if you're still bleeding you're the lucky ones [w. cursed] TERMINE

les papiers s'entassent et ma fureur grandit, j'ai tout préparé, des cailloux, du bois, de quoi faire un feu derrière la fabrique
je me suis éloigné quand même, les gens sont sympas ! mais là j'en ai besoin, j'en peu plus, je vais vriller si ça s'allume pas tout de suite
et mes doigts me font tellement mal, alors je serre les canines dans ma bouche, et j'essaie d'allumer ces putains d'allumettes qui ont prit l'eau, mais pas moyen merde merde merde
j'ai rien à part ces putains de trucs, j'ai tout laissé à la décharge dans mon coin à moi
putain si ces salauds y ont touchés je vais cramer chaque bagnoles jusqu'à qu'on rende mes briquets je le jure et merde
je sens que je transpire, j'ai chaud dans mes vêtements trop larges et trop épais pour ma carrure de crevette, et je dois tenir les mèches qui dégringolent au dessus des épaules, putain ça fait chier
alors je finis par me redresser et je regarde où est le soleil, vers où il pointe et s'il est assez présent
tu veux bien être là aujourd'hui énorme astre de lumière ! t'es là ? putain parfait !
et je ramasse un morceau de verre que je fourre devant le feu, et selon les rayons, j'incline, j'attends
pour allumer un truc aussi beau il faut de la patience, alors je reste accroupi, une coude sur le genoux et la paume qui tient mon menton


et la tête qui se remue au rythme des paroles que je chante, j'ai oublié le nom de ce groupe mais j'ai toujours aimé l'écouter, je crois que ma mémoire me fait défaut et c'est encore pire pour les visages
un mec m'a aidé hier, il ressemblait à quoi déjà ? merde... j'ai oublié, bon, il devait pas être si intéressant, il m'a pas fait vibrer les tripes
et finalement je m'étire pour décontracter mon échine et faire craquer tous les os minuscules de mon corps jusqu'aux plus épais et plus gros
c'est marrant quand même, que notre squelette il marche avec des muscles et des tissus, des tendons et tout, et que c'est notre cerveau qui le fait marcher !
mais du coup, si tu brûles, à force, tu dois plus rien sentir, si le feu brûle tes terminaisons nerveuses non ? je me demande, alors je plisse les yeux à l'attente d'une braise
je sais que le feu même si je l'aime, qu'il m'impressionne, il a bousillé mes mains
mais je crois que c'est un genre de cadeau !
quand je les regarde, mes ongles sont noirs et imbibés de sang, alors que le reste de mes mains sont toutes marquées et toutes abîmées


au bout de cinq minutes une fumée enfin ! et là j'attrape le foyer qui commence à se braiser, et j'y souffle dessus, pour le faire doucement prendre
et je le pose dans son nid, au chaud et j'attend qu'il grandisse et qu'il devienne majestueux, mais t'es en bonne voie
et une joie immense m’envahis, un truc chaud dans les entrailles qui s'imprègne dans chaque tissus, dans chaque membranes et qui réchauffe les os
alors je soupire et je me redresse pour sautiller joyeusement autour du feu en chantant à haute voix les paroles qui me reviennent en tête, ça y est
je m'en souviens !
et je tiens fermement le jogging qui glisse presque de mes hanches, la joie dans l'âme et la gaieté dans la voix !
mais je m'arrête lorsque j'entends des pas, putain c'est qui ce connard qui va encore tout arrêter
et la mâchoire serrer, je ramasse un espèce de pied de biche volé à un abruti et je m'approche du son et par réflexe je lève la main et je menace, je menace assez fort pour que ma voix résonne et qu'on m'entende


