les manques d'une vie d'avant ϟ midas ( end )

les manques
d'une vie d'avant

A travers les devantures ébréchées, les enseignes renversées, il déambule sans ne plus faire attention au désordre ambiant. On s’habitue au chaos, plus facilement qu’on aurait pu le penser. A son décor tout du moins. Le quotidien lui…il est plus délicat à apprivoiser. Ecstasy en sait quelque chose. Mais les choses se tassent, ses habitudes commencent à s’ancrer et il commence presque à se sentir à sa place. Tout cela est fragile, précaire. A l’image de ces magasins encore debout et intact. Il suffirait d’un simple coup de vent pour tout balayer. Mais il veut continuer à y croire, à croire qu’il va réussir et qu’on le verra désormais comme un de ces autres habitants d’Arcadia Bay, comme un véritable Pirate surtout.

Et l’étiquette que lui offre son groupe l’aide un peu. Parfois, on lui rit au visage lorsqu’il dit en faire parti. Mais quand on entend son nom désormais, on sait aussi qu’il est synonyme d’espoir. Hope se répand à travers la ville. La nouvelle drogue devient presque « tendance » et les efforts d’Ecstasy n’y sont pas pour rien. Peut-il en retirer une véritable fierté ? Pas vraiment, il le sait bien. Mais chacun fait comme il peut pour trouver une porte de sortie, la sienne est là. Et aujourd’hui, il compte encore en user si besoin.

Parce qu’il cherche quelque chose. Quelque chose de précis. Un besoin qui s’est fait de plus en plus pressant. Une envie irrésistible qu’il n’arrive pas à faire taire.

Un vernis pour les ongles. Tout simplement.

Il n’en a plus. Et ses ongles en pâtissent. Rongés irrémédiablement à compter du moment où ils ne sont plus peints. Un tic qu’il a pourtant cherché à supprimer depuis déjà longtemps. Pour lequel il a subi plus d’une engueulade en bonne et due forme. Mais rien n’y a jamais fait. Le stress, la panique, la peur, qu’importe l’émotion un peu trop forte qui le parcoure, il ne peut s’empêcher de mordiller ses doigts qui se meurtrissent au fur et à mesure des jours. Et il ne veut pas que les autres s’en rendent compte. Cela renvoie l’image indéfectible de tout ce qui lui manque. De l’assurance, de la confiance.

Alors il a terriblement besoin de masquer tout ça, de donner le change. Et seul le vernis à ongles permet de camoufler ses failles. Désormais, il se fiche même de la couleur. Il ne peut se permettre de faire le difficile face à cette denrée devenue rare…

A chaque magasin, il s’arrête, regarde à travers les vitrines, hésite, entre, pose la question. Se retourne penaud. Mais il persiste, il finira par trouver… Ou bien, il croisera une personne prête à lui vendre à prix d’or. Et là, il n’aura plus qu’à user de son étiquette de Pirate. Ou peut-être, simplement faire les yeux doux. Qui sait… Qui ne tente rien, n’a rien.

résumé:

agora

N'ayant jamais eu l'occasion de visiter le Super Market avant la Tempête, je ne pouvais que difficilement l'imaginer propre et plein de vie, tel qu'il l'avait certainement un jour été. Où que je pose les yeux, je ne trouvais que poussière, déchets et verre brisé. Mes pas résonnaient à travers le bâtiment, annonçant mon arrivée aux rares autres personnes qui fréquentaient le lieu.

Heureusement, me dis-je, que je ne cherchais pas un article en particulier, car il risquerait d'être bien compliqué de le trouver. Si pas impossible. J'avais peu d'effets personnels ici, à Arcadia Bay, mais je n'avais pas besoin de grand chose pour être satisfait. Non, ce qui me manquait ne pouvait malheureusement pas être acheté dans un centre commercial à moitié dévalisé.

Toutefois, j'étais curieux de ce sur quoi je pourrais tomber dans les différents magasins. Peut-être trouverais-je quelque chose auquel je ne m'attendais pas ? Quelque chose dont je n'avais pas réellement besoin mais qui pourrait apporter un peu de joie à mon quotidien ? Au fond de moi, je l'espérais.

Vitrine après vitrine, divers objets m’étaient présentés sans qu’aucun d’eux n’éveille réellement mon intérêt. Je n’étais visiblement pas le seul à passer de magasin en magasin. Un homme suivait en effet le même parcours que moi et, légèrement plus rapide dans son inspection des étalages, il se rapprochait peu à peu. Lorsque qu’il se retrouva finalement au magasin à côté de celui que j’examinais, je pus l'entendre demander nerveusement s’il y avait du vernis à ongles. Machinalement, mes yeux se portèrent sur lui et s’arrêtèrent sur son visage.

Il me semblait familier, ce qui n’était pas si étrange compte tenu du fait que nous étions coincés à Arcadia Bay depuis déjà cinq mois. Cependant, c’était dans un contexte complètent différent que j’avais l’impression de l'avoir déjà vu. Je me souvenais de sourires et de poses confiantes, pas de ce visage fatigué à l’air presque misérable.

Et soudain, je compris à qui je pensais.

« Caleb Alderson ? » marmonnai-je en direction de l’homme – du garçon – qui venait visiblement de recevoir une réponse négative et affichait un air dépité.

Tout de suite, je baissai les yeux, espérant que je n’avais pas été entendu. Parce que ça ne pouvait pas réellement être lui. Que ferait-il ici ? Il était bien plus logique qu’il s’agisse simplement de quelqu’un qui lui ressemblait, et j’aurais l’air complètement stupide de m’être trompé.

Enfin… Était-ce si improbable ? Les chances que j’aie moi-même été présent à Arcadia Bay lors de la Tempête était extrêmement faibles… Mais ça avait été le cas. Je relevai un instant les yeux vers lui et confirmai que, si ce n’était qu’un sosie, c’en était un bon.

« Désolé… De toutes façons, tu ne rappelles certainement pas de moi », ajoutais-je maladroitement en faisant quelques pas vers l’arrière.

Ma virée shopping devrait être écourtée. Je me voyais mal continuer à être suivi par, soit un type random me trouvant ridicule pour l'avoir confondu avec une célébrité, soit la dite célébrité se demandant d’où je débarque.

