((
Intrépide.))
Tu tiens ça de ton père, qu'elle disait, la mère de Michelle. Toujours à fourrer son nez dans recoins sombres et crasseux, à se mettre de la boue partout sur ses collants et ses robes à volants. Michelle, elle était inarrêtable enfant et ça ne s'est pas arrangé avec le temps. L'inconnu ne lui a jamais fait peur, la tempête n'est qu'un désagrément de plus dans la longue liste de ses obstacles. Elle fonce, elle court, elle se moque des conséquences, elle a confiance, elle sait qu'elle saura rattraper le coup parce qu'elle n'a pas d'autres choix.
((
Audacieuse.)) Les deux pieds dans le plat, toujours à tendre le bras en ricanant, Shell a cette façon tout à fait charmante de côtoyer le danger sans jamais regarder en arrière. Tout a une solution, il faut juste élargir le champs des possibilités, tenter l'impossible, l'inconcevable. C'est comme un jeu, à celui qui trouvera le moyen le plus farfelu d'arriver à ses fins. Shell, elle a peur de rien et ça l'amuse de voir le monde s'écrouler comme si la vie n'était pas une succession d'imprévus.
((
Franche.)) Shell, elle n’hésite pas pour dire à ses voisins que leur bébé ressemble à un gnome passé au micro-onde. Shell, elle ne se gêne pas pour dire à quelqu’un qu’elle ne le supporte parce que c’est un gros con. Shell, elle se cache pas pour annoncer à son meilleur ami qu’elle a sauté la meuf sur qui il crushait. Shell, elle en a rien a foutre des états d’âmes des autres, elle vit pour la vérité crue, celle qui déplaît, celle qui dérange, celle qui la fout très souvent dans la merde.
((
Charismatique.)) Michelle, elle a longtemps sous-estimé le charme qu’elle pouvait dégager. Et un jour, la boîte de Pandore s’est ouverte, on ne pouvait plus la quitter des yeux une fois qu’elle avait désigné sa proie. C’est comme une attraction incontrôlable, Shell, on a envie de se noyer dans des paroles et de se perdre dans ses caresses. Sorcière séductrice, elle s’impose sans effort, même son rire moqueur résonne comme la plus belle des mélodies.
((
Amusante.)) Avec le temps, Shell, elle a juste appris à plus rien prendre au sérieux. Demain est un autre jour, Hier est déjà oublié, Aujourd’hui ne durera pas une éternité. Alors elle profite, elle embrase sa nature inconsciente, l’esprit dans les étoiles, les pieds dans les nuages. Shell, elle se perd dans le déni des responsabilités, coincée dans une dimension où les semaines seraient toutes des samedis soirs, la musique qui brouille les cerveaux alcoolisés. Et elle en rit si fort qu’on ne peut plus entendre les bourrasques inquiétantes de l’avenir.
((
Impulsive.)) Shell, elle attends rien ni personne. Elle fonce, elle pense à rien, c'est plus fort qu'elle, elle y peut rien. Les conséquences, ça existe que quand on leur fait face, mais ça lui fait pas peur. Alors dans le mouvement, elle blesse, elle casse, elle piétine et parfois, c'est trop tard pour s'excuser, c'est trop tard pour réparer. C'est déjà cassé.
((
Chaotique.)) Elle s'éparpille, c'est comme une trainée de sable, on arrive jamais vraiment à la saisir en entier. On la perd, on la chasse et on s'offense de ses plans foireux. Shell, elle est désordonnée et horrible et égoïste et ... Audacieuse ?
((
Fourbe.)) Avec une mère névrosée comme la sienne, Michelle a finit par faire les choses en secret. Toujours dans le dos des adultes, consciente que c'est interdit mais c'est toujours plus drôle quand il y a un risque à la clef. Ursula, elle trompe, elle ment, elle baratine et elle se délecte de la naïveté des plus crédules.
((
Indécise.)) Faire un choix, c'est se poser, c'est figer les choses dans le temps, c'est vivre dans la stabilité. Shell, elle a du mal avec ce concept. Elle passe son temps à changer d'avis comme de chemises, de directions comme de couleurs de cheveux. C'est une pirouette qui tourbillonne au gré du temps et le passage de la tempête fait qu'elle n'a jamais cessé de tourner.
