dead don't die # Midas

Mon très cher Midas,

Tu ne m'en voudras pas si je ne te surnomme pas Mimi, je le fais de temps à autre, je voulais que ce message ait un air formel, tu ne m'en voudras pas.
J'ai trouvé de l'encre je sais plus trop où, elle était à moitié sèche mais ça allait.
Tu t'en fous aussi.
Entre nous, j'espère que tu ne te fais pas trop chier. Il y a quelque chose de si exaspérant à rester dans ce lieu, j'admire ta patience.
Si tu as besoin d'aide, tu sais où me joindre.
Tienne,
Eel (Balm maintenant)
PS : ça fait vraiment bizarre d'écrire sur une vraie feuille (enfin feuille, c'était un vieil emballage de nouilles, fait pas attention), c'est étrange de dire que toutes ces années, ça nous paraissait ringard et que là, on s'y remet.

Cher Midas,
Je suis heureuse de parler avec toi. Enfin heureuse, je le serais d'autant plus si j'avais réellement le temps de me poser. Ma peau devient sèche, mes doigts sont secs, je peux à peine tenir ce stylo qu'elle se craquelle, c'est une catastrophe.
La prochaine fois qu'on se voit, si tu me ramènes de la crème spéciale peau sèche, beurre de karité, ce que tu veux, je te serai reconnaissante ETERNELLEMENT.
J'espère que tu vas bien, j'ai eu un certain nombre de patients aujourd'hui, c'est fou le nombre d'urgences que tu as quand tu es sur le terrain. Je pense que je préfère vivre ici, ça va mieux. Je suis seule, je pense que je deviens un peu folle, tu te rends compte, j'ai appelé mon caddie Michel.
Michel, c'est ridicule, je ne connaissais pas un seul Michel dans la vraie vie.
Bref, donne-moi de tes nouvelles,
X

Mimi,
C'est OK pour l'invitation, viens chez moi si tu veux causer.
Je vais essayer de trouver un moment où je serai à la maison, et tenter d'y rester, je t'ai fait une place dans les rendez-vous. Tu feras pas attention, c'est grave le bordel et la poussière est partout.
14h dans trois jours ok ?
Xoxo

Et voilà, on y était. À côté de Michel, Balm attendait. Enfin, attendait, pas vraiment car Balm ne savait pas faire ça. Elle avait donné son adresse à Midas il y avait quelques temps maintenant et ne l'avait pas fait de nouveau, il y avait donc toujours l'appréhension de penser qu'il aurait pu la perdre.

Cela ne serait jamais arrivé, non ?

Non, car en toute logique, il lui aurait répondu par message interposé qu'il ne se souvenait plus du lieu exact et elle se serait arrangée pour lui communiquer l'information par un biais ou un autre.

Midas allait forcément arriver, et sûrement à l'heure, c'était elle qui était à l'avance.

Il y avait bien sûr toujours cette crainte qu'il croise quelques zombies là-dehors (oh Dieu, elle ne l'avait pas prévenu pour Body, elle aurait dû le prévenir pour Body!), mais en dehors de cela, des morts toujours cachés sous la surface, à part des gravats et quelques objets coupants menaçant ceux qui n'étaient pas vaccinés contre le tétanos, son trajet devrait bien se passer.

Alors, anxieuse, Balm s'activa à nouveau pour aller préparer quelque chose à boire, de l'eau principalement, tenta de ranger le bordel sans nom qui se trouvait dans cette maison trop encombrée, bourra un placard de plus de quelques balais, de linge à rapiécer, de divers outils dont elle ne connaissait pas encore l'utilité mais qui seraient bons à échanger.

Sans doute.

Lorsqu'elle eut fini de bourrer les placards, on pouvait marcher dans le salon. Elle se posa en plein milieu et se dit qu'elle devrait rentrer plus souvent au lieu de faire de cet endroit un espace de dépôt. Pourquoi pas d'ouvrir un cabinet ici, si c'était suffisamment propre.

Ce pouvait être une idée.

Peut-être que Midas voudrait la suivre (ou peut-être pas?)

En sueur, Balm plissa les yeux, écartant légèrement les rideaux qui obscuraient les fenêtres. Il n'y avait là plus de verre depuis un certain temps, elle ne servait des volets pour fortifier la maison, cette fois seulement, elle les avait ouverts.

Penelope se posa enfin sur le canapé et attendit.

Elle était anxieuse, un tout petit peu.

Résumé:

dead don't die

La rue était silencieuse, si ce n’était pour deux corbeaux se disputant un objet non identifiable. Je m’arrêtai pour jeter un dernier coup d’œil instructions de Balm et vérifier que j’étais au bon endroit.

Oui, ça semblait être bon.
Et pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher de douter.
Peut-être avais-je été trop gâté par la salubrité du logement dont je disposais chez les Greens, à tel point que l’idée qu’Eel – non, plus maintenant – vive ici me semble improbable.

