1Tu habites à Arcadia Bay ou tu étais juste de passage ? Juste de passage (fuck my life).
2Tu faisais quoi avant la tempête ? Journaliste d’investigation, travaillant pour un journal indépendant et engagé. En particulier, Titouan était sur un gros dossier d’évasion fiscale – les “Pampers Papers” - au moment de la tempête, raison de sa présence à Arcadia Bay.
3Quels dégâts a-t-elle fait dans ta vie ? Principalement psychologiques. Le désespoir de ne jamais retrouver sa fiancée. La frustration d’être coincé dans une anomalie spacio-temporelle où il ne pourrait jamais exposer les salauds corrompus de ce monde.
4Que faisais-tu lorsque la Tempête a frappé ? Titouan était à la recherche d’un ancien comptable exilé pour lui soutirer des preuves de corruption d’un politicien français.
5Tu quitterais tout pour retrouver ta vie d'avant ? [ ] OUI [X ] NON (plus maintenant)
6Pourquoi et comment as-tu rejoint les Knights ? Un peu par hasard honnêtement. Assez étrangement, le “pourquoi” est essentiellement égoïste alors que le “comment” est uniquement altruiste (cf histoire).
7De quelles activités es-tu en charge ? En tant que chevalier de la table ronde – un peu bon gré, mal gré – Dagonet est responsable de la pérennité du château et de la sécurité de ses membres principalement.
8Comment se passe ton intégration au sein du groupe ? Plutôt bien, même si Dagonet a un certain nombre de réserves. Il les a rejoints pour un mélange d’altruisme et d’attrait pour la célebrité et aujourd’hui il se demande s’il a véritablement sa place dans ce groupe. Heureusement, sa propention à dissimuler ses sentiments l’aide à passer inaperçu.
9Que penses-tu des autres groupes qui s'organisent ? Les pirates sont des gens détestables. Profiter du malheur de quelqu’un pour en faire sa propre fortune fait montre d’un manque d’empathie digne de sociopathes. D’un autre côté, les Greens ont sans doute raison sur le fond, mais leur approche trop pragmatique a tendance à rebuter Dagonet.
L’immense majorité de l’histoire de la courte vie de Titouan pourrait être utilisée pour l’entrée « monsieur tout le monde » d’un dictionnaire – pour peu que cette entrée ait existé un jour. Né et élevé
en plein air en France, dans la banlieue lyonnaise, le garçon est issu d’une famille de classe moyenne, d’un père prof et d’une mère avocate. Sans pour autant rouler sur l’or, il grandit sans véritables problèmes d’argent et fut épargné de cette difficulté qui en touchait beaucoup. A l’aube de sa quatrième année, Titouan fut béni par la naissance de sa petite sœur, Jeanne. Sœur avec laquelle il deviendra très vite très proche, et le foyer s’épanouit ainsi des années durant, en apparence à l’abri des malheurs de la vie.
L’enfance et l’adolescence de Titouan se déroulèrent telles un long fleuve tranquille. Seule ombre au tableau, le garçon fut diagnostiqué très tôt d’une hypermétropie sévère, lui causant de régulièrement subir de violents maux de tête. En dehors de cela, professions de ses parents oblige, le blondin a grandi bercé dans des valeurs de justice et de lutte sociale qui l’ont, on ne va pas se mentir,
légèrement influencé dans ses choix futurs.
Choix futurs qui commenceront à pointer le bout de leur nez après sa majorité. Poussé par ses valeurs, sa curiosité et un surprenant talent pour l’écriture et le storytelling de manière générale, Titouan s’orienta vers des études de journalisme, quittant le berceau familial pour intégrer une prestigieuse école parisienne. C’est là-bas qu’il fera la connaissance d’Agathe, dont il tombera éperdument amoureux et avec qui il se fiancera des années plus tard. Diplôme en poche, le tout nouveau journaliste obtint un stage dans un grand groupe de presse de la capitale, à la suite duquel il décrochera un contrat pour son plus grand plaisir et la plus grande fierté de ses parents.
