Stigmata

Luci & Hawk

Septembre 2020

La disparition de Batman creusait le fossé davantage, entre eux et lui. Ça avait été un coup de tonnerre, une rafale aussi brutale que la tempête, un vide profond et nébuleux. Petit bout par petit bout, ils étaient parvenus à se reconstruire ; bâtir de nouvelles fondations, solides, puis pierre après pierre, des murs épais et haut. Chacun avait cherché à ériger un nouveau foyer, se croyant plus fort. Et puis, Batman avait disparue. L'imposante bâtisse, construite sur la foi et la détermination n'avait été qu'un château de sable, balayé par une Ombre. Lorsqu'on est croyant, et qu'on face à soi un adversaire aussi peu lisible, la foi vacille, branlante. Elle est mise en pièce ; c'est Dieu, qui condamne.

Après la tempête, naïvement, Hawk avait songé que rien de pire ne viendrait. Il avait cru qu'ils seraient épargnés, qu'ils n'avaient qu'à prendre les cendres, nourrir la terre, repeupler la nature. Un truc aussi horrible ne pouvait pas arriver deux fois, n'est-ce pas ? Eh bien si. On reprend les mêmes et on recommence : les Green sont en deuil, c'était ce que Phaner avait déclaré. L'ennemi était peut-être qu'une autre épreuve divine. Un truc réveillé depuis les profondeurs de la terre, venu se venger ? Mais se venger de quoi ?

Hawk les observe, bouger, remuer, les regards sont lourds, les voix tremblotantes. Les brebis de Dieu sont prêtes à devenir des loups ; c'est l'image qu'ils lui donnent. Et à chaque fois qu'il pense à la mort, il se dit.

Pourquoi
Pourquoi.
A quoi ça rime ? Ma survie.
Pourquoi lui ? Pourquoi elle ?
Si ça avait été moi.
Ca n'aurait pas été grave.

Si son père avait survécu, peut-être que Batman aussi. Si son père n'avait pas choisi de le sauver, Hawk était persuadé qu'il aurait gardé Batman en vie. Les raccourcis étaient faciles, dans sa tête, Marshall c'était un super-héros. Un Captain America noir, paré à toutes les éventualités ; c'est logique, il aurait sauvé Batman. Parce qu'il avait fait l'armée, parce qu'il avait traversé des champs de bataille, et que c'était idiot idiot idiot idiot de crever sous une charpente quand on a survécu à pire. Putain.

Mais souris, mon garçon. C'est tout ce qu'on peut faire, quand on est con.

Pour une fois, Hawk a envie de fumer, alors que l'odeur l'écoeure d'habitude. Le stress lui broyait la gorge, le sommeil devenait trop difficile à trouver. Le cauchemar le traque, dans ses pensées, dans ses muscles raides, dès qu'il ferme les paupières. Il n'ose pas s'endormir, il craint le revoir, encore, et enc...

Corps.

Alors Hawk passe des nuits entières, les yeux ouverts, à chercher une raison à sa survie. Les souvenirs remontent, des cadavres qui reviennent à la surface. Des images de son père en train de sourire pendant qu'ils cuisinent, des conversations anodines. Des épaules larges, et un dos droit, une silhouette inatteignable pour un ado tel que lui. Marshall devant l'évier, qui jette parfois des coups d'oeil par la fenêtre. Liam en train de mettre la table, profitant de ne pas être vu de son père pour cesser de sourire.

Enc-
Hawk.
Corps. Qui. Qui.

Hawk contracta la mâchoire, il inspira, et il soupira. Sur le dos, les mains croisées sur son ventre, il fixe le plafond au-dessus de lui. Les adultes veillent plus que d'habitude ; il a beau être majeur, il n'est pas compté parmi eux. Trop... trop...

Liam se passa la main sur le visage, il se redressa. Assis au bord de sa couche, il fouille dans sa poche, et il en sort un carré de papier. Il n'a pas besoin de bien voir, pour suivre la courbe de la feuille. Dans le silence, il n'y a que son souffle lourd, et le froissement du papier, qui chante, crisse, gronde. Ses doigts caressent les aspérités de la feuille, parfois plus fine à certains endroits, d'autre fois plus épaisses. Un bout de journal récupéré dans les décombres, ayant survécu à la pluie. Un peu sale, la poussière est chassée par la pulpe de ses doigts. La forme prend forme, doucement. Deux triangles qui se superposent l'un sur l'autre, Liam est adroit et calme. Le regard un peu mélancolique.

Lorsque la figure de papier est terminée, Liam sent comme un coup au coeur. Un clou qu'on aurait enfoncé dans sa poitrine.

Ano est garçon bien, tu ne penses pas ?

Hawk referma les mains sur l'origami. Sa poitrine lui fait atrocement mal. Luci est en vie en vie en vie en vie en vie.

Mais Batman aussi était en vie en vie en vie en vie.

Et bientôt, son cerveau harassé se fait envahir par les pensées noires. Aucune étoile filante à l'horizon pour venir éclaircir les ténèbres, juste ces pensées, qui tournent, tournent, jusqu'à ce que l'angoisse surgisse depuis les abysses. Elle avale une partie, et ne laisse qu'un cadavre au fond ; peut-être que Luci est en danger. Peut-être qu'il va bien.

Batman aussi était... était...

Et pourtant...

Ses mains deviennent moites sur le papier, elles tremblent. Liam inspire, il expire, il ravale son angoisse. Mais il a beau avaler, elle perdure, elle reste, elle s'accroche à sa gorge. Elle ne veut pas partir. Hawk s'imaginait le pire. Et il ne voulait pas que le pire arrive, encore une fois. Les nuits suivantes, il se tourne, et il se retourne dans sa couche, laissant d'abondantes traces de sueurs sur les draps. Il a la certitude que Luci sera en danger, quoiqu'il arrive. Mais ce n'est pas lui, qui parviendra à protéger les autres, hein ? Trop bon, trop con. Inutile.

~~[Tu sers à rien, MacKenzy, tu devrais te suicider.]~~
[Qu'est-ce que tu vas faire de ta vie, MacKenzy ?]
[Réfléchis à ton avenir, tu as bien un talent et une passion ?]
~~[Tu sers vraiment à rien, tu aurais dû te suicider.]~~
[Parce que l'origami, c'est mignon, mais pense aux études.]

L'Ombre peut frapper à tout moment. À tout moment. À tout moment.

Des cernes sous les yeux, Hawk croit un instant qu'il peut en protéger Luci. Alors Hawk et ses bizarreries attend. Et attend. S'il se fait prendre, Calico va l'étranger pour de bon. Sa bouche est sèche, mais ce n'est pas infaisable. Pas infaisable. Juste attendre le bon moment. Le bon moment. Quand il n'a pas de corvée, quand on ne le regarde pas — on arrive à l'oublier, parfois.

De toute façon, les Green n'ont pas besoin de lui, au fond.

Inutile.

Hawk profita d'un instant d'inattention, l'organisation a des failles dans sa raideur. Et puis, il connait ce que les autres font, par coeur. Il évolue dans un environnement tellement réglé et ordonné, qu'il peut se glisser entre les rouages, sans qu'on le remarque. Partir tôt, au levé du jour, d'un vieux pull trop large pour lui, avec rien si ce n'était l'origami au fond de sa poche. S'il trouve Luci, qu'est-ce qu'il va dire ? Luci l'a toujours impressionné.

Liam n'a pas conscience du danger, ou bien, il pense que son existence n'a pas de réelle valeur. C'est peut-être bien la seule chose de spontané qu'il fait. Il ne réfléchit pas aux conséquences, il fait le mur, s'en va de son (faux) foyer, et il arpente la ville. Il cherche Luci, un peu partout, il cherche, et il cherche. Liam ne sait pas combien de temps, la toile de l'aube gagne en lumière. Il passa près de la piscine, respirant un air chargé d'humidité. Il releva la tête vers le ciel, il manque de tomber en avant quand son pied rencontre une pierre.

Hawk plissa les yeux, les nuages étaient trop épais, trop gris et lourds. Le vent était frais, la grisaille n'était pas désagréable. Hawk ne le trouve pas, et ça l'angoisse d'autant plus fort. Quand il quitta la piscine, il se demanda s'il ne doit pas

aller
constater
a l'hôpital
en-corps.

Et au final, c'est vers l'église que ses pas le mènent. Il trouve cet endroit intimidant, la foi est superbe, mais écrasante. L'édifice était encore debout, par la grâce de Dieu ? Il se rapprocha, fatigué par la marche, son bassin lui rappelle qu'il a mal. Il se crispe, et quand il va pour se détourner, sa vision fait le point. Une grande silhouette, des cheveux bruns, l'air hésitant.

