Le choc des générations - Mars 2021 [PV : Atlantide]

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Bloody Mary s'arrêta et soupira. Il renifla en remuant le nez dans une grimace dédaigneuse, pourtant il n'y avait personne autour de lui. C'était l'odeur dans l'air qui lui déplaisait, et les boucles rousses dans la nuque qui le grattaient. Un rien suffisait pour contrarier la grande perche, un rayon de soleil trop virulent qui la rendait écrevisse, croiser quelqu'un portant un jogging — et qu'elle refusait de qualifier d'être humain pour cette faute —, ou encore son corps. Cette fois-ci, c'était les cheveux qui payaient.

Courts ou longs ? La question est irrésolue.
Depuis des mois, Bloody Mary n'en peut plus.
Les boucles épousent désormais les épaules,
Elles s'emmêlent et se mêlent, frivoles,
Les unes autres, les unes dans les autres.
Un coup de vent, et les voilà qui se vautrent,
Un tas de flammes rousses, plein de noeuds.
Et elle ne sait plus, ça le rend malheureux ?

Aujourd'hui, Bloody Mary ne sait plus trop où il en est. Toujours à dissimuler la déformation sur sa peau, ou les gravures dans son dos. Iel ne s'est pas débarrassé du bout d'étoffe sur sa main, et iel fixe les autres comme si le contact physique pourrait le briser en deux. Une fois, Bloody Mary s'est cogné dans le coin d'une table, l'impact ne s'en est pas allé. Sur sa hanche, c'est une espèce de creux qui s'est formé. Alors Bloody Mary se tient debout, à contempler son reflet dans la devanture défoncée d'un magasin de chaussures.

Bloody Mary s'en souvient très bien,
Iel y avait volé tout ce qu'iel pouvait,
Des chaussures surtout, enfin.
Pour celles qui lui allaient.

Le paysage dévasté autour de lae jouvenceaurelle ne l'émeut pas. En vérité, quand Terrence contemple cet univers en perdition, il ne ressent qu'une froide indifférence. Ce qui lui manque réellement, ce sont les vêtements, le maquillage et les talons hauts. Ses vieilles Doc Martens ont les semelles défoncées, le cuir a décoloré, mais iel se donne de l'allure. De loin et de dos, l'on dirait une grande allumette. Iel portait un pantalon noir en polystère, dans lequel iel avait rentré une blouse de la même couleur. Assez large, elle marquait sa taille et donnait l'illusion vague de hanches, avec ses motifs de grue. Le noir contrastait avec le roux flamboyant de ses boucles.

Terrence se rappelait, le monde qu'il y avait,
Les gens, le bruit ; ils ne sont plus, désormais.

Au loin, le soleil lance ses rayons, l'on dirait qu'ils se reflètent dans la vitrine. Derrière, le ciel se pare de ses couleurs d'agonie ; il ne sait plus si le crépuscule approche, ou si le matin revient. Le temps se trouble, comme son reflet dans la vitre. Les dates ne sont plus des dates, et les jours se ressembleraient si la météo ne changeait pas. Pour être honnête, elle ne sait plus quel mois on est. Et au fond, ça n'a pas vraiment d'importance. L'ombre du magasin envahit sa silhouette, les bâtiments autour se sont écroulés avec la tempête, et l'asphalte est chargé de poussière. Un paysage de fin du monde, un univers famélique, et Bloody Mary pense qu'on se croit dans un récit typique de science-fiction ou de post-apo.

Et par-là, il la voit ; la petite vieille. Il hausse un sourcil, ce n'est pas le genre de survivant qu'il pensait croiser. C'est qu'elle semble minuscule, et ça la fait sourire.

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

J'ai aujourd'hui rassemblé toutes mes forces pour une mission de la plus haute importance : rassembler du fourrage pour Thalassa, ma chèvre. Il me reste à peine de quoi tenir quelques jours. Si les Greens ont été conciliants depuis le début pour troquer mes maigres ressources contre les leurs, ils sont devenus bien plus frileux depuis le feu de joie de la nouvelle année… Encore une bêtise des Pirates. Ils ne semblent pas vouloir s’arrêter. J’ai la sensation qu’ils préparent quelque chose.

Et cette maudite brûlure qui continue à enflammer mon mollet. Depuis trois mois elle a été incapable de cicatriser malgré mes tentatives de cataplasme. C’est une blessure qui suinte, qui boursoufle parfois et qui me réveille la nuit tant la sensation de fondre est présente. Une nouvelle marque, une nouvelle douleur, je commence à cumuler mais cela ne m’empêchera pas de trouver des restes de paille pour Thalassa. Je n’ai pas besoin de grand chose, lorsque les beaux jours seront installés, je la débarquerais à terre et elle sera capable de trouver sa nourriture toute seule, même si cela me brise toujours le cœur qu’elle soit seule sur le continent.

Parfois, je me mets à penser que, moi aussi, je ferais mieux de débarquer. Ça serait plus sage, plus raisonnable pour une mamie comme moi. Pourtant, impossible de me détacher de l’Atlantide. Ma vie est là-bas et j’y suis accrochée comme une moule. Je soupire en cahotant à travers les rues du quartier commerçant, à demie-pliée sur ma canne. Le soleil est en train de poindre le bout de son nez, parfait, je suis tout juste à temps pour fouiller le reste de ma journée et espérer trouver mon trésor. Cousteau est même partie en reconnaissance, enfin, elle profite de cette liberté pour vagabonder, elle ne doit pas être bien loin.

