toutes ses étoiles dans mes yeux ⊚ Fortnite (fdr)

La magie, il n'y a jamais vraiment cru.

Il aurait aimé y croire pourtant, de tout son cœur, mais c'est si difficile de naviguer dans un monde imagé quand à nos pieds gisent nos rêves lapidés. L'on avait oublié de lui apprendre à regarder le monde comme un enfant, alors il avait appris tout seul, en imitant les autres de son âge ; et on rit toujours plus fort que les autres pour leur montrer à quel point on est comme eux.

Les nuits sont cauchemars, et puis les jours aussi maintenant, et Dylan ne sait plus qui regarder pour trouver de la magie, qui imiter pour faire semblant d'y croire ; il n'est fait que de mensonges, au fond, depuis le jour où il a abandonné l'idée d'avouer aux adultes qu'il se souvenait.

Et il regrette si fort d'avoir menti qu'il en sanglote un peu parfois la nuit, pendant un très court instant où on ne le voit pas ; celui qui précède le moment où il part se réfugier dans les draps de bras plus grands que lui.

Aurore a des bras grands mais des mains froides ; et ça lui fait bizarre de se dire qu'il y a peut-être des adultes encore plus perdus que lui.
(il ne te l'avouera jamais, car tu es l'adulte,
et lui le petit garçon, il faut que ça reste ainsi)

Pour autant, pour rien au monde il ne lâcherait ces mains, car entre entre elles il trouve mille promesses de s'évader ; il faut parfois s'y mettre à deux pour rapiécer l'innocence déjà perdue, sauver l'oiseau mort entre ses doigts.

On est un de ces jours où la présence d'un adulte bienveillant semble ramener un peu de cette magie à laquelle il ne croit pas.

Parce qu'il est heureux Dylan, pendant une fête qui ne lui a jamais rien inspiré que du froid et des repas courts, des montagnes de cadeaux sans saveurs, et les regards absents de ses parents. Un sourire étiré d'une oreille à l'autre, traînant sa luge derrière lui ;
(tu le croirais s'il te disait qu'on ne l'a jamais emmené en faire ?
ah, mais c'est encore un secret)

Et tout en haut de la colline, au sommet du monde, on savoure d'avoir mis tant d'efforts à escalader, et on contemple l'euphorie à venir.
(peut-être qu'il y a une leçon à tirer,
de tout ça)

Il s'installe à peine, il saisit tout juste la promesse de desserts, qu'Aurore par déjà comme une flèche, sous son nez ; et d'une voix outrée mais toujours souriant, Dylan s'écrie :

– Hé, tricheur !!

Et aussitôt s'élance à sa suite, avec du retard. Par dépit puéril, il attrape de la neige en vitesse et la lance dans sa direction, mais vise complètement à côté.

Il rit trop pour arriver à t'atteindre ; et ça tangue sur la luge, à deux reprises il croit tomber sur le côté, mais il se rattrape.

– T'endors pas avant d'arriver en bas !!

Il n'y a jamais cru à la magie, mais quand tu arrives à le faire rire alors qu'il a si froid,
Dylan se dit qu'il peut faire encore un peu semblant d'y croire.

Ca va trop vite pour que les soucis suivent, ils sont à la traîne loin derrière, peut-être même restés au sommet ; alors juste comme ça, Dylan n'y pense plus. Ses idées noires, ses pensées tristes, tout ça est balayé par le vent qui claque ses joues dans la descente, la neige qui s'infiltre sur sa luge et lui rafraichit les mollets et le derrière.

Il a les yeux rivés sur l'arrivée ; le mouvement l'ébranle un peu sur la fin, ça va un peu trop vite, ça le secoue, comme un vieux souvenir enfoui, il a un vertige et un haut le cœur ;

(comme dans la voiture qui tangue,
il était coincé dedans, mais là non)

et puis tout s'arrête. Il s'écrase sur l'arrivée -si c'en est une- freine brutalement et atterrit le visage dans la neige, tandis que la luge se retourne derrière lui. Quand il relève la tête, il a tout juste le temps de voir Mum arriver deuxième, tout juste le temps de comprendre.

- J'ai gagné ? J'ai gagné !! Il saute les bras en l'air en tournant sur lui même, les bonds ponctués de grands éclats de rire victorieux. J'ai gagné j'ai gagné j'ai gagné j'ai gagné j'ai- woh

Ca donne le tournis de sauter en rond alors il tombe en arrière directement dans la neige sans jamais cesser ses éclats, les rires s'envolent en doux essaim enfantin. Par terre, il se roule dans la neige de bonheur, car le froid l'aide à soulager un peu l'euphorie trop débordante ; son cœur vient tout juste de décongeler, il faut le réhabituer doucement aux moments de douceurs et de joie comme ceux là.

