double leurre (⁂) ant & sweetie

Quelle plaie. Ça fait un bon moment qu’il n’a plus entendu parler de son rôle d’espion et voilà qu’on lui colle un rapport. Bon, ce n’est pas comme s’il avait des choses plus pressantes à faire puisque le lieutenant gros bras ne lui a assigné aucune mission. En réalité, Sweetie a peut-être même trop de temps libre pour un double-agent. C’est peut-être l’une des rares fois qu’on le convoque, à la réflexion. Mais ça reste quand même bien emmerdant, de revoir un Green, donc il a raison de se plaindre : D’autant plus quand ce Green est une responsable.

Il pénètre dans le bar, avec pour seules informations son genre, son nom et des bribes de son physique.
Toutefois, Sweetie ne la reconnaît pas vraiment. Au vu des horaires assez aléatoires de l’établissement, les personnes ont décidé de se ruer ici pour passer un peu de bon temps, ou pour justement profiter de la foule pour y discuter en toute discrétion. Les Nébuleuses jouent aussi, probablement, le rôle de bar de substitution, au vu du récent attentat.

En tout cas, entre toutes les femmes présentes, le britannique peine vraiment à discerner l’ambassadrice des Greens. Entre une femme aux longs cheveux ne permettant pas discerner ses épaules et une autre vêtue encore de son manteau trop épais, l’anciennement dénommé Jack Russel ne reconnaît pas Ant. Car oui, une autre chose dont il se rappelle d’elle, c’est son impressionnante carrure atypique. Le visage, moins.

Dépité, il soupire, se passant la main dans son impeccable coiffure, toujours seyant même pour un entretien professionnel raté. Il doute qu’elle soit, tout de même, en retard. En revanche, ce dont il est certain, c’est de se prendre un savon — parce que les Greens ne savent faire que ça, sermonner — s’il ne la trouve pas à temps. Rebelote, il soupire.
Après tout, il n’a pas d’autre chose à faire que de l’attendre qu’elle lui donne un signe. C’est bien elle qui l’a invité ici, elle le reconnaîtra bien et ira le chercher par la peau des fesses s’il le faut.

Si passif mais surtout si sage. C’est l’image que Sweetie ne veut plus montrer, grand gaillard indépendant, mais, impulsivement, il reste très domestiqué, comme le bon chiot qu’il était chez les Greens. Il reste immobile, devant cette porte. Tout le monde va se mettre à le regarder parce qu’il est aussi rayonnant que stupide.
Au moins, elle le trouvera et ça lui évitera peut-être un lourd sermon qu’il est déjà usé d’entendre et de faire semblant d’encaisser sans broncher.
Au moins, cette lâcheté le prévient du danger, lui qui vit pourtant dans des climats si dangereux.

Un hoquet théâtral portraituré sur sa moue, c’est presque comme s’il est surpris de la reconnaître. Son expression amènerait presque à penser qu’il lui reprocherait son entrée en scène tardive mais elle n’a le temps de jouer à ça. Elle ignore tout ce cirque en réalité puisqu'elle se contente de le dépasser en contournant, presque avec répugnance, sa personne. Elle ne lui porte pas son jugement droit dans les yeux et ne prend pas la peine de le délivrer à ses oreilles. Elle lui lance juste et il attrape, ou pas. Qu’importe, en fait.

C’est presque comme si elle s’en fichait un peu, de cette procédure. Non, en réalité, elle donne surtout l’impression de s’en foutre de lui. Son attitude bien trop malicieuse laisse entendre que lui aussi.
Mais alors en quoi ça peut intéresser la Green, ce nouveau surnom ? Enfin, vu le peu d’intérêt qu’elle lui porte, elle a probablement oublié son surnom de Green aussi donc c’est sans doute juste pour le désigner autrement que par « tu », qu'elle lui demande ça.



D’une nature provocatrice, il la tutoie, pourtant, d’un sourire en coin, fossettes narquoises. Jusqu’à preuve du contraire, il n’a pas quitté les Greens mais c’est bien un gage qu’elle, considère que si. Et Ant ne doit pas être la seule. Même s’il se doute bien que ce poste d’espion est une stratégie des greens pour le mettre à la porte et qu’il y a de bien meilleurs espions chez les pirates pour faire le job, il en a la confirmation, à présent. Il finit par soupirer. Il n’est pas défaitiste et ne voit pas ça non plus comme un échec. Jack, donc, accepte son nouveau statut de pirates, tout simplement.



Il joue de nouveau les boutefeux et sa question est toujours bien agaçante. Toutefois, ce n’est pas vraiment Ant qu’il vise. Non, il l’imite, au contraire, en se posant contre le mur de gauche, plutôt que le droit comme elle, et n’échange aucune œillade durant cette conversation. En clair, comme elle, il se fiche bien de qui il y a en face. Ce que Sweetie cherche, en revanche, à rediscuter, c’est plutôt l’ordre des Greens, qui à priori, ne se passent même pas le mot.
Enfin, Pony doit bien considérer son ex sous-fifre comme un déchet donc pourquoi en parler ?

