[DÉFI] La croix sur le papier // Midas Rain Hawk Bambi

C'était ce matin – alors que j'étais à peine sorti et m’apprêtais à commencer ma journée – que l'inconnu avait fait son apparition. Sans que je ne l'aie vu approcher, il était apparu près de moi, me tendant une carte semblant avoir connu des jours meilleurs. Intimidé par son apparence, je n'avais pas eu l'occasion d'apprécier cette rencontre atypique (ce n'était pas à Cardiff que j'aurais croisé un type pareil) et m'étais contenté d'accepter la feuille de papier avec un hochement de tête hésitant.
« Tu iras là, parce que tu dois y aller. C'est ce que tu feras », avait-il dit.
Ce n'était ni demande ni un ordre, mais une certitude. Et c'était peut-être la partie la plus étrange de cette rencontre matinale.

Toute la journée durant, j'avais eu du mal à me concentrer, mes pensées revenant sans cesse vers ces paroles et cette carte.
Qu'y avait-il à l'endroit indiqué ? Un trésor ? Un piège ? Une mort effroyable ?
Et pourquoi moi ? Il m'avait choisi... non ? Je n'étais pas simplement la première personne qu'il avait croisé ?

Oubliant toute prudence, j'avais décidé d'aller voir ce qu'il en était en fin de journée. J'avais rassemblé quelques affaires utiles, dit à un collègue de s'inquiéter si je n'étais pas de retour le lendemain matin, et étais parti. Dans un premier temps, j'avais pu me débrouiller sans consulter la carte. Cela faisait quelques semaines que je n'avais plus été me promener, par crainte du danger qui pourrait hanter la forêt. Je regrettais un peu d'avoir cédé à la tentation, mais savais que j'aurais également regretté d'ignorer la carte. S'il fallait de toutes façons que j'y aille, autant le faire et en être débarassé. Mais à chaque craquement, à chaque bruissement, je ne pouvais m'empêcher de me retourner, alerte et prêt à fuir.

Lorsque j'approchai enfin de ma destination, je mis à consulter la carte pour déterminer où exactement j'étais censé me rendre. Si bien que je manquai presque de remarquer les silhouettes se tenant un peu plus loin. Je plongeai dans les fourrés et attendis silencieusement. Bien vite, une voix me parvint et me rassura. Non seulement, c'était de vrais humains, mais aussi des humains qui ne ressentaient pas le besoin de dissimuler leur présence. Ressortant de ma cachette, je me mis donc à avancer vers eux.

Assis sur un tronc d'arbre, Hawk.
Debout à ses côtés, Bambi.
Un peu un retrait, un jeune inconnu.

« Hum... Bonsoir ? »

Tous les trois avaient une feuille de papier jaunie en main. Un mélange de soulagement et de déception m'envahit, et je fis quelques pas de plus vers le groupe hétéroclite que je venais de trouver.

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Bambi, l'air assez blasé par l'étrangeté de la situation, proposa que nous continuions à chercher ensemble et je ne pus qu’acquiescer. C'était non seulement plus efficace mais aussi plus prudent, quoique l'alternative la plus sage eût certainement été de rester chez nous.

J'observai à nouveau ma carte, constatant avec désarroi que le chemin que nous étions censés emprunter... n'existait pas. Là où nous étions censés nous rendre, se tenait un monticule rocheux couvert d'une végétation dense et peu amicale. J'envisageai brièvement de m'être simplement trompé de route, mais le fait que nous nous étions tous rencontrés ici semblait contredire cette hypothèse.

Un cri m'interrompit dans l'examen de ma feuille de papier et me fit reporter mon attention vers mes compagnons. Avec un soupir de soulagement, je constatai que la situation n'avait rien de grave : Hawk avait simplement trouvé le moyen de perdre l'équilibre et, déjà, l'inconnu maigrichon l'aidait à se relever.

Cependant, en se heurtant ainsi au mur végétal, Hawk paraissait y avoir dévoilé un passage, dans lequel l'inconnu s'engouffra sans hésitation visible. Je n'étais pas venu jusqu'ici pour reculer non plus, songeais-je en glissant mes mains dans les manches de ma veste afin d'écarter plus facilement les branches épineuses me barrant la route. Une fois à l'intérieur, je me félicitai d'avoir rechargé mon téléphone pendant ma pause midi – j'étais clairement plus sportif qu'avant la Tempête – et le sortis de mon sac.

« Faites attention. Le sol a l'air glissant », justifiais-je en allumant la lampe torche, dont je dirigeai le faisceau vers le bas.

En effet, la roche à l'entrée de la caverne luisait d'humidité. Le moindre faux pas pourrait causer une nouvelle chute.

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Porteur de lumière, je dépassai naturellement le jeune inconnu et pris la tête du groupe. Bien vite, nous nous retrouvâmes à avancer les uns derrière les autres, la caverne ne restant malheureusement pas aussi large qu'à son seuil.
L'écho des pas dans mon dos me rassura quant au fait que je n'étais pas seul et – de manière moins romantique – me fit réaliser que je ne pouvais plus reculer. Ma retraite bloquée par trois personnes, j'étais contraint à poursuivre mon avancée dans les ténèbres.

