ton parfum léger d'été qui s'installe ϟ Balm (end)

Résumé:

La lettre de Key glissait entre ses doigts, le papier était rugueux ou un brin collant de miel(?) ou d'une quelconque confiture qu'elle avait déniché dans une ancienne cave.

« Merde. », avait-elle juré, sur le coup, brûlant d'envie de se laver ces mains plus que sales.

Elle avait bien lu la lettre de Key, l'avait même relue, s'était promis d'arriver au rendez-vous, à l'heure (ou en tout cas elle tenterait de le faire au maximum).

Arriver à l'heure était une notion très cocasse dans le nouvel Arcadia Bay. Balm elle-même n'avait pas de montre, elle suivait plus ou moins les mouvements du soleil et c'était tout. Quand il faisait jour, c'était le moment pour bouger, la nuit n'annonçait que des choses pas terribles et elle se réfugiait alors.

L'absence de montre, de téléphone ou d'objets donnant l'heure lui donnait une liberté plus assumée. Balm n'était pas vraiment connue pour arriver à l'heure et, sans doute, personne ne lui en voulait vraiment.

Et pourtant, pour le rendez-vous, la lettre et Key, la jeune femme s'était dépêchée. Elle était sortie d'un soin particulièrement dégueulasse (un vieux, pour ne pas changer) réfugié dans sa maison, toujours intacte après le sinistre. C'était à ce moment qu'elle avait eu le pot de confiture (oui, c'était à la mûre en fait) et en avait à moitié étalé sur Michel et le reste de ses affaires (sa faute, si elle n'avait pas voulu goûter).

Jurant et maudissant toute la terre sur son passage, elle avait poussé le caddie, grinçant des dents à chaque fois que sa petite roue, la même qui s'était subitement coincée dans les caillasses l'autre chose, faisait des siennes.

« Non, Michel, me lâche pas ! Pas tout de suite ! », suppliait-elle en accélérant pourtant le pas, même si elle s'arrêtait tout de même tous les cinq mètres pour vérifier l'état du caddie.

Les mains collantes de confiture et de divers liquides qu'on ne voulait imaginer, elle voyait enfin le supermarché qui s'étendait droit devant elle, tapotant gentiment Michel « C'est bon on est presque arrivés ! » Prenant tout de même un minimum son temps, elle fit un détour jusqu'aux caddies de la grande surface et eut un sourire perçant quand elle constata qu'il en restait un ou deux.

Non qu'elle ne veuille remplacer Michel, hein ! C'était juste qu'armée d'un marteau, d'un tournevis ou elle ne savait quoi encore, elle pourrait bien guérir son précieux ami malade.

« I'll be back. », gronda-t-elle, les sourcils froncés dans une piètre imitation de Terminator, avant de s'éloigner du lieu pour se glisser dans l'enseigne et chercher Key.

Et au bout d'un temps sans doute interminable, Balm la vit. Oh, Key était si mignonne, elle craquait complètement pour cette trombine adorable et ces cheveux roux, avait constamment envie de lui frotter le haut du crâne et l'emmener faire des tours de manège.

Elle lâcha Michel pour s'élancer vers Key. Si cette dernière ne cria pas, Balm ne se gêna pour le faire.

« KEYYY ! Sucre d'orge !!! », rit-elle, avant de montrer sa joie de voir un autre humain qui n'avait pas besoin de soins immédiat en la prenant dans ses bras.

Bon, ok, peut-être n'aurait-elle pas dû la soulever, mais elle, ça la faisait rire, non ?

« J'étais chez un vieux, il avait des escarres horribles ! Et puis la roulette de Michel est de pire en pire, je te jure, je me suis pris des cailloux, c'est horrible ! Oh, merde, tu aurais du gel ou une connerie du style pour les mains, elles sont si collantes que je pourrais attirer les fourmis ! »

Le train de ses paroles semblait ne jamais s'arrêter, puis elle se feignit d'une respiration.

« Oh. Sinon, ça va ? »

Résumé:

C'était un monde tellement plein de surprises, comme une prison, presque éternelle, ces morts au coin des rues, ces corps qui n'attendaient qu'eux.

Un brusque frisson se répandit dans le corps de Balm, elle s'éloigna de Key avec un sourire bravache aux lèvres, faisant bonne figure.

« Oh, t'inquiète, on verra plus tard, j'ai rien de prévu, c'est pas comme si on était pressées ! Les escarres ? Erk, des espèces de nécrose de la peau quand t'es trop souvent assis et que le sang n'irrigue plus la zone. Affreux, pauvre bonhomme, mais pas mortel. »

Maintenant qu'elle y pensait, c'était sûrement le moment de la journée qu'elle aimait le plus. Être réunies toutes les deux avec Key, toucher sa fraîcheur printanière et rire à pleines dents, bien loin du monde, des escarres de monsieur X ou des cadavres encore cachés sous les débris.

Elle est mignonne, Key, elle est mignonne et en plus elle lui réporte du maquillage. Balm le sait, elle le sait et elle applaudit comme si il s'agissait de quelque chose de particulièrement cher à ses yeux.

Ça l'était en réalité.

Elle chopa à côté d'un des rayons un seau, à peu près propre, plus que sale en tout cas, le cogna contre un des rayonnages pour le débarrasser de ses dernières saletés tenaces puis y versa l'eau (du moins un peu) donnée précédemment. Se débarbouilla le visage et c'était comme si Balm trouvait enfin un remède à mauvaise humeur et au stress.

