La lumière matinale filtre à travers l’unique ouverture du garage où il vit désormais. Il est assis là, sur le bord de ce matelas posé à même le sol, le visage tourné vers l’unique rayon de soleil qui éclaire la pièce et lui donne une atmosphère tamisée. Il ne s’est réveillé que quelques secondes plus tôt, sa mâchoire se décroche encore en un bâillement profond, les yeux rougis d’avoir été frottés il y a un instant avant que ses lunettes cassées ne soient posées sur son nez. Il soupire longuement et s’attache les cheveux. A l’extérieur grésillent les radios et haut-parleurs.
7h00
La douce mélodie s’enclenche et résonne dans ses oreilles. Il cligne des yeux, un peu surpris, alors qu’une voix lui souffle dans son esprit de tourner le regard vers le centre de la pièce. Il lui obéit docilement, poussé par cette intuition au fond de lui.
You’re too good to be true.
Can’t take my eyes off you.Elle est à ses yeux toujours aussi sublime. Elle et ses longs cheveux cuivrés qui tombent ondulés dans le creux de son dos. Elle et ses yeux d’un surprenant vert d’eau, si clair qu’il est difficile de ne pas s’y perdre. Elle et sa peau si pâle qu’on pourrait craindre de la briser au moindre contact. Elle et ses nombreuses taches de rousseur qui floconnent sur son visage et ses épaules. Elle et son sourire qui doucement s’étire sur ses lèvres, qui creuse dans ses joues des fossettes et qui dévoile des dents du bonheur. Elle et son regard tendre et triste, comme un reflet de lui-même.
Elle lui tend la main.
You’d be like heaven to touch.
I wanna hold you so much.Il lui répond d’un sourire tendre et amusé en penchant doucement la tête sur le côté. Elle porte les mêmes vêtements que ceux sur la photographie polaroid.
Je sais pas danser le slow, souffle-t-il avec un léger rire dans le fond de sa voix. Elle insiste d’un regard.
At long last love has arrived.
And I thank God I’m alive.Il soupire en secouant doucement la tête, avant de se lever et de lui saisir la main du bout de ses doigts. Un contact à la fois tendre et chaleureux, qui s’insinue sous sa peau et dans ses membres. Il la laisse se rapprocher de lui d’une ronde sous son bras, avant de l’enlacer au niveau de la taille et de poser son front contre le sien, les yeux fermés, se balançant doucement de droite à gauche au rythme de la mélodie.
You’re too good to be true.
Can’t take my eyes off you.Ils tournent ensemble ainsi durant un instant, ses doigts glissent doucement le long de son dos. Ses mains à elle viennent plonger dans ses cheveux trop longs, alors qu’un sourire amusé s’étire sur ses lèvres.
Il faut que je les raccourcisse un peu, plaisante-il alors qu’elle replace une mèche folle derrière son oreille. Il rouvre enfin les yeux pour les plonger dans les siens, pour s’y perdre et ne plus en sortir.
Pardon the way that I stare.
There’s nothing to compare.
The sight of you leaves me weak.
There are no words letf to speak.Faites que ce moment ne se termine jamais.
But if you feel like I feel.
Please let me know that is real.7h01
Son front quitte le sien pour qu’il puisse aller plonger son visage dans le creux de son cou, y inspirer son odeur et y poser ses lèvres. Ses bras doucement la serrent, aux hanches et à la taille, alors qu’il essaye vainement de ravaler qui lentement se forme dans le fond de sa gorge.
You’re too good to be true.
Can’t take my eyes off you.Il tente de sourire alors que la mélodie change et que les trompettes s’emballent. Elle fait doucement glisser ses doigts jusqu’à l’une de ses mains pour la lui saisir et la lui lever au niveau de leurs épaules, en une position de slow plus que bancale. Ils s’échangent tous deux un regard et un sourire amusés, en dansant sur cette mélodie de plus en plus rythmée de mouvements intentionnellement exagérés. Enfin, un rire léger s’échappe d’entre ses lèvres, et elle le regarde complice de ses yeux plissés d’amusement.
I love you baby, if it’s quite alright.
I need you baby to warm the lonely nights.
I love you baby, trust in me when I say.
Oh pretty baby, don’t bring me down, I pray.
Oh pretty baby, now that I found you, stay.
