Le cadeau de Noël de Cruella à Clochette [Nugget - 24/12/2020 - Terminé]

Plus de doute sur la date.
Tout le monde en parle— plus aucun doute sur ses jours qu’elle a perdu, sur les jours où elle a disparu, plus aucun doute sur ce vide dans les jours.
Nugget se rend compte,

Elle n’aime pas Noël. Elle n’aime plus Noël depuis qu’elle a quitté son pays il y a des années. Les réveillons avec ce qui lui servait de famille n’étaient jamais agréables et elle est bien contente de ne plus avoir à y faire face.
Nugget se sent toujours de trop.
Comme une pièce rapportée, trop abîmée pour se fondre correctement, trop écorchée pour espérer dorer à nouveau un jour.
Mais… mais elle a envie d’y croire ? Peut-être ? Peut-être qu’on pourra s’amuser comme autrefois, dans l’insouciance et les mélodies de l’innocence. Elle veut espérer.




George lui a dit, pour la fête.
Elle hésite. Parce qu’elle est toujours
Mais Nugget veut remplacer ses souvenirs brûlés. Elle veut remplacer l’amertume de ses vieux Noëls qui ne méritent même pas d’en porter le nom, elle veut effacer les parties noires de son esprit et les remplacer par les lumières d’une nouvelle vie.

Alors, tu vois, elle se demande si ce n’est pas le destin qui t’a mené jusqu’ici.

Elle est apparue dans la pièce principale, à peine coiffée, habillée des vêtements froissés dans lesquels elle a dormi, un peu perdue, à se demander
Qui d’autre que toi, bien sûr ?

Elle t’offre un grand sourire, Nugget.

« Besoin de moi ? » elle répète comme pour s’en convaincre.

Un regard vers ton sac.
Puis vers toi, Bloody Mary. (Elle sait déjà que tu es capable de tours de magie incroyables.)

Elle hoche la tête avant de tourner les talons. « Ouais, suis-moi, c’est pas loin. »

Ce n’est pas loin, en effet. Juste quelques pas, et elle te mène vers ce qui lui sert de chambre, ici. Ah, il n’y a pas grand-chose dans la petite pièce qu’elle a elle-même aménagé à la demande de George— elle n’a plus beaucoup d’effets personnels, depuis la tempête.
Le lit – un petit matelas posé à même le sol – n’est pas fait. Elle ne le fait jamais. Et il y a un peu de bordel par terre mais tu vois, c’est presque comme son ancienne chambre d’ado ! Nugget désigne d’un geste vague un coin propre où tu peux poser ton sac— il semble lourd.

« Alors c’est quoi ton tour de magie ? »

Elle semble impatiente.

Elle voit, Nugget.
Les idées derrière les paupières. Les doigts qui affinent ses traits.
Elle reste droite comme un i, comme si elle attendait les ordres, elle te laisse dévoiler tes plans, les habits, les couleurs et les promesses de paillettes et de constellations pour les jours à suivre.
Tu vois— elle hésitait, Nugget, pensant avant tout à son utilité dans cette fête.
Mais le principe d’une fête est d’avant tout s’amuser, sans se soucier de tout cela, non ? Mais Nugget est tellement ancrée dans son idée qu’elle doit offrir un but à sa vie, qu’elle doit être utile, qu’elle ne doit pas être juste une tâche compliquée à retirer sur le tapis, qu’elle doit


« Distribuer les cadeaux, genre avec qui ? »

(Ça n’a pas d’importance de le savoir.

Elle rattrape in extremis la bouteille et les mouchoirs, dépose tout sur le bureau avant de s’installer sur la chaise. Pendant une seconde— Nugget ne sait pas vraiment quoi en faire.
Mais tu expliques.
Elle a encore des doutes,
mais elle voit l’entrain avec lequel tu t’animes, tes idées et tes envies, elle semble se rendre compte que ça a l’air de te tenir à cœur.
Et Nugget veut


Alors quand tu lui parles de maquillage et de vêtements, Nugget se surprend à s’imaginer
reine du bal de promo.

Elle s’est nettoyé le visage comme tu l’as demandé, et entre deux coups de mouchoirs sur les paupières— « J’aime pas trop le blanc. »

On fouille dans les tiroirs, on sort un petit miroir qui a survécu sans savoir comment et un serre-tête trop simpliste qu’elle utilise pour ramener ses cheveux en arrière.
Les reflets qu’elle n’ose plus regarder dans les yeux.)

