exempt de plaire (⁂) calico & sweetie (end)

Un espace peu dense et pourtant Sweetie ressent toute la marginalité de son être. C’est peut-être justement parce que le lieu est si vide, aujourd’hui, que cette impression est beaucoup plus remarquable. Peu de choses se déroulent sous les yeux des différents participants de cette scène.

Des quilles sont renversées, des boulets sont saisies pour les faire tomber. Sweetie ne fait tomber aucune quille avec sa boule. Son chemin, c’est la gouttière. C’est un chat de gouttière. Tout le monde le regarde avec pitié, jouer seul. Éventuellement, on se questionne sur pourquoi un si joli garçon peut se retrouver si impopulaire ? A-t-il tué quelqu’un ? Son regard pourrait presque dire que cette hypothèse n’est pas impossible.

Aucun membre du groupe auquel on a affilié Jack Russel n’est présent dans le bowling et quelque part, tant mieux, où il ou elle se moquerait de sa solitude. Oui, puisqu’aucun Pirate ne rejoindrait Lukas, préférant se retrouver avec un Chevalier, ou pire, un Green. C’est plus qu’un chat errant, c’est un cafard.

Déglutissant à tous ces regards posés sur son, pourtant, beau profil, Sweetie n’apprécie pas forcément être constamment admiré. Être dévisagé est donc pire. Malheureusement, il ne peut rien dire. Le bowling lui en interdit. Ses propres règles lui interdisent aussi. Il pourrait simplement partir mais son trop grand ego l’en prive. Finalement, la vedette se condamne à rester sous le feu de projecteurs. Elle s’est dit qu’ils finiraient bien par s’éteindre mais au bout de quelques minutes, les inconnus lancent encore des œillades parfois inquiètes, parfois moqueuses ; en tout cas, elles ont pour point commun d’être condescendantes.

Le seul moyen pour les faire taire est donc d'employer les lourds moyens. Dégainant lestement son arme, il attaque, en revanche soudainement et lourdement de quoi retirer des hoquets de surprise chez les spectateurs.
Finalement, la boule s’est plus écrasée qu’elle a roulé. Même la piste glissante ne peut lui assurer un bon destin. L’optimisme de Lukas n’est pas là. Il n’accorde plus un regard au résultat mais plutôt à une personne qui se présente devant ses yeux, figés. La connaissant, malheureusement, assez bien, il aurait voulu, justement, ne pas être là. De nature maladroite, le jeune homme en fait tomber, à ses pieds, la boule qu’il venait justement de préparer pour une manche revanche.

Il n’y a, certes, aucun Pirate, mais, au bout du compte, il aurait préféré la compagnie de tous ces sauvages à celle de cette teigne.

La seule bribe dont il se rappelle de sa collègue, c’est le fait qu’elle soit assez horripilante pour qu’il décharge, dans ses prunelles, une ignominieuse aigreur.
Aucune autre analepse, cependant, ne traverse son esprit. Il suppose qu’elle est en mission nocturne. Il suppose qu’elle vient le voir parce qu’il est aujourd’hui un Pirate. Par prudence, Lukas ramasse sa boule comme si elle pourrait lui servir de blindage. Or, premièrement, elle ne pourrait même pas protéger la plus cacochyme des personnes. Dans un second temps, la maison l’a déjà privé de ses armes pour éviter ce genre d’incident.

Toutefois, la dame est en réalité la première à attaquer. Elle est fort loin d’être sympathique. Les souvenirs de Sweetie n’étaient donc pas faux. Il l’analyse de la tête aux pieds, pendant plusieurs secondes, presque une minute, alors qu’elle semble en l’attente d’un verdict de sa part. Déclaration peu concluante, il lui répond à côté de la plaque.



Contrairement au sourire mesquin de la policière, il garde les lippes les plus neutres, comme s’il ne véhicule aucune émotion. Il se penche pour attraper une boule mais elle lui a fait oublier qu’il en a déjà une dans les mains. Il a l’air stupide et il le sait. Il se redresse assez rapidement, toujours trois doigts captifs dans les trous de l’instrument. Cette médiocre réponse ne semble pas lui avoir suffi pour s’enfuir. Sweetie finit par soupirer bruyamment.



Clairement suspicieux, elle ne doit pas être là pour prendre de simples nouvelles. Certes, peu de souvenirs lui reviennent mais elle doit être d’humeur malicieusement taquine avec un exclu ou bien parce qu’elle veut s’en prendre à un ennemi. L’ancien Jack Russel continue d’être fortement vague avec son interlocutrice, de sorte à la chasser.



Il lui tourne violemment le dos, aussi couard qu’il est pour lancer encore une fois, brutalement, la boule dans le champ de quilles et échouer lamentablement. Néanmoins, il reste devant cette défaite cuisante plutôt que retourner vers l’autre.
Elle semble manquer d’informations à son sujet et Sweetie ne les lui donne pas, pensant qu’elle sait qu’il soit passé du côté ennemi. Il n’en a guère plus sur elle ; quitte à ne plus se rappeler de son surnom.

Crâneuse. Finalement, venir claquer ses talons contre la piste de l’orgueil lui va terriblement bien.
Insolente. C’est ainsi que Sweetie la juge ; sans doute est-elle assez arrogante pour qu’il en arrive à trouver une personne impertinente. Pour autant, il ne lâche certainement pas du terrain. Certes, par réflexe, il s’est reculé lorsqu’elle a projeté brutalement son arme, mais il ne quittera pas la voie et compte bien lui faire, cette fois, barrage.
L’ébriété le rend idiot. Sa lâcheté serait plus raisonnable. Mais il va perdre face à elle, c’est évident.



