Is saturday morning alright too? - Focus

Peu de choses, en vérité, pouvaient énerver Christine. Il lui arrivait de se fâcher un peu, de temps à autres, surtout auprès des enfants ou d’adultes aux chaussures trop sales pour les couloirs. Mais s’énerver, vraiment s’énerver, n’était pas quelque chose avec quoi elle était familière. C’est pourquoi elle n’avait rien dit à Madelyn lorsque celle-ci avait commencé, sans vraiment de discrétion et sans lui demander quoi que ce soit, à pointer son appareil vers elle.

Le « clic », « clic », « clic » l’avait suivie toute la matinée, depuis le nettoyage des sols jusqu’au ravitaillement des placards de la cuisine, avec une régularité d’horloge. Christine avait pris sur elle, encore, et encore. L’idée d’être prise en photo l’ennuyait : ce n’était pas comme si elle était un modèle de beauté – quitte à prendre en photo quelqu’un, autant qu’il s’agisse de quelqu’un comme madame Cheqara, non ? Ou biens un des enfants, certains pouvaient être adorables. Quel intérêt de se pencher sur elle ?

Apparemment, Madelyn, son sourire, ses mèches blondes et son appareil avaient décidé de la suivre.

« Clic. »

Christine avait pris son mal en patience. Madelyn avait peut-être besoin de se détendre, avec tout ce qui s’était passé les derniers jours, et c’était tombé sur le personnel d’entretien – ce n’était pas quelque chose d’inhabituel, de toute façon ; entre les enfants et le reste… elle avait choisi de l’ignorer, de continuer à travailler sans lui jeter un regard. De travailler. Simplement. De travailler.

« Clic. » « Clic. »

Cela allait faire deux heures.

Et un autre « Clic » pour la forme.

Christine acheva de réunir la poussière au sein de sa pelle, prenant son temps. Elle se redressa, ferma les yeux, face contre le mur, remuant les lèvres sans pour autant parler, semblant se répéter quelques phrases. Ses épaules se soulevèrent un instant, puis retombèrent d’un coup.

Le dernier « Clic », résonna à travers le couloir.

Il y eut un bruit sourd lorsque Christine manqua de trébucher sur son balai, puis un autre, plus  léger, lorsque ses bottes vinrent se planter devant les tennis de Focus. La femme à tout faire inspira puis expira lentement, et, fixant vaillamment un pan de la veste de la blonde, dit, de sa voix la plus claire possible en ce genre de situation :

« D-dis, ça suffit, non ? »