Résumé:

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d'une vie d'avant

Nouvel échec. Nouvelle déception. Le bien est donc devenu si rare… Un vulgaire vernis à ongles. Alors que devait pullulait dans cette ville nombres d’instituts vous promettant tous des mains plus belles que les autres. Mais Ecstasy ne veut pas abandonner, il veut croire que la chance finira par lui sourire. Parfois, il lui arrive de croire au karma et il se dit que c’est peut-être ça qui joue en sa défaveur… Pourtant, il n’a pas été un si mauvais garçon dernièrement. Si tenté qu’on oublie sa raison d’être chez les Pirates… Mais il balaie toutes ses pensées, il doit se concentrer sur le plus important : trouver ce petit flacon.

Ce qu’il aurait fait s’il ne venait pas d’entendre ces deux petits mots. Des mots qu’il avait normalement l’habitude d’entendre si souvent. Un patronyme quasiment oublié depuis la tempête, depuis qu’on l’a affublé du tristement nom d’une pilule. Alors ses épaules tressautent un peu sous la surprise. Ce n’était qu’un murmure, et il se demande même s’il ne l’a pas rêvé. Mais quand il se retourne, il y a bien un garçon face à lui. Plus grand, au regard baissé. Alors il ne voit pas bien son visage dans les premiers instants et il se contente de le regarder bouche-bée.

Il lance tout de même un regard autour de lui. Aurait-ce pu venir de quelqu’un d’autre ? Ou l’a-t-il simplement imaginé ? Et qui est ce jeune homme qui n’ose même pas lever les yeux vers lui ?

Et cette même voix transperce à nouveau le silence. Et Ecstasy n’a plus de doute, c’est bien lui qu’on a appelé. Il ne comprend pas bien où l’autre veut en venir. Ses paroles paraissent si confuses. Et il se demande s’il ne serait pas plus simple de les ignorer, plutôt que de prendre le risque de se replonger dans sa vie d’avant qui ne lui manque pas tant que ça… Mais il y a aussi cette envie irrésistible de le retenir. De ne pas le laisser s’échapper, sans savoir pourquoi.

« Attends ! » Sans réfléchir, il lui a attrapé le poignet pour l’empêcher de se volatiliser. « Oh pardon, j’aurais peut-être pas dû… » Qu’il ajoute aussitôt retirant sa main aussi vite qu’elle était venu le saisir.

Il lui lance un regard confus, et un sourire tout aussi fragile. Il ne sait pas trop ce qu’il est en train de faire finalement, il a réagi par instinct et maintenant, il se sent idiot de l’avoir ainsi retenu sans comprendre les raisons qui l’ont poussé à le faire.

« Désolé mais… je n’ai pas bien compris ? Je… hum… on se connait ? »

Il hésite, il a peur de froisser l’inconnu. Mais des visages, dans son passé, il en a croisé des multitudes. Beaucoup lorsqu’il n’était même pas vraiment lui-même. Alors sa mémoire lui joue des tours, lui fait souvent défaut. Mais Ecstasy est presque certain de ne l’avoir jamais vu ici, dans les décombres de la tempête.

« On ne m’appelle plus vraiment Caleb par ici… Ca m’a un peu surpris. »

Tente-t-il se justifier ? Il ne sait pas trop bien. Mais il espère au moins que son comportement étrange ne fera pas fuir l’inconnu.

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agora

Je retins un glapissement lorsque mon poignet fut brusquement saisi, me stoppant immédiatement dans ma retraite.

« Attends ! »

L’instant d’après, j’étais à nouveau libre, mais j'avais perdu la volonté de fuir après avoir été ainsi retenu. Je relevai timidement les yeux vers le garçon alors qu’il prononçait quelques mots d’excuses. Il me souriait, du sourire poli que l’on offre aux gens qui nous demandent un renseignement avant de leur répondre qu’on ne sait pas. Ses yeux semblaient sonder les miens avec hésitation, comme s’il espérait y trouver une explication.

« Désolé mais… je n’ai pas bien compris ? Je… hum… on se connait ? demanda-t-il avec une confusion évidente. On ne m’appelle plus vraiment Caleb par ici… Ça m’a un peu surpris. »

Évidemment... J’aurais moi aussi été surpris d’entendre quelqu’un prononcer subitement mon nom. Je songeai un bref instant à demander à Caleb – puisque c’était bel et bien lui – comment je devais l’appeler, mais abandonnai immédiatement l'idée. Cette conversation était bien partie pour ne mener à rien d’autre qu’à une situation très embarrassante, et nous n’aurons certainement aucune envie de parler à nouveau par la suite.

« Non ! Enfin… Oui. Mais pas vraiment », tentais-je d’expliquer.

J'avais beau me sentir mal à l'aise, je savais que je m'en voudrais de partir sans clarifier la situation. Mais je me sentais absolument ridicule et, inconsciemment, me remis tout de même à faire de petits pas vers l’arrière.

« Je suis… »

J'allais sans aucun doute décevoir Caleb, qui s’imaginait certainement avoir affaire à quelqu’un qu’il avait réellement rencontré. Maintenant que j'avais eu la confirmation de son identité et une chance de mieux l'observer, ma première impression s'était confirmée. Son apparence était bien loin de celle qui habitait mes souvenirs. Nous avions sûrement tous changés au cours des derniers mois, mais le contraste, chez lui, était tel que je me sentis presque inquiet. Sa vie d'avant et celle qu'il menait à présent étaient certainement très différentes et, s'il était seul ici, il serait probablement ravi de retrouver quelqu'un qui le rattacherait à son passé heureux.

Je sentis mes joues s’empourprer tandis que je cherchais une manière de couper court à ses espoirs sans avoir l'air complètement stupide.

« Je suis… hum... Hugan98, avouais-je finalement. On a échangé quelques messages… il y a plusieurs mois. »

À m’entendre, j’eus presque envie de rire. J’avais rajouté une précision qui ne lui était certainement pas utile. Pour ce qui était de ne pas avoir l'air stupide, c'était fichu.