la gueule crispée, là mes dents sont prêtes à exploser avec la pression, putain laissez moi faire mon business merde ! et je cherche des yeux le bruit et finalement je tombe sur un type, pas grand, à l'allure baraqué et là, là
mes yeux s'écarquillent et ma bouche s'ouvre suffisamment pour qu'un long "Aaaaah" s'en échappe, un ah trop aigüe et trop exagéré
et je souris, parce que putain shaun, ça faisait longtemps mec, je t'ai cherché dans la ville mais j't'ai jamais trouvé, j'ai cru que t'étais mort ! j't'avoue ça m'a fait mal au cœur, parce que j't'aimais bien tu vois


et je jette le pied plus loin pour retourner vers le feu en sifflant, l'air plus heureux que jamais !
putain shaun tu fais vibrer mes tripes ! mais d'une drôle de manière tu vois, parce que j'ai pas envie d'être amoureux de toi, tu me plaît pas, mais j'ai quand même envie de t'avoir tu vois ? c'est bizarre c'est bizarre et toi tu veux qu'on soit pote ? moi j'aimerais bien, de toute façon, j't'tai dans la peau là
tu vas pas t'en aller comme ça, j'te le dis pour être honnête

je me souvenais pas que t'étais aussi casse couilles shaun, pourquoi tu veux toujours tout gâcher ?
alors je souffle longuement, parce que là t'enlèveras pas ma bonne humeur !
et je te regarde toi, shaun, t'as maigris non ? t'as l'air plus gringalet qu'avant, t'étais plus impressionnant avec ton épaisse carrure, là on dirait un espèce de crack !
et je m'approche de toi tout sourire, et je rigole face à ce que tu me dis, parce que je le sais !
y a des gens, c'est pour ça que j'me suis éloigné, tu crois quoi ? je suis pas un tueur, ou un truc du genre pas du tout ! tu crois que j'ai envie de voir de pauvres âmes innocentes brûler ?
non pas du tout ! mais je t'avoue que, j'y pense pas parfois, quand j'allume un énorme feu, et qu'il y a des gens aux alentours, parce que j'oublie tout et je pense à rien
y a que l'adrénaline et l'euphorie qui tabassent mes veines jusqu'à m'en faire avoir des vertiges


tu crois que je suis qui shaun ? regarde, les pierres en cercle, le bois à l'intérieur, il n'y a aucun risque ! arrête d'être aussi coincé du cul, ça te va pas ! souris, danse ! fais quelque chose un peu non ?!
et je m'arrête de sautiller partout quand tu me dis de m'arrêter, alors je viens et j'observe tes mains aussi pourries que les miennes, faut le dire !
tu veux qu'on se tienne la main ? c'est bizarre, mais ok !
et je dépose mes paumes contre les tiennes et je te fixe, l'air bête, parce que je comprend pas vraiment où tu veux en venir, c'est quoi le problème avec mes mains ? t'aimes pas l'aspect ? je comprend, ça en rebute pleins !
mais faut pas, elles sont agréables mes mains, parce que je sais faire pleins de trucs avec :
je sais jongler, je sais allumer des feux, je sais faire des cocktails molotov ! tu veux qu'on en fasse d'ailleurs shaun ?


et je fais la moue, parce que t'es plus tout jeune shaun ! tu te rapproches de la trentaine
et puis, ça fait quoi d'avoir ton âge ? je sais pas, 18 ans c'est un âge nul, mais c'est toujours mieux que 16 ans ! les gens t'interdisent plus vraiment rien à cet âge, t'es indépendant ! ou presque...
mes parents ils ont arrêté ! pour tout te dire, ils ont arrêté depuis bien longtemps, et ma vie n'a jamais été aussi bien que depuis que j'ai arrêté de les voir ! et plus de médicaments qui me rendent tout léthargique !