L’atmosphère se faisait de plus en plus pesante et humide, rendant l'air légèrement pénible à respirer. Après ce qui devait être quelques dizaines de mètres, le couloir s'élargit à nouveau, allégeant quelque peu mon sentiment de claustrophobie. À l'entrée de la pièce, le sol se transformait soudainement en une pente escarpée et je m'arrêtai, espérant que mes compagnons ne me suivaient pas de trop près.

Relevant mon téléphone, je tentai dans un premier temps d'éclairer les hauteurs de la salle, réalisant bien vite qu'elle était trop vaste pour que le faisceau de lumière en atteigne l'autre côté. Le rediriger vers le sol révéla une descente bien plus raide que le chemin parcouru jusqu'à présent, mais paraissant relativement praticable. J'allais le signaler aux autres lorsque je remarquai une forme étrange en contrebas. « Forme » était le bon terme, car je n'avais aucune idée de ce dont il pouvait s'agir. Ma lampe ne parvenait pas à l'éclairer, si bien que je ne percevais rien de plus qu'une zone d'obscurité plus dense.

« Il y a... quelque chose en bas », tentais-je de crier à voix basse, tout en me demandant c'était nécessaire. « Je ne sais pas ce que c'est... C'est grand et sombre. »

Trop grand pour être un animal sauvage tapi au fond de sa tanière et attendant qu'une proie décide d'y descendre. Quoique... Maintenant qu'une ombre meurtrière rôdait à Arcadia Bay, les loups, coyotes et cougars n'étaient peut-être plus les seuls créatures que nous devions craindre.

« On fait quoi ? » demandais-je à la personne se tenant derrière moi en me tournant vers elle.

Me retourner impliquait d'arrêter de surveiller l'amas d'obscurité, ce qui ne m'enchantait guère. Mais, incapable d'avancer comme de reculer, j'avais besoin de m'assurer du fait que je n'étais – au moins – pas seul dans cette aventure.

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Visiblement bien moins appréhensif que moi, le garçon maigrelet prit les devants et entama sa descente à la lumière de ma lampe. Il semblait presque glisser le long de la paroi tant il faisait preuve d'agilité et, bien vite, il arriva en bas.

Une part de moi s'attendait à ce que quelque chose de terrible se passe alors. À ce que l'ombre s'éveille et bondisse sur lui. Mais tout était toujours aussi calme, et le garçon nous encouragea à le rejoindre.

Je guidai alors Bambi, suivi de Hawk, le long de la pente rocheuse. Malgré la prudence dont tous deux semblaient avoir fait preuve, ils avaient fini par glisser, terminant leur descente par une chute. Si j'avais dans un premier temps été optimiste quant à mes chances d'arriver facilement en bas, j'étais à présent convaincu de mon futur échec et résigné face à lui.

Pendant un bref instant, je me demandai comment j'allais descendre sans plus personne derrière moi pour m'éclairer, envisageant presque d'utiliser cette excuse pour repartir. Mais la cavité n'était pas si profonde que ça. En m'allongeant sur le sol et en tendant mon bras vers le bas, je devais pouvoir donner le téléphone à un de mes trois compagnons, qui devrait éventuellement grimper un peu pour l'attraper.

« Quelqu'un peut prendre mon téléphone et m'éclairer ? » demandais-je en prenant position.

Le transfert fait, je me retournai et commençai à descendre lentement. Tant pis pour les autres s'ils devaient m'attendre. J'avais le désavantage de ne pas être éclairé par en haut, l'angle auquel la lumière arrivait sur moi créant régulièrement des ombres qui me cachaient mes prises. Et puis, de manière générale, la descente n'était pas aussi facile que l'avait annoncé ce petit brun.

Mais je m'étais apparemment sous-estimé, car ma prudence et ma patience portèrent leurs fruits et je finis par arriver au fond de la cavité en un seul morceau. Une fois mes deux pieds bien ancrés sur le sol rocheux, je me retournai immédiatement. Mes compagnons étaient vaguement illuminés par le halo de la lampe, encore braquée vers la pente. Derrière eux, régnait une obscurité absolue.

Récupérant le téléphone qu'on me tendit, c'est avec appréhension que je tournai la lampe vers le milieu de la cavité.
Mais rien ne bondit. Rien ne s'éveilla. Rien ne bougea.
Seule une sorte de grande table en pierre trônait au centre de la caverne, lui révélant un aspect plus artificiel que je ne l'aurais pensé. Je fis un pas vers l'avant avant de m'arrêter. Découvrir la véritable identité de la forme étrange m'avait certes rassuré, mais je n'étais pas certain de vouloir prendre l'initiative de l'exploration. Mieux valait se contenter de suivre ceux qui le ferait.

agora