(end) (tw) aveugles aveux (⁂) bloody mary & sweetie

Toujours en travers de la gorge, il n'a pas digéré. Dans un concours de mauvaises circonstances, le jeu de la bouteille a tourné puis provoqué leur réunion qu'on aurait préféré maintenant impossible. À présent face à lui, chacun devant ses centilitres à ingurgiter, il ne pourrait fuir au risque de parfaire sa réputation de bon lâche. Pour autant, l'instant est en réalité terriblement plus gênant, à tel point qu'il ne fixe pas son adversaire dans les yeux et se distrait, à sa guise, de l'environnement qui les entourent, informant superbement la personne en face de lui qu’il préfère être ailleurs.
Être ailleurs qu’avec lui ou qu’avec les pirates. Rêver.



À leur disposition, des alcools de différents degrés. Plutôt que commencer par décapsuler une légère bière, il entame déjà une bonne rasade de pure vodka avant de le regretter aussitôt en toussant et en plissant ses yeux grimaçants. De toute façon, ce n’est pas avec des petits alcools qu’il serait acclamé et ferait ses preuves face à un aussi maigre gabarit.
Mais quelles preuves ? Seulement pour lui, plus pour les autres.

Être face à Bloody Mary, il refuse. C’est à se demander si la bouteille qui a précédemment tourné pour les désigner comme rivaux y est vraiment pour quelque chose. Deux étrangers parmi les pirates, eux aussi auraient pu les désigner, ne les estimant pas à leur taille.
Qu’on le rabaisse au niveau de ce type capricieux, ça a de quoi péniblement l’agacer pour qu’il grimace plus qu’il ne le devrait. Il n’a vraiment pas toute sa soirée à passer avec cet énergumène.



Plus détestable que l’autre ne l’ait connu, rien n’est fait pour que Sweetie soit des plus hypocritement cordial. Il n’a plus envie de faire semblant ici, comme il aurait pu le faire auparavant.

Et ta pensée reflète, tu sais, la sienne. On peut dire qu’en fin de compte, vous vous retrouvez, après tout ce temps. Dans une situation que vous n’auriez pas souhaitée mais des circonstances que vous attendiez, inéluctablement. Elles sont presque les mêmes que la dernière fois, une fois la tension relâchée. Si relâchée que Sweetie ne veut plus avoir affaire à ce personnage. Si on l’a connu avec plus d’esprit de combat, il pense qu’il n’est aujourd’hui pas loyal et encore moins divertissant face à une personne qui ne vaut pas plus que les autres.
C’est même pire que ta pensée. Tu es même pire que les autres, Bloody Mary.

Les paroles qui s’échappent s’éclatent dans l’atmosphère, à en exploser leur sens. Même séparés, les mots n’ont plus d’importance et qu’importe cette attitude qui se veut nonchalante, lui ignore tout bonnement toute interaction que l’environnement essaye d’avoir avec lui, qu’il s’agisse de son adversaire ou bien des autres.
Alors c’est à son tour. Il n’en sait rien en vrai et boit machinalement. L’alcool a sans doute déjà ses effets, pour ainsi lui faire ignorer l’extérieur et les conséquences que chacune de ses actions pourrait avoir. Alors autant ne rien faire pour que rien ne se répercute.

Comme toi, on l’évalue comme une poupée de cire. Mais il n’accepte pas cette comparaison. Il n’est pas toi. Pas comme toi, son corps manipulable à la guise de chacun. Comme il lui a dit, il ne sert qu’à être beau et dispenser les autres de sa beauté. Si quelqu’un s’accoude contre lui, Sweetie n’est pas dupe. Il n’a pas d’amis ici avec lui pour vraiment le soutenir dans cette mauvaise bataille. Rappel douloureux à la fois où Bloody Mary a réclamé ne vouloir aucun contact, ça serait bien ironique de faire déguerpir ce type qui pourtant, commence à ricaner dans son oreille gauche pour prendre une gorgée supplémentaire.

Bloody Mary n’aurait rien laissé faire, comme cette dernière fois. Toutefois, Sweetie n’est pas Bloody Mary. Il essaye de s’en convaincre, qu’il n’est pas cette poupée pour les autres.

Qu’ils aillent tous se faire voir. Les remarques, les moqueries, les rapprochements : tout et rien l’agace plus qu’outre mesure au point qu’il finit par se lever brutalement de sa place et chasser sa chaise sans la moindre délicatesse. Aujourd’hui et maintenant, il ne chasse plus la colère mais l’accepte comme un échec. L’échec est amer comme l’autre grande rasade qu’il finit par s’enfiler devant les yeux de son adversaire, à qu’il lance un regard courroucé, avant de quitter la compétition sous une tonne de ricanements et quelques huées parmi eux.