et là je dévoile le revers de mes mains, les cicatrices de vieilles coupures, les cloques fraichement éclatés et les brûlures qui ont rappées l'aspect auparavant lisse de mes petites mains toutes fines
parfois je regrette, parce que j'ai pas de jolies mains, elles sont toujours dans des bandages et on voit que mes longs ongles noirs mais ils sont pas sales ! je suis toujours propre ! du moins j'essaie de pas trop transpirer, de pas me salir...
mais la vérité ? la fumée ça colle à la peau et la sueur ça reste, quand les émotions sont trop vives c'est dur de garder une température corporelle stable tu vois ! du coup j'ai des sueurs froides, parfois des sueurs...chaudes je crois..? mais celles là elles sentent mauvais j'aime pas ! ça me donne envie de m'arracher la chair ! du coup j'allume ma collection de briquets, et ça va mieux !

un espèce de silence pesant s'est posé, pourquoi tu dis rien shaun ? pourquoi ? et quand tes grosses mains empoignent les miennes, que tu regardes les marques gravées à la colère, à l'amertume, à l'abandon, je comprend pas bien, alors je regarde tes mains à mon tour
toi aussi t'as les mains sales, t'as les mains abruptes et rêches, et je sais pas quoi dire
alors je fronce le nez et crispe mes doigts, les yeux baissés sur les liens entre nos corps
je te l'ai jamais dit shaun, que j'aime pas regarder les gens ? parce que regarder les gens ça m'intéresse pas, j'veux voir l'intérieur, la couleur de leur âme, la noirceur des regrets et sentir la colère glissée sur mes doigts
encore cette question, tu m'as posé la même y a longtemps, tu te souviens shaun ?
tu m'as demandé si ça allait, et là je suis obligé de regarder le poignet que tu tiens, celui avec lequel j'ai enfoncé ce canif si profondément dans ma peau que j'ai cru que j'allais mourir


je regarde si le feu est toujours là et j' hume l'odeur qui s'échappe des braises ça remplit mes poumons, ça me ferait presque tourner la tête
et finalement je retire mes mains des tiennes, et je les pose sur le semblant de hanches que je possède


franchement shaun tu crois que je suis qui ? que j'ai pas de sentiments ?! j'veux dire, j'ai pas envie d'avoir l'odeur de cadavre sur la peau..
et je sautille jusqu'au feu et m'assoit en tailleur devant, jetant quelques morceaux de bois de temps en temps pour l'alimenter, qu'il ne s'éteigne pas bêtement !
les coudes sur les genoux, avachis en avant, les flammes elles heurtent mes prunelles, elles s'y reflètent comme dans un miroir
j'adore les voir s'entrelacer, se cogner et s'élever, ça remue mon estomac et après j'suis heureux, comme jamais ! alors je vais bien, je vais bien...


je pivote pour être en face de lui, je remonte mes jambes et j'enroule mes bras autour sans lâcher shaun du regard
cette fois c'est mes yeux dans les tiens, t'as l'air fatigué shaun, fatigué par la vie, tu devrais te reposer avec moi autour du feu tu sais, c'est sympa la chaleur des flammes
quand j'étais petit, ma sœur elle me frappait tout le temps, alors un jour par frustration, j'ai brûlé sa maison de poupée favorite, et j'ai été puni, alors que c'est elle qui m'embêtait ! tu te rends compte ?
mais ça doit pas t'intéresser, toi t'as l'air d'avoir vécu pire ! un jour, tu me raconteras tes histoires de mec musclé ?


un léger sourire se dessine sur mes lèvres, je sais pas quoi te dire d'autre shaun, tu sais j'aime pas parler de moi, je préfère écouter les autres, eux ils ont des trucs intéressants à raconter !
toi t'es intéressant, même si tu fais rien bouger chez moi j'ai envie de t'entendre me parler des heures, toi et moi c'est genre, pour la vie maintenant ! on est comme des supers potes !
des supers compotes ! et là mon ventre gargouille, j'ai faim... mais faut bien tenir cette silhouette de guêpe non ? puis c'est pas comme si je pouvais vraiment manger comme j'en avais envie...ce que j'ai envie d'une pomme là.

