feeling pain is the best way to feel alive ─ feat hawk [24/09].

Agitation, commotion, chaos, voilà les situations dans lesquelles Louise se sentait le mieux. Alors que d’autres s’épanouissaient dans le calme, profitaient des moments d’accalmies qui leur était offert, Louise elle, avait horreur de ça. Pire encore, ces moments lui faisaient froid dans le dos. En tant que chirurgienne, à partir du moment où elle n’était pas en congé, elle devait toujours être sur le qui-vive, ne sachant jamais véritablement quand on pourrait avoir besoin de ses services.

Sauf qu’à Arcadia-Bay, il n’était pas rare d’être dans un calme plat. C’était même plus commun que l’agitation générale, en tout cas depuis quelques semaines. Et lorsque tout était si paisible que la blonde avait même le temps de réfléchir au sens de la vie, cela l’horripilait. Il fallait lui trouver une occupation, n’importe quoi pourvu qu’elle fût active. C’est tout ce qu’elle demandait.

Et logiquement, alors qu’elle trainait à l’extérieur de l’hôpital, profitant d’une petite pause, au lieu de rester là en faisant le pied de grue ; elle se mit à observer les gens qui étaient de passage. Non sans une certaine condescendance malgré tout, comme c’était de coutume avec elle. Louise n’avait pas peur de le dire ; elle se pensait sincèrement meilleure que d’autres et elle l’assumait complètement. Elle pouvait bien évidemment avoir du respect pour cette personne, mais cela ne l’empêchait pas de se croire au-dessus.

Et c’est alors que son attention se reporta sur un élément du décor ; qui paradoxalement, faisait tache à cet endroit précis : des fleurs émergentes entre les fissures du béton. Elle ne se souvenait pas de les avoir vues avant, mais se fit simplement un petit commentaire dans sa tête avant de passer à autre chose.

La nature reprend peu à peu ses droits ? Les irréductibles petites fleurs qui se battent contre l’envahisseur de béton. Vous avez raison mes beautés, il ne faut pas se laisser faire !

Elle accompagna sa réflexion d’un petit ricanement et son attention fut soudainement attirée par une petite cohue à quelques dizaines de mètres d’elle. Trois énergumènes qui semblaient répéter une scène ou quelque chose dans le genre ? En y regardant de plus près, pas vraiment. Curieuse de savoir ce qu’il se passait, elle s’approcha. Elle constata alors un jeune qui peinait ne serait-ce qu’à tenir debout et des individus qui le soutenaient en entourant ses bras autour de leurs épaules.

Louise apostropha celui qu’elle trouvait le moins ahuri du trio :
─ Vous savez que ce n’est ni l’endroit ni le moment pour faire votre cinéma ? Elle ravala rapidement ses paroles lorsque son regard scruta de plus près celui qui semblait le plus mal en point, avant que son interlocuteur ne lui adresse la parole :
─ Vous travaillez ici ? La blonde acquiesça d’un rapide signe de tête et il reprit : s’il vous plait, aidez-nous, le gamin ne se sent pas bien.
─ Ah bon ? Il m’a l’air de péter la forme pourtant. Parce qu’un petit peu de sarcasme ne faisait jamais de mal, elle ricana de sa blague de mauvais goût avant de reprendre : je vois qu’on a laissé son humour à la maison. Alors, alors, qu’avons-nous là ? Elle s’approcha du jeune homme qui tenait à peine debout, celui-ci avait la tête plongée vers le sol. Louise la releva en plaçant son index sous son menton avant de reprendre : pauvre petit chaton… il a effectivement l’air un peu mal en point.

Dans un soupir à mi-chemin entre soulagement et agacement, elle demanda au blessé :
─ Il a un nom le chaton ? J’aime bien savoir à qui je fais profiter de mon… expertise.

Aucune pitié visiblement.
Ou bien Louise estimait simplement que l’état du jeune homme ne valait pas un affolement particulier.
Un peu des deux ?
Allez, partons là-dessus.

Le chaton avait un nom : Liam.
Le jeune homme était visiblement en mesure de comprendre ce qu’on lui disait et bien que celui-ci était dans un état pitoyable, la blonde ne montra aucune pitié pour autant. D’un sang-froid à toute épreuve, pas inquiétée pour un sou, elle comprit tout de même que le chaton avait besoin de soins ; rapidement si possible.