Je m’arrête, essoufflée et ajuste mes lunettes sur le bout de mon nez. J’ai mis mes habits de sortie, ma grande jupe indestructible et rabibochée à plusieurs reprises ainsi que mon manteau en toile usée. Mes souliers sont de vieilles babouches presque confortables pour mes pieds déformés. C’est là que je la remarque. Une gigantesque perche plantée devant l’une des vitrines détruites. Je suis obligée de tordre mon cou pour remarquer sa tête et ainsi admirer sa chevelure rousse. Elle s’accorde parfaitement avec les couleurs matinales, je souris doucement, cette journée promet d’être pleine de surprises. Son visage fin a quelque chose de dérangeant mais j’ai désespérément besoin de quelqu’un pour me guider, voire m’aider.

« _ Bonjour mademoiselle, pardonnez-moi de vous déranger. Vous savez, j’ai déjà fait un long bout de chemin pour parvenir jusqu’ici. Mes jambes ont bien du mal à me supporter maintenant… enfin, enfin, ce n’est pas pour cela que je vous importune. Je suis à la recherche de fourrage pour ma chèvre, vous ne sauriez pas par où il serait le plus malin de débuter mes recherches, s’il vous plaît ? »

Je lui adresse mon plus grand sourire, illuminé d’un grand espoir. Pourquoi cette personne pas plus qu’une autre ? Pas la moindre idée, il fallait bien commencer par quelqu’un et chaque rencontre promet d’en apporter de nouvelles.

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Froncement de sourcils d'abord, Bloody Mary alla ouvrir la bouche, mais iel se ravisa au dernier moment.

Mademoiselle.

Le mot résonne dans sa tête.

Mademoiselle.

Encore et encore, ça se répète.

Mademoiselle.

Chantalle se demande alors : depuis combien de temps on ne l'avait pas abordé, avec ce mademoiselle ? Plus d'un an, une éternité, lui semble-t-il. Ou bien... il y a un trou dans sa mémoire, une vague sensation que ce n'est pas la première fois que quelqu'un par ici s'adresse à elle, avec ce mademoiselle. À la fête du Renouveau, on l'avait nommé par son faux patronyme, Mère Noëlle souvent. Comme si Mère Noëlle n'existait que pour être en duo avec son époux, le Père Noël.

Bloody Mary (Chantalle) décroche du discours de la petite vieille, ses pensées s'éparpillent, et elle tente désespérément de retrouver un bout d'elle-même. Ce mademoiselle lui en rappelant une autre, des sons aux couleurs de la magie, celle des cartes qui se font battre et dont le bruissement ressemble aux papillonnements d'ailes des colombes.

On la voit alerte, elle recule d'un pas.
Il lui faut peu de temps pour se reprendre,
Une seconde voir deux, où le regard tremble.
Elle a besoin d'aide, c'est bien ça ?

Ses yeux fixent la petite vieille, elle lui arrive au ventre, et ça l'amuse un peu. Mais ça jette en elle un sentiment de malaise, comme si les vêtements qu'elle portait lui étaient désagréables — c'est la peau, jamais assez bien taillée, jamais assez confortable, qui ploie sous le poids des mots, comme si les coutures allaient craquer.

« Je... »

La syllabe sonne inconnue dans sa bouche, elle remarque la difficulté à marcher, le souffle qui manque, et les lunettes qui glissent sur le bout du nez. Les couleurs rabibochées, est-ce qu'il y a des miroirs accrochés à la tenue ? Elle cligne des yeux.

« Bonjour, se reprend-elle naturellement d'une voix douce et chaude. Pourquoi pas... qu'est... »

Nouveau froncement de sourcil, Bloody Mary (Chantalle) ne sait plus si tout ceci est réel. Il manque quelque chose. Mais elle secoue doucement la tête, les boucles dansent dans la nuque, leur chaos est retenu par un vieil élastique un peu sali. Elle inspire, désorientée, avant de se racler la gorge et de continuer avec une assurance renouvelée :

« Du fourrage ? Ah... du foin ou quelque chose comme ça, vous voulez dire ? »

Chantalle (Bloody Mary) roule des épaules, elle recule d'un pas et se tourne vers la petite vieille. Quand elle ne la fixe pas, elle regarde ailleurs, les yeux illuminés par les rayons du soleil alentour — l'euphorie a revigoré son coeur si glacé.

« Je ne pense pas en avoir vu par ici ? Vous aurez plus de chance dans le domaine des Green, propose-t-elle. Après peut-être qu'avec un peu de chance, vous trouverez quelqu'un dans le quartier qui en vend, indépendamment... vous avez parlé de chèvre ? »

C'est en le disant à voix haute qu'elle le réalise.

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

La femme se tortille un moment sur elle-même, il faut dire qu'elle est obligée de se tordre pour me regarder en face. J'ai beau ne pas être très grande, j'ai l'impression qu'elle est infiniment gigantesque, à la limite de l'humain. Elle commence plusieurs phrases, sans être capable de les terminer. Si elle est troublée, elle n'en dit rien mais quelque chose semble vraiment accaparer son attention et ce n'est pas ma petite personne.

J'attends qu'elle se décide à formuler une phrase, Thalassa ne va pas attendre le déluge. Si ça continue, j'aurais trouvé du foin avant qu'elle ne construise sa pensée.
Je tape distraitement avec ma canne sur le sol, bruit méthodique qui me rassure. Je dois aussi avouer que cette pause est bienvenue, j'arrive même à retrouver un rythme cardiaque à peu près cohérent.

Ma patience est aussi alimentée par sa politesse, ce n'est pas tous les jours qu'on répond à mon bonjour par un bonjour. Je ne vais pas m'asseoir dessus, quelle culottée je serais ! Finalement, après de longues minutes étirées, elle semble comprendre l'objet de ma recherche. Je hoche vigoureusement la tête.