« Mais tu reçois... recevais sans doute beaucoup de messages. De beaucoup de gens, ajoutais-je encore, ma main faisant un geste de moulinet qui se voulait représenter le concept de beaucoup de gens. D'où le fait que j'ai dit que... que tu ne souvenais sans doute pas de moi. »

Je plongeai mes yeux dans les siens, souhaitant connaître sa réaction au plus vite. J'espérais qu'il ne serait pas trop déçu. Que j'avais surestimé à quel point les gens extravertis et populaires pouvaient aimer être entourés.

« Désolé. »

Résumé:

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La scène d’extérieur devait sûrement avoir quelque chose de légèrement comique. Deux garçons embarrassés, aux joues rougies, aux balbutiements timides et aux regards en biais. Certainement que si certains prêtaient attention, ils seraient tous deux sujets aux moqueries. Mais heureusement, à Arcadia Bay, plus personne ne s’attarde sur de telles futilités. Les gens avancent tête baissée avec une seule idée en tête : survivre. Et les autres, on ne s’en soucie guère. Qu’ils fassent leur vie mais qu’ils ne viennent pas déranger leur quotidien précaire.

Alors non, Ecstasy ne juge pas l’étranger qui se trouve en face de lui. Il le comprend certainement mieux que quiconque, lui qui marche sans cesse sur des œufs, qui tente vainement de faire sa place et qui a la maladresse de toujours tout faire de travers. Et il cligne des yeux. Un peu surpris. Hugan88. Des messages. Il y a plusieurs mois.

Ses souvenirs sont confus et baisse un instant le visage pour se perdre dans sa mémoire brouillée. Il ne peut décemment pas lui avouer que sa capacité à se souvenir lui fait souvent défaut… Tant par son incapacité à fixer suffisamment son attention sur quelque chose pour la retenir correctement, mais que par ses addictions qui l’ont atrophié de ses capacités les plus primaires.

« Hugan88… »

Il marmonne. Et il s’en veut instantanément de buter ainsi. Encore plus lorsque l’autre se blâme lui-même plutôt que de blâmer Ecstasy. Et il se redresse, ses mains viennent à nouveau le chercher parce qu’il a peur que l’inconnu décide à nouveau de s’enfuir, il le sent bien qu’il est sur le point de prendre la tangente. Ses doigts serrent doucement ses avants-bras, tant pour capter toute son attention comme pour le rassurer et le prier de ne pas s’éloigner.

« Non non, ne t’excuse pas ! T’as pas à être désolé de quoique ce soit ! J’ai juste… enfin, avec tout ce qu’il s’est passé, c’est confus parfois et je… »

Il réfléchit encore. Creuse dans sa mémoire. Dans la multitude de messages reçus. Les haineux, les aimants. Ceux auxquels il répondait par automatisme. Les remerciements. Tout le reste qu’il ignorait. Et puis… Et puis Hugan88. Mais oui voyons ! Comment n’a-t-il pas réagi plus tôt !

« Hugan88 ! » Il s’exclame. Soudain émerveillé par une découverte improbable. « Hugan 88 ! » Il se répète sans s’en rendre compte, se perdant dans un sourire radieux, ses mains qui le secouent alors vivement, comme un enfant à qui on va bientôt offrir un cadeau. « C’est toi ?! »

Il se sent un peu bête de réagir ainsi, de poser cette question idiote. Mais il y a ce petit quelque chose qui vient de le saisir. Un brin de réconfort, une once de nostalgie peut-être. Car tout lui revient, les messages, les échanges, les quelques confidences… Le seul avec qui il avait fait un peu preuve de sincérité au lieu de se dissimuler derrière les strass et les paillettes.

« Je me souviens parfaitement de toi !! Mais mais… mais qu’est-ce que tu fais ici ?! T’habitais là ? Je savais pas ! »

résumé:

agora

Les yeux de Caleb échappèrent aux miens lorsqu'il baissa la tête, et je ne pus m'empêcher de redouter encore plus sa réaction. Il avait dû être surpris, certainement. Était-il déçu ? Vexé ? Je fis à nouveau un petit pas vers l'arrière.

Pourtant, il ne m'avait pas encore envoyé balader. Je l'entendis marmonner le pseudo que je venais de lui donner. D'une voix lente et d'un air concentré, comme s'il était en train de décortiquer chaque syllabe.

D'une certain manière, c'était plaisant. Quelqu'un comme Caleb Alderson qui, même lorsque nous avions échangé des messages, m'avait paru inatteignable était à présent en train d'essayer de souvenir de moi. Comme si c'était quelque chose d'extrêmement important à ses yeux. Comme si j'étais important à ses yeux. Mais d'un autre côté, je n'avais pas l'impression de mériter cette attention, et ne pouvais m'empêcher de me sentir gêné et désolé de l'avoir dérangé.

J'aurais pu le croire capable de lire dans les pensées, car c'est à ce moment exact qu'il se redressa et agrippa mes avants-bras. La rapidité du geste me fit légèrement sursauter, mais je réalisai bien vite qu'il était plus doux qu'il n'aurait pu y paraître. Je sentais le bout des doigts de Caleb appuyer contre ma chair, assez fort pour m'ancrer là où je me tenais, mais pas assez pour que ce soit désagréable.

« Non non, ne t’excuse pas ! T’as pas à être désolé de quoique ce soit ! J’ai juste… enfin, avec tout ce qu’il s’est passé, c’est confus parfois et je… », me rassura-t-il.

Il s’interrompit au milieu de sa phrase, reprenant visiblement ses réflexions. Il ne lui fallut pas longtemps pour revenir vers moi avec un enthousiasme inattendu. J'aurais aimé qu'il ne crie pas mon pseudo dans un endroit résonnant aussi fort, et encore moins deux fois de suite. Je préférais aussi lorsqu'il se contentait de me tenir gentiment plutôt que de me secouer les bras. Mais, étrangement, je me sentais bien. La joie de Caleb était contagieuse et un mince sourire timide s'étira sur mes lèvres. J'étais à nouveau frappé par le contraste entre le Caleb d'internet et celui que j'avais en face de moi mais, cette fois, positivement.