Hawkweird reconnait les gens, là où les autres ont besoin de temps. Un battement de cil, son coeur se serre, et finit par bondir dans sa poitrine. Aussitôt, Hawk reconnait Luci. Il est heureux, un peu.

C'est le moment gênant, Liam ne sait pas ce qu'il doit dire. Il l'appelle juste, de sa voix douce couverte par le vent :

« Ano ! Enfin... Luci ! »

Et Hawk répète : Luci ! Luci ! En avançant vers lui. Il se demande pourquoi il semble si abattu, si cerné, si fatigué. Son visage devient de plus en plus clair. Mais Hawk a beau voir les détails, il ne remarque pas ce qu'il y a sous ses pieds. Une racine claqua contre sa cheville, et Hawkweird s'échoua en avant, face contre terre.

Même en faisant de son mieux, il échoue.

awful

Spoiler:

wrong faces wrong places

la nouvelle est tombée
elle a semé du chaos
de l'incompréhension de la tristesse et ce
ô terrible
sentiment d'injustice.
nous, on entend ça que de dehors
de loin
on s'est pas pris l'explosion, ni les éclats qui ont volé
on a juste entendu le bruit, on n'a même pas eu à se boucher les oreilles
on sait pas tout mais on en sait déjà bien trop
est-ce que j'aurais préféré ne rien comprendre ?
est-ce que j'arriverai à faire taire mes pensées ?
on raconte que la nuit faisait partie d'elle
qu'elle l'a étouffée de l'intérieur qu'elle l'a dévorée déglutie comme si
elle valait moins qu'une étoile.
c'est d'une violence qu'il est difficile d'expliquer, d'exprimer
de comprendre
d'appréhender.
alors je suis allé au bain
pour me laver
frotter
m'assurer
qu'aucune tâche ne viendra me hanter
pas d'ombre sur ma peau
sauf celle de mes ancêtres
est-ce qu'ils me protégeront ?
ah, pensée païenne -pardon, mon Dieu
c'est la peur qui parle elle m'a tordue les boyaux et pourtant, tu le sais, non ?
que je n'ai plus vraiment envie de vivre
mais qu'est-ce que ça me terrifie, la mort
tout est si complexe ; est-ce qu'on y est déjà ? dans l'antichambre au fond de la terre ?
j'aurais aimé des réponses mais ce n'est pas une foi bien explicative, que la chrétienté
les signes n'existent que pour ceux qui veulent en voir et moi
moi
j'ai toujours l'impression
de te laisser tomber.
j'ai douté.
je crois que je doute encore.
qu'est-ce qu'il nous arrive ? (nous, moi et Dieu)(nous, moi et les autres)(nous, moi et mon ancien moi)
c'est ce que je demande
au pied d'un autel presque brisé
je sais qu'il n'y a pas besoin de lieux saints pour porter sa foi mais
les gargouilles sans visage ont l'air de me fixer
les pierres semblent sur le poids de s'écrouler
l'obscurité avale les couleurs des vitraux
c'est suffocant
j'étouffe
je n'arrive pas
à chanter
psalmodier
commencer un
je vous salue Marie
pleine de grâce
le Seigneur est avec vous.
vous êtes bénie entre toutes les femmes
et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni
sainte Marie, mère de Dieu,
priez pour nous pauvres pécheurs (priez priez priez s'il vous plaît),
maintenant
et à l’heure
de notre mort.
(demain)(bientôt)(déjà, peut-être)
je pense à elle
je ne la connais pas mais
ça me prend à la gorge et
je regarde ce pauvre autel
il n'y a rien. juste quelques débris, même pas aucune vie.
j'attends. comme si, soudainement, tout allait changer.
je baisse les yeux. on est dans la réalité.
suis-je enfant gâté ? à trop attendre de ceux d'en-haut
ou juste désespéré ? à essayer de blâmer des concepts inhabités
ah
j'ai envie de pleurer
mais pas ici, pas devant lui
alors je m'en vais
doucement
silencieusement
comme pour leur laisser encore une chance
rien
rien rien rien rien le vide et moi j'ai l'espoir coincé dans toutes mes pores, pourtant il s'échappe et avec lui il emmène des partie de moi
ah.
je remonte ma capuche et
j'entends
un bruit
un nom
le mien
et rien qu'un instant
un tout petit instant
j'ai cru -----
hawk s'écrase juste à côté de moi.
ah.
et rien qu'un instant
un tout petit instant
moi aussi j'ai été si injuste avec toi
à souhaiter que tu ne sois pas là
et que mes voeux aient des sens au-delà de moi.
(égoïste)
je m'assieds à tes cotés, te propose ma main
oh wow, ça va, liam ?? tu t'es fait mal ? viens, prends ma main, doucement, d'accord ?
doucement
pour ne pas
casser mon cœur
en équilibre entre deux pentes bien peu dociles.

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Luci était là.

Son ombre d'abord, lui masque le ciel gris. Sa silhouette est si haute, si haute, qu'il a la sensation de ne jamais pouvoir l'atteindre. Pourtant, Luci est là. Il respire. Il expire, sa voix, son souffle. Hawl lui sourit, comme si de rien n'était, mais rien n'était. Il voit, le visage fatigué, les joues creusées, les mains amaigries. Luci, ce garçon esseulé, seul, laissé. Hawk ravala sa salive, il avisa la main, n'osant pas la prendre. Elle semble si petite en comparaison à la sienne. Pour une fois, la main de Liam

Lui semble plus forte que celle d'Ano.

Ano si grand, si haut, si mince, si fragile, si vulnérable. Hawk finit par toucher la main qu'il lui tend. Le contact de Liam est doux, chaud, un peu moite. Ses doigts sont agiles, habitués à plier le papier, à le froisser, à le toucher sans l'abîmer. Peut-être que lorsqu'il pressa un peu la main de Luci, son contact se fit plus protecteur. Hawk rougit un peu, il se redressa tant bien que mal. Son plan était de retrouver Luci, et maintenant ? Il jeta un oeil ailleurs, sur le côté, un peu intimidé.

« Pardon... ça va... je ne t'ai pas fait mal ? »

Alors qu'il a un trou sur son jeans, au niveau du genou. Avec Luci, le dialogue se fait plus facilement. Luci, ce n'est pas un ennemi. Mais ce n'est pas un ami non plus. Liam lui jeta un coup d'oeil, tendant l'oreille gauche vers le jeune homme, sans montrer sa bouche. Position de trois quarts pour que son audition ne fasse pas d'écart. Il tira sur son t-shirt, la chute n'a fait qu'élancer la douleur dans son bassin, mais Liam ne fait comme si de rien n'était. Il refusait d'être faible devant Ano. Ano, si grand, si haut, si mince, si triste.

Ano encore en vie.
Ano devant lui.
Bel et bien en vie.

Hawk contracta sa mâchoire, il se rendit brusquement compte que ses jambes peinaient à le soutenir. La douleur, certes, mais le soulagement était si fort qu'il était épuisé. La tension accumulée pendant des nuits venait de s'envoler, son coeur battait à la chamade ; il n'était pas heureux - le bonheur, jamais ne lui sera donné.

En continuant de rougir, Liam souffle et fixe ses chaussures :

« Je... suis... je... enfin... je suis content que tu sois là. »

En souriant, pour dissimuler la peur au fond de ses entrailles. De perdre l'un de ses re-pères. Il avala sa salive, il avait un goût de métal dans la bouche. Liam ne dit pas à Ano ce qui l'a tracassé, Liam garde pour lui la peur d'apprendre sa mort, il ne lui dira pas qu'auparavant, il est passé vérifier que son corps
corps.

« Comment tu... tu te sens ? »

Bafouilla Liam. Il ne questionne pas Ano d'un « ça va ? » Parce que lui-même sait que ça ne va pas. Ça ne peut pas aller. Rien ne peut aller dans cette ville des enfers. Il le voit. Alors, il demande à Ano, comment va le mal qui le ronge.