«_ Oui, tel est l'objet de ma quête, en effet. »

Sa façon d’être, de se tenir, de loucher dans le vague, j’ai la désagréable impression d’être tombée sur une camée. Encore une jeune paumée qui erre dans les rues d’Arcadia Bay sans savoir où elle se trouve ni où elle va, à être absorbée par les couleurs naissantes de ce début de journée. Une pointe d’affection m’envahit, encore quelqu’un à s’occuper mais ça sera ma bonne action du jour. Mes poils se hérissent à la mention des Greens. Je coupe net ses réflexions.

« _ Non, pas chez les Greens, je ne suis pas encore sénile. » Puis, je me radoucit, elle ne peut pas deviner quelles ont été mes mauvaises aventures il y a quelques semaines. « Pas cette fois-ci, en tout cas. Trouver un commerçant indépendant serait l’idéal. Vous en connaîtriez ? » Encore une question de ce type et elle m’emmène chez son dealer. Je me racle la gorge, un peu étonnée par sa question, mais, étant donné son état, elle doit planer bien haut. « Une chèvre, c’est cela, vous savez cet animal de la taille d’un chien, avec des cornes et une barbichette. Elle produit du lait quand elle est enceinte et, sinon, elle me tient principalement compagnie. Elle adore les gratouilles entre les cornes. Si nous trouvons de quoi la nourrir, je vous la présente, c’est d’accord ? »

Je me mets à clopiner en direction du centre des habitations, il va bien falloir commencer mes recherches quelque part si je ne veux pas rentrer bredouille. J’espère en tout cas que ma promesse motivera l’immense rousse à me suivre. Je veux bien l’aider dans ses tourments mais il va falloir qu’elle y mette un peu du sien. C’est ce moment que choisit Cousteau pour débarquer en trombe, pleine de poussière, la langue pendante en aboyant joyeusement, la queue en l’air. Je lui flatte l’arrière des oreilles et introduit ma terre neuve.

« _ C’est Cousteau, ma fidèle chienne. Cousteau je te présente… ? »

L’incroyable technique radicale pour demander l’identité de quelqu’un. Personne ne peut refuser de se présenter à un chien, je vous assure.

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Chantalle a toujours cette sensation,
Elle est au fond de ses entrailles,
Et elle ne veut pas qu'elle s'en aille.
C'est réconfortant, et plein d'émotion.

Pourtant, ça laisse en elle, quelque chose dont elle ne sait plus. Et comme à chaque fois qu'elle doit se confronter à ces sentiments inconfortables, elle décide de ne pas l'écouter. Les interrogations viendront plus tard. Pour l'instant, il n'y a que les vêtements qui grattent dans sa nuque, les chaussures qui lui font mal aux pieds, et la gorge nouée. Elle avale sa salive, avant de sourire en soufflant du nez quand la petite vieille lui décrit la chèvre. Dans d'autres circonstances, Terrence aurait roulé des yeux, mais pas là. Non. Son attitude est douce.

« Je sais ce qu'est une chèvre, et le reste de rire reste dans sa voix, je m'étonne juste que vous en ayez une. »

Bloody Mary n'est pas dupe, elle voit bien que la minuscule grand-mère cherche son aide, ou un peu de compagnies. Après tout, elle aura du mal à porter seule le foin ; Bloody Mary l'observa tapoter le sol avec sa canne, et elle repensa à Loyal en train de tapoter ses longs doigts sur la bouteille de Whiskey. Chantalle se retient de répliquer qu'elle fume un autre genre de foin, mais dans les faits, ce ne serait pas pertinent. Quand la chienne arrive vers elle, Chantalle hausse les sourcils. Si elle rêvait d'un chihuahua — plus pour l'idée de luxe que ces immondes petites bêtes incarnaient que par réel intérêt —, elle préférait les serpents aux animaux à poils. Et à défaut des serpents, les chats.

On la voit se tendre, refuser d'être attendrie,
C'est qu'elle est sale, non ? Pourtant Terry,
Elle sourit.

C'est là qu'elle choisit de se rapprocher, toujours décontractée en apparence — les épaules sont relâchées, les boucles ramenées sur le côté. C'est là qu'elle choisit de se présenter :

« Bloody Mary. »

Le courant d'air dans la nuque la fait frissonner, elle enchaîne aussitôt :

« Et vous ? »

Elle aurait pu tricher, ne donner qu'une partie du nom, Marie — comme elle l'avait fait auprès des enfants —, elle aurait pu offrir Chantalle à la minuscule grand-mère — elle a envie d'entendre ce prénom. Pourtant, elle avait choisit l'honnêteté frêle, et laisse à l'inconnue le poids dans le vent. Marie la Sanglante, oiseau de mauvais augure.

« Sinon je ne connais pas de gens qui vendent du foin, mais peut-être que les commerçant dans la rue adjacentes auront quelque chose à vous proposer. »

Bloody Mary haussa les épaules, en vérité, elle ne sait pas trop. Elle s'amuse simplement à penser que le chien est une bonne excuse pour aborder les gens — technique secrète des dragueurs dans les parcs. Elle pense plus ou moins ce que la petite vieille attend d'elle, alors elle propose avant :

« Vous voulez que je vous accompagne ? »

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

Elle sait ce qu'est une chèvre, finalement. Tant mieux, cette grande tige est peut-être bien en train de redescendre, elle me sera plus utile dans cet état d'esprit. Je lève un sourcil en me rendant compte qu'elle a raison, les chèvres sont devenues si peu communes.

«_ Il faut bien dire qu'elle vient de loin… »

Cette chèvre au pied marin que j'ai adopté voilà de nombreuses années. Je pense que c'était au Costa Rica. Les circonstances exactes de cette adoption ne sont plus très claires dans mon esprit, mais, contre toute attente, Thalassa avait immédiatement aimé embarquer sur l'océan. Son doux bêlement anime le pont et me rassure.