Pour autant, l’ivresse n’enlève rien à son sourire angélique, si ce n’est qu’elle ne le fait passer de l’autre côté ; elle le diabolise. C’est maintenant un rictus machiavélique.
En somme, les soirées alcoolisées échangent le bon et docile garçon en une personne absolument aigrie et injustement sévère.



Les démons sonnent à sa porte ; puis il résonne. Il lui reproche d’être bien trop moralisatrice alors qu’il se permet justement de lui faire un sermon. Il le remarque et ça l’agace terriblement.
Ça l’agace aussi, cruellement, d’avoir vendu la mèche. Même ivre, il a compris qu’elle ne savait pas qu’il n’était plus chez les Greens. Il aurait pu en jouer, fin manipulateur qu’il est, mais sa seconde personnalité est bien trop directe.
Afin de se rattraper, il se contente donc d’accentuer leur différence.



Il était obligé d’en arriver à ce stade, lui ressembler l’horripile. Il n’est plus autant associé aux Greens, ne doit pas l’être et commence à ne plus vouloir l’être.
La première opposition se dresse donc entre les deux ex-coéquipiers. Tandis que la policière se dresse comme une trop grande curieuse, lui se montre bien trop superficiel et ne cherche pas à en savoir plus sur les gens.
Pourtant, avoue, Sweetie, ça te plaît que les gens s’intéressent à toi pour que tu lui demandes. Du moins, tant qu’elle ne te pose pas des questions aussi fâcheuses.

Mais le point de non-retour, bien évidemment, se voit atteint si vite. Ça lui plaît, qu’on s’intéresse à lui, mais personne ne veut d’un sale ivrogne comme lui. Les greens l’ont abandonné, ce n’est pas pour rien.
Il ne vaut rien. Ce n’est pas pour lui qu’on vient. On vient pour une personne à laquelle on tient.



Ça se dresse comme des évidences, qu’elle le sait, qu’il l’a quitté. C’est même d’une flagrance banale à tel point que Sweetie reprend la canette de bière qu’on lui a servi. Il s’engloutit une bonne gorgée comme il s’engloutit dans le fauteuil spectateur. Tous ces engouffrements pour ne pas, justement, être submergé par les sermons de cette femme.



C’est une autre stratégie pour ne pas être inondé sous le tas de reproches qu’elle s’apprête à lui déverser depuis déjà au moins huit minutes ; oui, même avant qu’elle ne s’approche. Mais à force de noyer le poisson, il finit même par lui révéler des éléments dont personne n’était au courant hormis lui et son amante.
L’emprise de l’alcool ne lui fait aucunement remarquer ce dont elle n’arrête pas de lui bassiner : Les conséquences.
Le manque de responsabilité de Sweetie ne peut pas lui permettre de prendre en compte ce qu’elle appelle des « conséquences ». Ce n’est pas qu’il n’en a que faire mais il préfèrerait remplacer ce termes par des « dommages collatéraux ».



Il concentre son regard vague vers elle quelques secondes. Elle semble, pour sa part, lui communiquer aussi un message derrière ses yeux sombres.
Non, il ne voit rien. Il ne voit pas la symbolique qu’elle essaye de lui faire passer. C’est désuet. Il roule des yeux et se contente de boire une énième gorgée pour oublier ce qu’elle vient de lui transmettre.
Il se fiche des conséquences, c’est ce qu’il n’arrête pas de se répéter dans son esprit.

Tiens, c’est vrai, elle a un surnom de chat. Ça lui dit quelque chose, maintenant.
Parce que quand bien même elle n’aboie pas sa pensée, elle lacère de ses griffes ses victimes. Elle n’a donc pas besoin d’hausser le ton pour être menaçante. Elle pourrait presqu’uniquement miauler et cela suffirait.
Il la suspecte d’avoir aiguisé ses paroles pour qu’elles soient autant mordantes.
Il la suspecte encore de vouloir accomplir une vengeance pour ainsi le bassiner avec cette histoire de conséquences qu’elle dissimule mal sous la métaphore d’un chien battu. Elle est peut-être douée pour choisir des piques mais pas forcément les plus élégantes manières de le dire ; si bien qu’un échange pareil ne peut passer inaperçu.  
Un type d’allure plutôt froussarde fonce jusqu’au bar.



Il est sérieusement saoul pour lui répondre de cette manière alors que cela pourrait clairement être interprété comme une condamnation à mort. L’alcool le rend vraiment indolent pour qu’il n’en retire qu’un léger « aïe » plaintif lorsqu’elle le griffe, mais cette fois-ci physiquement. L’alcool le rend aussi très inoffensif.
Oh, même en étant sobre, il aurait su qu’il n’a pas le droit de provoquer de chahut ici mais il n’aurait qu’à, justement, renforcer ce rôle de victime pour qu’on la vire de sa vue. Mais non, c’est juste un « aïe » minable. Il masse son bobo comme il calme la situation, cela dit, avec des inepties sorties de nulle part.



L’histoire de la policière n’est pas glorieuse mais la sienne encore moins, ça n’a aucun sens : Qui insulterait bien Sweetie sans même le connaître, pourrait-elle s’interroger. Or c’est en ce moment constant, vu sa réputation chez les Pirates.



Non elle ne lui a rien fait. Il a beau avoir des traces de mousse de bière sur les commissures, qu’elle a renversé en frappant le culot de la cannette ; il a beau avoir une douleur rouge sur l’épaule, ça ne lui fait rien.



Non, il n’a pas à s’inquiéter car Sweetie vit déjà dans la panique parce que oui, il les connaît les conséquences : Être hanté par son ancien groupe, ses anciens collègues, ses anciennes compagnes. Mais Sweetie n’a pas tout provoqué, il n’a pas demandé toutes ces conséquences et les subit juste.