L’ignorance ne s’arrête pas en si bon chemin. Il a beau attendre des tonnes de réponses à un paquet de brûlantes questions, elle ne prend même pas la peine d’aborder un seul de ces sujets. Sont-ils bel et bien fiévreux ? C’est ce qu’il espère mais il ne peut s’empêcher de penser que, de la part d’une green, elle cherche simplement à le remettre à sa place. Les greens formant une élite structurée, il n’y a pas de place pour des éléments stériles. En tant qu’espion, ses remarques ne sont simplement pas retenues. Qu’il sache rester à sa place, en gros.

Mordant sa lèvre inférieure de frustration, il tente de supporter les accusations qu’elle lui incombe en une seule phrase. Ce n’est pas direct mais toute la scène qu’elle lui destine lui laisse à penser qu’elle a une multitude de reproches à lui faire, durant tout cet entretien.  



Si elle a cherché à remettre les points sur les I, lui aussi compte bien le faire. Quand bien même il se retrouve du côté pirate, il est encore, officiellement et malheureusement pour Ant, un de ses semblables. En douterait-elle ?
La situation ne l’amuse pas vraiment mais il trouve ça assez ridicule pour en échapper un maigre rire, portant pourtant tout le dédain qu’il se trimballe. Il ne s’efface que lorsqu’il se rend, toutefois, compte, qu’il n’a tout simplement rien de plus à lui dire.



Son trait d’humour tente tout de même, avec insouciance, de minimiser la faute dont, désormais, elle peut réellement l’incriminer. Il reste présent juste à côté, peu prudent de la frénésie qui pourrait animer Ant dans les prochaines secondes, et encore moins de l’environnement et du contexte, qui ne les incitent pas à rester ensemble, aussi proches. Pour autant, cela ne veut pas dire que Sweetie ne compte pas se défendre.



Par ce rapport, il en profite aussi — même si ça n’a pas vraiment d’intérêt — pour exprimer sa froide perception des pirates, de manière à s’en distancier. Aussi fuyard qu’il soit, il se risque à présenter son activité timide au sein des pirates comme s’il est une victime. Il est rare, les fois où la fierté de Lukas vient à ce qu’il qualifie lui-même de bouc émissaire mais, face à une green qui le range dans le même lot que ses assaillants, il ne peut pas faire autrement.

Si elle imaginait les pensées qui lui trottent en tête, elle en serait doublement déçue : Il n’a apporté aucune loyauté et encore moins de bons résultats auprès de son groupe d’origine. Toutefois, un mec aussi pédant que lui restera toujours dans le déni. Il est donc capable de fomenter les plus belles excuses et paroles.
Il ne se considère d’aucune manière comme un traître mais sait pertinemment qu’il est ainsi vu par tous : Les pirates suspicieux, les greens et mêmes leurs supérieurs. Ça lui brûle à la gorge de contenir cette rancune mais il ravale cette audace et préfère vomir du cirage de pompe.



Nullement ne se considère-t-il comme incompétent mais il reconnaît n’avoir pas eu la chance de faire ses preuves. Il en réclamerait presqu’une meilleure avant peut-être de toute faire capoter assez vite.



Si l’espoir de se racheter était maigre, il vient de le réduire à néant. Imprudemment, Jack Russel se qualifie d’incompétent et de traître, comme s’y attendait presqu'Ant. Pour autant, c’est bel et bien une maladresse de sa part : Il ne se rend pas compte de la teneur de cette remarque, comme il ne se rend pas compte des dégâts qu’il a pu causé un peu partout. Il hausse les épaules. S’il est si délétère au groupe, pourquoi ne pas l’avoir viré ? Ça le frustre de ne pas avoir le fin de mot de l’histoire alors qu’il est si proche de la sentence, ce pourquoi il provoque légèrement son opposante. Légèrement, puisqu’après tout, la candeur insouciante du brun lui laisse, lui aussi, la pauvre perspective qu’il peut retrouver le confort des greens, un jour, à force de temps et de travail, même mal fait. Il y a bien des petits patrons qui n’ont pas levés le petit doigt et ont connu une retraite heureuse. Son poste est bien plus à risque, il pourrait la mériter bien plus tôt.

Aucune forme dans son propos. Le contre sonne comme une explosion à laquelle il ne se serait certainement pas attendu, en tout cas de la part d’une Green. Pour le trentenaire, les Greens ne le gardent que par hypocrisie et pour, justement, les formalités. Ant ne fait pas dans la dentelle, elle semble se ficher de ça à l’en décontenancer, lui qui pensait connaître le gros du portrait des Greens en a peine quelques mois.