Je papouille le collier de ma chienne jusqu'au moment où la rousse décline son identité. Bloody Mary. Pas que je ne me sois pas habituée à ces drôles de nouveaux noms mais celui-ci me met sur la piste d'une personne dépendante. Je lui souris, heureuse de voir qu'elle m'accorde cette confiance-ci. Petit à petit, je vais pouvoir creuser et peut-être apercevoir ses vulnérabilités.

«_ Tu peux m'appeler Kristina, ou Kris, mais ici j'ai écopé du nom de mon navire, Atlantide. Enchantée, Bloody Mary. »

Je me suis arrêtée et retournée en direction de cette Bloody Mary. Cousteau continue à bondir joyeusement dans les alentours, n'arrêtant sa mascarade que quelques secondes pour me fixer avant de la reprendre avec au moins autant d'énergie. Cela me rend nostalgique, j'aimerais avoir autant de forces et de vigueur. Maudite vieillesse.

Je pétille d'impatience lorsque la jeune femme se propose de se joindre à moi. Mon sourire se fait plus franc et mes yeux se plissent en deux croissants de lune. De la compagnie, c'est probablement cela que je suis également venue chercher.

Je retourne à son niveau pour lui tendre mon bras, je suis bien incapable d'attraper le sien, il est si haut.

«_ Allons-y alors. Je connais pas mal le quartier, peut-être que Strike saura nous renseigner, on ne sait jamais. Avec de la chance, on croisera George, lui saura. Sinon, ça nous fait au moins une balade, n'est-ce pas ? »

Je commence à avancer, profitant du doux soleil qui réchauffe ma peau. Il fait meilleur sur terre et je n'ai pas envie de manquer une miette de ce joli spectacle. Je soupire d'aise et continue la conversation, comme si de rien n'était.

«_ Et vous alors, vous cherchiez quelque chose ? Puisque vous m'aidez, je pourrais vous donner un coup de main en retour. Je suis vieille mais pas encore empotée ! »

Je lâche un petit rire qui se perd au milieu des immeubles détruits. A l'apocalypse survivent ce genre de moments.

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )« Ah oui ? »

Fit-elle d'une voix douce, en haussant les sourcils pour accentuer sa surprise, lorsque la grand-mère lâcha que la chèvre venait de loin. Loin, cela voulait tout et rien dire pour Bloody Mary. Elle-même venait de loin, très loin, si on considérait le trajet entre les États-Unis et l'Irlande, ou plutôt entre l'Allemagne et l'Oregon. Lui, il ne considérait pas ce Nouveau-Monde, si Nouveau ; c'était une extension de l'Europe, avec des manières plus brutales. Alors quand la mamie se présenta, Terrence pencha la tête sur le côté.

Atlantide, et un bateau.
Ah ! C'est que ce vaisseau
Lui rappelle un genre d'histoires.
De celles qu'on conte le soir.

Mais ce n'est pas pour tout de suite ni maintenant ! Cette histoire, Bloody Mary l'aura couchée sur papier. C'est qu'en Irlande, on aime les histoires de marins et de fées qui se vengent de leurs mauvais époux. Le prénom d'Atlantide ne sonne pas tout à fait étranger dans son oreille, et pour l'instant, elle ne lui fera pas cadeau du sien. Après tout Terrence ne sonne pas très féminin. On peut le juger vite, si on n'a pas tous les contes derrière — Turlough en gaélique désigne un mont, et Terensis chez les Latins incarne la déesse des moissons.

« Atlantide, comme la zone, là, chez les Green, souffla Bloody Mary pour elle-même. On doit vous le dire souvent que vivre sur un bateau, ce n'est pas commun. »

Pour faire la conversation, et incarner autant de personnages qu'iel a de visages, Terrence était doué·e. Un talent affiné pendant des années, si bien affûté qu'il sait retourner sa langue comme une lame. Elle voit qu'Atlantide cherche de la compagnie, alors elle lui donne ce qu'elle veut ; une discussion sans prise de tête, et un peu d'intérêt. Les gens aiment être écoutés, c'est ce qu'il a appris.

La gigantesque silhouette se penche sur la petite vieille,
L'on dirait qu'elle se plie en deux, et elle lui tend l'oreille.
Elle hoche la tête, lui offre son bras, malgré son dos,
Qui se ploie, se plie et se casse et fait craquer ses os.

Quand Atlantide propose son aide, Bloody Mary hausse nonchalamment les épaules. Depuis longtemps, elle a appris à se débrouiller seule. Lorsqu'on l'aide, ce n'est jamais de la bonne manière, et souvent, l'on prend ses besoins pour des caprices (le maquillage ? C'est un pansement, bien plus utile que la bouffe).

« Non, je n'en ai pas besoin. »

Et Bloody Mary accompagne les paroles d'un sourire éclatant, presque aussi flamboyant que ses cheveux.

« C'est urgent pour votre chèvre ? »

Se renseigna-t-elle pour ramener la conversation sur un sujet plus concret — récupérer du foin pour la bestiole. Le bras que Bloody Mary lui présentait était aussi blanc que le reste, un peu froid, mais elle ne semblait pas s'en apercevoir.

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

Comme la zone des Greens, oui, les coïncidences sont parfois hasardeuses, parfois étranges… ou juste fortuites.

« _ C’est vrai que mon Atlantide est peut-être bien l’un des seuls rafiot encore en état de flotter par ici… »

Après un temps de flottement, elle accepte de se pencher vers moi et de prendre délicatement mon bras au creux du sien. Sans vraiment comprendre pourquoi, ce nouveau touché me rassure et me rappelle à quel point j’aime à comprendre les gens. Surtout si je suis en mesure de les emporter dans une folle aventure d’une journée. Ma proposition semble la dérouter un instant et les hausse les épaules, presque de manière nonchalante. Elle m’assure pourtant que non, d’une voix presque rauque, accompagnée d’un sourire immense et rayonnant. Je lui réponds pas un nouveau sourire.

