa bouche. et puis laisse s'échouer à ses pieds, il écrase le mégot.
car plus personne ne peut le réprimander.
t'es pire qu'à la bourre.
mais on te connait, à force. pour ça que c'est toi qu'on invite aux festivités et non ton frère ainé, même si on l'a connu le premier.
chassant des bris de verre du bout du pied, Gosha renifle désinvolte, du sang séché sous le nez, met les mains dans ses poches tandis qu'il se détourne des vitres pour passer derrière le comptoir. l'aurore fébrile encore, on n'a pas réalisé.
ramasse un tabouret et pose ton cul, j'vais faire du café.
pas digéré, qu'on était demain -
alors oui, comme si c'était hier,
Gosha est là.