Creuse ses joues.
Absorbe l'étincelle dans ses yeux.
Et ne lui laisse qu'une figure délavée.

awful

Spoiler:

(don't say, don't say, don't say)

doucement
te relever, remettre le monde à l'endroit
regarder les blessures et comprendre d'où ça vient, tout ça
tout ce qui ne va pas. ne va plus. n'est jamais allé.
et c'est quand tu prends ma main tendue que tout à de nouveau du sens
(métaphore)
je ne peux pas
te laisser tomber
(filée)
alors moi je sers un peu plus tes doigts, juste de quoi montrer que me voilà, je suis là, je ne m'en vais pas
je ne faiblis pas
tu peux compter sur moi
toujours toujours promets-moi
(j'en ai besoin)
de ne pas manquer de revenir.
j'aurais pu rire à ta question mais je connais bien trop le sentiment (celui qui croit qu'on fait du mal rien qu'en respirant) alors je me contente de sourire, doucement
calmement
comme si demain n'avait pas dans ses manches quelques nouvelles tragédies
comme si je n'avais pas peur de perdre le soleil dans l'hiver qui s'annonce
comme s'il ne s'agissait que de quelques devoirs qu'on oubliera
je n'ai même pas pensé au fait que tu pouvais être mort.
je crois que c'est devenu un concept, quelque chose qui m'effraie et que je rejette
comme si refuser d'en entendre parler allait la faire disparaître
comme si ne pas la considérer allait impacter la réalité
je ne suis pas rassuré, à vrai dire plutôt stressé mais c'est ça qui,
je crois, arriverait à me faire avancer
comme si j'avais une mission à accomplir un but une destinée quelque chose qui me donne l'impression d'avoir du sens
et quand je te vois, là,
presque fragile, les joues rouges le regard fuyant les os qui craquent et les genoux qui saignent
ta voix qui grignote le reste de courage qui traîne dans tes plus vieux tiroirs
tes remous qui ressemblent à d'horribles sables mouvants
te laisse pas emporter
promets-moi d'essayer -de réussir ! de gagner
j'attends pas, je viens te prendre dans mes bras
c'est brusque au départ mais à la seconde où je te touche tout devient doux
mes mains dans ton dos un frottement paternel le contact chaleureux
regarde : je suis bien vivant et je suis heureux de te voir
je ne te dis pas que j'exige de toi que tu me redonnes
une raison
du bonheur
des directions
je suis injuste mais je n'ai pas conscience de l'être
alors dans ma cruauté je continue
et toi, comment tu te sens ? soufflé dans l'oreille
dis-moi que tu vas mal
pour que je puisse épuiser mon temps à essayer de te réparer
et pour ton genou, j'ai du désinfectant dans mon sac. mais je n'ai pas envie d'aller le chercher, enlacés comme on est, à récupérer peu à peu de l'humanité.

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Luci sourit.

Et l'univers entier devient coloré. Ses teintes monochromes et insalubres se font balayer par une myriade de nuances. Pourtant, la grisaille surplombe toujours leurs têtes, mais Hawk sent un peu de chaleur percer le froid de l'automne. Un peu d'orange et de jaune soutenir leurs yeux délavés. Lorsqu'il relâche la main de Luci, il pense aux bons mots qu'il doit trouver. Ceux qui soignent, ceux qui soutiennent, ceux qui (ré)confortent dans les dualités. Ceux qui pansent les plaies, sans mettre du sel, ceux qui sont bons et doux, chauds. Mais à peine commence-t-il à réfléchir qu'Ano se rapproche soudainement. Liam se crispa d'abord, prêt à se rouler en boule sur un coup qu'il croit voir venir.

Toutefois, ses bras l'enlacent, le tiennent contre lui.
Torse contre torse, son coeur s'embellit d'un brasier tonitruant.

Son coeur s'écrasa avec turbulence contre sa cage thoracique, si véhément que Liam rougit - encore - à l'idée qu'Ano puisse le sentir, l'entendre. Comme lui qui peut percevoir, la force avec laquelle son coeur tonne dans ses tympans, comme il peut ressentir ses battements s'éclater contre sa poitrine. Les bras le long du corps, le souffle rapide et extatique, Hawk avale péniblement sa salive. Sonné, Ano l'aurait frappé, Liam n'aurait pas été autant déconnecté de cette grise réalité. La main dans son dos lui arrache une centaine de frissons, sa peau lui parait si froide sous la paume chaleureuse d'Ano. Un instant, Liam oublie d'être Hawk, et il oublie que celui qui le tient dans ses bras, ce n'est pas Luci
Mais Ano.
Si grand, si haut.

Si impressionnant, porteur d'une lumière teintée de mélancolie. Et qui faiblis, s'amoindrit, Liam se dit : ne t'éteins pas. Je ne sais pas comment on répare les gens, moi.
Les mots sont des noeuds, il a beau s'abîmer les ongles à les défaire, ils restent des noeuds. Et les mots se coincent dans sa gorge. Liam finit par se reprendre. Écarlate, il ferma les yeux, et lentement, il releva les bras. D'un geste, similaire à celui qui froisse le papier, le défait, et le refait, le plisse, le plie, agiles et délicats, il répond à l'étreinte ainsi offerte à son âme égarée. À son tour, Liam serra Ano dans ses bras, prêt à le soutenir. Encore, et encore, encoeur, sans heurt. Pendant des heures, c'est Ano qui décidera quand ce sera fini.

Pour l'instant, Liame songe qu'il est là pour Luci.
Autant que Luci en aura besoin.
Il peut être ce que Luci veut, il ne se posera pas la question. De savoir, si c'est bien ou mal.

Le souffle à son oreille persiste contre sa chair, la perce, les mots ne se perdent pas. Pour une fois, ils lui parviennent tout entier. Liam le garde contre lui, il répond au bout d'un moment d'une voix enrouée :

« Je... j-j-je... ça-ça-ça... va. »

Parce que comme Ano, Liam garde le mal qui le ronge.

« Je... ce n'est pas... pas... pas grave pour mon genou... euh... je... »

[Quoi ? MacKenzy ? C'est ta langue que tu as perdue ?]
[Tu es tellement bon à rien que même ça tu...]
Non.

Liam inspira, il poussa un soupir contre Ano, d'un bien-être sincère qui se gargarise, se plait à sentir son torse contre le sien lorsqu'il avale l'air. De ressentir leur chaleur se mélanger. Leurs coeurs battre l'un contre l'autre, leurs odeurs.

Il était heureux de le voir ?
C'est bien la première fois que Liam, il entend une chose pareille.

« Tu... Ano... tu... p-peux... rester... comme ça... autant que... enfin... ça me dérange pas... autant que tu veux... Ano... Je... suis heureux que sois en vie. »

Sa voix a tremblé, sa voix a vacillé, rauque et fragile, jusqu'à ce que Liam trouve enfin la force de lui dire.
Ano, je suis heureux que tu sois en vie.
Et son étreinte se resserre, doucement. Liam, il espère ne pas se tromper. Il espère ne pas le blesser.

awful

Spoiler:

galimatias

je souris
et l'air devient plus difficile à inspirer à travers cette barrière de dents il est plus dense plus lourd plus sauvage et ah si tu voyais les montagnes sur mes épaules, elles ont triplées rien qu'à être imaginées dans ma tête et c'est la pluie qui vient mouiller leurs pentes jusqu'à les éroder les éroder les balayer et qu'il n'en reste que des miettes -il n'en restera même pas mes os, peut-être déjà mis à terre par d'autres bourreaux
mais ça fait briller des choses dans tes yeux alors
je continue
et j'entends -j'écoute ! les chansons de ton cœur, j'imagine les architectures qui doivent se trouver en-dedans ; les délicats bouquets de poumons, eux qui inspirent, expirent, si bien, et les branches de tes veines de tes artères, et les ponts de tes synapses, les grottes dans tes os,
ah, quelle beauté, tu ne crois pas ?
balayée par les vents que tu peines à contrôler (inspire, expire)
moi je m'accroche, mes ongles comme des griffes, et j'essaie de remplir tout ce que je peux avec un peu de toi
sentiment familier
qui, j'espère, saura me rassurer
après tout tout tout ce qu'il vient de se passer
(là, il y a un instant, mais aussi il y a bien longtemps
il y a une éternité, voire même peut-être deux déjà)
j'aimerais te dire un secret, liam, mais je ne l'ai pas encore compris moi-même
mais si je savais ! si je savais, je te dirais : on ne répare pas les gens
c'est eux qui le font, et nous, on regarde
on empêche des noyages
et on ne plonge pas sinon
à se contenter de regarder depuis le bord, à se ronger les sangs à chaque fois que la tête disparaît sous la surface
on ne répare pas les gens, on ne peut pas vraiment
mais je ne le sais pas, ou pas vraiment
alors je ne le dis pas, ou pas vraiment
et quand tu refermes tes bras autour de moi, ah, c'est presque comme si on y était, non ?
dans le monde d'avant
ferme les yeux, et imagine
entendre une voiture pas loin, et sentir l'odeur du restaurant juste là
ah
si proche, si ce n'était pour ta réponse
menteur
dis-moi que tu mens
s'il te plaît
ça peut pas être vrai.
c'est pas grave non plus si on désinfecte.
on sent l'absolu dans le bout de mes phrases, j'impose ça comme s'il ne s'agissait de rien mais si j'étais honnête je te secouerais et je te dirais laisse-moi, laisse-moi prendre soin de toi comme un frénétique qui ne sait pas s'occuper de lui
mais tu as raison, on peut rester un peu comme ça. c'est bien.
ma voix ne craque pas comme la tienne
elle n'est pas hésitante, elle n'a que le plat des gens qui n'arrivent pas à comprendre la situation (qu'ils y soient trop emmêlés ou déjà sortis)
mon menton glisse jusqu'à ce que mon nez s'arrête sur tes cheveux
j'inspire
j'ai presque l'impression
de voler des bouts de toi.