L’échec est amer mais l’abandon, maintenant, n’est pas un échec pour Lukas. C’est un terrible subterfuge.

La compétition est terminée mais il ne repart pas sans récompense, s’étant muni d’une bouteille supplémentaire pour conclure cette soirée supplémentaire, plus lamentable encore que les autres. Il finit par rejoindre un coin isolé en semant le monde qui n’en a de toute manière rien à faire de lui, si insipide qu’il est, n’est-ce pas ? Mais il se dira qu’il n’en a rien à faire d’eux ou bien de lui. De toute façon, ce n’est qu’une verrue de plus dans ce tas d’infections.


Les mains tremblantes, elles s’agrippent à ce qui ne lui reste plus.
(Un coup de main, s’il-vous-plaît, pour le sortir d’ici.)
Le cellulaire fendu miroite pourtant encore ce qui ne lui appartient plus. Plus de batterie ; il ne peut même plus voir les seules bribes de passé qu’il lui restait dedans alors il finit par les chercher dans ses bras solitaires. Et les larmes salées et alcoolisées ne sont pas réellement d’une bonne compagnie.

Ces atroces saveurs ne sont censées appartenir qu’au passé. Pourtant, même au présent, elles reviennent comme de puissants relents qu’on tente d’étouffer avec un peu d’alcool. Il n’est pas chez les pirates, il ne veut plus y être. Il ne veut plus les voir comme il ne veut plus le voir.


Mais tout pirate reviendrait, pour semer plus de chaos, n’est-ce pas ?
Le bruit des vitres qu’on explose, il s’en souvient encore et même si ça ne lui a pas fait peur, à Sweetie, il ne veut pas revivre ça. Il n’est pas un pirate puisqu’il n’est pas un élément du chaos.
Le chaos ne range comme dérange.
Les choses et les personnes doivent être ordonnées et contrôlées.



Borné même lorsque tu viens t’appuyer sur ton épaule dans une tentative de le faire plier, Lukas restera une des personnes les plus hautaines que tu aies probablement connu. Ce n’est certainement pas ça qu’on arrivera à changer.

Mais le revenant est capable de ramener des fantômes susceptibles de faire basculer sa fierté. Le sang accéléré par la boisson ne fait qu’un tour et sa tête jusque-là vissée ailleurs que vers le véritable pirate, se retourne férocement vers lui pour lui adresser toute une colère contenue.



Or, c’est une colère bien trop docile, comme il dit, alors que l’alcoolémie voudrait l’inciter à frapper ; il ne fait rien hormis le regarder aussi méchamment. Et Bloody Mary sait sans doute qu’il ne fera rien. Tout le monde est au courant. Soyons-en donc rassuré ou alors hilare. C’est une réputation qu’on ne peut pas noyer, contrairement à son ego qui s’étouffe dans la bouteille presque vide.



Et qui vraiment a envie de connaître Sweetie ?

Quand bien même pour les deux il semblait que ce type n’ait plus la moindre importance, l’un ne fait que renchérir sur le sujet avec des grimaces bien trop prononcées et pourtant aucunement surjouées. Sweetie n’en est pas à se déformer le visage pour si peu parce qu’après tout, la description de ce pervers ne le surprend pas comme elle ne lui fait que peu d’effets. Tout ce qu’il a pu vivre avec Rage, il l’a tout simplement rayé, comme une bonne partie de ses anciennes connaissances. Rage n’est qu’une personne parmi les autres et qu’on en parle autant ne fait que lui donner de l’importance.



La cigarette a plus d’effet.
D’un geste aérien, il mimique l’indifférence qui peut l’animer concernant la personne. Et le geste est, cependant, le moins subtil. Involontairement, son je-m’en-foutisme est sans doute le comportement le plus théâtral. Bloody Mary ne joue pas la comédie lorsqu’il parle de cet individu mais c’est bien le cas de son voisin puisqu’il déguise tout, que ça soit son affect pour les remarques indélicates qu’on a pu lui faire ou l’intérêt qu’il porte réellement à la chose.