« Je me souviens parfaitement de toi !! Mais mais… mais qu’est-ce que tu fais ici ?! T’habitais là ? Je savais pas !
— Hm-hm, marmonnais-je en agitant la tête de gauche à droite. C'était un hasard que je sois ici... à ce moment-là. »

Je ne tenais pas à entrer dans les détails, ni de la Tempête qui avait gâché nos vies, ni de la raison pour laquelle j'étais présent à Arcadia Bay.

« Je viens du Pays de Galles, en fait, précisais-je tout de même pour ne pas laisser Caleb sur sa faim. Au Royaume-Uni. »

Beaucoup d'américains semblaient ne pas vraiment pouvoir situer ma contrée natale, et je m'attendais à ce que Caleb soit l'un d'eux.

J'hésitai un instant à lui retourner la question. Il me semblait grossier de ne pas montrer de l'intérêt envers lui, mais je craignais d'outrepasser mes droits en lui posant moi-même des questions. Les personnes célèbres devaient souvent se faire remarquer en public et en étaient peut-être agacées, à force ? À moins qu'elles n'apprécient... ?

De toutes façons, je me disais que la raison la plus probable à sa venue était sans doute de rendre visite à quelqu'un. Et, s'il avait eu aussi peu de chance que moi, il n'aurait peut-être pas envie d'en parler. Je me décidai donc pour une question que je m'étais posée une minute plus tôt, sans oser l'oraliser.

« Comment... est-ce que je dois t'appeler ? Tu, euh, tu as dit qu'on ne t'appelait plus vraiment Caleb... Tu préfères peut-être ton surnom ? », demandais-je avec une certaine curiosité.

Résumé:

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Il ne l’a pas manqué, ce mince sourire qui s’est glissé sur les lèvres du garçon. Ce n’est pas grand-chose mais Ecstasy se sent tout de suite plus léger. Comme si on venait de passer un peu de baume sur son cœur. Il avait oublié à quel point un échange aussi simple que celui-ci pouvait adoucir une journée, faire oublier le quotidien et effacer le désastre ambiant. Et puis la surprise est telle qu’Ecstasy a dû mal à se remettre de cette euphorie qui vient de s’emparer de lui. S’il pouvait, il emprisonnerait le moment au creux de ses doigts, ne laisserait rien s’échapper et s’y replongerait allégrement dedans à chaque fois que son moral l’emmene vers des profondeurs plus inquiétantes.

« Oh je suis vraiment désolé pour toi… »

Concerné, il l’est vraiment quand il comprend le sort du malheureux. Combien d’autres des habitants de la ville se sont vus pris au piège d’un endroit dans lequel ils n’avaient pas prévu de rester ? Ecstasy ne peut que compatir, sans véritablement pouvoir s’identifier. Bien qu’Arcadia Bay n’était à l’origine qu’une vaste inconnue, il a appris à y déceler un foyer bien différent de ses habitudes et finalement pas si déplaisant. Un paradoxe constant avec lequel il se bat quotidiennement, préférant parfois ne pas trop réfléchir à la véritable maison qui doit continuer à l’attendre sur les côtes californiennes.

« L’Angleterre, c’est loin mon dieu… Tu as réussi quand même à t’habituer à la ville ?! »

Il aurait aimé lui demander ce qui l’avait amené jusqu’ici, pourquoi avoir traversé un océan et si cela en avait valu tout de même la peine, si la raison qui l’avait poussé à monter dans un avion était restée légitime malgré la tempête. Sans pour autant réussir à visualiser parfaitement son pays d’origine sur une carte. Ce dont il se garde bien aussi de lui dire.

« Oh non non, continue à m’appeler Caleb ! Au contraire, ça me fait plaisir d’entendre mon vrai prénom. »

Et puis, comment lui dire qu’il porte désormais le nom honteux d’une drogue ? A le regarder, le jeune homme semble bien sous tout rapport et Ecstasy a soudainement honte de l’image qu’il pourrait lui renvoyer maintenant qu’un écran ne se trouve plus entre eux. Ses joues se sont d’ailleurs rougies et il préfère regarder un instant ailleurs, trouvant désormais un nouvel intérêt à la vitrine qui se trouve à côté d’eux.

« Et hmm… et toi alors ? Je crois que je ne sais même pas ton vrai prénom, enfin… c’est possible que je ne m’en rappelle plus. Toi tu préfères peut-être ton nouveau surnom ?! »

Son regard s’est à nouveau porté sur lui. Avec une autre question qui lui pend aux lèvres. Preux Chevalier ? Green solidaire ? Ou Vagabond indépendant ? Il est toutefois certain qu’il n’a jamais aperçu jusque-là son visage parmi les Pirates… Et l’inquiétude lui enserre rapidement la gorge, conscient des éventuelles conséquences de cette différence qui les sépare à présent.

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J'avais encore du mal à réaliser la réalité de ma situation. Croiser Caleb Alderson dans les décombres du Super Market était inattendu, mais le fait qu'il se souvienne de moi l'était tout autant. Enfin... Vu le temps qu'il lui avait fallu pour se rappeler, une petite part de moi ne pouvait s’empêcher de se dire qu'il faisait peut-être semblant. Histoire de ne pas me vexer. Après tout, il n'avait rien mentionné de spécifique. Mais je voulais croire que sa joie n'était pas feinte, et pouvoir continuer à me sentir spécial un peu plus longtemps.

« L’Angleterre, c’est loin mon dieu… Tu as réussi quand même à t’habituer à la ville ?! »

L’Angleterre, hein ? Caleb était visiblement encore moins doué en géographie que je l’imaginais, mais le reprendre n’en valait sans doute pas la peine.

« Moui, ça va… Je pense que ça a dû être compliqué pour tout le monde, quel que soit l’endroit d’où ils viennent », m’avançais-je.

Que l’on ait vécu à Arcadia Bay depuis sa naissance où que l’on vienne d’un pays lointain, on n’en était pas moins dépaysé dans la ville telle qu’elle l’était devenue. En tous cas, c’est ce que je supposais. Peu de gens devaient être prêts à se retrouver dans notre situation.

« J’imagine que ça a été compliqué pour toi aussi... », ajoutais-je timidement.