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Qu'il lui vole, ces bouts de sois.

Hawkweird, il s'en fiche un peu de son moi. Ce n'est qu'un bout d'égo, perdu dans les émois. D'une adolescence en faïence, prête à éclater sur les chemins de sa morne existence. Il sait juste qu'à cet instant, il veut protéger Ano. Ce qu'il perçoit en Luci, ce sont tous les drames internes. Dans sa peau dort un microcosme de douleur, et d'erreurs. Hawk ne sait pas être un homme ; quand il se regarde, il voit juste un crétin avec son appareil dentaire, à geindre de la mort d'un père, de la perte de ses repères. Mais pour une fois, le garçon est prêt à démontrer toute sa force. Son coeur qui frappe contre le torse d'Ano, si haut, si impressionnant, trouve une virulence toute jouasse. Alors que Liam, il enlace plus fort le jeune homme dans ses bras. Ses doigts se crispèrent sur l'habit de Luci, il ne savait pas s'il retenait sa chute, ou la sienne.

Liam sait juste que cet instant est puissant.

Il sent le poids d'Ano contre son corps engourdi, il sent sa chaleur à lui, il pressent à quel point Luci va mal. Leurs coeurs battent dans un écho sépulcral ; il ne sait pas, si Dieu lui pardonne. Et il l'emmerde. Le bien-être de Luci est plus important ; ses sentiments se mélangent, se fondent, frappent sa poitrine. Son corps est une usine de chair et d'os, de papier et de relent. Liam est bloqué. La position ne tarda pas à lui faire mal au bassin.

[Ano. Il y a tant de choses, que j'aimerais te dire.]
[La douleur que tu as laissée en moi, j'ai cette envie d'en finir.]
[Mais pour l'instant, c'est à toi que je dois penser.]
[Je ne me vante pas de te sauver.]
[Je suis idiot, après tout, ce que je peux t'offrir c'est que du papier.]
[Mais si ça peut te plaire, laisse-moi pour toujours, contre moi te serrer.]

Hawk se sentait mal à l'aise ; voilà la première fois qu'un garçon le tenait ainsi dans ses bras. Il ne savait pas faire le point dans ses émotions, qui chahutent, lui fait croire à l'amour, et lui rappelle ce besoin de tendresse qui émane d'Ano. Ano si grand, si haut, si inaccessible qui le tient dans ses bras. Il pourrait mélanger ce qu'il ressent, mais ce n'est pas de lui dont il s'agit. Ni de ses émotions d'adolescent, de cette expression d'adoration pure qu'il ressent pour Ashton. Juste... ce besoin d'être utile. Mais voilà que son bassin le fit se crisper, ses mains glissèrent dans le dos d'Ano, elles s'arrêtèrent sur sa taille. Une caresse légère ; Liam est ferme, mais attentif. Alors il prend son courage à deux mains, et il dévoile :

« Ano... j'ai du mal à rester debout. »

Pourtant cette vérité renforça la prise sur Ano ; hors de question pour Liam de le lâcher, de le relâcher. Il craint de le voir se briser dans cette étreinte. Alors Hawk murmura d'une voix chaude :

« Mais on peut... faire ça... assis, si tu veux. »

En rougissant déjà, ce n'est pas son quotidien de réclamer ce dont il a besoin. Doucement, Liam posa un genou au sol, en gardant Ano contre lui, ses mains tremblent sur sa taille. ll renifla, l'odeur du petit matin, la sueur et la douleur émanant de son épiderme. Dans son dos, il laissa probablement une trace moite. Hawk cherchait quoi dire, quelles paroles font du bien, dans une situation pareille. Il pourrait lui dire « je t'aime » d'un amour tout fraternel.

Cependant, de quoi Ano a besoin ? Le souvenir serein de ce :

« Tu te souviens, Ano ? Quand tu... tu venais à la maison... et que je faisais du chocolat chaud ? »

Quel grand naïf.
Les mots blessent.
Dans ce trépas, ils sonnent comme un blas.
Liam tu es con.

awful

Spoiler:

drapeau blanc

non, tu comprends pas, hawk
c'est pas à toi de te dissoudre sous mes envies voraces
sous mes égoïsmes qui n'ont de limite que l'impression de faire le bien
t'as pas le droit de disparaître, de t'effacer sous mes doigts parce que sinon
qu'est-ce que je ferais, moi ?
j'arriverais plus à être injuste, et je me croirais inutile, et j'irais probablement penser des choses qu'on n'est jamais sensé penser
tu vois de quoi je parle, non ? c'est un secret que beaucoup de notre âge portent
juste là, sur la carotide
c'est ni un ange ni un démon
c'est juste là
et parfois ça serre un peu plus
juste un peu.
comme nous
là
prêts à
se tenir jusqu'à
une nouvelle avalanche
de météorites, jusqu'à l'inverse
du big bang, passer de l'univers à
rien du tout mais juste, vraiment juste
nous
et pour être nous
il faut que tu restes toi
que t'en gardes tous les bouts parce que crois-moi
on dit que c'est de l'égo mais il y a d'autres choses qui restent accrochées
et d'un coup te voilà avec un peu d'amour arraché
ça a blessé ta peine alors tu te mets à pleurer
et tu ne sais même pas pourquoi
si ce n'est que le monde va mal
si mal
et quoi toi, ah
t'as plus vraiment d'amour pour toi
alors (à quoi bon ?) autant utiliser le reste à bon escient.
j'aurais aimé savoir ça
mais je ne suis qu'une âme qui a le fasciés d'un adulte
responsable
(de mes misères)
(de les tiennes)
alors moi aussi je t'agrippe quand vient le temps de se mettre à genoux
de laisser nos flancs respirer, garder le peu d'énergie qu'on peut encore leur donner
(abandonner, abdiquer, céder à cette saleté de réalité)
la terre est si basse
et tes os si fragiles
et nos corps si froids
laisse-moi te serrer encore, juste pour pouvoir respirer d'autres choses que mes pensées glacées
oui, elle est là, l'odeur de chocolat
c'est rond c'est doux oh je sens presque noël arriver, ses effluves de cannelle et de fumée
je me souviens comment oublier
toutes ces après-midi à continuer de t'user
pour quoi ?
(pour rien
pour une tempête
pour te dégoûter
pour limer ta confiance
pour la casser en deux et
pour m'en délecter)
comment aurais-je pu oublier
et peut-être n'est-ce pas une tournure de phrase
peut-être que c'est une question
une interrogation
tu sais toi, liam ? comment oublier ? ou bien est-ce que toi aussi t'as peur de plonger dans l'eau avec tes pensées qui t'empêcherait de flotter ?

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Ano répond, Liam se détend, progressivement.

Sans se séparer d'Ano, Liam descend un genou, l'un après l'autre, au sol. Il a l'impression de respirer en même temps qu'Ano, il a la sensation que leurs coeurs battent à l'unisson l'un contre l'autre. Liam ne sait pas quoi faire avec cette démonstration ; c'est un peu inconfortable. Alors comme d'habitude, Liam sourit en coin, ses doigts s'enfoncent dans le t-shirt d'Ano. Il contracte la mâchoire, et il reste là. Parce que Liam n'est pas doué.

[Hé, Ano, tu te souviens quand tu venais à la maison ?]
[Tu te souviens de lui, pas vrai ?]
[Moi je me souviens qu'il aurait préféré que tu sois à ma place.]

Liam avait la gorge sèche, il fini par fermer les yeux. Un instant, il pense qu'il pouvait arrêter de porter ce nom comme un fardeau. Celui du faucon, qui observe, épie, fixe, reste au-dessus des autres. Un oiseau de chasse, qui remarque les détails, mais qui manque toujours l'essentiel. Ne cherche pas de proie, mais à parcourir le ciel, toujours plus haut, plus loin.