toujours assis en face du feu, le regard plongé dedans à voir les flammes cogner leur chaleur contre ma peau si froide
j'ai toujours froid et le le feu il me rassure, c'est rassurant d'avoir des braises contre soi quand le monde vous en veut, non ?
et ce que dis shaun ça me fait tiquer, t'aimes pas les mecs ? pourquoi ? enfin, je te comprend dans un sens ! les mecs c'est nul, ça te blesse et ça te cogne
tu te souviens quand tu m'as frappé ? moi j'ai pas oublié, aujourd'hui je m'en fou mais je crois que si j'avais été dans un mauvais jour j'aurais enfoncé le couteau dans ma poitrine à la place
mais tu vois je l'étais pas ! mais aujourd'hui non plus, je suis pas dans une mauvaise ambiance, mais si tu continus, je vais vriller shaun, parce que j'aime pas qu'on répète les choses comme si j'étais un abruti, parce que j'en suis pas un ! j'suis plus intelligent que la moitié des déglingos ici, j'te jure
attends, tu parles d'amour ? alors là !


et je me retourne vers toi les yeux ronds et la bouche grande ouverte, les histoires d'amour j'adore ça ! qu'elles soient tendres ou cruelles ! et je dépose mes coudes sur mes cuisses, tenant ma mâchoire de chaque côtés pour te fixer
raconte moi shaun, cet amour qui a l'air disparu, parce qu'en général les gens que t'aiment ici ils meurent et ils disparaissent ! moi je me souviens d'une fille que j'ai beaucoup aimé, mais elle non, alors j'ai calciné sa maison ! enfin je crois... je me souviens plus très bien en vrai, mais aujourd'hui je crois pas encore être en colère après elle !


je vais pas te lâcher du regard shaun, le feu peut bien attendre quelques minutes ! les histoires d'amour elles, elles attendent pas ! ça fait trop longtemps que j'en ai pas entendu, que j'en ai pas lu, ça manque tu sais, le contact chaleureux des autres
mais je me dis que les gens, ils arriveront jamais à me faire brûler les tripes comme le flambeau derrière moi ! ce sera jamais sincère tu vois, ils finiront par lâcher et par partir, les gens tu peux pas les garder pour toi pour toujours, quand tu le fais ils disent que t'es égoïste et complètement taré
mais c'est pas vrai shaun !


et j'hausse les épaules avec désinvolture, c'était bien fait pour eux, je regrette rien, en fait je suis pas sûr d'avoir un jour regretté quelque chose ? je sais pas si c'est normal, mais quand les gens parlent de remords et de regrets je comprend pas vraiment, c'est quoi exactement ?
t'as des regrets toi shaun ? tu veux qu'on en discute ? je t'avoue que je suis pas la meilleure oreille du monde, j'suis peut-être trop bavard et si tu me dis des secrets, je sais pas si je vais pouvoir les garder ! mais c'est pas contre toi, c'est juste trop tentant, de dire les secrets des autres en échange d'un autre secret ! moi j'en ai pas vraiment ! mais si tu me demandes, je te dirais que oui !
alors je me redresse pour pouvoir m'approcher de toi et je sors de la poche de mon jean un vieux briquet, très vieux briquet, abîmé par l'âge, par le temps qui passe, par les coups et les blessures, les amours qui n'ont jamais aboutis et les rêves qu'on a à jamais détruit dans mon épiderme
tu vois shaun, je crois pas être triste parce que le feu il me comble, il me comble de joie
mais j'ai peur de vriller un jour si j'ai rien sur moi, rien pour me calmer et toi tu vas faire quoi je me déchaîne un jour ? tu me fais flipper en vrai shaun, je sais pas si tu m'aimes bien
après tout t'es un militaire, un chien de l'armée, un tueur, donc ça te ferait rien, de tuer un gamin que tu connais à peine ! mais moi quand j'y pense
quand j'y pense
ça me donne envie de vomir et de t'étrangler le premier