Je restais partagé entre l’envie d’avoir une véritable discussion avec Caleb et la crainte de le faire fuir. Il était rare que j’incite les gens à parler d’eux, certainement parce que c’était quelque chose que je n’aimais moi-même pas faire. Mais, au vu du milieu dans lequel il avait l’habitude d’évoluer, Caleb devait certainement aimer parler de lui, non ?

« Oh non non, continue à m’appeler Caleb ! Au contraire, ça me fait plaisir d’entendre mon vrai prénom, déclara le jeune homme en détournant un instant les yeux. Et hmm… et toi alors ? Je crois que je ne sais même pas ton vrai prénom, enfin… c’est possible que je ne m’en rappelle plus. Toi tu préfères peut-être ton nouveau surnom ?!
— C’est Dilwyn, répondis-je immédiatement. Euh… Mon prénom, je veux dire. »

Je craignais que mon nom paraisse étrange aux oreilles du jeune américain et perdis le peu de confiance que j’avais gagnée. Passant une main dans mes cheveux et détournant brièvement le regard, je poursuivis.

« J’aime bien mon surnom mais… je pense que j’aimerais aussi être appelé par mon prénom. De temps en temps. »

À nouveau, je souris, le regard tourné vers le sol et les joues chaudes.

« Tu euh… Tu cherches du vernis à ongles, c’est ça ? demandais-je comme si je ne connaissais pas déjà la réponse. Ah, je ne t’écoutais pas spécialement ! J’ai juste entendu… Parce que tu étais tout près. »

Étant donné que je ne savais pas où en trouver, je n’étais pas trop sûr d’où j’allais avec ça... C'était bêtement la première chose qui m'était venue à l'esprit alors que je tentais de trouver quoi dire.

Résumé:

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"Compliqué" pour lui aussi… Le mot est faible. A bien y regarder, Ecstasy se surprend même de se tenir encore debout sur ses deux jambes aujourd'hui. Mais il garde la conviction que le plus dur est désormais derrière lui. Cette rencontre imprévue de ce jour le convainc encore plus de garder cet espoir. Pouvoir tomber sur celui avec qui il a pu échanger auparavant, il n’y aurait jamais cru. Et il y voit là comme une petite lumière, une petite mélodie qui se glisse à ses oreilles pour lui dire que tout finira par aller mieux.

« Oui on peut dire ça mais si on est là aujourd’hui c’est qu’on arrive à s’en sortir pas trop mal ? »

Ecstasy évite toutefois ne serait-ce que de mentionner la multitude de galères rencontrées ces derniers mois. De toute façon, il n’est pas là pour s’apitoyer sur son sort, il le fait déjà bien suffisamment dans son coin seul le soir. Là, il veut simplement apprécier la douce présence de…de Dilwynn.

Un sourire encore plus franc se dessine sur son visage en entendant son prénom. Comme un cadeau précieux. Et il se fiche pas mal de son surnom, ces quelques lettres lui paraissent bien plus uniques. Plus significatives aussi. Comme une marque de confiance ?

« C’est très joli Dilwynn, ce serait dommage de l’oublier. »

Et ses sourcils s’écarquillent de surprise. Oh tiens, il avait oublié ce qu’il était venu chercher… Mais il est d’autant plus surpris que ce soit sa nouvelle rencontre qui le lui rappelle. Et Ecstasy répond par un sourire tout aussi gêné, gêné par la sollicitude de Dilwynn. C’est tout simple mais ça lui fait chaud au cœur. Et il espère alors secrètement que leurs échanges sincères passés sur le net pourront le rester tout autant par les mots qu’ils s’adressent à présent.

« Oui oui c’est ça ! » Il regarde un instant ses ongles dans une grimace embarrassé. « J’ai la mauvaise habitude de les ronger. Du coup, le vernis m’empêche de m’acharner dessus… Malheureusement c’est devenu un calvaire à trouver ! Mais j’aimerais bien… enfin, tu vois, c’est le genre de détails d’avant qui font du bien. Même si j’sais bien que ça a rien de vital, j’ai juste… besoin d’un peu de normalité ? »

Il se sent un peu idiot de s’épancher autant sur du vernis à ongles, et cela s’entend dans le rire nerveux qu’il lâche à présent. Ses mains viennent alors se cacher instinctivement dans les poches de son sweat-shirt. Au moins là, il n’offre pas le spectacle désolant de ses ongles abîmés.

« Et toi alors ? T’es venu ici pour chercher quelque chose en particulier aussi ? »

résumé:

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« Oui on peut dire ça mais si on est là aujourd’hui c’est qu’on arrive à s’en sortir pas trop mal ? »

Sans doute, oui.
Au fond, la Tempête aurait pu me causer encore plus de soucis. J'aurais pu être gravement blessé, voire mourir. Et puis, je pouvais sans doute aussi m'estimer heureux d'avoir atterri chez les Greens... Mais même en y réfléchissant logiquement, je ne parvenais pas à avoir le même optimisme que Caleb et me contentai d'un léger hochement de tête.

« C’est très joli Dilwyn, ce serait dommage de l’oublier », déclara Caleb avec un sourire encore plus radieux que les précédents.

J’écarquillai les yeux, surpris. Je ne m’étais pas attendu à un compliment, et encore moins formulé ainsi. Je me sentais un peu honteux d'avoir mal anticipé la réaction de Caleb, mais j'avais encore du mal à le cerner.

Lorsque je ne le connaissais que de loin, je l'imaginais comme quelqu'un d'assez arrogant et narcissique – comme j'imaginais d'ailleurs la plupart des gens évoluant dans son milieu.
C'était par simple curiosité que je lui avais un jour envoyé un message. Comme une bouteille jetée à la mer, j'avais écrit un texte regroupant mes pensées et questionnements envers lui. Sauf que, de manière très inattendue, j'avais reçu une réponse. Et le Caleb qui m'avait écrit était différent de celui que j'imaginais. Plus accessible, plus sympathique.
Mais celui avec lequel je parlais depuis quelques minutes me semblait encore séparé de celui des réseaux sociaux. Plus doux, plus simple.
Je me demandais lequel était le vrai, et s'il n'y en avait pas encore un quatrième, voire un cinquième.