Il y travailla pendant trois années, gagnant rapidement en autonomie et en compétences. Mais c’est à ce moment-là que le journal fut racheté par un riche investisseur. Dès lors, la ligne éditoriale changea drastiquement, et ce dans une direction qui ne plaisait absolument pas au jeune homme. On lui refusa nombre d’articles mettant en cause l’intégrité de personnes d’influence ou autres sujets jugés trop « militants » sans véritable motif valable. Titouan s’y soumis pendant quelques temps, par peur de perdre son emploi et de se retrouver en grande difficulté, mais son – familial – sens de la morale et de la justice finit par le pousser à quitter cet environnement qu’il considérait comme malsain, moralement douteux et, par-dessus le marché, parisien.
L’aîné de la famille Jean démissionna donc et se mit à la recherche d’un travail plus en accord avec ses principes. La chance lui sourit – à moins que ce ne soit sa propension à travailler beaucoup pour pas cher, du moment que son travail avait un sens à ses yeux – lorsqu’il fut contacté par le rédacteur en chef d’un journal indépendant et très engagé. Les deux hommes s’entendirent à merveille et peu de temps après, soit deux ans avant la tempête d’Arcadia Bay, Titouan commençait son nouvel emploi. Alors débuta une période de galère pour lui, le manque de moyens et de soutien les obligeant à travailler dans des conditions déplorables. Les semaines de travail avoisinaient les cent heures, le canard était régulièrement embourbé dans des problèmes juridiques, la tonalité -et le contenu- de ses articles n’étant pas du goût de ses cibles habituelles, et entre un sommeil somme toute rare et une alimentation à l’équilibre douteux, il avait une hygiène de vie des plus déplorable. Mais pour une fois, sa vie avait du sens.
Environ un an et demi après son arrivée dans le journal, Titouan commença à travailler sur un énorme dossier, ayant pour but de révéler des montages financiers de grandes fortunes pour échapper aux impôts. Ce projet, baptisé « Pampers Papers », impliquait notamment du délit d’initié sur les actions d’une grande marque de couches. C’était le plus gros dossier sur lequel Titouan ait été amené à travailler et il y consacra sa vie. Après des mois à accumuler les preuves, lui et ses collègues étaient à deux doigts de lâcher leur bombe. C’est alors que le garçon mit la main sur une piste pouvant le mener à un des éléments clefs manquant de leur investigation : le lieu où l’un des experts comptables trempés jusqu’au cou dans l’affaire avait pris sa « retraite ». Seul bémol, la piste le menait droit au États-Unis, dans une petite ville de l’Oregon. Titouan négocia une semaine de délai auprès de ses compagnons, arguant qu’un témoignage de ce genre avait de quoi rendre le dossier encore plus béton, et sauta dans le premier avion venu.
Une fois sur place, il lui fallut plusieurs jours pour mettre la main sur le fameux comptable. Mais le plus gros problème fut ensuite d’essayer de le faire parler. L’homme refusait catégoriquement de lui livrer quelque information que ce soit. C’était un vieux bonhomme aigri, obtus et acariâtre. Le futur Knight ne se découragea pas et persista à essayer d’obtenir son témoignage. C’est au troisième jour consécutif où Titouan se rendait à son domicile, tandis que l’ancien comptable le menaçait de demander une injonction restrictive à son encontre, que la tempête frappa.
Titouan se souvient encore parfaitement aujourd’hui de ce moment. Le temps sembla se ralentir, comme inversement proportionnel à la vitesse du vent. Le chaos s’abattit sur eux à une vitesse fulgurante. Le garçon n’eut pas le temps de comprendre ce qu’il se passait. Il était tétanisé. Incapable de bouger le moindre muscle. Sous ses yeux ébahis, un morceau de sa maison s’écroula sur le vieux comptable, l’ensevelissant dans un cri sourd étouffé par le fatras que la tempête avait libéré. Pendant plusieurs secondes, Titouan resta inerte. Son cerveau lui hurlait de courir essayer de se mettre à l’abri, d’abandonner ce vieux croûton à son sort. Après tout il avait ce qu’il méritait, cet infâme personnage.