les choses sympas ce sont les carcasses de poubelles brûlés dans le jardin de ce vieux con qui a essayé de me tripoter, putain ça me dégoûte
les gens ils appellent ça l'amour, mais c'est répugnant, sentir des mains palper ton corps, te frictionner et glisser jusqu'à  tes cuisses, putain j'ai envie de brûler tout ce qui parlent de ça comme si c'était un putain de remède à la tristesse

tant pis si tu veux pas en parler, pourquoi moi je me livre à toi alors shaun ? si toi tu dis rien ?
c'est injuste tu crois pas, que je parle autant mais que toi en retour, tu dises pas un mot ?
c'est un peu cruel quand même, mais tu sais quoi ! je dirais rien pour aujourd'hui
alors mes épaules se soulèvent dans un mouvement approximatif, comme si la réponse n'était pas évidente
tu veux que je te dise quoi exactement shaun, tu veux entendre quoi ?
alors je retourne près du feu et j'y jette des petites branches, un peu lassé par cet échange
en fait shaun tu veux juste savoir si je vais pas calciner la ville c'est ça ? je suis rien pour toi, j'ai plus envie de te répondre, tu me rends morose, presque triste alors que putain
j'essaie toujours d'être plus vivant chaque jours ! et parfois c'est tellement insoutenable, j'ai l'impression que c'est pas réel ! tu sais quand tu vis trop, que tu crois rêver !


le regard vitreux, je lève ces deux prunelles noires vers toi et je t'observe
tu sais shaun, je suis pas sûr qu'entre nous ça va finir bien
tu finiras par voir le danger en moi, la braise qui me dévore de l'intérieur et l'ignition autour de moi
mais je peux pas t'en vouloir, je peux pas faire grand chose


un long soupir s'échappe d'entre mes lèvres gercées par la fraîcheur du temps, et je replonge les yeux dans les flammes qui montent et descendent
soudainement shaun, t'as empli mon être d'une tristesse insoutenable et je me sens vide
vide comme le néant, vide comme l'espace
vide comme si on avait tout retiré dans mon intérieur
qu'on avait laissé simplement battre l'organe qui alimente le reste de mon corps pour me garder en vie
sans rien ressentir
alors je remonte les genoux, les bras autour et je dépose mon menton sur le sommet, toujours à divaguer
ça fait longtemps shaun qu'on m'a pas rendu triste comme ça, tu sais c'est pas ta faute
parfois ça arrive qu'un mot me fasse décrocher de mon piédestal et que je me sente comme le pire être sur terre
pensivement, je frotte mes jambes et je me laisse tomber en arrière, la tête sur le sol dur et sans tiquer
je fais gonfler ma poitrine pour absorber le plus d'air possible
et finalement le relâcher comme si ça pouvait faire disparaître ces sentiments âcres en moi
comme si ça pouvait me faire me sentir mieux, mais ça marche pas shaun
j'aurais presque besoin d'allumer un feu là, mais j'ai plus la foi de me redresser
de mouvoir mes mains jusque dans mon sac
j'ai juste la force de lever le briquet au dessus de mon visage, le bras tendu et je le regarde
ce maudit briquet
tu t'en fous, de ce que je raconte non shaun ?
stupide militaire
j'aurais dû le faire
ce jour là

Je me sens pas très bien Shaun, tu devrais partir maintenant.