Son arrogance pourrait s’en retrouver fragiliser, sachant qu’elle semble avoir absolument tout contre-argument à ses faux bonds. Il est même, sans aucun doute, estomaqué qu’une green puisse avoir l’audace d’enfin lui dire. Ce dont il n’est pas certain, en revanche, c’est s’il s’en retrouve malheureusement déchu ou affreusement ébahi par autant d’audace. Elle n’est pas la seule à remettre en doute ses capacités mais ne cache pas la conclusion qu’il attend tant. Et elle n’en donne pas plus, détonant cette fois une porte pour fuir. Mais peut-on vraiment parler de fuir sachant que même Sweetie lui accorde cette victoire ?



Il a fait le pas suivant alors qu’elle a clairement rompu la conversation, la jugeant sans doute bien futile. C’est peut-être même, la bouche trop en fleur, que cet insouciant revient vers elle dans le bar. Son ton est étrangement plus réjoui. Sans doute par l’étonnement. Par-là, il faut avouer qu’il tente premièrement de colmater les dégâts par sa technique favorite : La dédramatisation.
Mais ça serait bien faux de penser que Sweetie ait complètement changé d’attitude et d’opinion sur une Green. Après tout, elle a surtout voulu l’écraser par ce genre de propos et il ne peut clairement pas laisser passer ça. Il n’allait pas fuir, en tout cas pas à ce moment-là.

L'abandon n'est pas une issue possible pour le moment. Alors quoi ? C'est stupide, on se dit. Lui se dit que c’est téméraire. Bien sûr qu’il existe un florilège d’inconsidérations qu’il aurait dû prendre en compte avant de pénétrer à nouveau dans l’antre, mais ce n’est pas tant son problème majeur, actuellement. L’arrogance le rend aveugle de ces soucis. Quel comble pour un espion qui devrait pourtant se doter d’une paire d’yeux supplémentaire. Ce n’est pas stupide, c’est donc surtout aveugle qu’il s’aventure vers le nœud du problème.

Quand bien même il adopte une toute autre attitude, rien ne se démêle mais tout s'emmêle. Sa décision sans doute finale, Ant marque trop bien la fausse identité qu’il a dû adopter. Depuis le départ, même, elle semble plus l'accepter ainsi, préférant l'exclure plus qu'il n'en a besoin. Lèvres pincées, sourire cassé, il se convainc qu'il vient de faire un effort et qu'on ne le lui a pas accordé. Il roule des yeux et regarde ailleurs. (Mais hagard il reste là.) De quelques secondes, il se détourne de son objectif, soit la convaincre de ne pas le faire sauter, bien qu'il vient de le faire de lui-même en se rendant stupidement vers elle.
Mais n’est-ce pas ce qu’au fond, le jeune homme désire, de sauter et ne plus penser à ce qu’il peut laisser derrière ? Tête pleine de doutes, il s’apprête à se rendre encore plus confus qu’il ne l’est, commandant des degrés supplémentaires à une simple bière qu’on lui a rejetée.

Mais avant même de pouvoir noyer ses nombreuses hésitations dans l’alcool, Sweetie finit par jeter une œillade vers elle, maintenant encerclé par deux autres hommes qu’il connaît, de toute évidence. Il ne peut s’empêcher de pouffer de rire et de masquer aussitôt, devant la rabat-joie, sa pitrerie.



En tout cas, il l’espère bien. Auquel cas, elle le considérait encore bien moins qu’un vulgaire pirate. L'ego blessé.

Après s’être échangés un regard complice, les deux collègues pirates finissent par jeter un autre, bien sûr suspicieux, sur Sweetie, alors que ce dernier se met à boire une bonne traite de son verre de whisky. Ce n’est qu’au bout de presque plus de trente secondes de silence qu’il remarque enfin les deux mêmes personnes, toujours à le fixer.
Dans un long soupir, il reprend part à la scène, sensiblement énervé. Aucun des deux camps ne semble être séduit par ses mensonges. Toujours se justifier.



Inquisiteur, il s’en sert comme un outil en se rapprochant sensiblement d'elle, à la rendre plus suspicieuse encore, puis par la pincer au niveau de l'épaule. Il recule. Il recommence ailleurs. Il recule. Autant qu'il le peut. Avant qu'elle n'attaque, il esquive. Quand aura-t-il fini de s'évader, justement, et enfin accepter les conséquences ou tout au moins, sa chute ? Parce qu'actuellement, il en est réduit à ce stupide jeu contrairement à la cheffe green. Le jeu du faux semblant.



Le rire de pitre qu'il manufacture se rapproche du visage d'Ant, insupportable. Pourquoi persiste-t-il dans cet esclaffement ? Probablement par désespoir. C'est peut-être plus sur elle qu'il compte, lorsqu'il lui assigne ce clin d'œil qui fait partie de la mise en scène. Qu'elle entende cet appel, par pitié.