Comme à son habitude, elle prit rapidement les choses en main, dans un premier temps, elle s’adressa aux deux bons samaritains ayant aidé le jeune homme à se rendre ici et elle leur donna des directives à la fois simples et claires :

─ Vous deux, vous allez à l’intérieur et vous demandez à ce qu’on vous prête un brancard. Dites que vous venez de la part du docteur Dolce Milani qui attend sagement à l’extérieur. Vous l’avez transporté jusqu’ici, quelques mètres de plus ou de moins… à défaut d’avoir l’air malins vous avez l’air costauds, c’est tout ce dont j’ai besoin maintenant. Je m’occupe du chaton en attendant.

Dit-elle d’un ton autoritaire. Pour une fois ses ordres ne furent pas disputés, sans doute parce qu’il en valait de la santé d’une personne… les deux ahuris avaient au moins un certain sens des responsabilités, ils s’exécutèrent, laissant la blonde seule avec son… patient ? Oui, on pouvait aisément le dire. Elle prit soin de manipuler délicatement son corps afin de le mettre dans une position assise, plus confortable, en appuyant son dos contre une barrière proche d’eux.

Dans le même temps, elle s’assura que le jeune homme restait conscient en claquant des doigts devant son visage pour attirer son attention :

─ Eh, ne me quitte pas des yeux chaton, ça ne devrait pas être difficile vu mon joli minois. Parce qu’une petite pointe d’humour ne faisait pas de mal, elle reprit plus sérieusement : Liam hein ? Moi c’est Louise. Louise Dolce Milani. Ou docteur si tu préfères. Les gens me surnomment Asclépios. Je ne sais pas si c’est ironique ou s’ils respectent véritablement mes compétences… mais j’ai comme l’impression que même le cas échéant, il y a une part de moquerie dans ce surnom. Bref.

Sans être forcément en mesure de lui administrer les premiers soins, elle commença toutefois à l’ausculter pour tirer un premier constat sur l’étendue des dégâts. Spoiler : il était salement amoché le petit Liam. Et bien que Louise se demandait comment il s’était débrouillé pour se mettre dans un état pareil, elle resta professionnelle dans un premier temps, reportant ses questions à un moment et un endroit plus propice ; enfin… autre part que là où tout le monde pouvait les voir et les entendre.

Et pendant ces quelques minutes d’attente, Louise prit bien soin de garder le jeune homme éveillé malgré son état, continuant à lui parler, vérifiant qu’il l’écoutait en le forçant à acquiescer à chaque fois qu’elle posait une question aussi banale soit-elle. Et lorsque le retour des deux ahuris se fit, elle les invita vivement à l’aider pour allonger Liam sur le brancard, ne serait-ce que pour son corps meurtri puisse avoir un semblant de répit. Mais alors que tout ce petit monde était fin prêt, sans pouvoir expliquer le pourquoi du comment, l’attention de la blonde se reporta sur une chose : les fleurs émergentes du béton fissuré.

Il y avait une certaine poésie dans cette scène, une explosion de couleurs dans un univers monochrome ; une vie qui faisait son apparition dans un endroit improbable. Alors que d’ordinaire, la blonde était toujours focalisée sur son taff, l’espace de quelques secondes, elle l’oublia totalement et s’approcha de cette petite scène, comme s’il était vital pour elle, d’être aux premières loges.

─ Docteur ? S’inquiéta l’un des protagonistes de cette scène, voyant que l’un des personnages principaux était en train de partir dans la mauvaise direction. Louise répondit sans se retourner :
─ Silence. Je suis une femme de science, lorsque je vois un phénomène que je ne peux pas expliquer, je me dois de m’y intéresser. Et là, il y a quelque chose qui me turlupine. Baragouina-t-elle tout en s’approchant de l’inexplicable, avant de reprendre d'un ton dubitatif : vous mes petites beautés… vous n’étiez pas là hier pas vrai ? C’est une sacrée poussée de croissance que vous nous faites… comment expliquer ça ?

Oui. En effet, Louise parlait à des fleurs.
Oui, elle en avait totalement oublié son patient, négligeant son travail alors que cela n’arrivait quasiment jamais.
Elle ne voulait ni plus ni moins que satisfaire son égoïste curiosité. Aux dépens des autres.
Et cela ne lui ressemblait pas.
Pas du tout.