« Oui oui c’est ça ! J’ai la mauvaise habitude de les ronger. Du coup, le vernis m’empêche de m’acharner dessus… Malheureusement c’est devenu un calvaire à trouver ! Mais j’aimerais bien… enfin, tu vois, c’est le genre de détails d’avant qui font du bien. Même si j’sais bien que ça a rien de vital, j’ai juste… besoin d’un peu de normalité ? »

Eh bien, cette tirade semblait confirmer que Caleb n'avait pas de problèmes à parler de lui. Malgré son petit rire gêné, il n'avait pas vraiment hésité à me raconter quelque chose qui aurait pu ternir son image.
Oui, ce Caleb était véritablement différent de celui que je m'étais imaginé à une certaine époque.

« C'est sans doute encore trouvable. C'est quelque chose qui peut se stocker en relativement grandes quantités, et la demande ne doit pas être extrêmement élevée. »

J'avais aussi rongé mes ongles à plusieurs époques de ma vie, donc je comprenais bien le tracas que ça pouvait causer.

« Et toi alors ? T’es venu ici pour chercher quelque chose en particulier aussi ? »

Pris au dépourvu, j'hésitai. J'aurais pu dire la vérité, qui était que je ne faisais que regarder ce qui était disponible. Mais face à quelqu'un d'aussi motivé, j'avais un peu honte de ne faire que me promener. Aussi, réfléchissais-je pendant une petite dizaine de seconde avant de reprendre la parole.

« Il y a quelque chose que j'aimerais bien mais... je ne sais pas du tout si c'est trouvable. Et puis, c'est assez cher normalement, alors je ne sais pas trop ce que je pourrais donner en échange, expliquais-je avec maladresse. Euh... tu sais s'il y a un magasin d'instruments de musique ici ? »

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les manques
d'une vie d'avant

Le ton calme et les mots rassurants de Dilwyn ont immédiatement ce petit quelque chose d’apaisant. Ecstasy ne s’était jamais imaginé quel aurait pu être sa voix. Il s’était souvent demandé à quoi il devait ressembler mais son imagination n’avait jamais couru plus loin. A présent que sa voix douce résonne dans ses oreilles, il se dit qu’il n’aurait jamais pu parier sur un garçon aussi délicat. C’est alors qu’il réalise que la réciproque doit être encore plus vraie… Quelle était l’image qu’il lui renvoyait ? En est-il déçu maintenant que le "célèbre" Caleb Alderson apparaît comme un simple jeune homme égaré à la recherche de vernis à ongles ? Les strass et les paillettes sont loin et il ne lui est plus possible de simplement sourire face aux caméras. Il se demande même s’il sera un jour capable de le faire à nouveau…

« Ahah t'as raison ! Les gens ont d’autres préoccupations que de…bah que de se faire les ongles ! »

Un nouveau rire nerveux alors qu’il réalise à quel point sa recherche est futile. Mais pourtant vitale. Il la ressent au fond de ses tripes. Juste un brin de couleur parmi les immeubles ternes et les gravats qui les entourent. C’est tout ce qu’il demande. Et s’évader pendant quelques instants, oublier la tempête et ses conséquences, simplement pour se concentrer sur le petit pinceau qui s’étale sur le bout de ses doigts.

Mais il semblerait qu’Ecstasy ne soit pas le seul avec des désirs en adéquation avec une époque révolue. Ses sourcils se haussent, avant de réfléchir un instant.

« Un magasin d’instruments de musique… »

Il n’a aucune idée si ça existe. Mais surtout… pourquoi Dilwyn aurait besoin de s’y rendre ?

« J’suis désolé, ça me dit rien. »

A nouveau, ce sentiment d’inutilité - devenu si cruellement habituel - lui enserre la gorge. Car au fond, il aimerait vraiment bien pouvoir aider le garçon. Ou peut-être cherche-t-il simplement un moyen de renforcer leur lien, d’empêcher que leur échange ne cesse trop prématurément... Mais avec leurs quêtes ridicules, qu’est-ce qui peut bien les retenir ? Alors Ecstasy sort la première chose qui lui vient à l’esprit, sans réfléchir.

« On peut chercher ensemble si ça te dit ?! »

Sa voix se montre un peu trop enthousiaste, il le réalise bien. Et un sourire gêné se glisse encore sur ses lèvres, conscient qu’il s’immisce peut-être un peu trop dans la vie de quelqu’un qu’il ne connait finalement presque pas. Mais est-ce que cela ne pourrait-il pas changer ?

« Enfin, te sens pas obligé de dire oui ! Si t’as autre chose à faire ou…ou j’sais pas, je comprendrais. »

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agora

C'est avec un nouveau petit rire que Caleb me répond, et je regrette tout de suite d'avoir tenté de le rassurer.

« Ahah t'as raison ! Les gens ont d’autres préoccupations que de…bah que de se faire les ongles ! »

Oh non, je n'avais pas du tout voulu insinuer que se vernir les ongles était quelque chose de superficiel... Maintenant que j'y réfléchissais, c'était clairement la façon logique d'interpréter mes paroles. Quel empoté. J'aurais mieux fait de me taire au lieu de tenter de faire la conversation. Mieux valait de rien ajouter, au risque de m'enfoncer encore plus.

« Un magasin d’instruments de musique… parut songer Caleb à voix haute. J’suis désolé, ça me dit rien. »

Bah, je m'y attendais. Et même s'il y en avait un, il n'était même pas sûr que j'y trouverait une clarinette. Il y avait de grandes chances qu'il contienne des instruments plus populaires, comme des guitares et des pianos. Peut-être qu'il y aurait des flutes ? Bien qu'il y eût des différences considérables entre une clarinette et une flute, il me semblait possible d'apprendre à en jouer, moyennant un entraînement régulier.

« On peut chercher ensemble si ça te dit ?! s'écria Caleb avec un enthousiasme non dissimulé. Enfin, te sens pas obligé de dire oui ! Si t’as autre chose à faire ou…ou j’sais pas, je comprendrais. »

Je fus surpris par la proposition, particulièrement au vu de ma récente maladresse. Il aurait sans doute été plus efficace de se séparer puis de se retrouver pour partager nos découvertes, mais... chercher ensemble, ça me tentait bien. Plus que je ne l'aurais cru, en fait. Si Caleb voulait bien de moi, alors je voulais bien rester avec lui aussi.

