I want everything there is. &Ecsta

I want everything there is.

Redorer ton blason. La seule pensée, comme une obsession, un besoin maladif qui imprégnait ton esprit tout entier. Ah, ça oui tu l’avais appréciée cette ‘retraite’, cet abandon, loin de tout, cette pause supposée calmer tes instincts primaires, cet interlude qui devait faire de toi un homme, un vrai. Tu t’étais remis en question, souvent, comme si tu n’étais plus sûr de quelle chair était la tienne, de quel chemin tu devais emprunter. Mais au final, toutes ces questions, tous ces soupirs que ton âme avait poussés dans le calme de la nuit s’étaient soudain transformé en la conviction sincère, profonde, inébranlable que toi, tu étais un pirate. Pas un Knight, bien loin de leur droiture désintéressée. Pas un Green, à des millénaires de cet idéal purifié qu’ils entretenaient. Pas un Vagabond, bien trop dépendant de l’attention des autres. Toi, tu vivais pour le chaos, la liberté et la grisante et effroyable importance qu’on accordait aux rebus de cette nouvelle société, tels des chiens galeux et enragés, ne vivant que pour rire dans les ombres de leurs mystérieux.  

Seulement après autant de temps à vivre loin de tous les autres, ton nom s’était peu à peu effacé des lèvres de ceux que tu appelais avant tes amis et c’était à peine s’ils s’étaient rappelé la tignasse rose et bleue à ton retour. Pitoyable. Et ça, c’était intolérable. Les autres pouvaient s’encombrer de pitié s’ils le voulaient. Toi, tu devais vivre dans la lumière. Alors ça s’était monté tout seul dans ta tête, un plan formidable, machiavélique, un véritable chef d’oeuvre du mal, tout ça simplement pour remonter dans les bonnes grâces de tes congénères, ceux que tu voulais terriblement pouvoir appeler ta famille à nouveau fièrement. Pour l’instant, tu avais surtout l’impression d’être une sorte de sangsue un peu dodue essayant péniblement de te rendre utile. Mais si tu réussissais ça, hah, tu aurais au moins le mérite d’être le plus culoté ce mois-ci. Ou le plus suicidaire.  

Tout le monde était distrait par les festivités chez les Green, et les QG de chacun de vos précieux clans s’étaient soudain vidés de leurs oilles. Blackwell était si calme, contrairement à son habituel brouhaha de pas sur les pavés, de piaillements de gamins surexcités, d’instructions pêle-mêle adressées amoureusement à ces petits bouts de choux. Hah, toi, tu le préférais comme ça. Non, en fait, tu aurais sans doute encore préféré voir des pirates courir ici et là, saccager l’intégralité de ces couloirs trop propres, trop ordonnés, trop biens pour vous.  Enfin... Tu étais peut-être le seul pirate entre ces murs cet après-midi-là, mais tu te fondais admirablement dans le décor. Une barbe naissante, un bonnet presque proche cachant tes cheveux colorés et même ta tenue n’attirait pas l’attention. Ils t’avaient oublié, eux aussi. Peu d’entre eux t’avaient connu, tu n’avais eu qu’à prétendre être un vagabond en quête d’un véritable foyer pour t’infiltrer en territoire connu.  

Oui, et tout avait bien démarré pour toi. Entrée aisée, progression sans encombre, tu étais même parvenu jusqu’au garde-manger avec une facilité déconcertante. Tu commençais d’ailleurs à te remplir les poches de cannettes de pepsi en masse, tes mains glissant jusqu’à l’avant-bras dans les méandres de ces petites dimensions qui s’ouvraient selon ton bon vouloir tout au fond de tes poches. Il y en aurait bientôt une cinquantaine, Bones serait ravi. Et là bas, un peu plus loin... Non... De l’alcool? Chez les Bleus? Un sourire carnassier caresse tes lippes et tu te mets à renverser les obstacles pour arriver à l’étagère du trésor... Sans compter sur. “EH TOI?!” Merde!! Tu te retournes, cette allure fière, ce regard suspicieux, ce besoin de sauver ridicule brillant au fond des yeux. Un Knight. T’es dans la merde... Tu cherches désespérément la batte cachée dans une de tes poches mais tes doigts se font écraser par les canettes qui dégringolent sur la chair tendre dans un vacarme sourd. L’ennemi approche, t’es fini, t’es un raté, tu ne pourras rien ramener et en plus tu vas être coffré! A moins que...?  