Évidemment, sa conscience et son empathie ne l’entendaient pas de cette oreille. Tout en se maudissant, le journaliste commença à déblayer les décombres – se découvrant au passage une force physique qu’il ne se connaissait pas – pour dégager le vieillard, mal en point mais toujours en vie. Faisant fi de son instinct de survie, de son aversion pour ledit vieillard et de la pluie de débris, de flammes, de morceaux en tout genre qui leur tombait littéralement sur la tronche, il le hissa sur son dos et se mit en route en direction de l’hôpital de la ville, qui fort heureusement se trouvait non loin.
Une fois sur place, Titouan prit enfin la mesure de ce qui était en train de se produire. La ville entière semblait avoir été rasée par une tempête d’une violence inouïe et personne n’avait été épargné. Le service d’urgence était débordé et la panique s’était emparée des habitants – ceux encore valides. Les gens – personnel de l’hôpital ou civils en plein affolement- couraient dans tous les sens et le chaos régnait en maître absolu. Titouan laissa son fardeau à un infirmier puis se mit en quête d’un semblant d’abri pour affronter le reste de l’ouragan. C’est avec cette idée en tête qu’il se mit à marcher, sans trop savoir où aller ni ce qu’il cherchait véritablement.
À peine s’était-il éloigné de l’hôpital que déjà son attention était happée par des cris à quelques dizaines de mètres de lui. Une femme était en train d’appeler à l’aide. Elle et deux autres personnes étaient en train d’essayer d’évacuer un bâtiment en piteux état, les fondations s’effondrant tandis qu’un incendie s’était déclaré à l’intérieur. Le regard de Titouan croisa celui de la secouriste volontaire alors qu’il était pris d’un intense tiraillement. D’un côté, ses tripes et le chaos ambiant lui hurlaient d’aller se mettre à l’abri en attendant que la situation ne se tasse, de ne pas prendre des risques inconsidérés. Après tout, il y avait sans doute des professionnels pour s’occuper de ça, non ?
La lueur de désespoir au fond du regard de la jeune femme le prit au ventre. Ils avaient besoin d’aide. Pestant contre sa propre conscience, le journaliste se jeta comme un débile dans le bâtiment en flammes. Il est notable de mentionner qu’étant données ses maigres compétences en sauvetage, cette action aurait pu mal se finir pour lui, et ainsi se transformer en handicap. Mais, bonne étoile oblige, ce ne fut pas le cas, et le petit groupe parvint à évacuer ce qui était autrefois un pub avant que celui-ci ne s’effondre, au prix de quelques brûlures superficiels. Un véritable miracle – ou une plot armor honteuse. Son acte d’héroïsme effectué, Titouan disparut sans demander son reste, ne tenant pas particulièrement que ça à continuer à risquer sa peau pour des inconnus sous couvert d’auto-chantage émotionnel.
Il parvint à trouver un refuge qui, fort heureusement, fut épargné par la tempête et le maintint sain et sauf jusqu’à la fin de celle-ci, qui survint peu ou prou vingt-quatre heures plus tard. Alors Titouan quitta sa cachette pour essayer de mesurer l’étendue des dégâts. A sa grande surprise, son téléphone ne fonctionnait plus, apparemment pas plus que tous les moyens de communication de la ville. Cette dernière était en ruines. Les gens s’organisaient tant bien que mal pour limiter les dégâts, mais le bilan était là ; la situation était catastrophique. Alors, Titouan se retrouva motivé par une seule et simple idée : foutre le camp d’ici. Tant pis pour son interview. Les circonstances jouaient en sa défaveur. Sans une once d’hésitation, il ramassa le peu de ses possessions qu’il avait pu sauver et se mit à marcher en direction de la sortie de la ville -sans savoir qu’il ne pouvait de toute façon plus sortir. A quelques centaines de mètres de son objectif, une voix familière l’interrompit dans sa fuite.