« Je... je... je ne sais pas... c'est... euh... c'est juste du chocolat chaud. »

Parce que Liam, il ne voulait pas paraître immature devant Ano. Il a grandi, il s'est renforcé, bien plus qu'on ne le pense — bien plus qu'il ne le pense lui-même. Il croit que ce souvenir, c'est juste celui d'un gamin, qui attend, regarde, qu'on sert la tasse, avec des vrais bouts de chocolat dedans. Il croit qu'Ano n'y accorde pas plus d'attention que ça — il est bien au-dessus de ce genre de détails, non ?

« Je t'ai... cherché. »

Lâche-t-il, soudain, comme un bout de souffle reconnaît l'affection qu'il porte. Il sent sous ses paumes, les os, les omoplates dessinées sous l'habit. Il sent la maigreur, la solitude qui assèche un peu plus ce coeur éprouvé. Il sent la famine que laissent les corps, grossièrement enterré, il sent la fatigue qu'on tire, le fardeau qui broie les épaules. Tout ce qu'on ne dit pas, et qui scie la voix.

Les silences, qui dévoilent tout. Qui sont plus lourds que les soupirs.

Liam cligna des yeux, il cherche, dans sa tête, il cherche, il cherche. Il lui faut rassembler tout son courage, il lui faut faire face à la peur — il croit qu'il est lâche. Mais il y arrive, bout, par petit bout, avec sa prise qui se fait plus ferme sur Ano. Dans son dos, alors qu'il le garde dans ses bras.

Protecteur.

Il presse la taille d'Ano d'une main, il soupire contre son épaule. Il se racle la gorge, et d'une voix claire, Hawk dit :

« Je t'ai cherché, j'ai un truc pour toi. »

Ses ongles sont sales, cassés, il ne mérite pas de le toucher. Il inspire, il gonfle la poitrine, se fait soudain bien plus grand qu'il ne l'est réellement. Mais il ne rompt jamais l'étreinte.

« De l'origami. »

Précise-t-il, alors qu'il lâche la taille d'Ano pour glisser la main dans la poche de son jeans. Et présenter à Luci, les courbes de papier, élégantes d'une carpe.

Parce qu'on dit, que la carpe remonte à contre-courant la cascade.
Pour devenir un dragon ; l'animal de la persévérance, et de la réussite.
Car Liam croit en Ano.
Encore.

awful

Spoiler:

days to remember

moi je crois pas que les choses sont juste des choses
à vrai dire j'en suis sûr : tu crois vraiment qu'un pull c'est juste un pull ? qu'une tasse c'est juste une tasse ? qu'un stylo c'est juste un stylo ?
moi je crois que les choses s'imbriquent, parce qu'un moment c'est fait de choses, et qu'après les choses sont un petit peu faites de moments
moi je revois les tasses aux logos pas drôles, mais tellement pas drôles que ça le devenait, et je me rappelle que souvent j'avais la jaune, et je ne sais pas si tu faisais exprès ou si c'était le hasard, et une couleur c'est juste une couleur mais je crois que c'est beaucoup d'autres choses aussi
mais je ne dis rien
j'ose pas, ou alors
j'ai pas la force
parce que mes pensées sont calmes elles n'ont pas d'ennemis et j'ai si peur d'inviter des parasites en les montrant aux autres
j'ai pas envie qu'elles se fassent dévorer
c'est ma plus grande force et tout ce qui m'entraînera vers le fond
oh si tu savais
tout ce qui nous attendait
pourquoi tu m'as cherché ?
ah, ça je sais
mais pourquoi tu m'as trouvé ?
est-ce que c'est bien ? est-ce que c'est mal ? est-ce que ça s'adjective ? est-ce que on met un label dessus et on le garde sur la croix, au-dessus de l'autel, jusqu'à la fin des jours ?
tu m'as trouvé
et ça continuera
comme hier
comme demain
pas vrai, hein ?
et quand tu nous laisses respirer, quand t'autorises le reste du monde à s'inviter entre nous, wow
tu sens ?
les distances, et la proximité en même temps
l'impression d'être encore collés même à dix centimètres, séparés
d'être encore plus liés, d'avoir des pensées mélangées
le papier au creux de la paume, est-ce que tu y as couché tout ce que tu ne sais écrire ?
je ne regarde pas tout de suite, coincé sur tes yeux fuyants
et pourtant c'est les miens qui fuient
juste un peu, juste de quoi les faire briller un peu plus que d'habitude
parce que t'as pensé à moi
parce que ça fait des jours que j'ai l'impression que le monde est froid mais toi tu débarques et t'allumes toutes les bougies qu'on avait oublié au fond du grenier
parce que t'as pris ton temps, parce que tu m'as cherché, parce que t'as pas abandonné (malgré
---- ai-je le droit ? de tout gâcher ? (malgré
tout ce que je t'ai pris sans le savoir, et tout ce que je crois savoir ne pas mériter))
je regarde et moi
je ne sais pas ce que ça veut dire
la carpe, pour moi, c'est un repas c'est quelque chose qui nourrit qui se partage
et quand je vois, j'admire, toutes les pliures
la délicatesse, l'art
j'ai encore les yeux qui brillent
liam, mais liam, c'est magnifique ! j'arrive pas à en enlever les yeux et
tu vois
est-ce qu'un bout de papier, c'est juste un bout de papier ?
moi j'y crois pas
mais avec la pluie il va être humide ! il faut que je trouve un endroit où le garder au sec ! mais j'ai envie de le regarder aussi ! et il faudrait pas qu'il tombe ! oh mais, attends ! je sais. regarde. je vais faire un petit trou là, au bout de la queue, indique mon index, et j'y passerais une chaîne. ça sera un collier ! le sourire est revenu, forme arc-en-ciel
le plus beau des présages juste sur son visage

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Liam ne sait pas bien.

Il n'a jamais été bon pour décrypter les émotions des autres, c'est comme reconstituer un puzzle sans parvenir à mettre les pièces dans le bon sens. Il sent la joie dans la voix d'Ano, et ça réchauffe son coeur, ça détend la crispation dans ses épaules. Liam ne répondit pas de suite, il laissa Ano apprécier la délicatesse du papier, la figure qui s'étire, se plie, reprend forme. Le papier n'est pas si aisé à travailler, à maîtriser ; l'origami, voilà la seule chose dont il pourrait parler pendant des heures. L'origami, ou l'art de comprendre, sentir, avant de chercher à tout contrôler.

Alors les compliments d'Ano, c'est comme un pansement sur les plaies, comme du scotch qui solidifie son assurance bancale. Liam hoche la tête, il écoute, il sent l'inquiétude, il veut dire que ce n'est pas grave, si le papier s'abîme ; il pourra lui en faire des centaines, autant qu'il le veut, si c'est pour entendre autant de vie dans sa voix. Liam regarde les mains d'Ano, les siennes, la carpe. Il aime bien les carpes, il aime les symboles que forme le papier. La carpe qui se transforme en dragon, la carpe qui remonte le courant ; Ano parviendra-t-il à se dresser face à la cascade ? L'affronter sans s'effondrer, et revenir en haut ?

Liam a comme un doute.

[Tu es tellement nul que tu ne sais pas lire entre les lignes.]
[Qu'est-ce qu'il y a entre les lignes ?]
[Autant de non-dit, autant de silence, autant de douleur.]

Liam sourit, malgré tout, parce que sourire, c'est la seule chose dont il était capable. Sous-rire, assurer que tout va bien, sans révéler la vérité. Il répond alors à Ano :

« Oui, il suffit de la vernir avant de mettre la chaîne, et de la colle. J'ai déjà vu ça. Des bijoux en papier. »

Liam est fier de lui, Ano est ravivé. Par le présent, par la chaleur qu'ils partagent maintenant. Les émotions étaient calmes, la tempête redevenait un vent tranquille. Liam, ne le lâche pas, Liam le garde contre lui. Il veut aider Ano, mais il ne sait pas comment on fait. Il ne veut pas être blessant, il ne veut pas être lui. Comment son père aurait géré la situation ? Parce qu'il sent, sous ses doigts, les os, la maigreur, le chagrin que renferment les sourires. A-t-il le droit de lui dire qu'il lui a manqué ?

De lui avouer, que lui aussi (Luci), Liam avait cru l'avoir perdu.