et je laisse tomber mon bras sur le sol, dépité, abattu
le poing serré autour de ce stupide briquet cassé
c'est rare pourtant, de réussir ça
mais moi shaun je voulais t'entendre dire ces mots doux que tu disais à celle que t'aimais
savoir si elle était belle, si elle était gentille
tu sais parce que moi j'ai fait fuir tout le monde
alors entendre que des gens s'aiment, c'est rassurant
parce qu'un jour j'ai l'espoir qu'on m'aime aussi comme toi tu a l'air d'aimer cette fille
ou ce qu'il en reste
parce qu'elle est morte non ? si tu veux pas en parler, c'est qu'elle a crevée dans la tempête
c'est dommage shaun
mais tu sais les histoires d'amour ça se finit bien que dans les contes
dans la réalité c'est toujours différent


et je me redresse difficilement sur mes coudes pour t'observer une dernière fois
brûler derrière ce feu
le même air lascif sur le visage
le même air déprimant
le même air malade

If you leave
When I go
Find me
In the shallows

on va jouer la carte du plus malheureux shaun, c'est ça ? t'as gagné !
et je m'affale sur le sol en t'écoutant à moitié, resserrant mon poing sur le briquet, le serrant jusqu'à le faire craquer légèrement et ma mâchoire se serre
"tes parents sont venus te chercher, des gens sont venus te voir" quelle merde tu racontes, j'ai envie de t'éclater au visage shaun merde
tu comprends rien, tu parles de choses que tu connais pas, tu parles d'un sujet que tu maîtrises pas
tu comprends pas pourquoi mes parents ils sont venus me chercher c'est parce qu'ils avaient pas le choix
tu penses que sinon ils seraient venus ? ils viennent jamais, cette fois c'était exceptionnelle
j'ai plus envie de te parler shaun alors par pitié tait-toi


je te regarde, tu vas me frapper ? j'en suis sûr que tu vas vriller parce qu'au fond tu le dis toi même
on est pas si différent, deux animaux prêts à exploser au moindre contact trop brutal
à la moindre étincelle
à la différence que toi shaun
t'es plus robuste que moi, tu tiendras mieux t'arriveras à survivre
à t'en sortir
alors que moi j'en suis pas sûr
je pense que si là tout de suite tu venais exploser ton poing contre ma peau frigide
je me laisserais faire, là j'ai pas d'espoir
j'ai rien en moi shaun


je sais que c'est dur d'être un parent shaun, mais faut se l'avouer
les parents ils craignent, ils foutent sur toi leurs peurs leurs peines leurs désillusions
et quand ça marche pas ils disent que c'est ta faute
quand ça coince ils se rejettent la faute sur l'autre et derrière c'est toi qui en pâtit
tu as de la chance shaun au final t'aurais pas eu à voir l'horrible mère qui t'as abandonné
c'est un espèce de privilège mal conçu
mes coudes finissent par lâcher et je roule sur le flanc
grattant du bout des ongles la terre et la cendre qui s'est extirpé des flammes
je joue un peu avec parce que j'ai pas la tête à autre chose shaun
ta vie elle est aussi triste que la mienne, mais moi j'ai la conscience tranquille
j'ai tué personne
j'aurais pu
peut-être j'aurais dû
et toi shaun, ce rêve américain au final, il t'a apporté quoi ?
tu te sens mieux maintenant ? t'en as pas l'air
j'ai les paupières qui se ferment, presque seuls et je m'enroule
parce que je t'avoue que j'ai un peur la frousse shaun, que tu m'en colles une
et je t'observe du coin de l’œil

And I'm gonna plan
Gonna go out and start a fight
I won't desert you

How come the sun don't shine on me?
Anymore
You know, you know

les mots tournent en boucle dans ma tête, les yeux toujours rivés ailleurs
j'ai plus envie de te regarder shaun, tu m'as énervé, tu m'as agacé
j'veux plus écouter ni te poser de questions, alors j'tourne de côté sur le flanc laissant ma chevelure  glisser le long de mes joues, jusqu'à s'effilocher sur le sol
ha j'avoue shaun, t'es pas si bête finalement
mais les choses ne te sauvent pas vraiment shaun, il n'y a que toi qui peut réellement te sauver
et c'est pour ça qu'on peut pas sauver quelqu'un qui ne veut pas être sauvé
c'est triste, mais c'est vrai
et tu sais quoi shaun, j'ai pas envie d'être sauvé, je m'en fou d'être sauvé par un mec comme toi
par n'importe qui
je veux juste qu'on me laisse tranquille
je veux juste qu'on me laisse faire ce que je veux
qu'on me fasse confiance
rien qu'un peu