Sans un mot, elle s’est levée, elle enfile le poncho que tu lui tends et elle secoue les épaules pour faire tinter les clochettes. Ah— les souvenirs dans le coin de la tête, le collier de son chat est toujours caché dans un coin de la chambre, elle ne sait pas vraiment quoi en faire…

« Ah, Clochette et les clochettes… » c’est assez pour la faire rire. L’esprit déjà un peu plus léger. Elle fait un tour sur elle-même, fait tinter les clochettes, fait voler le tissu. « Ça me va bien ? »

Elle adore le vert, Nugget.
C’est sa couleur.
La couleur de la nature,
⠀⠀de l’espoir,
⠀⠀⠀⠀de la chance,
⠀⠀⠀⠀⠀⠀de la jalousie.
Dis, Bloody Mary. Est-ce que ça lui va bien ?

Elle défait les lacets de ses baskets (elle défait les nœuds dans ses pensées et ses doutes), les laisse tomber et les pousse du bout du pied sans même s’en soucier.

« Je me sens d’humeur jupe pour ce soir, t’en penses quoi ? Un pantalon ça va pas trop avec le poncho, non… ? »

Elle veut juste—

Le nom de lui est pas inconnu.
Le visage est flou. Quelques paillettes, quelques breloques sur un costume.
Monsieur Loyal ? Elle a du mal à le replacer, pour être honnête. Mais s’il distribue des cadeaux ce soir, alors ça ne peut être que quelque de bien, non ?

Elle te regarde, Bloody Mary.
Elle rattrape les habits un à un, les dépose sur le matelas avec grande attention.

« Hé, tu parles à la future reine des pirates après tout ! »

Il est vrai que l’objectif s’est fait moins sérieux. Moins réaliste, surtout, une fois les lucidités de l’esprit revenues. Mais il est toujours là, dans un coin de sa tête. Comme un phare dans la nuit.
Se donner envie de rire. Rire de soi-même. À se dire et si ça arrive vraiment, un jour ? Un rêve qu’elle sait irréalisable et bien trop loin pour espérer l’effleurer du bout de ses doigts mais—
écoute, elle a juste envie de rêver, pour une fois.


Janvi n’est-elle pas morte et revenue à la vie, après tout ?
Tout est possible dans ce ciel de baleines alors pourquoi pas ça aussi ?

Elle s’est changée, Nugget.
Elle a rajouté un simple pull en laine avec un col roulé, uni, un noir pas si noir— de toute manière, il ne se verra pas sous le poncho, c’est juste pour ne pas avoir froid. Et puis, elle a lancé un regard dans le miroir.
Petite elfe.

« C’est bon. »

Tu peux te retourner.

Elle sourit, Clochette.
Elle tourne sur elle-même, une nouvelle fois, dans la petite chambre. Et elle t’imite, elle défile, comme toi, la tête haute, le menton levé, les épaules droites et les allures d’une fille sûre d’elle. Mensonge sur mensonge mais si on y croit assez fort, ça devient la vérité—
Tu t’en souviens ?

Et puis ça lui paraît si absurde—
qu’elle en rit rit rit rit à s’en tuer la gorge, Nugget. À se demander si les murs sont assez épais pour retenir le bruit jusqu’au comptoir de la poste.
(Elle se demande— ce qu’ils en penseront. Est-ce que George lui fera un compliment ? Et Leon ? Et Sugar et Echo, qu’est-ce qu’elles en penseront ?

Et puis alors elle te regarde. « De quoi j’ai l’air ? »

D’un lutin des usines de jouets lumineux ?

De quoi est-ce qu’elle a l’air, dis ?
Ou bien est-ce encore un voile qu’on place devant les yeux ?

Il est vrai que Nugget n’a jamais été aussi heureuse depuis que la tempête a balayé nos vies. Elle mentirait si elle disait le contraire, malgré les angoisses, malgré le vide de quatre mois, malgré la dureté de la vie, malgré le danger dehors— Nugget ne pourrait s’en plaindre.
Alors peut-être bien que c’est sincère, après tout.


Elle s’est laissée guider par tes mains,
elle s’est tenue droite et calme et sans bouger, laissant les souvenirs dans le coin de la tête, ses amies qui s’occupaient d’elle de la même manière, quelques paroles qui reviennent en tête, elle regarde les nombreuses couleurs des palettes, les pinceaux et tout le maquillage.
Le vert lui va finalement si bien.
Muette, elle te laisse faire, elle fait confiance à tes mains, elle a le cœur qui bat d’impatience et peut-être aussi d’appréhension mais elle sait très bien qu’avec toi, elle sera
méconnaissable.