I want everything there is.

Bon... Eh bien qu’importe ce que tu avais voulu faire, il s’avérait que comme d’habitude, tu avais eu les yeux plus gros que le ventre et que ça allait ruiner les maigres chances que tu avais eues pendant quelques secondes de remonter dans les bonnes grâces des pirates, de retrouver ta vraie place. La tienne et non celle d’un figurant de seconde zone qui revient d’un exil imposé. Celle devant laquelle tu bavais. Enfin, sauf si tu parvenais à te débarrasser de ton opposant sans ruiner les canettes de coca qui roulaient encore sous et sur tes doigts endoloris. Mais où était cette pu*ain de batte quand on avait besoin d’elle?! Tu es presque prêt à tenter le tout pour le tout, prêt à te ruer sur le gars pour le pousser, l’assommer, et tracer en courant. Il y avait sans doute moins flagrant comme fuite, mais tu n’étais pas fait pour réfléchir, tu étais plutôt de ceux qui agissaient sans que leurs cerveaux encombrés n’aient le temps d’additionner deux et deux. Et puis c’est comme un miracle, quelque chose d’inattendu, de surprenant, un retournement de situation comme il ne s’en passe que dans les films d’action les plus capillotractés. Ecstasy.  



Le cri attire ton attention en même temps que les yeux du Knight se décolle de toi, et tous deux vous vous surprenez de la scène qui se dévoile à vous, une demi-portion étalée de tout son long sur le sol, ayant sans doute trébucher sur... Sur quoi d’ailleurs ? Il n’y avait simplement rien qui puisse servir d’obstacle aux pieds du jeune pirate, mais bien que tu aies tout fait pour enfuir tes souvenirs de ses grands yeux affolés au fond de toi, tu ne pouvais nier te rappeler encore aujourd’hui qu’il n’était pas connu pour son adresse et le mystère de ses pas maladroits n’en était pas vraiment un pour toi. Tu hésites bien sûr, il t’offre une trop belle porte de sortie, une opportunité trop grande de filer sans être détecté, de le laisser s’attirer les foudres du bleu pour être entré en territoire ennemi sans y avoir été invité. Tu as déjà fait quelques enjambées dans son dos et tu es presque à la porte. Mais... C’est quoi ce sentiment qui grignote gentiment l’intérieur de ton estomac...? Ah... La culpabilité. Après tout, ton égo t’avait déjà forcé à abandonner le plus petit à son sort par le passé, et il venait de te sauver la mise.  



Ton bras se dresse et abat une des rares bouteilles d’alcool que tu étais parvenu à subtiliser sur la tête de votre agent de sécurité improvisé. Ça va vite ensuite. Un vacarme de verre brisé, un corps qui s’étale, sonné, dans une flaque d’alcool odorant puis ta main qui jaillit sans hésiter pour attraper le col du plus jeune, le tirant sans ménagement à ta suite. Maintenant, votre plus grand ennemi, c’est le temps. Tu enfonces la seule bouteille d’alcool rescapée dans une de tes poches, le goulot dépassant tout juste de l’ouverture tandis que tes pas s’allongent dans les couloirs du château. Merde, tu ne connais rien à l’endroit, toi, tu n’étais jamais venu qu’à l’extérieur et ton passage avait été si bref et dans une obscurité si oppressante que tu n’aurais sans doute rien pu reconnaître de toute façon.  “Merde! Il faut qu’on se barre sinon on est cuits. Tu le contrôles, ton truc là?”



Son truc... A l’image de tes poches qui s’agrandissaient selon ta volonté, lui avait également reçu un “don”. Tu le savais. Vous en aviez parlé. Tu avais même eu l’”honneur” d’en faire les frais. Bien entendu, ce jour-là, il l’avait contrôlé, alors aujourd’hui, des mois après, il le contrôlerait, n’est-ce pas... Enfin, la question n’était pas vraiment là. Elle en dissimulait une autre. ‘T’en serviras-tu pour me cacher moi aussi?’ Toi, tes poches pleines de butin, des yeux pleins de reproches, ta bouche pleine de poison. Vous vous étiez écorchés dans une sorte d’affrontement idiot pour savoir qui l’emporterait sur l’autre, qui aurait le dernier mot, qui pourrait sortir la tête haute, et bizarrement, vous aviez peut-être perdu tous les deux. “Si tu peux, sors-nous de là.” Il pouvait te rembarrer, le ferait sans doute. Pourquoi ne le ferait-il pas?   

I want everything there is.

Tu peux les voir de là, tous les rouages qui s’imbriquent dans les méandres de l’esprit du petit blond, forçant sans doute un flot de questions, d’incompréhensions à plâner sur l’ensemble de ses pensées. Bien sûr, tu voudrais pouvoir le ramener au présent, le rassurer, calmer le brouhaha de ses songes, mais toi, tu n’es pas comme ça, tu n’as pas cette réputation, et clairement, tu n’as aucun don dans les interactions sociales. Alors tu te contentes de le regarder rassembler son courage, ses idées, classer ses interrogations dans un coin pour laisser un peu plus de place à l’action. Quelque part c’est impressionnant, lui qui avait si souvent dépendu des autres dans bon nombre de situations diverses et variées se trouvait aujourd’hui être votre seule chance de vous en tirer sans ennuis, et plutôt que de s’effondrer dans une crise d’angoisse (oui, tu avais bien cru qu’il allait faire exactement cela pendant un instant) il s’était ramassé de toute sa hauteur, si petite eut-elle été, pour vous tirer d’affaire. Et alors que tu avais pris l’habitude de prendre l’initiative, tu te retrouvais à devoir suivre Ecstasy comme un caneton s’en remet à sa mère. “Surprenant.”

Et ce n’était pas le mot, pas vraiment, en fait, tu étais impressionné bien plus encore que tu n’étais surpris, mais ça, bien entendu, tu aurais préféré avaler deux cuillères d’eau de Javel plutôt que de le dire à voix haute, il ne fallait pas non plus oublier que la demi portion t’en avait fait baver avant ton exil et c’était sans doute resté un peu en travers de ta gorge, coincé entre ton égo et tes erreurs, une trace de sa mesquinerie à ton égard, sa petite vengeance qui t’avait bien plus marqué que tu ne souhaitais le dire. “Quoi?” Tu hausses un sourcil en tentant un regard vers lui, surprenant l’inquiétude au fond de ses yeux clairs. Ah bon sang... Vraiment le pire pirate que la terre n'ait jamais vue. “Mais t’es sérieux quand tu me prends la t...” Un soupir agacé glisse hors de ta bouche. Après tout, si tu ne l’avais pas assomé, ce Knight, Ecsta serait sans doute bloqué avec lui en ce moment, peut-être même aurait-il été arrêté? Mais en ce moment, tu as plus que jamais besoin du don du scientifique et tu prends ton mal en patience.  

“J’l’ai juste assommé, franchement tu t’en fais pour rien c’est relou... Puis c’était lui ou toi de toute façon donc...” Dire ouvertement que tu avais choisi de protéger un des tiens, même s’il s’agissait du fragile laborantin, très peu pour toi. L’allusion était assez légère, tout juste assez, peut-être, pour que le blondinet te fasse confiance au moins le temps de votre fuite. Tu couvrirais ses arrières, il n’avait sans doute pas fait exprès de te tirer de ton mauvais pas, mais sans lui, tu serais sans doute dans une cellule aux mains des Chevaliers, tu lui devais au moins ça. “ Ils ont une sorte d’hôpital, j’crois alors t’inquiètes pas pour lui et pense plutôt à nous tirer de là. Et panique pas si on doit se friter, c’est moi qui m’occupe de tabasser! Toi, t’essaies de nous faire oublier.” Comme si ce n’était pas évident de par leur simple différence de taille ou de carrure... Enfin, il était toujours bon de rappeler à l’ancienne célébrité qu’il disposait d’un garde du corps peu scrupuleux.    

I want everything there is.

C’est un arrêt brusque dans votre progression, tant au milieu des couloirs du château qu’au travers de vos méandres affectifs. Tu observes ses lèvres roses cracher un venin auquel tu ne t’attendais pas et ça te coupe bizarrement le souffle. Un gros con. Oui, c’était pour ça que tu étais un pirate. Un gros con. Parce que tu ne parvenais pas à être quoi que ce soit d’autre. Un gros con parce qu’on n’essayait pas de regarder ce que tu cachais derrière ta grande gueule et ton comportement rustre. Un gros con. Parce que tu n’essayais pas de montrer aux autres que tu valais bien mieux que ça. Tes dents grincent, tu les entends résonner dans le fond de ton crâne, et plus tu tentes de les ignorer, plus le son désagréable s’amplifie, se mêlant à l’écho des mots du plus petit, comme une litanie horrible, le châtiment d’une demie existence vécue à détruire d’autres juste pour être accepté. Tu ne réponds pas. Parce qu’à quoi bon plaider ta cause? Il ne te croirait pas. Pire! Il s’en foutrait complètement, toi qui as habilement dissimulé un crush envahissant pour le petit blond en l’insultant, en le bousculant, en le diminuant. Avant de t’atteler à l’esseuler quand il avait tant besoin qu’on l’entende, qu’on l’écoute, qu’on le sauve. Alors aujourd’hui, alors qu’il recouvrait tes vieilles plaies d’un venin sournois, tu n’avais vraiment aucun droit de l’ouvrir.

Tu baisses imperceptiblement la tête et continue à suivre ses pas prudents, comme un idiot docile. Jusqu’à ce qu’il te défende de lever à nouveau la main sur d’autres ennemis potentiels. Figé. Comme pris dans la toile d’une araignée bien plus grosse que toi, incapable de comprendre comment échapper à la soie collante. “Je l’ai fait pour toi?” C’est un murmure, à peine un souffle qui s’est glissé hors de ta bouche, dégringolant maladroitement au précipice de tes lippes entrouvertes. Il ne t’a pas entendu, sans doute puisqu’il avait déjà eu le temps de mettre un peu de distance entre vous. Mais tu ne comprends pas comment un acte de sauvetage avait pu à ce point être mal interprété et retourné contre toi. Tu ne disposais pas du don de pouvoir détourner l’attention, et à ce moment-là, lui, qui en était doté, avait attiré à lui toute l’attention possible et imaginable. Tu avais juste... Voulu le sauver? Te revoilà des mois dans le passé, à chuter irrépressiblement dans le doute et la rancune, comme un nourrisson incapable de comprendre la nature des choses.

“T’sais quoi? J’sais pourquoi t’es là. T’as rien à foutre chez nous. Rien d’un pirate. T’es chez nous parce que tu sais y faire avec la cam. Super. T’es ici pour voir si l’herbe est plus verte ailleurs, hein? Ben vas-y! C’est un putain de champs de pâquerettes comparé à notre décharge.” Tu peux bien être fait prisonnier, enfermé dans une cellule sombre, relégué au rang d’esclave, tu t’en fous. De toute façon, les bleus n’étaient pas réputés pour leur nature cruelle et aucun d’eux ne te torturerait ici. Au pire, ils te retiendraient, essaieraient de faire de toi un chevalier stupide et bienpensant et quand ils verraient que tu n’étais que ‘ça’, ils te laisseraient retourner à la fumée et aux flammes, à la crasse, aux explosions et au chaos. Tu tournes alors les talons pour fuir cette demi-portion décidément bien bavarde aujourd’hui, la bile menaçant de remonter le long de ton œsophage. Tu n’étais que ça, un gros con.    

I want everything there is.

Tu te croyais enfin débarrassé de l’étonnamment oppressante présence du blondinet. Libéré de la honte de ce que tu avais pu lui infliger, de son regard accusateur, de ses mots implacables, presque violents, des sentiments qu’ils faisaient remonter derrière ta façade je m’en foutiste. Puis tout d’un coup, une pression, un mouvement à peine à l’arrière de ton crâne, ça aurait pu être une caresse, un encouragement, au pire une tape, mais non, la douleur te force à fermer les yeux alors que ton corps fléchit dans un angle maladroit. Ta propre main vient se saisir de celle qui a attrapé tes cheveux, prêt à casser le poignet que tu sens si fragile contre ta paume, bien plus frêle que le tien... Un peu comme. La voix s’impose avant que tu n’aies le temps d’appliquer la pression nécessaire à un assaut. Ce n’est pas un knight qui s’en prend à toi, pas un ennemi, pas un bleu. C’est la demi-portion. Celui pour qui tu as longtemps eu un penchant, celui dont tu ne voulais qu’attirer le regard, celui que tu voulais garder avec toi plus que tout, celui que tu savais devoir protéger des pirates, même de toi, mais que tu avais fini par abandonner.

Ses mots s’enfoncent comme les crochets qu’ils sont supposés être, crachent un venin directement dans ta tête, puis se dérobent, tout comme le poignet délicat se défait de toit. Tu ses sa peau glisser contre la tienne, brièvement ses doigts dans les tiens. Hah... Merde... Si tu avais été juste un peu plus gentil, un peu plus honnête, un peu plus courageux. Alors aujourd’hui peut-être que vous n’en seriez pas là. Ni lui ni toi. Peut-être que vous auriez trouvé un terrain d’entente, peut-être même que vous auriez pu devenir amis. Ou plus? Seulement tu n’avais jamais eu ce genre de courage et tu te retrouvais acculé, toi qui étais si habitué à être en position de force. La rage fait tressauter les muscles de tes bras, tu es tenté de le frapper. Il n’avait pas le droit d’être aussi méchant avec toi, après tout, tu l’avais sauvé plus d’une fois, sorti de pas aussi terribles qu’irrémédiablement dangereux et aujourd’hui il te crachait au visage comme à un moins que rien.

“Eh ben bravo! C’est bien t’as enfin trouvé une volonté propre, nickel! Alors t’attends quoi?! Pourquoi tu m’fais une scène en plein milieu du château là plutôt que de courir voir un d’entre eux en chialant comme un gamin?!”

Tu ne comprends pas bien pourquoi il s’attend à ce que tu le balances, pourquoi est-ce que ça devrait avoir une importance quelconque pour toi d’aller donner son nom à Bones en disant ‘regarde il s’est tiré’... Mais tout d’un coup, tu percutes, ton regard cherche le sien et tu ris sèchement. Il te prend pour un véritable connard. C’est vrai. Un gros con. Tu voudrais continuer à rire mais ta gorge se serre, respirer même est difficile et comme tu ne connais rien d’autre, ta main se ferme et vient s’abattre contre son menton. Pas assez fort pour casser des os. Sans doute assez pour placer une marque, un souvenir.

“Ah ouais... Je crois que t’as rien compris à rien, et que tu comprendras jamais rien! Je m’en bats les couilles d’aller dire à Bones que tu t’es tiré! J’ai pas envie que tu crève je... Et en fait merde! Va te faire foutre où tu veux, tout sera mieux que les pirates!”

Et voilà, c’était dit, tu ne voulais pas non plus y retourner, tu n’étais pas non plus fait pour eux, tu avais juste eu la malchance de tomber chez eux le premier jour et désormais ils t’avaient façonné à leur image. Tu retiens férocement les sanglots, mais tes yeux s’embuent de larmes et tu passes une manche rageuse sur ton visage sitôt qu’elles débordent.    

I want everything there is.

Tu la vois s’effondrer tout au fond de ses pupilles, la faible poigne qu’il avait encore sur la situation, tu sais que tes larmes doivent le surprendre, toi qui te presse à mordre tout ce qui passe à porter de tes crocs aiguisés, mais tu ne peux pas les retenir, tu renifles bruyamment, tu essuies furieusement, mais elles s’obstinent à noyer tes joues de rivières tout aussi maladroites que rageuses. Toi-même tu sens que ton assurance s’envole, qu’elle prend ses jambes à son cou et tente comme un voleur de fuir les lieux du crime pour te laisser désemparé comme un enfant qu’on viendrait de punir sans fondement. Tu le regardes un moment, juste assez pour voir la surprise fondre et se mêler doucement à... Non... C’est pas possible qu’en plus il te regarde comme ça. Toi qui t’étais arrangé pour qu’on ne te prenne pas de haut, qui riait toujours plus fort que les autres pour les empêcher de voir les failles, qui criait à plein poumons pour qu’on s’enhardisse, qu’on te pousse, qu’on te frappe, mais jamais ça. La pitié. Tu serres les dents si fort que ta mâchoire s’endolorit, un grincement sourd envahit ton crâne, tu voudrais disparaître sur le champ, t’enfoncer tout entier dans cette poche extensible décidément bonne à rien.  

“OH MAIS PUTAIN FERME LA!” C’était plus fort que toi. Pour toi, ça n’était pas de l’empathie, ça ne pouvait pas en être, tu le répugnais une seconde auparavant, il était simplement impossible qu’il se soucie de toi comme on le fait pour quelqu’un qui nous est cher. Non, toi, tu lui inspirais la pitié, il voulait t’aider, désespérément, parce que tu étais faible et rien d’autre qu’un gros con. Tu le pousses sans ménagement. “Casse toi puisque c’est ce que tu veux! Je m’en bats les couilles de le dire à Bones, tu crois qu’il en a quelque chose à foutre de moi depuis que j’ai disparu 6 mois sans rien dire à personne?!” Parce que pendant 6 mois, tu avais été un véritable fantôme, que ça ne faisait que quelques jours que tu t’étais pointé et que ta côte n’avait pas simplement baissée mais s’était effondrée, même si tu avais voulu courir comme un gentil toutou dans les jambes de votre merveilleux leader pour balancer celui qui avait fait battre ton cœur auparavant, tu n’aurais pas eu la moindre crédibilité. Tu étais de nouveau à peine plus qu’un petit serviteur tout juste bon à... Changer des roues, en effet.  

Tu baisses une dernière fois le regard sur lui, observant son visage que tu avais si souvent trouvé trop doux pour appartenir à la folie des pirates avant de tourner les talons en reniflant longuement. “Maintenant lâche moi ou je te jure que je vais te casser la gueule pour plus jamais que tu me r’gardes comme ça.” C’est explicite, ça clôt le chapitre, avec ça, sans doute qu’il aura trop peur pour revenir se mettre en travers de ton chemin. Ou bien te détesterait-il assez pour envoyer ses futur nouveaux potes les chevaliers à tes trousses de voleur dévergondé. Ou bien se détacherait-il assez de toi pour oublier complètement jusqu’à la moindre mèche décolorée puis recolorée à l’excès. Tu l’aurais bien cherché après tout. Tes pas résonnent sur le carrelage du château alors que tu t’éloignes en essuyant tes larmes comme un gosse, espérant que peut être les knights qui te croiseraient seraient trop gênés pour s’occuper d’un mec anormalement grand ayant la morve au nez et les yeux bouffis.