« _ C’est comme tu veux, alors. M’est d’avis que je ne tiendrais que quelques jours encore… il semblerait que cette mission soit urgente, Bloody Mary ! »

Je pousse sur mes jambes pour accélérer le pas. C’est que le temps file et il ne faudrait pas manquer le levé des habitants pour essayer de faire les meilleurs arrangements possibles. Je trébuche à plusieurs reprises sur des gravats qui veulent absolument me faire tomber, mais, entre mon équilibre et le bras de Bloody Mary je reste sur mes deux jambes, sauve. Je grogne dans ma barbe et continue mon avancée.

Nous croisons une première âme que Cousteau se fait une joie d’accueillir, je l’aborde gentiment en demandant si elle aurait des pistes pour trouver mon Graal du jour. Je hoche régulièrement la tête à mesure que la personne m’indique plus ou moins les bons plans du coin. Je la remercie et nous reprenons notre chemin.

« _ Bon… j’ai l’impression que ça ne va pas être une partie de plaisir, cette affaire. On peut toujours tenter le magasin de fournitures générales, comme nous l'a indiqué la dame ? »

Sans vraiment attendre de réponse, je me dirige automatiquement vers l’endroit indiqué par la passante. Heureusement, ce n’est pas si loin et je croise intérieurement les doigts… j’ai certe toute la journée mais ma lenteur ne risque pas de m’aider.

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Pour Atlantide, cette petite course semblait être une aventure,

C'est comme si ses jambes étaient animées, malgré l'usure.
L'érosion dans les os, le grincement des articulations
Et Terrence, ça la fait rire, sans vraiment de passion.

De cet amusement doux, un peu tendre, celui des joies d'enfants aussi éphémères dans l'instant qu'il perdura en grandissant. La mémoire est une chose bien étrange, et avec les années, elle se rappelle de choses oubliées, des plaisirs simples et de la monotonie des samedis et des dimanches. Son père bosse à l'usine, sa mère les laisse à sa propre mère, et c'est des après-midis entiers à se disputer avec son frère aîner et à chahuter avec sa cousine. Pendant ce temps, le ciel décline dans ses nuances de gris, l'air est lourd et la pluie viendra au soir, quand maman arrive les chercher.

Auprès de son frère et de son père, elle était brutale.
Auprès de sa mère et de sa grand-mère, elle était délicate.
De son père, elle devait imiter la voix gutturale
(s'imposer avec une virilité falsifiée)
De sa mère, elle aimait les histoires sur les pirates
(un conte en particulier, jamais oublié)

Bloody Mary se demandait si sa compagne d'un temps ne cherchait pas à tromper ennui, solitude, et vieillesse. Atlantide prenait à coeur la course, et elle était volubile pour deux. Pour cause, Terrence n'était pas d'humeur à parler, plutôt à observer doucement ce qu'il se passait autour d'elle. Tant mieux, ça l'épuisait de toujours remplir l'air de mots, de menaces, de grondements. Sa voix s'adaptait, elle paraissait rauque et chaude, de ces voix qui soutiennent les chants de cabarets.

Alors dans son silence, Terrence emmène Atlantide là où elle quémande. Le duo est drôle, de loin ; la grande perche à moitié pliée sur elle-même, afin d'aider la petite vieille à marcher. Son dos lui fait mal, mais elle ne le dira pas. Après tout, l'on voit de Bloody Mary uniquement ce qu'elle accepte de montrer.

« Vous devriez m'attendre, je vais aller demander. »

Le chaos est chaos par sa nature à s'adapter, le sourire est discret, pourtant bien là ; l'on peut voir son ombre dans la joue creuse de Bloody Mary. Elle décroche son bras afin d'aller demander, et dans le soleil matinal, le magasin est encore un peu vide. On voit les ombres traverser la vitre, et l'espace d'une seconde, elle a la sensation d'être retournée au monde d'avant. Et elle revient bredouille, un peu blasé, mais elle n'en montre rien.

« Là non plus, il y en a pas, on peut aller voir du côté des maraichers. Sinon, je crois surtout qu'on va devoir aller cueillir de l'herbe pour votre chèvre. »

Bloody Mary haussa les épaules, est-ce qu'il avait besoin de spécifier que c'était de l'herbe qu'on ne fumait pas ? Les mains dans les poches, elle attendit une réaction de la part d'Atlantide.

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

Notre avancée est quelque peu chaotique, entre l’immense femme courbée, ma canne, les fois où je trébuche et l’état catastrophique des pavés. Vaillamment, nous continuons notre balade dans un silence religieux. Cela me convient, son bras me suffit et je n’ai pas besoin de bavasser pour ne rien dire, même si j’en suis capable. Bloody Mary n’a pas l’air d’être des plus pipelettes, je ne voudrais pas la gêner ou imposer des paroles incessantes. Étrangement, une forme d’harmonie entour notre couple improbable et c’est aussi rassurant qu’apaisant.

Bientôt, nous arrivons en vue du magasin général et Bloody Mary se propose pour aller se renseigner. Je ne la retient par et elle s’enfile à travers la porte du bâtiment. Me voici à nouveau seule, je m'assois sur un banc sculpté dans un vieux débris. La canne entre mes jambes, je profite de l’air frais, du soleil ascendant sur ma peau et des jappements joyeux de Cousteau qui s’amuse à bondir de pierre en pierre. Malgré l’apparent moment de paix, mon esprit vagabonde et ne cesse de revenir au feu de forêt du mois de décembre. Je ne crois pas que cela ait été prévu par les Greens, mais je ne peux m’empêcher de douter des belles paroles de Phaner. Quant à l’idée que cela soit encore un coup des Pirates, cela me prouve, une nouvelle fois, qu’on ne peut leur accorder aucune confiance. Difficile de dire à quel point ces jeunes peuvent être récupérables, ou pas.