ma voix s'affaiblit et j'écoute les crépitements du feu, j'essaie de me concentrer sur les braises qui explosent et scintillent
mais je suis obligé de lever la tête pour te voir, les mèches de cheveux qui masquent mon visage, juste mes deux prunelles te jugeant, te regardant avec mépris
je peux pas m'empêcher de rire, c'est pas ta dégaine qui m'effraie, shaun
t'as pas compris


et je me redresse, pliant alors mes deux derniers doigts et mon pouce pour les retenir, et l'index et le majeur sur ma tempe


et les mèches se retirent doucement de mon visage d'ange pour le dévoiler, te regardant alors
je sais plus quoi te dire shaun, tu proposes de l'aide
tu veux tout savoir de moi pour ensuite mieux m'achever c'est ça ?
je peux pas te faire confiance shaun, je peux pas
pas en sachant que tu pourrais m'abattre comme si j'étais un cafard, un truc gênant dans ta putain de vie
alors je me redresse pour être assis et je regarde devant moi, tu m'as tué shaun, t'as pas fait exprès, je le sais, mais tu viens de m'achever


et j'élève mes bras autour de moi en souriant, un peu soulagé
et j'aspire l'air frais mélangé à la fumée
et puis je me dresse de tout mon long en face de toi shaun
les yeux qui te regardent avec dédain, avec arrogance
mais je fais pas exprès, je te le jure


marrant de ma part non ? mais je te jure shaun, j'ai peur qu'un jour tu viennes derrière moi et sans un mot
t'appuies sur la détente
et que je puisse rien faire
rien dire

puis je tournois sur moi même en chantonnant
jusqu'à me retrouver plus loin, plus loin de toi
et je m'incline, comme si le spectacle était fini
j'ai plus rien à te dire shaun
t'as tout ruiné, sans le vouloir tu l'as fait
tu m'intéresses plus ça y est
tu m'as amusé autrefois, mais là c'est terminé
je préfère qu'on arrête tous les deux


mes épaules s'agitent dans un mouvement saccadé et je retourne m'asseoir près du feu, l'alimentant toujours avec des petites branches
sans rien dire de plus
c'est fini shaun
c'est match nul

Lost, lost, and never found
Hide your secrets, settle down
I am young and I am naïve
Tell me something I will believe

on va tous finir une balle collée entre les deux yeux par tes soins, shaun ? c'est ça que tu veux dire ? qu'importe
notre petit jeu est terminé et je te regarde plus, je regarde plutôt le flambeau devant moi, les bras grattant le sol autour de moi
ouai je le ferais, arrêtes de t'inquiéter pour les autres c'est lourd


et je regarde tes phalanges tatouées s'élancer vers les flammes pour y jeter une lettre
une lettre que j'aurais voulu récupérer
et je l'aurais fait si t'avais pas attendu qu'elle se décompose
ah shaun tu commences à savoir les choses à ne pas faire !
ma curiosité maladive, c'est pas ma faute j'aimerais parfois me faufiler dans la vie des gens
voir en détail la vie qu'ils mènent, les problèmes auxquels ils se confrontent, leurs joies et leurs peines
mais c'est pas possible shaun
je peux qu'observer le papier crépiter, s'effriter et finalement disparaître
englouti au fond des flammes
alors j'étire mes bras derrière moi et je te laisse t'éloigner
promis j'éteindrais le feu, promis il n'y aura pas de problème

c'est une promesse shaun

The colors conflicted
As the flames climbed into the clouds
I wanted to fix this
But couldn't stop from tearing it down