Chapitre Un : Michelle.
((
Page 36.))
Papa avait un bateau bleu. Il n'était pas bien grand, il n'était pas très beau non plus, mais tu l'adorais, ce bateau. Avec sa peinture écaillée, avec son plancher terne, avec ses rouages qui grincent de partout et cette vieille odeur de sardines qui colle au mur de la cabine. Il faisait pas vraiment le fier au milieu de tous ses yachts mais, sous ton regard d'enfant crédule, tu le voyais comme le plus beau des navires.
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Page 84.))
« Je te dis qu’elle est hyperactive, Miguel. »
« C’est une enfant, elle a besoin de se dépenser ! Et le docteur a dit que- »
« Cette psychiatre ne sait pas de quoi elle parle. »
Tu étais cachée derrière la rampe de l’escalier, les cheveux en bataille, tes grands yeux qui lorgnaient secrètement sur les silhouettes de tes parents. Les morceaux de conversation tombaient en lambeau entre tes oreilles, tu n’y comprends pas grand chose.
« Et si on l’inscrivait à une activité sportive ? Un truc pour canaliser son énergie, tu voies ? »
Ton talon glisse, le couinement de ta semelle alerte tes parents, tu sens déjà la langue nerveuse de ta mère agresser son palais de remontrances, ton père calme la tempête avant les premiers courant d’air.
« Quand on parle du loup ! Qu’est-ce que t’en dis,
minha filha ? »
((
Page 108.))
«
Je t’avais dit que mon Papa habitait sur un bateau. »
Vous êtes là, étalés sur le plancher, les assiettes vides, les miettes de sandwiches étalées sur vos joues, vous regardez les mouettes voler dans le ciel dégagé. Vos petits corps d’enfants qui se perdent sur la surface en bois, tu ne comptes plus les heures passées là.
«
Eh Saul. »
« Ouais ? »
«
Quand on sera grand, on vivra sur un bateau tous les deux. Et on voyagera partout. »
« Comme des Pirates ? »
Tu le regardes, surprise de ne pas y avoir pensé toi même.
«
Ouais ! Comme des Pirates ! »
((
Page 120.))
«
Et après, tu fais comme ... ça. Tu regardes, Papa ? »
« C’est génial, Shell ! Remontre moi. »
Tes petites jambes se croisent délicatement alors que ton pied pousse légèrement pour faire pivoter ton corps en une adorable pirouette. Ton rire résonne dans la cabine, la large main de ton père s’écrase dans tes mèches en bataille.
« Ça te plaît la danse, alors ? »
«
Oui ! Mais Maman dit qu’elle aurait préféré la danse classique ... »
« Mais toi, ça te plaît ? »
«
Oui ! Même que le prof a dit que la semaine prochaine, on ferait une figure avec les pieds en l’air ! »
« C’est l’essentiel alors. »
Il embrasse ton front, les mouettes s’agitent à l’extérieur.
« Je suis fier de toi, Michelle. »
Chapitre Deux : Fat-Chelle.
((
Page 144.))
Il est partit. (Il nous a) Il m’a quitté.
Il m’a laissé. On a rien vu venir. (Je suis sûre qu’elle savait). C’est impossible.
Il va revenir. C’est de sa faute. (Ma faute ?). Je l’entends revenir.
Ce n’est pas lui. C’est
injuste.
Aujourd’hui, Papa est mort.((
Pages arrachées.))
((
Page 156.))
« Tu ne devrais pas manger ça. »
«
C’est qu’une banane, ça va. »
« C’est trop, tu as assez mangé au déjeuner. »
«
J’ai même plus le droit aux fruits, maintenant ? »
« Parce que tu n’es pas rassasiée avec tout ce que tu bouffes ? »
«
Et ton cul, il en a pas marre de toute la merde qui sort de ta bouche ? »
« MICHELLE. »
C’était pas ta meilleure punchline, tu devais l’avouer. Mais c’était sortit tout seul et elle avait été assez efficace pour faire sortir ton légume de beau père de son insupportable mutisme. En bonus, tu avais eu le droit à des regards mi-impressionnés, mi-intimidés de tes demi-sœurs. C’était pas une si mauvaise journée, après tout.