Je soupire et balance mon poids sur ma canne, ma main se porte machinalement à ma brûlure au mollet. Je retrousse ma robe pour observer les dégâts. C’est toujours moche à voir, purulent et suintant. Cela m’arrache une grimace de dégoût, même l’eau salée de la mer n’a pas eu l’effet escompté.

Bloody Mary ressort soudainement du magasin, je n’ai pas le temps de faire retomber ma robe qu’elle annonce qu’ils ne possèdent pas ce que nous recherchons. Je grogne dans ma barbe.

« _ Quelle malchance, allons voir les maraîchers. Je n’ai guère envie de me prostrer des heures pour ramasser l’équivalent d’une semaine de nourriture. Mais si nous n’avons pas le choix, pour sûr que ça sera plus rapide avec vous. C’est parti, alors. »

Je soulève difficilement mon arrière-train pour agripper le bras de la jeune femme. Nous poursuivons notre chemin, cahin-caha. Cousteau s’amuse à nous poursuivre et à nous faire la fête. Quand elle se trouve sur terre, il est bien difficile de l’arrêter. Qu’elle s’amuse me donne du baume au cœur. Les maraîchers sont légèrement en dehors du centre-ville, il nous faudra plusieurs dizaine de minutes pour y parvenir, peut-être plus si ma canne se bloque entre deux gravats, je me risque à relancer un peu de conversation.

« _ Ça fait longtemps qu’on a pas vu si beau soleil, n’est-ce pas ? »

J’aurais pu lui demander d’où elle venait, l’interroger sur son lieu d’habitation, en apprendre plus sur elle, lui narrer mes aventures et mésaventures, mais, non. Je choisis de faire vibrer la corde de la mamie gâteau que je suis au moins un peu. Et parler du beau temps fait partie de mes sujets favoris pour cela. Même s’il faisait grand beau temps hier et avant-hier...

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Quand la robe retomba sur la jambe, Bloody Mary ne sembla pas y réagir. Ses yeux restaient éteints, sans éclats, son visage aussi froid qu'il pouvait être doux. En vérité, il y avait peu de choses qui lui échappaient. C'était le fardeau et le quotidien des oiseaux de nuit. On apprend à observer dans l'obscurité, on devine les formes et les pensées qui dansent sur les ombres.

(Celles des silhouettes)
(Projetées sur les murs de Dublin)
(Et toutes les éventualités dessinées dans sa tête)
(Elles bourdonnent, toujours, un véritable essaim)
(Se préparer au pire pour savoir y réagir)
(Ce soir ce sera quoi ? Deux pour le prix d'un ?)

Bloody Mary se contenta de revenir en silence vers Atlantide, elle lui offrit de nouveau son bras et se baissa pour qu'elle s'appuie sur elle. Elle se redresse un peu, l'écoute, et elle rit dans un soufflement de nez. Elle comprend mieux pourquoi la vieille peinait à marcher. Néanmoins, pour l'instant, elle joue le jeu et continue de s'aventurer dans les rues.

« Pourquoi vous ne revenez pas sur terre ? Demanda-t-il soudain d'un ton plus grave, elle se reprit et sa voix redevint plus limpide : je suppose que ce n'est pas simple de quitter votre bateau, mais ce serait plus facile pour vous, non ? »

Et c'est là que Bloody Mary repense à Grace. Enfant, elle s'était souvent demandé si Grace n'était pas en vérité un garçon, rêvant de vent marins et d'aventures. On disait de Grace qu'elle se travestissait toute petite, afin de suivre son père sur son navire. Le petit Terrence, alors qu'il doit avoir six ans, écoutait sa grand-mère lui conter cette histoire (et celle-ci est vraie, au contraire des brownies qui viennent aider à la maison en échange d'un verre de lait et de gâteaux). Le petit Terrence aurait aimé être Grace. Et il se plaisait à songer que comme elle, il était doté d'une chevelure rousse et flamboyante. Des flammes attachées en queue de cheval dans son dos.

« Il est vrai, lâcha Bloody Mary en relevant les yeux sur le soleil. »

Et quand elles arrivèrent vers les maraichers, Bloody Mary se détacha d'Atlantide, toujours avec douceur. Elle observe les gens présents, et quand on la salut, elle voit la panique qui bute contre les lèvres : bonjour, mada... non monsieur. Et soudain, c'est comme si un coup de poignard venait de lui traverser le coeur.

Terrence ne dit rien, il ne répond pas.
Son regard se remplit d'une profonde lassitude.
Et elle songe que ça va, elle a l'habitude.
Alors elle se redresse et n'oublie pas,
La raison qui l'amène par ici, avec la petite vieille.
Est-ce qu'eux auront du foin pour la chèvre ?
Et elle lance un regard vers le soleil,
Son humeur est devenue un peu aigre.
Mais ça va, se répète Terrence, en boucle, en boucle, en boucle, en boucle.

(Non, ça ne va pas)

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

Nous marchons, indéfiniment, avec une lenteur toujours plus exacerbée tellement mon souffle se fait court. Pourtant, la curiosité de Bloody Mary est piquée, elle m'interroge soudainement sur la raison de mon choix de vie. Cela me tire un nouveau soupir et me ramène inéluctablement à des souvenirs bien lointains. Ce bateau, je me le suis procuré d’occasion, il flottait à peine et l’étanchéité était à revoir. En plus de mes obligations familiales, je passais la plupart de mon temps libre à le retaper, le repeindre, le chouchouter et aménager son intérieur.