« Tu manges correctement, Ano ? »

Liam n'était plus un enfant, Liam n'était plus gamin qu'on peut ménager. Liam, il se rendait des comptes, il sentait, Liam s'inquiétait. Il posa le front contre l'épaule d'Ano, son étreinte se raffermit doucement, mais c'était soudain. Il n'avait pas pensé à lui demander l'autorisation, il n'avait pas songé que ça pouvait le gêner. Liam avait réagi spontanément, en se disant que pour une fois, c'était à lui de protéger Ano (Luci).

awful

Spoiler:

ship to wreck

regarde l'arc-en-ciel sur mes joues
sur mon visage et sur les étincelles qui tournent tout autour
ne t'inquiètes pas du soleil et de la pluie : c'est nécessaire pour faire les plus beaux éclats
tu sais c'est dans les moments comme ça (ceux où je suis heureux mais triste au fond) qu'on se rend compte qu'on ne peut expliquer les émotions qu'en les comparant entre elles
j'ai soudain la certitude que pour apprécier ton cadeau, je devais avoir survécu aux orages, et au autres mauvais présages / présents
et pour apprécier ta personne, j'ai dû aller plus loin encore ; là où on n'aime personne parce qu'on n'arrive pas à tous leur laisser son cœur
mes yeux détaillent la délicatesse et oh, ça change tellement de ton écriture grossière, de ces 3 qu'on prenait pour des 9, et des C- qui décorait mal chaque copie ; ça change des tasses renversées, et du grand corps recroquevillé comme si ça pouvait te rendre moins grand, moins important, moins valables
mais moi je sais pas ce que ça fait, une carpe
je sais pas tout ce qu'on en dit dans des pays loin d'ici, et tout ce qu'elles font dans nos rivières
j'y associe même pas les koï et leurs belles couleurs ; le yin, le yang, et ce recommencement qui refuse de s'installer dans mon cerveau
ohhhhh !! oui, il faudrait faire ça ! comme ça elle restera longtemps avec moi, et la chaîne n'abimera pas le papier ! c'est génial ! tu sais quelle vernis ? tu l'as déjà fait ? c'est difficile ? ça demande de l'entretien ? il faudra le refaire ? ah, il faut le laisser sécher un bon moment j'imagine ! et moi je babille sur des choses dont on s'en fiche (là, maintenant, tout de suite
des trucs que je n'ai pas à savoir, mais je me suis toujours trop intéressé à ce qui rend les autres heureux
comme si, dans le lot, je trouverai moi aussi ce qui allumerait la grande lumière
moi j'ai toujours cru que les passions c'était sans ombre aucune ; j'ai jamais imaginé que des lampadaires c'était tout ce qui fonctionnait vraiment
ah ! pour les autres, pourquoi pas
mais jamais, jamais pour moi)
et quand tu demandes moi j'ai ma
gorge qui se noue mais ça se voit pas parce que je rigole
je lance ma tête en arrière (celle encore griffée du vent et de tout le reste)
ma gorge, oh, c'est un démon comme un autre
elle s'est inversée depuis la tempête ; incapable d'avaler quoi que ce soit, prompte à vouloir faire ressortir le moindre trop qu'on y insère
mes dents, si tu les entendais, quand elles croquent ce qu'on leur donne : c'est un crissement digne des enfers, une musique ratée, une craie sur un tableau
et ma langue ! trop humide, véritable éponge mais j'ai jamais soif, c'est pas ma faute
et j'ai jamais faim, mais c'est mieux comme ça, non ? ça fait moins de nourriture à trouver
à mâcher
à sentir
à avaler
à digérer
je te jure, c'est éreintant
bien sûr que oui ! bien sûr, ça vaut pas le fameux chocolat chaud, ahaha, mais de toutes manières déjà à l'époque aucun d'autre n'était comparable. regarde l'arc-en-ciel
les nuages sont sur le tableau mais ils se doivent d'être là, tu sais
sinon
il n'y aurait pas le reste

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

« De la résine. »

Répondit Hawk, le sourire aux lèvres face à la joie de Luci. Liam ne voyait pas le mensonge dans sa lumière, il se contentait de s'en abreuver, persuadé qu'Ano était là et « heureux ». Ah. Quel idiot. Il sent, pourtant, toute la maigreur de ses os sous ses paumes. Il ressent, tous les battements fébriles de son coeur, contre son torse. Pour une fois, c'est lui qui est plus fort. Mais Liam ne pense pas à ça, ce n'est pas son genre, non. Il constate seulement, il savoure le bonheur fragile de le savoir en vie, lui. Il n'ose pas poser des questions sur sa famille, il n'ose pas mentionner le décès de son père. Alors quand Ano se pare de sa plus jolie lumière pour mentir, Liam pousse un soupir de soulagement. Pourtant, encore, il les sent bien ses os sous ses doigts.

« Tant mieux. »

Si Ano a maigri, Liam a pris en muscle. Les explorations lui donnent du fil à retordre, et souvent, c'est lui qui ferme la marche, constate ou non les dangers. Les souvenirs de son père encore présents dans son crâne, survivre reconnaître les chemins que les animaux empruntent souvent. Jamais il n'a été aussi utile de sa vie pour les autres.
[Et t'es inutile, tu ne sers à rien.]
La petite voix lui souffle le contraire.

Hawk inspire, il serre Ano plus fermement dans ses bras. Ses cheveux sentent la pluie et la sueur, il sait qu'une fois retourné chez les Green, il se fera gronder pour avoir de nouveau fui ses responsabilités. Cependant, il y a des choses plus importantes que Madame Blackwood et ses airs sévères. Il avale sa salive, et il pense à Ano, à sa solitude. Et il dit, Liam :

« Si tu as besoin de... si tu as besoin de moi, j'ai rejoint des survivants, ils se font appeler les Green. Je... il inspire, et il reprend : on ne vit pas trop mal. Tu seras toujours le bienvenu, si tu as besoin, d'accord, Ano ? »

Hawk soupire, il a les mains qui tremblent un peu, le froid pénètre ses vêtements, et le fait frémir. Il lève un oeil vers l'église et la gargouille, qui veille, sommeille presque. L'arbre était tellement imposant au centre. Il sait que les Green aiment s'y réunir, parfois, et se donner à la religion. Hawk désigna alors l'église.

« On y vient parfois. »

Une façon de souffler : viens, si tu ressens le besoin. Il sourit, il cligne des yeux. Quel drame pour un faux-con de voir mille détails, retenir en lisant une seule fois le tableau des 151 pokemons, mais d'être incapable de constater le mensonge, ou de retenir les tables de multiplication qu'Ano essayait de lui faire rentrer dans le crâne. Il préférait l'origami aux mathématiques, c'est pourtant un semblant de géométrie, le papier qu'on froisse et qu'on plie.

« Et c'est pas grave, je peux t'en faire plein, de l'origami. »

Lâche-t-il alors.

awful

Spoiler:

flowers

oui, de la résine
et ça restera un peu plus éternel en vrai (parce que dans ma tête, crois-moi, je m'en souviendrais encore des moins après qu'il soit tombé en miette, ce collier)
et peut-être qu'un jour on en fera un pour toi, et alors j'y mettrai oh si tu savais
mes quelques traces de confiance en moi
la confiance qui parfois fait surface
l'amour que les autres m'ont donné pour moi
et comment accepter les compliments qu'on n'entend pas / qu'on ne croit pas
ça sera difficile mais pour toi, je crois que ça ira
on fera ça un jour hein, liam
et tu verras, parfois il y a des choses qui nous y font croire
(pas à Dieu, ça je ne sais pas si un jour j'arriverais à
avoir la même foi qu'avant)
et j'aimerais bien t'aider toi aussi, comme moi tu m'as secoué sans le savoir et
je sais que j'ai été quelqu'un d'horrible sans même que tu ne le saches mais
j'a pas le courage pour les excuses, pour affronter ta gentillesse qui excuse tout, pour expliquer tout ce que j'ai détesté chez toi, utilisé chez toi, profité chez toi
mais passons -je n'en parlerais pas de toutes manières alors
allons plus loin, ailleurs, sur des choses plus heureuses
viens on parle pas d'os, pas de nourriture, pas de santé
viens on se contente d'être un peu heureux parce que moi là
j'ai du mal et j'aimerais juste
souffler un peu
arrêter de mentir et me faire croire que tout va bien
penser que pour de vrai, ça va
ça va
ça va, je te promets (menteur)
regarde ! mes deux pieds arrivent à me porter
(et parfois ça tourne quand je me lève trop vite et je dois me rassoir sinon je tomberais,
et parfois il y a des flash blancs devant mes yeux et je plisse mais rien ne se passe
et parfois mes ongles sont si cassés qu'ils saignent tous seuls
et parfois mes cheveux tombent tout seul mais au moins ça fera des nids pour les oiseaux)
je me laisse aller quand tu affirmes ta présence et oh, liam
tu as changé, tu sais ?
mais c'est bien,
c'est bien.
c'est mieux.
et tes bras autour de moi, soudainement, je veux juste dormir
là, contre toi, et peut-être que quand je me réveillerais j'aurais à nouveau un appétit
là, contre toi, et peut-être que j'aurais le courage d'accepter ta proposition
je sais, enfin je crois, que ça serait mieux
moi je suis animal grégaire, la solitude elle ne sait que tisser des cauchemars avec le noir de mon ombre
quand je suis livré à moi-même je prends de mauvaises décisions dans ma tête et personne n'en sait jamais rien parce que je mens pas trop mal, et parce que je m'intéresse aux autres -tu sais, ces derniers temps, on avale l'attention encore plus qu'avant et c'est pas votre faute c'est juste moi qui ne sait pas vivre seul oh comme je suis pathétique à me plaindre à quelqu'un qui n'a plus de famille du tout
j'aime la force dans ta voix, la manière dont tu installes tes mots
j'aimerais te dire merci mais c'est bloqué et c'est pas faute d'avoir essayé
alors à la place, je me replace contre ton cœur pour faire taire ces frémissements de froid (de dé-foi)
quand tu parles de Lui par omission, quand tu mentionnes cette religion qui nous a pour un temps rapproché, ça fait comme un trou dans la poitrine
comment te dire ? que c'est moi qui ait fait tout ça (ma tombe ou le dôme ?)
et que je ne sais plus si je crois
c'est difficile déjà de le penser, comment je suis sensé savoir former des mots depuis la vapeur de mes doutes ?
tu fera un origami pour toi, et je le vernirais, et ça te fera un collier, d'accord ?
j'arrive pas à répondre de suite
mais ma voix elle flanche, elle se voulait entraînante mais là, mes muscles abandonnés contre ta carcasse et mes idées plus agitées que jamais, je
ah
il est temps
je n'arrive plus à dire mes prières
ma salive est acide, soudainement
comme quand je lance ces notre père sans aucun esprit derrière
j'y arrive plus pourtant j'essaie j'ai tellement essayé mais je crois que je Lui en veux et je ne sais pas
qu'est-ce que c'est, tout ça ?
est-ce que c'est Lui ce cadeau au bout de mes doigts ?
est-ce que c'est moi qui espère ?
j'essaie
je comprends pas
ça sonne faux
et moi je me noie
les yeux mouillés