((
Page 168.))
« Monsieur ? Je peux changer de place ? Je vois rien avec Fat-Chelle devant. »
Des gloussements gras s’étouffent dans les allés de la classe, tu lèves les yeux au ciel.
«
Peut être que si t’arrêtais de mater les fesses du prof, tu verrais un peu mieux le tableau. »
« Ça suffit vous deux. Michelle, échange de place avec Majka. Tiffany, dernier avertissement, surveilles ton attitude. »
Vos soupires se confrontent, tu ramasses tes affaires pour prendre place au fond de la classe. C’est là que ton regard se pose sur les longues mèches rousses de la jeune fille du premier rang, vos yeux se croisent un instant avant qu’elle ne se reconcentre sur le cours. Ton cœur s’affole.
Heather.((
Page 189.))
What a sight for sore eyes
Brighter than the blue sky
She's got you mesmerizedLes semelles couinent sur le carrelage des toilettes des filles, la porte de la cabine se ferme brusquement, ses parois tremblent alors que vos lèvres se rejoignent. Ton rire se coupe entre deux baisers.
«
Tu n’as pas peur qu’on nous surprenne ? »
« Shell ... »
«
Je plaisante, je plaisante ! Quel drame ce serait si tout le monde savait que je sortais avec Heather, la parfaite petite- »
« Chut, quelqu’un arrive ! »
La rouquine plaque maladroitement ses doigts vernis au bord de tes lèvres, vous retenez toutes les deux votre respiration en attendant que les lieux soient déserts avant de finalement éclater de rire.
((
Page 192.))
«
Elle a dit non, abruti. T’es bouché ou quoi ? »
Ta voix a claque contre le fer des casiers, les regards se sont tous tournés vers vous. Billy avait sa main crasseuse autour d’un poignet d’Heather, tu t’étais avancée pour pouvoir le regarder dans les yeux. Il a gloussé si fort qu’il aurait pu s’étouffer avec sa propre salive.
« Et qu’est-ce que tu vas faire, Fat-Chelle ? »
Chapitre Trois : Shell.
((
Page 204.))
« Est-ce que je dois te rappeler que tu as été expulsée, Michelle ? »
Ta mère campe sur le seuil de la porte de ta chambre, tu fourres nerveusement une pile de vêtements dans un grand sac de sport.
« Tu as frappé un élève, bon sang ! Ça ne te fait rien ? »
«
Il l’avait mérité, j’m’excuserai pas pour ça. »
Tu fouilles dans les tiroirs, balances quelques babioles dans le tas.
« Et tu vas où comme ça, jeune fille ? »
«
Quelque part où on me traite pas comme si j’étais une criminelle ? Genre chez ma meuf. »
« Ta quoi ? »
La fermeture éclaire manque de craquer alors que tu ajustes la bandoulière sur ton épaule. Tu sors de ta chambre, ta mère sur tes talons, un baiser sur le front de tes sœurs qui se cachaient dans le couloir.
«
Ma MEUF. Parce que je suis GAY, en plus de ça. Tu vas t’mettre à chialer ? »
« Mais qu’est-ce que tu racontes encore ? »
«
On se retrouve en enfer, ok ? J’me tire. »
Et t’as claqué la porte. C’était la dernière fois que tu voyais ta mère.
((
Page 215.))
TW : Homophobie. Arme.«
Dans un mois, j'aurais dix-huit ans. »
« Ah bon ? Ca m'était complètement sortit de la tête, décidément. »
Le rire d'Heather meurt sous tes baisers. Tes lèvres retracent sa gorge, se glissent le long de son buste. Elle pousse un discret soupire, tes yeux la regardent alors que tu ne cesses de descendre. Plus bas. Encore.
«
Avec l'argent que j'ai gagné au resto' de ton père, je vais pouvoir nous trouver une petite chambre ... Et on pourra ... »
Tes doigts s'agrippent à l'elastique de sa culotte. Et pourtant, tu n'entends plus vos coeurs battre à l'unisson mais le mécanisme d'une recharge de balle. Heather se redresse subitement.
