Le temps est bon • Croissant

@Almace

Les mains glacées, qui se referment doucement contre la cagette. Un bois déjà trop fragile, trop abîmé, qui laisse des échardes dans ses doigts encore trop enfantin ;
(qui ne grandiront pas plus). Un bois fragilisé par l’hiver, les utilisations excessives, le temps qui défile ;
(toi aussi, Almace, ton temps se délasse). Il sent ses mains figées, douloureuses ; Croissant n’aime pas l’hiver (ne l’a jamais aimé), ici, en France, à l’autre bout du monde. La neige, le vent glacial, ses veines qui ressortent, violettes ;
ses mains bleues (aux couleurs des cieux dégagés). Ses cheveux roux se balancent au rythme de ses pas, tandis que son bonnet s’échappe peu à peu, glissant en arrière. Bientôt, on aperçoit ses oreilles rougies, sa coupe ébouriffée et son air mécontent (quand ne l’est-il pas ?).

Croissant se presse, se dirige vers les jardins alors que son corps commence déjà à trembler de froid. Il serait bien resté au chaud dans les cuisines, à voler des bonbons pour les donner à Fortnite lorsqu’il les lui demandera. Il y songe (à la chaleur des cuisines ; la douceur des fourneaux). Quelques pas encore, le voilà qui sort du bâtiment et des couloirs. L’air givré vient le frapper de plein fouet ; son visage se ferme un peu plus, ses joues se parent de rouge et son nez se fait celui des cirques.

Le voilà qui descend les marches. Il entend déjà les sons de ton âme en peine, Almace. Il entend tes doigts qui grattent les larmes de cette guitare, d’une chanson qu’il connaît (bien qu’elle ne soit plus vraiment de sa génération). Croissant s’en souvient, des paroles écorchées, alors le voilà qui les chantonne du bout des lèvres, dans un bourdonnement incertain. Il se rapproche de toi ; te fixe sans un mot d’abord. Tu ne le remarqueras pas tout de suite, mais lui est déjà là depuis quelques minutes ;
(à t’observer ;
à t’écouter ;
à savourer).

Quelques pas de plus, et voilà sa tête rousse qui te passe devant, qui te jette un regard clair ;
(au bleu des rivières
ou peut-être à l’orée des clairières). Le voilà qui laisse échapper un petit sourire face à tes mains écorchées qui s’agitent encore quelques secondes sur les cordes. Te voilà qui te lèves d’une démarche peu assurée ; c’est à dire que tu n’es pas bien solide sur cette jambe abîmée. Croissant sait être délicat, ne posera pas la question ;
(bien qu’elle lui brûle la langue, lui dévore les lèvres d’une curiosité qu’il a du mal à maîtriser).

— il paraît que faire la chanson aux légumes les aide à pousser.

Son regard se fait piquant, alors qu’il est fier de t’avoir ainsi découvert. Il hausse ses épaules tremblantes et pose sa cagette à terre, où se trouvent quelques outils. Il te voit bien, le corps fatigué, le temps qui passe et qui te manque, chaque seconde un peu plus (tout comme lui) ; les années qui défilent alors que les secondes s’enfilent.

— je viens t’aider.

Et le voilà qui tourne déjà le dos, se baisse pour récupérer les graines qu’il faut planter pour le printemps, tout en chantonnant que le temps est bon.


NB :
italique = français

@Almace

Assez pour tenir l’hiver ?
Croissant en doute. Les récoltes ne seront pas très bonnes. Il regarde le jardin, un peu désespéré ;
(déjà épuisé). Malgré ses petites mains vertes, il n’a pas le talent d’un jardinier. Il espère, lui aussi, un peu à ta façon Almace, que l’hiver ne sera pas trop rude. Il n’a pas envie de voir des regards plus tristes encore chez les enfants ;
il n’a pas envie de voir le regard paniqué de Mum ;
(n’a pas envie de l’inquiéter, il en a déjà tellement à faire).

Il attrape les graines, d’abord sans répondre, et commence à les semer d’un geste habile (c’est qu’il t’a déjà vu le faire, l’hiver passé). Alors que le monde se gèle autour de lui, Croissant s’affaire à préparer le jardin pendant quelques minutes.

— les bâches sont pliées dans la petite cabane.

Il ne te forcera pas à y aller, pas avec ta jambe abîmée, avec ton corps qui vieillit (signe des temps qui passent). C’est que Georges fait attention à toi, ne voudrait pas te voir disparaître soudainement. Il y a chez toi quelque chose de rassurant, Almace ; une douce fermeté. Un petit frisson le traverse alors qu’il craque ses doigts gelés. Sur ses mains bleues nait déjà la douleur de l’hiver qui frappe sans prévenir.

— une serre, c’est vrai que ce serait plus agréable. mais où est-ce qu’on va trouver de quoi la faire ?

Il hausse les épaules, un peu incertain de l’idée. Il est vrai que ce serait une bonne façon d’assurer les plantations, mais cela demanderait beaucoup de travail de la part des knights. Y aura-t-il assez de volontaires ?

— commençons déjà à penser pour maintenant. l’hiver prochain est une affaire pour nos nous du futurs.

Le voilà qui se dirige vers la cabane où se trouve les outils nécessaires à recouvrir le jardin. Une fois dedans, il se réjouit du vent qui ne souffle plus autour de lui ; tente de se réchauffer rapidement (sans grande conviction).