Et puis, est arrivé le jour de lever l’ancre, les oiseaux partis du nid, je n’avais guère plus de raison de rester. Les yeux humides, j’ai embarqué, laissant de sombres souvenirs derrière moi. J’étais encore bien fringante à l’époque.

Une bouffée de nostalgie me submerge et je lutte contre la boule qui s’est formée au creux de ma gorge. J’essaye de maîtriser ma voix.

« _ C’est… » ma voix se brise et j’ai besoin de quelques pas pour retrouver du souffle et reprendre le fil de ma pensée. « C’est tout ce qu’il me reste… je ne peux pas. »

Je passe ma manche sur mes yeux pour en effacer les traces de larmes et essuie mon nez discrètement. Nous marchons encore plusieurs dizaines de mètres chacune plongées dans nos pensées, jusqu’à notre conversation sur la météo. Cela détends l’atmosphère et, rapidement, je réapprends à apprécier la simplicité des rayons réchauffant ma peau.

Finalement, nous parvenons à notre seconde étape. Bloody Mary prend de nouveau les devants et s’approche du maraîcher. De ma position, je ne saisis pas la teneur de l’échange mais, la conversation coupe court. Je m’approche à mon tour, Bloody Mary semble perturbée, je pose une main rassurante sur son avant-bras, doucement.

« _ Ce que ma partenaire cherche à vous dire, c’est que nous cherchons du foin, afin de nourrir ma chèvre, voyez-vous ? » Je lis une sorte d’hésitation dans le regard du marchand. « J’ai de quoi échanger, si c’est ce qui vous inquiète. Vous me les déposer sur la plage en fin de journée, cela vous convient ? » Je tapote ma sacoche, où sont cachés d’innombrables cookies et autres concoctions de ma main.

Il m’explique ne pas avoir énormément de stock et je parviens à négocier trois bottes de foin. Un rapide calcul et j’arrive à la conclusion que cela me permettrait de nourrir ma chèvre pour quelques semaines. Mieux que rien. Je présente mon offrande au maraîcher qui accepte de bon cœur, l'œil pétillant.

Je fais quelques pas en arrière et tapote ma pochette où sont restés les deux dernières sucreries.

« _ Tenez, j’en ai gardé un pour chacune de nous deux, allons nous asseoir quelque par pour le manger. Ce n'est pas grand chose, mais ça fait toujours plaisir. »

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Le geste ! Ah... Elle aurait dû le pressentir,
Elle aurait dû le voir venir.
Le contact la crispe aussitôt

(Le chaos a la surprise en horreur)
Et elle recule d'un pas, un peu sot

(sotte sotte sotte sotte sotte)

Mais la main de la maie, elle n'ôte
Et au maraicher, elle lance sa rancoeur.
Dans un unique regard.

Les mains dans ses poches lui donnent une allure pleine de désinvolture — et ce n'est pas un masque, Bloody Mary donne toujours l'impression de se foutre de tout. Alors quand Atlantide termine de négocier avec le type, ses pensées s'éparpillent tout autour d'elle. Et elle repense à Dublin, tout ce qu'elle a abandonné dans un coin. Elle repense à l'hésitation dans la voix de la petite vieille, et elle note la douleur. Tout ce qu'il me reste. Ah ! C'est que Bloody Mary a de la chance, la tempête n'aura rien emporté de précieux. C'est simple, elle était partie de chez elle sans rien, et elle n'aura pas emporté grand-chose. Les vies, elle les croise, elle les fracasse, et elle les laisse.

Quand on se sent en sécurité nulle part, on a un avantage non négligeable : la sensation de sécurité, procuré par un foyer n'a pas à exister.

Bloody Mary est un peu agacée, mais elle enfouit profondément les émotions. Ses poings fermés dans sa poche, elle reprend la route avec Atlantide, et le maraicher ne sait pas trop comment la saluer. Ah... ce n'est pas de sa faute, il ne peut pas savoir. En vérité, les gens ne savent jamais.

« Ce n'est pas la peine, refuse-t-elle poliment et avec une voix feutrée, je n'ai pas faim. »

Le faim et le froid sont des sensations qu'i(e)l a depuis longtemps perdu. Sans sa rage perpétuelle, elle n'arriverait pas à rendre son corps fonctionnel. La légende dit que pour nourrir Bloody Mary, un dé à coudre par jour de nourriture (ou de sang), c'est suffisant. Le reste du temps, c'est au Whiskey qu'il faut l'arroser.

« Par contre, vous devriez faire quelque chose pour votre blessure. »

Bloody Mary sourit, et elle s'arrête soudain. Elle hausse les épaules, mais c'est un fait ; Atlantide a besoin de soin.

« L'hôpital n'est pas loin. »

Argumenta-t-elle avec un sourire en coin. Pourtant, elle ne veut pas y retourner là-bas. Depuis qu'elle avait rendu le sweat volé, elle l'évitait comme la peste. Elle ne voulait pas se confronter au personnel, elle ne voulait pas se rappeler ce qu'il s'était passé.

(La dernière fois que Bloody Mary avait porté du rouge à lèvres)
(Non pas comme déguisement, au contraire de ce qu'on pense)

Terrence se persuade que c'est bon, Octobre est vieux, maintenant. Il est temps de passer à autre chose.

On s'en remet toujours, n'est-ce pas ? Hein ?

Alors souris, Bloody Mary, ainsi va la vie.

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

Le choc des générations

En voilà une affaire rondement menée, il n’est même pas midi que nous avons déjà dégoté plusieurs semaines de nourriture pour Thalassa. Un poids se retire de mon cœur et une angoisse s’élève. C’est une excellente chose de faite, sans compter que le maraîcher a accepté de me livrer la paille sur la plage, encore un souci en moins. La journée est parfaite, la compagnie est plutôt agréable et la nostalgie qui saupoudre le tout est… pas pire que mauvaise, elle est juste bien présente.