« Non, ok. On peut faire comme ça, annonçais-je. Pour le vernis et pour la musique. »

Avec un petit sourire qui se voulait invitant, je détournai mon regard de Caleb et le portai derrière moi, vers les magasins qu'aucun de nous deux n'avait encore tentés. Espérant être suivi, je fis quelques pas dans leur direction.

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Une invitation facilement acceptée. Accueillie par un nouveau sourire. Ainsi que par un certain soulagement. Ecstasy se serait senti bien bête de se voir essuyER un refus, sans pour autant à pouvoir y redire quoique ce soit. Après tout, Dilwyn, comme tous les autres, reste libre de pouvoir faire ce qu’il entend et croiser un visage familier n’y change rien. Dans ce nouveau monde, l’individualisme prime désormais souvent sur le besoin de tisser de nouveaux liens. Les amitiés sont fragiles. Et à vrai dire, Ecstasy ne sait toujours pas où se placer vis-à-vis du jeune homme. Pas tout à fait un inconnu mais pas non plus quelqu’un qu’il connait véritablement. Juste le souvenir de quelques conversations passées à travers des mots écrits sur un écran. A quoi cela le réduit-il donc ? Seul l’avenir sera capable de lui dire où doit-il se placer.

« Mais dis-moi… » Son pas emboitant le sien, le regard perdu à travers la première vitrine qu’ils croisent, Ecstasy ressent le besoin de satisfaire un peu plus sa curiosité « Pourquoi tu cherches un magasin de musique ? »

Est-ce trop personnel ? Ou pas du tout ? Qu’espère-t-il y trouver s’ils finissent par tomber sur une telle boutique ? Et Ecstasy divague, s’imagine mille et une réponses… Dilwyn virtuose de la musique, chef d’orchestre à la notoriété grandissante, la nouvelle étoile montante du monde musical… Il se plaît à rêver, se dit que cela pourrait apporter un peu de douceur à sa vie de tomber sur un prodige, de profiter de ses talents. Ici, les bonheurs sont devenus simples et le simple son d’une guitare adoucirait les mœurs. Juste quelques notes pour apaiser le chaos qui bouscule leurs vies.

« Je me rends compte que… que je n’ai jamais trop rien connu de toi. Enfin… j’ai l’impression d’avoir beaucoup parlé avec toi mais… »

Mais qu’ils ne parlaient que de lui, Caleb Alderson, personnalité sans talent. Il se souvient simplement de la douceur des mots de Dilwyn, de la sincérité de ses propos, d’un véritable intérêt qu’il éprouvait derrière tout ce strass et ces paillettes. Mais il ne se souvient pas de quelconques confidences de la part du garçon… Ou alors ses souvenirs ont simplement disparu ? A l’époque, Ecstasy n’était pas toujours lui-même, ses sens troublés par les substances avec lesquelles il s’empoisonnait. Et sa gorge se serre en se remémorant ce passé qui semble si loin et à la fois si près… Comme une terrible tentation de vouloir replonger dans ces ténèbres où plus rien ne comptait.

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En quelques enjambées, Caleb se retrouva à ma hauteur. Je savourai le bref instant durant lequel nous marchèrent côte à côte, les yeux rivés sur la vitrine du prochain magasin. Avec leur léger décalage, nos pas se mêlaient en un rythme apaisant dont mon écoute fut trop vite stoppée.

« Mais dis-moi… Pourquoi tu cherches un magasin de musique ? » questionna-t-il.

La question était naturelle, et il avait été naïf de ma part d'espérer pouvoir silencieusement profiter de la présence de Caleb. La plupart des gens redoutaient les blancs au milieu des conversations. Comme si ne pas avoir d'histoire palpitante à raconter ou de question pertinente à poser risquait de leur faire perdre leur crédibilité. Pour moi, c'était tout simplement l'inverse.

Caleb était sûrement bien trop social pour tolérer le silence. Mais s'il avait posé cette question, ce devait aussi être parce ce qu'il espérait une réponse intéressante.

Oh, bien sûr, il existait des gens qui seraient satisfait d'entendre « Je joue de la clarinette dans l'orchestre de l'université de Cardiff. Et avant, j'ai fait la même chose à l'école. Enfin, à partir de mes douze ans parce qu'avant ça, j'étais dans la chorale. »

Mais Caleb Alderson n'était pas de ces gens. N'était pas comme moi.
Oui, il s'était montré étonnamment sympathique jusqu'à présent... mais ça ne durerait pas. Ces regards et ces sourires ne m'étaient pas destinés. Ils étaient pour Hugan98. Pour le Dilwyn qui vivait dans l'esprit de Caleb et qu'il s'était façonné au fil de nos conversations. Je redoutais le moment où ce Dilwyn disparaitrait complètement, pour ne laisser que le véritable moi.

« Je me rends compte que… que je n’ai jamais trop rien connu de toi. Enfin… j’ai l’impression d’avoir beaucoup parlé avec toi mais… »

Et les choses de pouvaient-elles pas rester comme ça ? Superficielles ?
Nous pourrions terminer nos courses et partir chacun de notre côté. Et, lorsque nous nous croiserions à nouveau, nous pourrions nous saluer et échanger quelques banalités.
Peu m'importait si je découvrais jamais le véritable Caleb. Je pouvais me satisfaire de l'image floue et emplie de contradictions que j'avais de lui.

Mais pendant que je me torturais, il attendait une réponse.

« Euh oui... Enfin, non mais, y a pas grand chose à savoir. Je... commençais-je, les yeux parcourant les fissures du sol du Super Market. Je jouais parfois de la musique... avant. Alors j'me suis dit que je pourrais voir si... enfin, ce qu'il y avait ici ?

Une réponse vague qui ne satisferait personne et qui était certaine d'inviter d'autres questions. Je ne voulais pas vraiment repousser Caleb, juste maintenir assez de distance entre nous pour préserver l'illusion que j'étais quelqu'un qu'il pourrait trouver intéressant.