Le toit était couvert de mousse et semblait en si mauvais état que je me demandai s’il était seulement étanche. Les volets ouverts donnaient sur des vitres brisées, au travers desquelles voletaient de vieux rideaux, donnant à la bâtisse des allures de maison hantée.

Le lieu avait tout simplement l’air abandonné, ce qui, en y réfléchissant, était peut-être volontaire. Dans ce cas, je ne pouvais qu’applaudir Balm pour son succès.

Balm... Eel...
Son départ avait été un choc, mais pas une surprise. Elle ne m’avait pas caché le malaise qu’elle ressentait et, si je ne voyais pas les choses comme elle, j’avais tout de même compris ce qu’elle ressentait. Déjà à l’époque, il y avait eu quelque chose en moi. Guettant sous la surface. Peut-être depuis le début.

Je regardai discrètement autour de moi puis, certain que j’étais seul, approchai de la maison et frappai à la porte.

« Balm ? Tu es là ? »

J’appelai à demi-voix au travers la porte, espérant une dernière fois que je n’étais pas tombé sur le repaire de truands de la rue d’à côté.

agora

Résumé:

Ah oui, ouvrir.

C'était tout drôle de faire semblant de retourner à une vie (presque) normale quand le quotidien était composé de routes fissurés, d'herbes et de végétation reprenant leur envol, que ce monde semblait soudainement trop petit pour l'homme et ses engeances.

Alors qu'elle allait ouvrir la porte, elle se surprit à regretter le fait de ne pas avoir de jus de fruit à proposer, ou même quelques petits biscuits apéritifs dont le goût si salé lui manquerait presque. À la place, elle avait dégotté dans un vieux livre de recette pillé dans ce qui devait être la bibliothèque municipale la composition de quelque chose de fermenté qui n'était pas si dégueulasse lorsqu'on s'y habituait.

Balm appuya donc sur la clanche et aperçut donc Midas pour de vrai pour la première fois depuis des mois.

Une fois d'appréhensions diverses naquirent au creux de sa poitrine (et s'il me détestait maintenant, et s'ils lui avaient retourné le cerveau ? Ciel, il avait peut-être croisé Spike et les autres), mais se mordant fermement les lèvres, elle tenta de ne pas trop y penser, faisant habilement diversion en fondant dans ses bras.

« Mimiiiiiiiii. »

Ce n'était pas un cri, non, plutôt presque une longue plainte alors qu'elle enveloppa ses mains autour de son corps.

Maintenant qu'elle y pensait, à part pour soigner, elle n'avait pas vraiment été en contact avec de vrais êtres humains. Retrouver la chaleur de Midas, son humanité et tout son être était un véritable plaisir. Elle tarda un peu à s'en détacher, comme si ce contact était son moment le plus précieux de la journée puis, à contre-coeur, lui montra la porte.

« Tu peux entrer, hein. Ne fais pas trop attention, c'est un peu le bazar, mais c'est chez moi, j'ai une maison, t'as vu ! »

Elle était à la fois fière et un peu excitée.

« Ne retire pas tes chaussures, je garantis pas la non-présence de clous tu vois ! », dans le couloir, elle tourna la tête vers Midas, un brin stressée, mais également exaltée par la visite. « Alors si tu veux j'ai tenté de faire du kéfir. C'est un truc un peu chelou et je crois que c'est à moitié loupé mais j'en ai bu hier et je suis pas morte, donc... »

Spoiler:

dead don't die

La porte s’entrouvrit, laissant apparaître la figure autrefois familière de Balm. Elle n’avait pas réellement changé, et pourtant elle me semblait différente de mes souvenirs. Peut-être plus maigre, plus fatiguée. Je n’aurais pu le dire. Ce n’était qu’un sentiment imprécis et à présent invérifiable.

« Sa– »

Coupé dans mon élan, je remplaçai ma salutation par un léger soupir, inaudible derrière le gémissement plaintif de Balm. Je ne pus cependant réprimer un sourire face à son enthousiasme. J’aurais beau prétendre être agacé par la vigueur avec laquelle elle m’avait bondi dessus, la chaleur de ce genre de contacts m’avait en réalité manqué.

Je la suivis à l’intérieur, scrutant le sol à mesure que je m’enfonçai dans la petite maison. Avec ou sans chaussure, je préférais éviter de marcher sur un clou.

« Du… ? Euh, oui ok. Merci. »

Je n’étais pas certain de ce qu’elle avait l’intention de me servir, mais me voyais mal faire la fine bouche. Pas après tant de temps sans s’être vus, et pas alors qu’elle m’accueillait chez elle.

« Alors, comment ça va depuis le temps ? Tu t’habitues ? » demandais-je tout en tournant sur moi-même pour observer l’habitation.

Les lieux n’avaient rien de charmant, et pourtant la joie avec laquelle elle me les présentait était étrangement communicative.

agora

Résumé: