Sourire vil, regard doucereux. Dans la vie vaut mieux pas avoir trop d'cœur (pas être trop bon trop con) car c'est scientifiquement prouvé - tout c'qui est fragile réveille des pulsions d'destruction.
Sachant ça Gosha prend de l'avance impatient, pas l'temps ni d'attendre ni d'être sûr d'avoir juste, d'avoir bon - d'utiliser le "bon mot". Celui qui fait pas trop d'mal ni trop d'bien. Nan Gosha il est beaucoup plus attaché au "mot juste", comme un sniper sémiotique, la parlure dans l'slang, l'exact baragouin, celui qui fait aucun détour.
Car Gosha imagine l'existence comme une ligne droite : exit le trait tremblotant et incertain c'qui explique qu'il a jamais la patience de modifier sa trajectoire pour faire plaisir au monde.
Gosha a des rêves style dessins d'architectes - c'est-à-dire tout tracés, à la règle et à l'équerre si possible - un truc mathématique tu piges ? Du genre palace immense, projet pharamineux, qui en fout plein les yeux. Quand on lui demande c'qu'il veut être plus tard il répond riche et être riche c'est simple au fond. Juste que ça sous-entend
sans-scrupules, malheureux et seul, c'qui décourage et fait tourner les talons à la plupart des gens. Mais pas Gosha. Faut voir plus loin et une fois blindé il aura tout l'temps de courir après les détails et d'se faire des copains.
Système nerveux de métropole, un trafic incessant coule dans les veines, étincelant de jour comme de nuit, toujours à carburer. Bosseur acharné, habité d'une lubie pour tout c'qui brille, l'argent c'est démodé et ça tombe bien - le doré lui va mieux au teint. À force d'accumuler les trésors des autres l'échoppe à Gosha a des allures de cabinet de curiosité, enfumé de volutes façon hallu' psyché'. Surgit de derrière les lampions avec le sourire aiguisé, prêt à croquer l'monde entier. Mode frontal ou rien. Confrontation o-bli-ga-toire, on est pas là pour s'tirer les cartes ni se raconter des histoires Gosha aime quand c'est écrit noir sur blanc. Ce que tu donnes ce qu'il te prend,
on verra plus tard ce qu'on te doit ce qu'on te rend.
Une peur morbide de rater l'occaz', de s'rater soi-même. Agaçant, ses airs soit narquois, soit indifférents. Devant le public on a l'impression que son visage fonctionne de manière binaire - en noir et blanc.
C'est plus simple qu'on le voie comme ça, pour lui pour toi et tout les autres ; le genre humain a cette fixette sur l'ordre alors Gosha le lui rend bien.
Y en a qu'une poignée qui a le droit de voir l'arrière-boutique. Ceux qui font pas partie de son échiquier, avec qui Gosha aura jamais l'intention de fixer un prix. Bien tombés. Qui sont au courant
que quand il éclate de rire il se cache derrière ses mains comme une môme pudique
que quand on le contrarie il a la mauvaise manie de mordre l'intérieur de ses joues
que les gens trop jolis lui font perdre ses moyens derrière ses airs assurés
pour ça qu'il finit toujours par se comporter comme un enfoiré.
Sourire vil
regard doucereux
Gosha c'est quelqu'un de borné désireux
alors il espère qu'on lui en voudra pas trop d'manquer d'cœur
d'être regardant sur les personnes à qui il l'donne
en légère rupture de stock de compassion
mais check les étalages - c'est pas tombé du camion.
vagabond prêteur sur gage fumé — mais comme l'argent ça veut plus dire grand chose on fera tout ce qui te plaira — une
échoppe obscure dans l'ancien restaurant de ses parents, au premier étage d'un immeuble des
Glass Fragment Quarters
— des lampions rouges allumés de jour comme de nuit, des tentures de tissus aux motifs asiatiques accrochées partout, toujours de l'encens qui fume doucement sur le comptoir, encombre d'outils d'expertise — exhibe tout ce que les gens mettent au clou — faut que ce soit
précieux, un trésor à tes yeux ou rien — se brosse sur les intérêts — get ready à céder à ses caprices pour récupérer ton dû — ultra pro quant aux services rendus, on peut compter sur lui — toujours sur lui : un canif son polaroïd et de quoi écrire
mettre du sel dans les céréales de Lili pour la voir faire la grimace dès le petit-déjeuner lui manque. Gotcha donnerait tout pour se prendre la tête avec elle comme avant. aurait jamais voulu avoir vingt-et-un ans.