-Tu vas où comme ça ?La femme de la veille. Titouan libéra un soupir alors que ses épaules s’affaissaient.
-Je rentre chez moi. Je pense que j’ai fait ma part. Bon courage.-Il y a encore des centaines, peut-être des milliers de personnes sous les décombres. On a besoin de bras. Je t’ai vu à l’œuvre hier. T’es pas très doué, mais t’as l’intention.-… J’aurais pu mourir trois fois hier. J’ai eu ma dose. J’habite même pas ici, c’est pas mon problème.-Le type que tu as sorti hier, il a failli y rester. Si t’étais pas venu à notre aide, il y serait passé. Tu peux faire la différence. Titouan laissa échapper un claquement de langue agacé avant de reprendre sa marche vers la sortie de la ville.
Et de toute façon…Une chose étrange se produisit. Alors qu’il allait franchir le panneau de sortie d’Arcadia Bay, le garçon fut ramené en arrière, comme attiré par un aimant invisible.
-… Et de toute façon on peut pas sortir apparemment.Hébété, le journaliste tenta une nouvelle fois de franchir la limite de la ville, sans succès. Après plusieurs tentatives infructueuses, il se tourna vers la femme, un air ahuri sur le visage.
-Si ça t’intéresse, on est en train de s’organiser pour essayer de porter secours aux gens qui sont toujours là-dessous. Elle tapa du talon de sa botte sur le sol comme pour illustrer son propos, tout en lui tendant une main amicale.
Au fait, je m’appelle Rose.Devant le fait accompli, Titouan n’eut d’autre choix que de rejoindre le petit groupe dont faisait partie la jeune femme, qui avait pour vocation de porter secours aux victimes de la tempête. Ensemble, ils sauvèrent des dizaines de vies, et même si Titouan -qui entre temps avait été rebaptisé Dagonet- était surtout poussé par la peur de se retrouver seul dans une ville où des événements aussi étranges se produisaient, il fallait admettre que faire le bien avait tout de même du bon, notamment pour sa conscience. Le petit groupe qu’il avait rencontré le jour de la tornade s’officialisa, et ensemble ils cherchèrent à secourir le plus de personnes possibles.
Ainsi, Dagonet intégra cette communauté qui se fit ensuite connaître sous l'appellation « Knights ». Depuis, il fait de son mieux, tout en évitant de se mettre en danger inutilement. Rose, qui prenait leur mission bien plus à cœur que lui et qui était quant à elle désormais connue sous le pseudonyme de Narcisse, est étrangement restée à ses côtés, et ses bonnes grâces et leur travail en commun lui permirent d'accéder au rang de « chevalier de la table ronde ». Titouan est persuadé que son indulgence à son sujet est due au fait qu’elle connaît la valeur de sa peur. Cette émotion qui lui permet de garder la tête sur les épaules et ainsi d'être utile au groupe malgré ses excentricités. Pour autant, il n’a jamais exposé cette peur en public. En réalité, aujourd’hui encore seule Narcisse est au courant de ses faiblesses.
Les premières semaines furent difficiles. Agathe lui manquait. Et la frustration de ne pouvoir vivre la sortie du dossier pour lequel il avait consacré plusieurs mois de sa vie le hantait au quotidien. Mais petit à petit, Titouan se fit à sa situation. Le vieux comptable avait même fini par lui raconter toute l’histoire, en remerciement de lui avoir sauver la vie. Mais, étant donné qu’il ne pouvait de toute façon pas communiquer avec l’extérieur, à quoi bon ? Petit à petit, son ancienne vie s’effaça de son esprit. Il avait désormais d’autres chats à fouetter.