1Tu habites à Arcadia Bay ou tu étais juste de passage ? On alternait entre l'Irlande, du côté de Cork, et Arcadia Bay. C'est la famille de maman qui vivait à Arcadia Bay, c'est la seule raison pour laquelle on mettait les pieds dans ce trou. Après son décès, on venait de moins en moins.
J'aime pas particulièrement la ville. La maison, la vraie, c'est en Irlande.
2Tu faisais quoi avant la tempête ? J'ai suivi la fac pendant trois mois puis j'ai lâché. J'faisais pas rien, j'étais à fond avec mon groupe. Mais bon, le géniteur s'était mis en tête qu'il allait m'envoyer à l'armée. Pour me rEcAdReR.
3Quels dégâts a-t-elle fait dans ta vie ? Mon paternel est quelque part de l'autre côté, en Irlande. Enfin j'crois, j'sais pas trop comment c'est dehors. La famille de maman n'a pas survécu. J'suis resté dans leur maison quelques temps, puis je suis parti. Elle s'est faite vider pendant que je dormais, y'avait rien à en tirer.
Ceux qui me manquent vraiment, c'est mes potes. Mon groupe de musique. C'était eux la famille. Mais j'suis convaincu que le monde extérieur va bien. J'aimerais juste pouvoir leur dire que j'suis toujours là. Tu crois qu'ils m'ont oublié, dehors ?
4Que faisais-tu lorsque la Tempête a frappé ? Je venais de raccrocher avec mon le créateur paternel au téléphone. On s'était disputé. C'est pas dramatique hein, aucun regret. Si j'avais pu lui cracher au visage avant la tempête, j'l'aurai fait.
5Tu quitterais tout pour retrouver ta vie d'avant ? [X] OUI [ ] NON
Sans le padre, svp. Vous pouvez le garder, merci.
6Exerces-tu un métier ou des activités particulières dans ce nouveau monde ? TEAM POSTE BEBE. Ils m'ont donné un taff quand je savais pas ce que j'allais faire de ma vie. S'ils avaient pas été là j'aurai probablement rejoint les Greens. Tiens, il aurait aimé ça, mon vieux. Du coup j'aide à la livraison.
7Pourquoi n'as-tu pas rejoint une communauté de survivants ? J'aurai pu, ça aurait pu faire une famille. Mais pour une fois, j'aimerai pouvoir vraiment la choisir, ma famille, tu vois ? J'suis bien, là.
8Que penses-tu des groupes qui s'organisent ? Pas mon problème. S'ils sont contents de se taper dessus.
(tw: mentions d'alcoolisme) 1er mars 2018
C'était toujours la même mélodie. Il pouvait compter sur les doigts d'une main les repas où le paternel n'avait pas trouvé une raison pour lui reprocher un détail ou un autre. Dans ce monde, il n'y avait qu'une seule règle: elle ne dépendait pas de physique quantique, d'anthropologie ou de Dieu. Non, la seule loi qui gouvernait le monde était la suivante;
Casey est responsable. Il était la raison, l'explication et la cause de la famine en Afrique, de la corruption des politiciens, de la non-promotion de son père au travail.
Il parlait.
Encore.
Et encore.
Il n'arrêtait pas.
Même si Casey faisait grincer son couteau contre son assiette
Même s'il soupirait aussi fort que possible
Même s'il augmentait le son de la télé
Fallait le comprendre. Il ne savait pas ce qu'il a fait de mal, il ne comprendrait pas pourquoi son enfant était
comme ça. Ils avaient de l'argent, il l'avait bien élevé. Alors pourquoi diantre, trainait-il avec n'importe qui, passait son temps à faire la musique dans un garage miteux ? Il devrait aller à la faculté, étudier l'économie, la sociologie, des sciences comme ça, des vraies choses. Plutôt que de traîner en bande, voler des cadis, se piquer, ou peu importe ce qu'ils faisaient. Il n'en avait aucune idée; il n'avait jamais assez écouté.
Mais Casey répondait, c'était ça le problème. Il lui disait ce qu'il n'aimait pas entendre.
Que son père n'avait jamais été là
Qu'il revenait tous les soirs à trois heures du matin, totalement bourré, avec une fille de dix ans de moins que lui
Qu'il revenait toujours bourré
Que s'il n'avait pas été bourré y'a trois ans, y'aurait toujours Maman.
Une fois qu'il disait ça, c'était fini. Parfois son père lançait un verre, parfois il l'attrapait par le col. Toujours la même mélodie, de vaisselle cassée, de vêtements déchirés. Il s'en foutait, Casey, ça lui faisait plus rien. C'était drôle. Il le provoquait volontairement. C'était le seul moment où ils se regardent dans les yeux.
Quand c'était fini, un calme absolu régnait. Casey prenait ses clefs, son sac et sa basse, abandonnant son père à la salle à manger. Il allait encore avoir une nouvelle histoire à leur raconter, à la répétition.
Et joyeux dix-huit ans, Casey.