Naturellement dit, ce n’est aucunement une supposition puisque pour lui, il n’est pas à discuter que Bloody Mary soit un homme. Qu’il se définisse comme une « tapette », ce n’est pas un terme que Sweetie ose employer mais il ne peut nier qu’il a toujours perçu une attitude plus féminine qui pour lui, ne pourrait qu’avoir du charme. Si ce n’était pas Bloody Mary.
Mais on n’a jamais enlevé, à cette personne, le droit d’être un homme. Peut-être, par contre, le droit de décider elle-même de son genre. Parce que c’est beaucoup plus simple. C’est même beaucoup plus simple de prendre le voisin pour mieux se défendre.



La dernière phrase prononcée par Bloody Mary, il l’a déjà entendue et cela va sans dire qu’il ne l’apprécie guère. C’est un autre sujet, d’ailleurs, que Sweetie préfère éviter puisqu’il ne souhaite pas le moindre conflit, même avec une personne qu’il n’apprécie pas.
Peut-être que rester sur un sujet, finalement, moins houleux comme celui de Rage est la meilleure solution mais c’est surtout le manque de clarté de son esprit qui le pousse à ne pas faire les bonnes connexions et ramener le lieutenant dans la conversation.

S’il le pouvait, il se tairait avec l’autre.

L’insolence insistante dont on fait preuve à son égard est assez vite pardonné. On pourrait mettre ça sur le compte de l’alcool, pour être aussi peu respectueux, ou tout simplement qu’on se retrouve être chez les pirates mais a contrario des autres, Sweetie ne décerne pas forcément de la méchanceté chez l’autre. C’est juste une personne qu’on ne peut pas apprivoiser comme il lui a déjà démontré et ils ne sont pas forcément compatibles. Ils ne peuvent pas se comprendre et ce n’est pas l’égocentrisme qui est coupable du frein qui s’invite à leur conversation. Aux premières réponses de Bloody Mary, le brun ne sait pas déterminer ce qu’il veut dire par là. Ça l’interroge mais s’il n’a rien dit pour la pouffée et autres frasques, c’est qu’il a senti qu’il entrait dans un terrain glissant lorsque le sujet a très vite rebondi sur un autre problème.

Mais là, c’est surtout le problème de Sweetie. Il reste purement silencieux sur une description du dénommé pervers plus étayée et plus drôle, semblerait-il, pour que son narrateur en affiche un fin rictus en guise d’épilogue. Aucun mot n’est rajouté par le public. Il ne fait que siroter le fond d’une bouteille déjà vide pour occuper son outil de parole. En dernier recours, il tente enfin un faux rire pour une participation.



Il y a une insolente insistance sur ce personnage qui est bien curieuse. Quel lien Mary peut faire entre l’espion et le lieutenant pour le prendre ainsi à part, sur tel sujet ?
Pour l’inclure parmi tous les porcs, Sweetie n’est pas à l’aise avec l’idée qu’on en vienne à faire le parallèle avec lui. Mais il n’est pas à l’aise avec Bloody Mary, qu’il en soit des sujets tabous ou de leur relation.



Faisant mine de se rapprocher de l’autre personne avachie sur lui, ses lèvres à proximité des siennes sont taquines et rient.
Ça empeste. Il ne voudrait absolument pas l’embrasser et encore moins avoir tout contact avec lui.

L'effet escompté est bien minime, pour ne pas dire inexistant. En dépit de toute réaction, ce n'est qu'une effarante sobriété qui se détache de la réponse d'une personne en total état d'ébriété.
Alors c'est à ce point qu'on en est arrivés ? L'ignorance est devenue maître mot et il n'est plus en mesure de créer la moindre réaction sur un visage.

Péniblement agacé, la lassitude répond première et remplace d'un puissant soupir. Lentement, il dégage la tête reposée contre lui, occupant ses mains et doigts des voisins d'en face, en les croisant. S'il ne représente un intérêt pour personne, pourquoi devrait-il effectivement éprouver de l'intérêt pour eux ?
Aux réponses qu'il a pourtant réclamées, ses yeux roulent et communiquent des réactions insultantes à la place de sa parole. À croire qu'il est le seul. C'est bien une remontrance qu'il lui ferait, excepté qu'elle s'en voit détourné par un profond silence.
Les répliques ne viennent pas. Ils voudraient bien être aussi direct mais rien ne sort. Si c'est impossible, il considère que c'est à cause de l'ennui, plus intense si on creusait davantage, qui le préserve d'aborder le sujet.