« P-Papa, je peux tout t'expliquer ! »
« Ferme-la. »
Tu te redresses brusquement, vos corps s'éloignent le plus possible l'un de l'autre, tu lèves les mains en l'air, le canon du fusil braqué dans ta direction.
« Tu dégages d'ici. Je veux plus que tu t'approches de ma fille.
Plus jamais. »
((
Page 240.))
« Regarde en l'air. »
Tes yeux glissent sur le mur couvert de posters. Même allongée sur le matelas miteux, tu peux sentir les pulsations des enceintes qui inondent la pièce d'en dessous de musique entraînante. La brosse étale délicatement le mascara sur tes cils, les mains délicates de Delilah étale ensuite des paillettes sur tes pommettes, son regard te dévore le visage. Il dévie ensuite sur tes mèches roses, les étale un peu sur l'oreiller.
« T'es belle, Shell. »
Les ressors grincent encore.
((
Pages Tâchées.))
((
Page 276.))
«
Après de longues années de galère et de squattage, j'ai l'honneur de te présenter ... »
Le bruit de serrure résonne dans couloir, la porte s'ouvre dans un grincement dramatique mais tu restes dans une gestuelle tout à fait théâtrale.
«
... MA PIOLE ! »
Le cri de joie de Saul fait vibrer les murs fragiles de ton appartement tout neuf. Un taudis à l'allure un peu lugubre mais pourtant charmant. Mais tu l'aimes comme il est, parce qu'il te ressemble.
« J'pourrais squatter ton canap' ? »
«
Tu m'poses sérieusement la question ? »
Tu ricanes et ferme la porte en tirant ton meilleur ami à l'intérieur.
Chapitre Quatre : Ursula.
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Page 290.))
Plus rien. Il ne reste plus rien.
Que des ruines, que des ordures, que le chaos qui a retourné toute la stabilité du monde pour en faire des tas de pierres brisés éparpillées dans l'espace. Ce tas de gravas, c'était ton foyer, ton chez-toi, ta maison rien qu'à toi. Et ton soupire brise le silence.
«
Y'a plus qu'à tout recommencer. »
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Page Blanche.))
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Page Blanche.))
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Page Blanche.))
Infos en vrac
Sa mère est tombée enceinte après une unique nuit d'amour avec le meilleur ami de son petit ami de l'époque. // Son père était un immigré brésilien. Il lui parlait souvent de son pays et des endroits qu'il lui ferait visiter quand elle sera plus grande. // Sa mère s'est mariée à un autre homme alors que Shell était encore toute jeune. Elle a eut deux filles avec lui. // Son père est mort d'une crise cardiaque quand elle avait 12 ans. // Shell a toujours eu des rapports conflictuels avec sa mère. Cette dernière était très stricte, là où Shell était plus éparpillée. // Elle a longtemps fait de la danse moderne-hip-hop. // Elle a toujours su qu'elle aimait les filles, pour elle, c'était une évidence. // Au lycée, elle sortait secrètement avec une fille populaire auprès des garçons. Cette dernière redoutait la réaction de ses parents s'ils venaient à l'apprendre. // Bien qu'elle soit bonne élève, son comportement impulsif lui a valu maintes représailles. // Internet était son refuge. Elle a rencontré beaucoup de ses amis par ce biais. // Elle a fugué de chez elle à 16 ans. // Pendant plusieurs années, elle a dormi sur des canapés, dans des lits d'inconnus, et autres endroits plus ou moins incongrus. // Après la tempête, elle a réussi a réparer sa moto bien amochée. Elle y a même fixé un siège roulant pour son meilleur ami, Saul. // Son surnom vient de la sorcière de la petite sirène. // La plupart du temps, elle n'a aucune idée de ce qu'elle fait mais faut bien que quelqu'un le fasse alors elle se plaint pas.
Ce que tu veux le plus au monde, consciemment ou non, c'est quoi ? Shell, elle rêve de partir loin, sur son bateau bleu, avec Saule et peut être une meuf ou deux. Shell, elle rêve d'aventure, elle rêve de voyage, elle rêve du monde dont lui parlait son père en regardant s'envoler les mouettes