« Je me disais... Ce serait peut-être plus efficace si on se séparait pour chercher, non ? continuais-je, le regard toujours aussi fuyant. On pourrait se retrouver ici d'ici... un quart d'heure, pour voir si on a trouvé quelque chose.

L'idée m'avait traversé l'esprit une minute plutôt mais je l'avais rejetée, étrangement avide de compagnie. À présent, elle me semblait être un compromis envisageable.

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Plein d’espoir, Ecstasy reste pendu aux lèvres du jeune homme, prêt à ne laisser s’échapper aucun mot, aucune information. Attrapant chaque syllabe comme un petit trésor dévoilant une part de secret. Mais tout cela sonne creux. Il s’en rend finalement compte. Il n’a… rien appris véritablement. Et comment interpréter ces silences ? Ces choses qu’on étouffe ? Est-il trop bête pour les comprendre ? Ou Dilwyn ne lui fait pas confiance ? Il est assailli de doute, se sent déstabilisé. Honteux aussi. Alors son regard fuit aussi, regardant à son tour les fissures au sol.

« Tu as raison de chercher, la musique c’est… c’est la musique quoi ! Ca fait du bien à tout le monde, on aurait tort de s’en priver même ici. »

Il se mordrait presque la langue de dire tant de banalités. Mais comment répondre intelligemment quand il sent que l’autre ne veut pas s’ouvrir à lui ? Il aimerait être plus confiant, plus à l’aise, avoir le charisme d’un Bones, l’assurance d’une Arthur… mais il n’est que lui, vide de tout, rempli de rien. Alors il ne peut pas véritablement lui en vouloir de vouloir s’écarter de son chemin, de se séparer pour mieux chercher. Son sourire est faux mais il sourit tout de même. Parce que ça, il sait si bien faire. Faire semblant quand rien ne va.

« Oui tu as raison, on sera plus efficace ! J’vais de ce côté, ça te va ? » Il pointe du doigt la direction opposée, là où il n’a pas encore mis les pieds aujourd’hui « Dans un quart d'heure du coup ! Bon courage et à toute ! »

Il ne s’attarde pas, il préfère fuir avant de prendre le risque de voir son masque se briser. Et à peine éloigné de lui, le voilà qui ressent le besoin irrépressible de se ronger l’ongle de son pouce. Comme un rappel douloureux de ce qui l’a amené ici. S’il n’avait pas cette saleté de manie, s’il n’avait pas eu besoin de vernis, il n’aurait pas eu à affronter cette douce blessure… Et finalement, il préfère déserter l’endroit, ne sentant pas la force d’affronter une nouvelle déception. De se sentir misérable.

Il tourne, se dissimule à un angle du Super Market et accélère le pas. Tant pis pour l’échec de ses recherches. A ce rythme là de toute façon, il devra tôt ou tard faire une croix sur cette coquetterie qui n’a plus sa place dans ce monde. Et il s’éloigne, regrette presque aussitôt de laisser tomber ainsi Dilwyn mais ne jette pourtant aucun regard en arrière. Une parole de plus qu’il n’a pas tenu, c’est sa seconde nature après tout.

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Ça passait vite, un quart d'heure. Au moment de retourner au point de rendez-vous, j'avais l'impression de n'avoir fait aucun progrès et c'est assez déçu que je m'y rendis. J'aurais aimé trouver du vernis à ongles pour que Caleb, d'une certaine manière, me soit redevable. Bien sûr, je m'attendais à sa gratitude éternelle pour si peu... mais je m'étais dit que ça pourrait me rapprocher de lui. Égoïstement, j'espérai qu'il n'en avait pas trouvé non plus, mais chassai rapidement cette pensée de mon esprit. Non. Ce n'était pas l'attitude à avoir.

J'étais seul lorsque j'arrivai au point de rendez-vous, ce qui pouvait s'expliquer par ma ponctualité. J'attendis, jetant sans cesse des regards à gauche et à droite. Quinze nouvelles minutes finirent par s'écouler sans que Caleb ne réapparaisse, et que je me mis à repenser à notre conversation. J'avais bien dit « dans un quart d'heure », non ? Aurais-je fait un lapsus ? Ou peut-être Caleb avait-il mal entendu ? Entre « un quart d'heure » et « trois quarts d'heure », il n'y avait pas une grande différence...

Je soupirai. J'hésitai.
Je n'avais pas envie de me déplacer, au risque que nous nous rations, mais il était peut-être plus judicieux de faire un tour rapide dans la direction où il était parti plutôt que d'attendre bêtement. Après quelques minutes supplémentaires, je m'écartai du mur contre lequel je m'étais appuyé et trottai à travers le Super Market. Ça ne prendrait pas longtemps.

Mais Caleb ne semblait pas être dans la zone qu'il avait indiquée. Et je n'y voyais pas non plus d'indication d'un accident qui aurait pu l'empêcher de me rejoindre. Nerveux, je retournai une troisième fois au point de rendez-vous éternellement vide.

Était-il simplement... parti ? En avait-il eu assez de chercher ? M'avait-il fait faux bond après avoir trouvé son vernis ? Avait-il rencontré un ami qui l'avait fait m'oublier ? S'était-il moqué de moi depuis le début ?
Dans ma tête, les théories se mélangeaient sans que je puisse comprendre ce qui s'était passé. Si seulement j'avais mieux géré la situation, je ne me serais pas fait poser un lapin comme ça. Dépité, je m'appuyai à nouveau contre le mur et me laissai glisser au sol.

...
Oh, et puis non ! Ce n'était pas ma faute ! Si Caleb avait eu envie de partir, il aurait au moins pu me le dire. Ça faisait près d'une demi-heure que je l'attendais comme un idiot. Tout ça parce qu'il trouvait ça acceptable de m'abandonner ? Quoi, Monsieur était célèbre et pensait pouvoir traiter les autres n'importe comment ?
Je m'étais bien dit que c'était trop beau pour être vrai. Qu'il était trop gentil. Trop ouvert.
J'étais vraiment tombé de le panneau.

Je me relevai et repris mes recherche de magasin de musique. Je n'allais pas partir en plein milieu de tout, moi. Et maintenant, j'étais encore plus motivé pour trouver. Surtout si lui était parti sans son vernis.

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