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

L'aveu sonne comme un glas dans ses oreilles, il résonne, il assomme les autres sons, jusqu'au bruit de ses propres pensées. Liam ne réagit pas de suite, mais il ne recula pas, et il ne relâcha pas son étreinte pour autant. Il vit les larmes pointer dans le regard d'Ano, et rapidement, son cerveau toujours si lent parvint à conclure la situation. Les gens pleuraient parce qu'ils étaient tristes. Ils pleuraient parce qu'ils avaient mal. Hawk serra la mâchoire, il fit grincer ses dents les unes contre les autres, puis il garda Ano contre son torse. Il eut l'envie de plonger les doigts dans ses cheveux - et s'il l'avait fait, en aurait-il eu entre les phalanges ? Aurait-il compris ? -, mais il n'osa pas. Alors tout d'abord, il se contenta de soutenir Ano avec son corps, avec la chaleur qui se dégageait de sa poitrine, et avec la fermeté dans ses bras.

[Tu es nul.]
[Tu es le pire de tous.]
[Ton cerveau est monté dans le mauvais sens.]
[Et qu'est-ce que Marshall dirait ? Papa avait toujours les bons mots.]

Hawk ne croyait pas en Dieu. Sa foi n'était qu'une question d'habitude, et il ne pouvait pas envisager à quel point tout cela était important pour Ano. Néanmoins, il voyait la douleur, elle transpirait de tout son être. Alors Liam, il cherche, il fouilla dans son crâne, les paroles qu'il faut rendre dans ces moments-là.

Mais il ne trouva que le vide.

Il n'y avait pas de mode d'emploi, il n'y avait pas de conduite à avoir, comme un PNJ scripté dans un jeu vidéo. Il ne pouvait faire que sourire, mais ce n'était pas la solution. Hawk posa le menton sur son épaule, il gonfle la poitrine, et au final...

Il dit ce qu'il pense, avec sa douceur à lui, avec ses considérations basses.

Dieu, Liam l'emmerde.

« Est-ce que c'est grave ? »

La question est naïve, peut-être, mais est-ce si important ? Liam est bien placé pour le savoir à quel point tout est faux. L'altruisme des gens, les normes, ce ne sont que des miroirs sans teint.

« Je pense que c'est normal de ne pas y arriver, quand tu es tout seul à affronter tes démons, Luciano. Et je crois que tu n'as pas à t'en vouloir. »

[Il n'a jamais été là.]

« Tu as le droit de pleurer, tu as le droit de craquer, tu as le droit. »

Répéta Liam, comme une prière, une certitude. Il ferme un instant les yeux.

« Tu as le droit d'arrêter de sourire, si tu en as pas la force, tu as le droit de ne pas prier, si tu n'y arrives pas. Tu as le droit de t'accorder une pause. Et tu as le droit de te reposer sur quelqu'un. »

Hawk se redresse un peu, le fixe, et il sourit.

« Tu peux te reposer sur moi, je suis là. »

Il marque un silence, il continue de sourire, avec le sentiment que c'est la seule chose qu'il peut faire correctement.

« Et je viendrai, avec un origami, on y mettra de la résine. Je viendrai avec du chocolat chaud, et des cookies. »

Pas besoin de le dire à voix haute.

C'est une promesse.

Pas besoin de le dire à voix haute.

awful

Spoiler:

clouds

les muscles qui s'affaissent,
on pourrait croire que je baisse épée et bouclier mais j'en ai jamais eu
moi, mes bras sont en l'air comme le Christ sur sa croix
comme pour faire de moi une meilleure cible
au final, je me suis tué seul
(avec la fatigue, l'exténuation, le temps)
liam -j'aimerais que tu ne sois pas ma croix
moi je ne veux pas que tu sois cloué, là, liés par un secret qui t'oblige encore à me soutenir
de corps et d'esprit
non, ça serait bien injuste, que de t'épuiser à ton tour
et quand tu parles j'ai un bourdonnement dans les oreilles ah j'ai du mal à me concentrer (tout est parasité)
alors tu dis que je suis seul ? donc tu ne veux pas être là avec moi ?
ah
il y a un instant je voulais t'épargner à tous prix, et maintenant que tu le veux aussi, j'ai la rage qui monte (de quel droit tu m'abandonnes alors que je te dis tout ça avec tant de sincérité, alors que tu vois bien que je suis sur le point de faire plus que craquer)
tu le proposes, hein ?
tu sais, j'aurais pu prendre sans ton accord, parce que de toutes manières tu te fais toujours marcher dessus, et que t'as jamais su rétorquer
tu sais, t'aurais pu naviguer dans ma tête et tout m'enlever, parce que c'est bien ce qu'il reste à faire
mais non
t'es doux
patient
t'écoute, tu proposes, t'essaies
tellement plus que moi déjà, si tu savais
j'ai tenu parce que c'est pas bien d'être comme ça
j'ai tenu parce qu'on me laisse tranquille, parce qu'on en dira rien
j'ai tenu parce que j'arrive pas à en parler, ça me fait des trous noirs partout dans le corps (détruit par soi-même, le vide)
oui c'est grave c'est une toute petite voix c'est de ma faute (de ces phrases qui vont si vite dans la cervelle qu'elles n'ont plus de sens lorsqu'elles sortent enfin plus loin) je suis tout seul parce que je déteste l'arrogance que j'imagine à ceux qui proposent leurs aides et parce que je haïs l'innocence que j'attribue à ceux qui ne voient rien et parce que j'abhorre les faux aveugles que je distingue à travers mon propre manque de sens dans ma tête et dans ma bijouterie et dans mes voyages et dans mes requêtes et dans mes aventures et dans mes discussions, est-ce que tu as déjà senti ?
à quel point tout est vide.

je n'ai pas envie de ne pas prier. enfin -j'en veux au Ciel de rendre ça si difficile, de ne savoir parler notre langue, de me laisser me perdre
c'est une chose qu'on lit beaucoup dans les Livres Saints
comment on laisse les voyageurs de foi divaguer, et qu'ils en ressortent plus forts une fois qu'ils se sont retrouvés
moi je me demande : pourquoi imposer ça si c'est si difficile ? est-ce qu'on peut vraiment ne pas laisser des parties de soi se vider dans le désert du voyage ?
je veux juste savoir
et après, laissez-moi
ou alors, peut-être devrais-je me laisser avant de ne connaître mot de la vérité.
j'aurais pu éclater en sanglots mais je n'ai pas cette énergie
l'eau et le sel roulent sur mes joues, doucement, comme une pluie indécise
mon visage est si froid qu'on pourrait le croire presque mort
c'en est trop pour moi.
un origami, de la résine, des cookies, du chocolat chaud
une promesse.

