Elle court devant, si loin devant. Elle manque de te laisser dans la poussière jusqu'à ce que ton ego ne te rattrape. Tu accélères, tires sur tes muscles, la dépasses.
Tu as besoin de la vaincre car tel est ton rôle. Tu es le capitaine de ce navire, être la première en tout est ce qui est attendu de toi. La plus forte. La plus rapide. La plus courageuse.
C'est comme ça que tes parents t'ont élevée tout du moins.

Avoir la meilleure note, le plus joli pointé et garder propres ses souliers ; ces objectifs qui t'ont été fixé sans te concerter, dont tu n'as jamais atteint ne serait-ce que les premiers paliers et qui ont doucement commencé à te ronger. Tu les as abandonné un par un, Pissenlit. Tes devoirs, tes parents et même Maisie.
Car ils n'en valaient pas la peine.
Mais les choses sont différentes désormais.

Tu sautes au dessus des rails et de Alcide, manque de te tordre la cheville sur le sol inégal mais te rattrape de justesse dans un éclat de rire.
Jamais tu n'es autant tombée que depuis que tu es venue Arcadia Bay, mais jamais non plus ne t'es-tu autant relevée.

Les pirates sont entrés dans votre château, ont profané sa chaleur et piétiné la sécurité que tu commençais tout juste à y ressentir. Tu as vu de tes yeux ce que cela fait de grandir en n'écoutant que ses désirs et prenant ce que l'on veut ; tu as compris que ce n'est peut être pas cela que tu veux devenir quand tu seras plus grande. Tu es une chevalière Pissenlit, tu l'as toujours été.

Et aujourd'hui, tu contre-attaques.

Vous courrez en plein territoire ennemi, criant et riant sans discrétion comme ils l'ont fait dans le votre. Exorcisant la peur par la bravade, tu joues comme si les monstres imaginaires étaient aussi dangereux que les réels, comme s'il suffisait d'une insulte et d'un coup de pied bien placé pour les faire disparaître. Tu prétends avec tout ce que tu as d'enfant, pour que les cauchemars te laissent enfin en paix la nuit. Les tiens et les siens.

T-rex qui court derrière toi et dans le regard de qui tu brilles comme mille soleils. Pour la première fois tu serais prête à tout pour devenir ce reflet déformé, cette commandante intrépide que rien n'arrête. Tu fais barrières à tes craintes pour mieux la protéger des siennes, pour que son regard scintille toujours de la même confiance sans limite.

Tu ne réalises pas tout de suite que T-rex a ralenti. Puis l'absence d'Alcide avec qui tu étais au coude à coude et surtout la disparition des rires légers dans l'air te font tourner la tête. Ton sourire et la boutade que tu avais au bout des lèvres s'évanouissent de concert quand tu suis son regard et rencontre la silhouette étrangère.

Un instant ton souffle se fige, colère et terreur se mélangent, tourbillonnent, la haine gonfle et s'étrangle dans ta gorge. Mais quand tu te tournes vers T-rex, c'est un sourire de connivence que tu lui adresses et de la détermination qui luit dans tes yeux. Tu tends le bras vers elle, le croise à cet endroit même où vous aviez été bénie de doré il y a maintenant des mois de cela.

Sans peur ni hésitation.
Pour la gloire et les cicatrices cools.
(ton cœur se durci) et pour te venger celle qu'ils lui ont faite.

Tu t'élances dans la direction de l'inconnu, attrape une de ces pierres qui traînent toujours sur les chemins de fer et la lances dans sa direction avec toute la puissance de ton bras maigrichon.

- Eh sale fils de chienne de pirate !! C'est parce que tu vis dans une décharge que tu ressembles à un déchet ? Ou alors c'est juste ton odeur naturelle ?

Fière de toi, tu lui tires la langue et dresses ton majeur avec insolence.
La guerre est déclarée.