Bloody Mary refuse mon cookie, je hausse les sourcils, c’est très inhabituel et je la dévisage peut-être un peu trop longtemps avant de me décider à le garder pour moi. Ils sont bons, mes cookies, bon, la farine est un peu granuleuse, je ne parle même pas du manque de beurre et du chocolat remplacé par des alternatives plus… brutes, mais, je m’en sors pas mal avec cette recette. Je croque dans celui que j’ai en main et l’arrière goût salé me réconforte. Je manque d’avaler de travers quand ma compagne du jour m’invective pour soigner ma blessure.

Elle s’arrête. Je m’arrête. Une sombre colère jaillit et je m’apprête à lui rappeler que je n’ai pas besoin d’elle pour prendre soin de moi. Qu’elle n’a rien à me dire et encore moins de conseils à me donner. Toute cette fureur retombe quand les images du vilain incendie remontent dans mon cerveau. Les flammes, la sueur, la suie, les coups de feu. Non, non, il n’y avait pas de coup de semonce. Je secoue la tête, résignée.

« _ … Je sais que vous avez raison… j’essaye de me soigner depuis des mois mais rien à faire… cette maudite brûlure est comme là pour me rappeler à quel point c’était… l’enfer… la guerre… » Je fixe les pieds de Bloody Mary et j’ajoute plus bas. « Je déteste l’hôpital… vous me promettez de vérifier ce qu’ils me font ? »

Je suis probablement de la vieille école mais je n’arrive pas à faire confiance aux blouses blanches… ils me filent des frissons. Ils sont toujours cryptiques et depuis la tempête, qui sait avec quoi ils soignent les patients ?! Telle une petite fille, je traîne les pieds pour retourner au niveau de Bloody Mary, j'insuffle une bouffée d’air frais. Je sais qu’elle a raison, je dois prendre soin de moi au mieux.

Allez, nouveau détour.

Commerces - Bloody-Mary - Mars 2021

Isley

Résumé:

Le choc des générations « When I get to be in your arms
When we're all, all alone
When you whisper sweet in my ear
When you turn, turn me on »

( Dead or Alive → That's The Way (I Like It) )Quand Atlantide parle de l'enfer
(et de la guerre)
Elle ne fait pas le lien avec les siens.
Ce soir-là, elle n'y était pas.
Un choix qui n'était pas rien.

Alors elle ne replace pas vraiment, et elle pense que la grand-mère mentionne un autre évènement. Des mois ? Le temps, c'est un peu flou dans son esprit. Il n'aura bientôt plus de sens, à mesure que la chaleur reviendra et que leur prison s'étendra en décennie. Voilà pourquoi l'aube et le crépuscule se ressemblent, voilà pourquoi Bloody Mary oublie de dormir — c'est une belle de nuit, mais les jours se lèvent plus tôt. Et elle perd le compte.

Ses yeux se fixent sur Atlantide,
Un instant, ils sont un peu vides.
Et ils ne reprennent pas réellement vie,
De cet éclat bleu, éteint, où le soleil luit.

L'on dirait une poupée abandonnée dans une boutique, plus assez jolie pour plaire aux petites filles. Elle se concentre alors sur la mamie, et elle sourit.

« Je n'aime pas non plus l'hôpital, rassurez-vous. »

C'est un petit secret que Bloody Mary lui confie, elle se garde de dire pourquoi (les prises de sang, le SIDA, Fredda qui sermonne, son père qui s'amuse qu'elle ait poussé son frère aîné dans les escaliers — c'est un truc de garçons, vous comprenez ? —, et Icare qu'elle a laissé).

« Ne vous inquiétez pas, enchaîne-t-elle en prenant la route, pleine d'assurance. Je vais leur faire mon plus beau regard méchant, et ils n'oseront pas vous blesser. »

Le sweat et l'écharpe qu'elle a volé, puis ramenés. Ce matin-là, quand Bloody Mary a débarqué en traînant son agresseur - elle aurait dû le tuer, et elle savait même où le cadavre elle aurait pu enterrer —, elle n'avait pas voulu être soignée. Et comme toujours, lorsque Bloody Mary n'en fait qu'à sa tête, le monde se plie à sa volonté.

Il suffit d'attirer l'attention ailleurs.
Plus on brille, moins les gens osent poser des questions.
Plus ou sourit, et plus on déchaine les passions,
Moins ils portent d'attention.
Et l'essentiel est oublié par ces leurres.
Voilà comment, par ce simple tour de Magie,
Elle s'était fait oublier, Bloody Mary, et elle était repartie.

Sa respiration est calme, le soleil décline dans l'horizon. Et il projette sur les bâtiments des ombres gigantesques, parfois lorsque son éclat frappe son visage; elle grimace — c'est désagréable. Et à Atlantide, elle fait plus ou moins la conversation — la météo est un sujet récurrent.

« Kristina, ça ne sonne pas vraiment américain. »

Lâcha Terrence, avec un autre sourire au coin. C'est une invitation. Atlantide va-t-elle la saisir ? Une occasion pour raconter le meilleur et le pire, raviver les braises du passé, ou au contraire les enfouir loin, loin ! Et pour continuer, c'est à Bloody Mary d'ajouter :

« Europe de l'est, non ? »

En faisant rouler les « R » de son accent irlandais, plein de nonchalance.

:copyright:️ 2981 12289 0

Spoiler:

» La fin d'un monde — feat Atlantide
» * Crie in a cool way * [PV : Jupiter/Fin Mars 2021]
» All Saints Day [PV : Kitten / Mars 2021 - Terminé ]
» Bouboule et Bubulle marchent vers l'Empyrée [PV : Scarf - Mars 2021]
» you're never gonna learn aren't you ? — feat Cheshire. [FB : Mars]