Et puis l'accusation le prend de court quand il se relève, qu'il voit le projectile misérablement atterrir à ses pieds, il a un cri d'exclamation, de surprise, de fausse colère, d'une blessure inventée.

- Je suis trop pas un tricheur je suis juste super super rapide comme la lumière !! Tu sais comment ça va vite la lumière ? Je parie tu sais pas !

Et en déballant tout ça il ramasse tout plein de neige à ses pieds, forme un gros tas, la plus grosse boule qu'il peut ; il la soulève entre ses bras frêles, s'avance avec maladresse du haut de ses petites jambes et tente de lâcher la boule sur l'adulte qui a osé l'insulter.

La moitié de la neige lui tombe dans le figure et glisse dans son cou quand la boule se désintègre au moment de lancer ; le reste touche à peine le ventre d'Aurore. Il n'en est pas moins fier de son attaque, en témoigne son petit ricanement espiègle quand il s'éloigne pour se cacher derrière un arbre, ponctué de quelques bonds pour dégager la neige de son pull.

- Je suis même pas léger d'abord ! qu'il gueule de derrière le tronc. T'es pas capable de me porter jusque tout en haut !!

Et toc.

Il se sent gagnant Fortnite, c'est une Victory Royale pour lui aujourd'hui ; il est arrivé premier à la course, et là, il va pouvoir fanfaronner en montrant ce qu'il sait.

Ce n'est pas souvent qu'il retient des informations de ce genre : mais celle là, c'est Tonton Shaun qui la lui a dit, alors il s'est beaucoup appliqué à ne pas oublier.

- Hah ! La vitesse de la lumière, c'est... il prend une longue inspiration, les yeux levés vers le haut pour l'aider à bien se remémorer. ... Trois cent millions de mètres par seconde !! Alors retiens bien !

Il lève un doigt sévère vers Aurore, comme un maître d'école face à son élève, mais ça ne dure qu'un instant car Dylan n'a jamais aimé l'école, alors il préfère laisser tomber ce jeu là et rire un bon coup.

Il n'a jamais trop aimé le froid non plus Dylan, ils avaient une grande cheminée dans leur salon qu'ils allumaient l'hiver, et ça lui a toujours semblé être la seule source de chaleur de sa maison. Quand il disait avoir froid aux doigts, maman lui mettait des gants ; mais il voulait juste qu'elle lui tienne la main. Il avait fini par attraper un rhume au cœur avec le temps, à force de frigidité, d'absence d'amour ne serait-ce qu'un peu tiède.

C'est cruel qu'il ait fallut une apocalypse pour faire fondre les parois de gel dans ses entrailles.

Le verglas dégringole en rires et en cris lorsque ses pieds quittent le sol ; c'est un peu paniqué comme éclat, car Fortnite n'est jamais plus terrifié que lorsqu'il est dans les airs, aussi se cache-t-il les yeux quelques secondes, le souffle coupé. Heureusement, Aurore le distrait un peu de sa peur avec des flatteries qui le font sourire :

- Ouais, je suis l'entraînement de Saitama ! Je vais devenir encore plus fort que lui !

Il tente de contracter ses muscles, mais dans cette position, sur l'épaule d'Aurore, c'est un peu compliqué.

- Sauf que moi je garderai mes cheveux quand même... il ajoute avec un petit rire.

Il n'a pas de pitié pour Aurore, car aujourd'hui il se sent tellement enfant, il ne s'imagine pas plus lourd qu'une plume ; ses parents ont arrêté de le porter dès lors qu'il a su courir, papa car il avait mal au dos et maman car elle était occupée.

(il ne peut pas s'empêcher de profiter du moment
profiter de la chaleur pour dégeler un peu son cœur)

Pour la forme, il fait mine de s'agiter : balance ses jambes, fait voler les restes de neige agrippés à ses chaussures, tapote ses mains sur le dos d'Aurore comme sur un tambour. Il fait de son mieux pour ne pas le blesser.

- Plus vite ! Plus vite ! Je m'endors moi sinon !

Et il détend tous ses muscles pour se laisser pendre comme un pantin, en imitant de gros ronflements, les yeux bien fermés.

(surtout pour ne pas voir
à quel point le sol est loin)