Alors elle obéit une nouvelle fois, embrasse le mouchoir, observe la marque qu’il laisse et puis elle se tourne vers le miroir.
Elle se met de profil, fait jouer la lumière du jour sur ses paillettes.
L’envie de toucher ses joues pour s’assurer que c’est bien réel mais elle se retient—

« C’est joli… »

C’est joli

Les mots ne se forment pas très bien.

Elle se tourne vers toi, avec un grand sourire.

« J’aime beaucoup, » toute sa franchise dans ses deux petits mots alors qu’elle pourrait s’extasier des heures sur le maquillage mais d’un coup— elle s’est faite un peu timide. « Dis, tu m’apprendras un jour ? »

Nugget, elle aimerait apprendre à faire des merveilles avec ses mains. Arrêter de détruire, de serrer trop fort, d’enfoncer les ongles— elle aimerait que ses mains soient utiles pour faire de belles choses, des œuvres, rendre n’importe qui aussi joli.
Elle aime les couleurs et les paillettes.
Ravivent un peu la vie, là-dedans.

Ce soir, c’est son soir.

« C’est quoi la suite alors, si c’est pas fini ? »

Elle est un peu impatiente, peut-être.
À l’idée de découvrir cette nouvelle Janvi qui va briller pour le soir du réveillon.

Encore une fois, elle t’a laissé faire.
Nugget ne se souvient plus de cette douceur avec laquelle on la traitait autrefois. Il n’en reste que des bribes, qui reviennent, de temps en temps. Alors tu t’inquiètes, de lui faire mal, lorsque tu la coiffes, mais tu sais— ça ne pourra jamais être pire que ce qu’elle a déjà vécu.

Alors oui, parfois, tu tires un peu trop fort.
Mais Janvi ne dit rien. Elle se laisse faire.
Et elle attend,
à se demander comment ce sera possible d’être encore plus belle, car tu as déjà tant fait que ça lui semble irréalisable.

Elle ferme les yeux, tente de l’imaginer.
C’est un peu flou et elle n’arrive pas à voir son portrait illuminé des lumières de Noël. Elle n’y voit que du terne. Mais les paillettes sont si belles et les couleurs vives sur sa peau sombre alors peut-être qu’elle y voit un peu de couleur.
Effacent les mauvais rêves et les souvenirs qui se font obscurs.
Remplacent le tout, re-dessine au-dessus, la toile est bien plus belle maintenant, avec toutes ses espérances, ses nouveaux rêves, ses histoires et sa nouvelle vie.

Nugget, elle profite que tu cherches dans ton sac pour se pencher vers le miroir.
Ne pas oser toucher la coiffure de peur de la ruiner avant même de pouvoir se pavaner chez les Greens. N’ose pas bouger de la chaise comme si elle était faite de glace et que tout allait se briser à l’instant où elle allait se lever.

Et puis tu reviens,
Nugget, pendant un instant, reste immobile – comme si elle se demandait si c’était vraiment pour elle. Puis elle ouvre le paquet, découvre les boucles d’oreilles. (Ça fait une éternité qu’elle en a porté.)
Elle ne sait pas vraiment quoi dire— tu lui as déjà offert tant de choses.
Un peu gênée.

« Ohlala et moi j’ai genre, rien pris pour toi quoi… je passe pour la copine trop nulle qui offre jamais rien. »

Peut-être que le regard s’est fait un peu triste.
Le cœur s’est serré.
Elle a comme eu envie de pleurer parce que tu vois, ça fait si longtemps qu’on l’a pomponné ainsi, qu’on a pris soin d’elle, qu’on a juste
Qu’on a voulu la rendre belle plutôt que de l’enterrer.
Qu’on a voulu la faire monter tout en haut plutôt que de la pousser dans les escaliers.

toutes les bonnes choses qui lui arrivent depuis la tempête.
Ce sont des mots qu’elle n’ose prononcer à voix haute, de peur de heurter ceux qui ont tant perdu.

Et la seule raison pour laquelle elle ne fond par en larmes juste devant toi— c’est pour ne pas ruiner le maquillage qui orne son visage.

De nouveau penchée devant le miroir, elle a mis les boucles d’oreilles. Elle a bougé la tête de gauche à droite pour les secouer. Puis elle s’est tournée vers toi.
Si grand qu’elle a mal aux joues.

« Merci, ça me fait vraiment plaisir. »

Elle a tant à dire mais les mots manquent.
Elle ne sait pas apposer les bonnes syllabes et les bonnes phrases.

Alors elle ne peut que