And let me love you, oh baby, let me love you...Plus rien ne compte vraiment à part cette danse volontairement mauvaise, en un jeu amoureux entre eux-deux ponctué de rires sauvages et de regards complices. Doux instant d’amusement dans cette ville devenue à ses yeux morose de savoir qu’il ne peut plus en sortir. Sans cesse son esprit revient vers elle, alors à cet instant, il se contente juste de profiter de sa présence et de sa chaleur.
7h02
A nouveau la mélodie s’apaise et enfin s’arrête leur danse endiablée. Front contre front et un sourire amoureux, il lui caresse de ses doigts le bout de ses mains d’un geste tendre.
You’re just too good to be true.
Can’t take my eyes off you.Il souffle en frottant son nez contre le sien, les yeux fermé et la crainte que tout puisse s’arrêter aussi soudainement que cela a débuté.
Mimi va bien ? demande-t-il dans un soupire alors qu’elle se contente de hocher lentement la tête contre lui pour le lui confirmer. Il ne remarque que maintenant qu’elle semble plonger dans un mutisme inquiétant, une sensation étrange s’insinue dans le creux de son ventre.
You’de be like heaven to touch.
I wanna hold you so much.
At long last love has arrived.
And thank God I’m alive.Il serre sa main dans la sienne.
Et toi ? souffle-t-il. Elle lui sourit tendrement en faisant glisser sa main sur sa joue, un sourire factice sur ses lèvres, un sourire triste comme celui qu’il aborde lui-même face au monde. Il presse son visage dans sa paume, penche sa tête sur le côté en lui rendant son sourire.
You’re just too good to be true.
Can’t take my eyes off you.L’instant passe et les trompettes à nouveau résonnent. Cette étrange sensation s’accentue en lui, c’est comme avoir un mot sur le bout de la langue. Comme si un détail important lui échappait encore et qu’il ne parvenait pas à remettre le doigt dessus. Un détail caché dans le fond de son esprit, bloqué là attendant de pouvoir ressurgir brusquement. Il l’enlace au niveau des hanches la serrant comme s’il craignait qu’elle puisse s’échapper, et à nouveau il enfouit son visage dans son cou les épaules secouées en un sanglot désormais non contenu.
I love you baby, and if it’s quite alright.
I need you baby to warm the lonely nigts.
I love you baby, trust in me when I say...7h03
C’est comme une digue qui soudainement se brise, tout éclate et s’échappe et s’évacue. Doucement elle passe ses mains dans ses cheveux comme pour le réconforter, mais il secoue soudainement sa tête dans son cou.
Je suis désolé, s’excuse-t-il entre deux sanglots.
J-Je suis désolé... J’arrive pas...Oh pretty baby, don’t bring me down, I pray.
Oh pretty baby, now that I’ve found you, stay.
Oh pretty baby, trust in me when I say...J’arrive pas à... Vos prénoms, sanglote-t-il, la tête toujours secouée dans le creux de son cou. Doucement elle lui embrasse la joue, les mains caressant ses cheveux comme pour lui assurer que ce n’est pas si grave.
J-J’arrive pas à m’en rappeler. C’est coincé dans ma tête, fait-il désolé, calmant doucement ses sanglots, continuant à doucement se balancer au rythme de la chanson qui se termine.
C’est... Je suis désolé... murmure-t-il.
Tellement désolé...I need you baby, when will you down my way.
Oh pretty baby, now that I found you, stay.
And let me love you, baby, let me love you...La mélodie doucement s’arrête. Il sait au fond de lui que cet instant hors du temps va s’arrêter avec elle, alors il la regarde une dernière fois dans les yeux, se balançant avec elle au rythme des dernières notes qui résonnent encore. Ils restent tous deux front contre front, le regard plongé dans celui de l’autre. Elle saisit une dernière fois l’une de ses mains pour la poser sous sa poitrine et doucement la faire descendre jusqu’à son ventre, un sourire tendre sur les traits.
Ne me laisse pas... souffle-t-il. Elle lâche ses doigts pour poser sa main sur sa joue, alors que la sienne reste sur son ventre qu’il caresse doucement. Son visage s’approche du sien et avant qu’elle ne pose ses lèvres sur les siennes, il l’entend doucement murmurer quelques mots.
Je t’aime...7h04
L’illusion se brise. Et seuls subsistent les restes de cette chansons, ce souffle et ces quelques mots. Et encore la sensation d’oublier quelque chose.