Si l'ennui domine déjà, pas la peine de continuer un stupide jeu de séduction ou quelconque autre divertissement. Sweetie n'a pas envie de jouer et certainement pas au boomerang. La question ne lui est pas retourné, non pas par intérêt pour sa personne, mais sans aucun doute pour se protéger. Pourquoi est-il celui qui devrait prendre les risques pour les autres ? Il n'a jamais demandé ça.



La colère de l’alcool l’emportant, il se met à vociférer l’ensemble de son discours à toute vitesse. Des doigts pincés sur l’arête de son nez, il regrette d’avoir hurlé. Bloody Mary mérite complètement qu’on lui crie dessus mais c’est peut-être un scandale qu’il vient de générer encore parmi les pirates si on reconnaît sa voix. C’est bien probable puisqu’il est assez impopulaire pour que plusieurs l’identifient. Si on pouvait au moins extraire Bloody Mary de l’équation.



Lukas tente de retrouver un certain calme en laissant l’ivresse échouée au sol, bouteilles et autres cadavres. Les mains dans les poches, il finit par s’éloigner et se rendre à un autre arbre plus loin pour tenter d’évacuer sa colère. Mais la seule chose qu’il évacue, ce sont peut-être les seules onces d’intelligence qu’il lui reste pour oublier que Bloody Mary est peut-être trop pot de colle.

C’est là que leurs chemins se séparent. Mais jusque-là, ils marchaient sans doute dans le noir pour ne pas voir à quel point ils étaient différents.

Si Sweetie donnait plus de crédit aux propos de son interlocuteur auparavant, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Puisque son avis ne compte pas. Il n’est pas prêt à écouter quelqu’un d’autre alors pourquoi il l’écouterait, lui ?

Si Sweetie n’est pas d’accord avec les principes avec lesquels il a été éduqué, il ne peut pas renier ce qu’il est. Son éducation fait maintenant partie intégrante de sa personne et il ne peut pas penser autrement. Depuis quand se met-on à discuter ce qu’il est alors que tout le monde se questionne sur le mystère qu’est Bloody Mary, au-delà de son genre ?



A-t-il seulement besoin d’énumérer les fois où Bloody Mary s’est probablement moqué de lui comme tous les autres ? Peut-être pas autant au nez à la barbe qu’aujourd’hui mais l’épisode de la réparation de la voiture n’est qu’un échantillon.
(A-t-il seulement besoin d’énumérer les fois où tout le monde s’est ouvertement moqué de lui ?
Jusque-là, Sweetie s’est dit que ça ne l’affectait pas mais à en croire les beuglantes qu’il s’est mis à pousser une minute plus tôt, il en pâtit. Ce n’est pas que toi, Mary, mais il sature, d’être autant mal considéré alors qu’il a essayé. Avec toi, surtout, il a fait des efforts. Mais désormais, il n’est plus près à les fournir et essaye de se justifier en te rappelant que tu n’es qu’un moins que rien.



La gorge aussi serrée que les poings, bien sûr qu'il ne voudrait pas le frapper. À quoi ça l'amènerait bien ? Il se jure que l'ignorance est plus terrible qu'un vrai coup mais ce n'est pas, de toute façon, une vraie vengeance face à ce qu'il subit alors qu'il n'a rien demandé.

Il en a assez de l'entendre chanter.
Il en a assez de les entendre fanfaronner.
Si c’est ton premier avertissement, lui en a donné plus d’un.
Il en a assez de l’entendre parler.

Avec toute la colère qui lui monte, il finit par acculer l’autre lourdement contre l’arbre sur lequel il était presqu’avachi, l’attrapant par le col, d’un air menaçant. Lui aussi voudrait prononcer autant de menaces mais n’y arrive pas. Il bloque. Il relâche.
Sweetie n’est pas du genre à faire mal, même avec tout l’alcool qu’il a dans le sang.
C’est peut-être pour ça qu’on le considère comme aussi doux.
Mais il ne veut juste pas descendre dans les enfers.
Il n’y aurait plus de retour en arrière possible.

Pas sûr qu'il ait bien compris. Pas sûr qu'il veuille bien comprendre. Son air a beau être hagard devant l'audace des mots, il ne veut plus l'écouter, surtout si c'est pour balancer des inepties pareilles.
Il serait comme les autres mais pourrait être différent. Pour lui, c'est déjà le cas et tu l'as même dit toi-même. S'il est au-dessus des autres, il ne peut pas être comme eux. C'est sûr qu'il ne peut pas être comme toi. Tu es si différent.



Bloody Mary est bien ce qu'il veut alors qu'on le laisse être aussi ce qu'il veut. Qu'on lui donne aussi le droit d'être unique.