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Ah. Liam peut ressentir, il ne peut pas comprendre ; les mots, ils s'éloignent de son oreille, et se perdent dans le vent de l'église. Mais il ressent toute la douleur dans le corps qu'il tient, il sent les membres amaigris et la fatigue. Luci peut le détester, Luci peut lui marcher dessus, l'insulter, Liam ne répliquera pas.

À quoi bon ?

Lui, il ne voit que la douleur, l'épuisement, et les prières qu'on a plus la force de souffler. Liam ne desserre pas son étreinte, et il continue de soutenir Luci avec tout ce qu'il peut. Il n'a rien à offrir, si ce n'est sa douceur, et sa tempérance.

Hawk ne se met jamais en colère.

À quoi bon ?

Ano souffre, à quoi bon lui en vouloir d'aller mal ? Ce n'est pas l'aider, ça.

[Comme tu as grandi Liam]
[Comme tes bras sont devenus plus fort]
[Comme ton âme est devenue plus robuste]

Seul. Dans sa tête. Hawk sait bien ce que ça fait, pour une fois les mots font écho aux choses qu'il a déjà ressenties. La douleur d'être soi, la vacuité d'une existence qu'on ne comprend pas. Son bassin lui fait mal, son dos ne se remettra jamais du poids qui est resté pendant

trois jours.

Hawk gonfla la poitrine, et il sourit, il ne faisait que toujours sourire. Lui aussi, il sait mentir Luci, tu sais ? Bien plus fourbe qu'il en a l'air ; heureux sont les simples d'esprit, ils maintiennent l'illusion profondément. Oh. Ano ne devinera jamais ce qu'il a traversé, et Hawk n'en parlera pas.

À quoi bon ?

[Ce n'est pas de lui dont il s'agit]

« Je comprends. »

Hawk n'impose rien, ni sa douceur, ni sa gentillesse, il ne sait juste pas quoi répondre, alors il se contente d'être là. Dans sa tête, il est une plante verte [INUTILE], pourtant son étreinte est chaleureuse, ses mains sont abîmées, mais ses bras continuent de soutenir Luci.

« Oui, on fera ça ensemble, je te montrerai. »

Pour une fois, Liam n'est pas direct, et ses paroles veulent dire : je reviendrai pour toi. Pas besoin de le dire, non ? Ano doit le savoir, ou il ne se doutera pas de ce qu'il aura en tête. Et il essaye Liam, avec toute sa volonté et la candeur qu'on lui prête :

(celle dont on bafoue le nom : l'honnêteté)

« Je suis là, Ano, je ne peux pas être dans ta tête, ah toujours pragmatique, cette naïveté agaçante, non ? Et il n'en démord pas : moi aussi, je suis seul dans ma tête, et il parait qu'elle est vide, est-ce que Luci l'a pensé autrefois ? Liam ne sait pas, et il n'a pas envie de le savoir, alors il continue : mais on est là, ensemble, et je serais là, d'accord ? Autant que tu en auras besoin. Je suis pas le plus doué pour comprendre les sentiments, mais je peux essayer. Et pour les prières, on peut faire ça ensemble, si tu veux. »

Et Hawk inspire, il se redresse un peu, fixe son regard noir dans celui de Luci. Il ramasse la fatigue au coin des yeux d'un mouvement de pouce.

« Tu as le droit de te reposer sur moi. »

awful

Spoiler:

witchcraft

c'était presque une formule magique
une liste d'ingrédients à glisser dans le chaudron, un rendez-vous à salem sous des nuages qui nous cacherait de tous ces yeux indiscrets, perchés là-haut (tout en haut)
comme ça on essayera chez d'autres déités sans risquer de se mettre l'ancienne à dos
et si ça fonctionne pas,
on recommencera
ou alors on abandonnera
nous, les délaissés
les voyageurs, les traverseurs de désert qui ont décidé de rester aux bords de oasis
qui en ont marre de devoir toujours tout prouver comme si la parole n'avait aucune vérité
nous -moi ! moi, j'ai cru tout ce que Tu as dit, toutes les paroles qu'on T'a donné, tu n'as rien eu à prouver dans ma réalité ; alors étais-je naïf ? impatient ? trop hâtif de me faire accepter plutôt que de choisir à qui (quoi) me donner ?
et si je Te laisse maintenant
qu'ont voulu dire toutes ces années ? ces dimanches et ces étés ? des prières et ses beaux gestes ? (en mémoire de Toi)
si je Te remplace par du vide, je deviendrais trou noir
peut-être que je le suis déjà un peu
à moitié creux, une écorce qui a perdu son tronc parce qu'elle a cru la mauvaise termite
celle qui ne l'a pas aidée à devenir le plus bel objet d'art / la plus utile des cannes / le plus sage des arbres
tu sais, liam, au fond on ne s'est rien dit
moi je sais pas (ah ! je ne sais pas que je ne sais pas) tout ce qu'il y a dans tes os mais toi t'as rien vu de ce qu'il y a dans mes yeux
on a tous les deux été témoin de murs qui s'effondrent.
qu'est-ce que je peux répondre ? tu n'es pas celui que j'ai demandé
mais peut-être (ah !) celui dont j'ai besoin (verrais-je à nouveau des signes ? cesse, luci
ce ne sont que des chenilles qui ne seront jamais papillons)
alors je ne te crois pas quand tu dis que tu comprends (je crois que personne ne peut comprendre personne, ou si peu qu'il en devient ridicule que d'utiliser un verbe pareil ; on comprend des maths, de la biologie, des notes de musique -peut-on comprendre la foi ?)
mais tu es là
c'est
un fait.
on est seuls (dans nos têtes), ça aussi c'est bien vrai
et voilà ! à te contredire ; comprendre, ne pas comprendre, prier sans le penser -quelle hérésie !
mon esprit devient nuage
il ne veut plus parler, chaque mot tord des choses entre les côtes, et ça placarde des planches sur tous les côtés de sa tête (depuis l'intérieur, et à chaque nouveau clou il y a encore un peu moins d'espace qu'avant)
d'accord alors.
faisons ça
et moi je mets ma tête sur ta cuisse (ce qu'il en reste)
je me repose
sur toi
j'ai pas les yeux fermés parce que je veux encore m'assurer que je peux voir
mais tout le reste, on dirait presque que ça n'existe pas
oui, on fera ça ensemble
oui
on fera ça
je sais que tu t'en souviendra

Spoiler:

Stigmata

Luci & Hawk

Malgré le froid sur sa peau, malgré l'ombre écrasante de l'église érigée devant eux, Liam ne se sent pas mal.

Il n'aspire qu'à la quiétude, celle que souvent la solitude lui offre. Ses bras refusent de relâcher Ano, ils sont plus forts et fermes qu'avant, il a la sensation que s'il ne le regarde pas, que s'il ne veille pas assez bien sur lui, Ano finira par disparaitre - lui aussi. Alors Liam lui donne toute l'attention qu'il peut, il cligne peu des yeux ; il ne veut pas le voir s'enfoncer plus loin encore. Il lui faudra du temps pour dénouer les mensonges qu'Ano a pu souffler, il lui faudra du temps pour comprendre.
Mais il sera là.

Au fond, Liam pense toujours qu'il est inutile et incapable. Mais il sera là. Avec sa bonne volonté, sa maladresse, et ses yeux qui voient plus loin que cette église et son arbre au centre. Il gonfle la poitrine, et il sourit en coin lorsqu'il constate qu'Ano le prend au mot. Il ne sait pas s'il s'endort, il l'entend, mais une partie des mots se font manger par la surdité. Il continue de sourire, et il attend un peu.
Au loin, le soleil s'érige dans l'horizon, paré de ses nuances ; l'on dirait un phoenix qui se réveille et s'envole. Hawk le contemple sans un mot, avant de se défaire de son sweat, et de le déposer délicatement sur Ano en silence. Le tissu est épais, avec sa chaleur et son odeur. Il fait attention à ce qu'il recouvre un maximum ses épaules et son dos, afin qu'il n'ait pas froid. Et il garde le silence, Liam, laisse ses pensées vagabonder vers l'horizon et sa beauté.

Lorsqu'il repose ses yeux sur Ano, il voit les cheveux, moins noirs que les siens, moins épais et plus fins.

Et il fronce les sourcils.
Sans rien dire, sans rien accuser, il remonte un peu plus le sweat sur les épaules d'Ano.

awful

Spoiler:

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