Il n'est pas aveugle sur sa situation face à celle des autres. L’arrogance ne le rend pas sourd même si, justement, il voudrait bien. Elle le rend simplement muet. Mais l’alcool désinhibe une bouche trop secrète.



Et aussitôt dit, ses mots tremblent. Lukas vient de l’avouer. Et en prime à la pire personne.
La fuite, c’est la première option à laquelle il pense lorsque ses larmes poursuivent déjà cet objectif. Mais il le retrouvera. Ils le retrouveront tous. D’être le paria, c’est devenu insupportable. Même un ego aussi titanesque ne peut y faire abstraction.

Quelques secondes plus tôt, il était accroché à son cou avec la pensée de l'étriper pour toute sa colère. Maintenant voilà un tout autre portrait auquel personne n'était prêt, pas même lui. Les effets de l'alcool jouent fort probablement dans un tel rebondissement mais ils ne sont pas les seuls coupables. Car oui, ça n'a pas duré longtemps mais il s'excuse en balbutiant plusieurs fois. Il a mépris votre relation.

Il a mépris le contexte mais il faut reconnaître que cette phrase prononcée était bien hors du temps. Aussi loin qu'il s'en souvienne, ces mots lui ont été dits par un être cher. Du moins, il croit. Non, en vérité, elle ne lui a jamais dit. Parce qu’absolument personne ne comprend Lukas. Lui-même ne se comprend pas et pourquoi il agit et se comporte ainsi pour qu'il en vienne à s'excuser sur l'embrassade qu'il a créé entre vous, juste après que la main se soit glissée dans son dos.

Lors de votre première rencontre, ce sont les mots qu'il voulait entendre parce qu'en toute franchise, oui, en Bloody Mary, il voit une créature. Mais c'est ce qui l'a toujours fasciné, en vérité, l'extravagance. C'est une qualité dont il n'a jamais pu se vêtir et qu'il envie. Pourquoi, diable, aurait-il cherché à fréquenter des personnes qu'il estime te ressembler ?
C'est peut-être la clé du mystère, du pourquoi il reste encore chez les pirates alors que tout part en ruines. Comme les espoirs de cette relation. Lukas sait qu'il a commis l'irréparable alors que la dernière fois, c'était plus qu'évident qu'il ne devait pas la toucher. Il vient de plus que le faire et a clairement dépassé les bornes.

Ses larmes coulent de plus belle mais sans bruit, dans un hoquet de surprise qui se conclut en une palette d'excuses qui n'ont pas que pour objectif de se racheter par rapport à cet incident. Tout ce qu'il a engendré s'est transformé en incident. La culpabilité le ronge jusqu'au visage pour qu'il s'en griffe les joues. Un spectacle trop burlesque dont on peut clairement se moquer et il n'en voudrait à personne.
Qu'est-ce qu'il fait ?

Embarqué dans la folie, il se détourne pour rire. Passer du rire aux larmes, il est (devenu) complètement fou. Et il n'y a que les fous pour rire d'eux-mêmes.
Sweetie pète les plombs. Et vraiment, ce n'est pas qu'à cause de l'alcool. Ça ne fait que rendre ses réactions risibles mais ses émotions, elles, ne sont pas falsifiées.
Sweetie est au fond du trou.

Est-ce que c'est la victoire que Bloody Mary souhaitait obtenir ? Parce que maintenant il sait ce qu'est Lukas. Ce n'est pas juste Sweetie, le faux pirate ou Lukas, le fils à papa, c'est surtout une personne qui paraîtrait minable, même pour lui.

C'est comme si on lui retirait à vif la peau du visage. C'est terriblement atroce. Personne ne veut voir ça et lui le dernier.

Les perles sévères qui essayent de le convaincre de maintenir le regard ne sont pas écoutées. Il n'obéit pas et préfère, malgré la poigne et la voix plus fermes, ne pas écouter ce qu'on lui dit. Les mots sont censés être rassurants mais en aucun cas Lukas finit par se calmer. Ses iris, encerclés de rouge et de larmes, s'agitent et se battent dans tous les sens pour trouver une issue. Tu n'es pas son secours. Tu es ce qu'il n'est pas et ce qu'il n'a pas réussi à être donc comment peut-il seulement oser te regarder ?

À tue-tête et en chœur, ses lèvres et sa tête hochent des non itératifs voire insolents tant ils se cumulent. Il ne veut pas croire qu'il a craqué et pourtant, ça fait plus d'un an qu'il est dans cet état et il le réalise seulement enfin avec la personne qui aurait pu se payer sa tête mais ne le fait pas. Ou alors paye-t-elle sa dette pour les incidents précédents durant lesquels Lukas estime avoir assez maintenu son sang-froid. Il croit l'avoir maintenu. Mais pas autant que l'autre, en réalité.
Pourquoi il fait ça ? C'est une question qui le traverse mais pas bien longtemps. C'est la seule réaction que l'on puisse humainement adopter.

C'est en ça, seulement, que Lukas est différent. Il n'est pas humain. Si son ego l'estime être au-dessus des autres, c'est aussi une forme de condamnation dans laquelle il s'est empêtré, à commencer par sa beauté qui le rend, sans aucun doute, inaccessible.
Il a peut-être eu tort d'y prêter autant attention. Ça le rend différent mais pas humain. Alors la seule manière qu'il a trouvé, c'est s'en défaire en se lacérant le visage. On a tort de lui dire de ne pas continuer.



Forçant les menottes qu'on a créé entre ses griffes et son visage larmoyant, son manque de bon sens le pousse à être toujours plus idiot et reprendre, plus lentement et plus superficiellement son activité, juste par défi. Mais c'est impossible de concourir avec une personne aussi excentrique. Finalement plus belle.



Le rire après les larmes sonne de nouveau. Son désespoir ne fait que jongler entre deux états d'âme qui, finalement, ne font qu'un dans le but de rejeter ce qu'il est ou ce qu'il semble être. Contre tout, il refuse de craquer parce que si pour certaines personnes, il paraît faible dans un tel contexte, il ne doit certainement pas se mettre dans un état pareil au risque de leur donner raison. S'il succombe, s'il craque, on revient à le refabriquer et Sweetie pense avoir beaucoup construit pour que tout soit simplement balayé en un rien de temps.

Mais cela dure depuis longtemps, même avant qu'il se mette à boire. Certes, Sweetie a beaucoup construit mais puisque les fondations sont mauvaises, la maison s'écroule. Il n'a plus de maison et ne sait plus où aller et encore moins que devenir pour être accueilli quelque part.



S'étant libéré d'une emprise qui, à ses yeux, n'est pas sécurisante, l'enfant se remet immédiatement à pleurer mais pas aussi bruyamment qu'auparavant. Il n'a pas le droit de craquer sinon on l'entend, comme il n'a plus de maison. Et les murs ont des oreilles.

L'attention qu'on lui porte aujourd'hui n'est pas celle qu'il veut. Têtu, il reste persuadé que c'est par pitié qu'on reste à ses côtés et n'avale pas la moindre excuse. C'est uniquement ses larmes qu'il ravale. Bloody Mary a raison dans le sens où il ne devrait pas se morfondre, quand bien même dans cet état, il ne souhaite que prolonger les pleurs pour tout vider. Mais ce n'est certainement pas la bonne personne devant qui il devrait s'ébranler. Comme à son habitude, le roux a encore une fois retourné la question plutôt que d'y répondre. Alors qu'on ne compte pas sur l'autre pour répondre à la sienne.



Ça ne lui fait pas mal mais le préciser est inutile. Pour lui, c’est important pour ne pas le voir si démoli. (Il démolit quelqu’un d’autre.)

Au lieu de répondre à la présente question, il se met à répliquer à celles du passé, qui étaient pourtant tabous. Mais tout est tabou avec Bloody Mary, même le silence parce qu'il continue encore de le suivre alors que comme Sweetie veut lui faire comprendre, il devrait plutôt foutre le camp. Mais la seule chose que Mary fuit, ce sont les aveux.

C’est sans doute la plus grande crainte des deux, en fin de compte, d’être vrais avec les autres. Néanmoins, être faux l’un envers l’autre ne les amenaient nulle part, outre des mésaventures. Et Bloody Mary est venu, après plusieurs mois de silence, sous le mépris de l’autre.



Alors on rebrousse chemin pour pouvoir enfin la trouver, la fuite. Séchant ses joues couvertes de larmes et de griffures, il essaye un sourire plutôt moqueur mais il n’est que jaune.
On ne parle pas de son visage détruit.
On veut passer à autre chose et la seule façon qu’on trouve pour le faire, c’est mépriser un absent, à défaut d’être l’objet de ridicule. Sweetie a bien cerné qu’il n’était, en tout cas, pas pire que Rage pour que la sanglante le suive encore, à moins d’être assoiffé du drame.