Ce n'était pas exactement propre mais ses mains reprirent leur couleur d'origine. Ce n'était pas exactement satisfaisant mais sentir l'eau sur sa peau, dépasser un poil sur ses cheveux, ça ravivait d'anciens souvenirs de piscines et de rivière. Elle qui ne souhaitait guère se souvenir d'avant aurait donné cher pour une douche illimitée.

« Ha, Key, Key, Key. Je ne te remercierai jamais assez. », l'eau n'était pas exactement noire, elle était devenue grise, voire marronâtre. « Je sais ce que tu as, je le sais ! »

Du seau d'eau, elle s'était de nouveau dirigée vers Key, la figure à moitié trempée et le sourire jusqu'aux oreilles.

« Tu le fais, tu le fais ? », c'était comme si elles étaient de nouveau retournées chez elle, ou comme si ce centre commercial était de nouveau en vie.

Il y aurait pu y avoir ici le stand de maquillage (même si elle avait cherché les fois précédentes, il n'y avait qu'un espèce de rayonnage complètement vide, pillé sans l'attendre), mais il y aurait pu y avoir de la musique s'élevant dans les airs, elle aurait pu faire voler Key, la soulever dans une espèce de simili valse qui n'aurait appartenu qu'à elles.

Balm vint s'asseoir en face de la jeune femme, toute souriante, ne bougeant plus tellement comme si elle se tenait là, prête à se faire toucher sans reculer en sautant.

« Tu peux faire ce que tu veux. Dis, ça va, il ne m'en reste pas ? Tu as du rouge à lèvres et du mascara ? Ce serait tellement cooool. Tu le fais et après, on inverse les rôles ? »

Résumé:

Et c'était merveilleux que de voir ces trésors intacts, immaculés. Elle en aurait presque tourné des mains fébriles vers la boîte pour en toucher les moindres recoins, tenter d'imaginer par quelles épreuves elle était passée, mais elle ne le fit pas.

Tranquillement (ou presque), Balm s'installa, prête à laisser Key s'occuper d'elle. C'était la première fois, maintenant qu'elle y pensait, qu'elle restait aussi immobile, alors elle ne pouvait pas s'empêcher de battre un rythme fantôme de la jambe droite.

C'était tout de même cocasse : des mois auparavant, elle aurait sans doute tout donné pour souffler un peu entre deux consultations, se poser, déguster quelques friandises en parlant avec des amis, la vie d'Arcadia Bay l'avait rendu prompte à bouger et complètement paranoïaque, aux aguets concernant les alentours, sursautant au moindre bruit suspect et incapable de se reposer correctement.

« Parfait. », dit-elle même si elle ne pouvait pas s'empêcher de regarder à gauche et à droite (si seulement les zombies étaient ses seuls soucis, ce serait génial, mais non, il y avait tout un temps d'humains bien pourris peut-être dans le secteur).

Key lui avait mis le rouge à lèvres et Balm parut réfléchir pendant quelques secondes sur la présence d'un éventuel miroir dans la zone. Pas dans Michel, en tout cas, peut-être dans le supermarché et encore, vu comment les rayons avaient été pillés, elle en doutait.

« Ha, je sais ! », elle eut un gloussement, laissa momentanément son amie à son pinceau pour rapprocher le seau d'eau. Bon, par contre, ce n'était pas très efficace, l'eau était si terne que ses efforts étaient voués à l'épuisement. Il fallait sûrement chercher un eau récipient creux, ou alors.

« Tu sais quoi ? J'ai grave la flemme, je te fais confiance ! », fit-elle en lui pinçant la joue. « Je m'attaque à toi ensuite, c'est d'accord ? Pour le pinceau, par contre, je suppose...plus y'en a, mieux c'est, non ? »

De ses lèvres sortit un nouveau rire communicatif, sa main se posa sur la tête de Key. Dans ses poches, il devait bien y avoir quelques clés qu'elle pourrait lui céder, elle les gardait toujours lorsqu'elle en voyait, même si ça ne lui servait tout de suite comme monnaie d'échange.

Tranquillement, elle se rassit, prête à se faire peinturlurer, presque calme. Ses doigts trifouillaient les bordures de l'objet contenu dans sa poche, puis le sortirent. Enfin les, il y en avait deux au total.

« Je les ai trouvées alors que je me baladais. Je sais que tu collectionnes ça, donc tu peux les garder si tu veux. »

Spoiler:

Résumé:

« J'en ai trouvé une dans un magasin, elle ouvre peut-être la caisse ? Ou une vitrine ? Tu chercheras l'ancien magasin de jeux vidéo. »

Pour l'autre, elle n'en avait aucune idée, mais aussitôt elle se promis d'être plus attentive à ce genre de détails, car ils pouvaient rendre heureux quelqu'un d'autre que elle.

On l'avait rarement vu plus heureuse qu'à cet instant précis, dans ce supermarché, à côté de cette jeune fille qu'elle appréciait tant.

Elle adorait se faire maquiller. Se laisser faire, fermer ses yeux au bon moment et sentir les outils parcourir sa peau, c'était quelque chose qui lui faisait se sentir bien. Alors, pendant ses quelques secondes où Key s'occupait d'elle, Balm se relâcha. Plus de Penelope, ni de Eel.

Juste Balm, Balm seulement.

Et même si le maquillage n'était pas parfait, même si les pâtés sur son visage lui donnaient l'air d'un clown (et de toute façon, elle n'en avait pas l'impression, elle était fière de l'effort qu'avait fait Key pour la peinturlurer), Balm était bien.

Il y avait là un silence qui n'était pas pesant, ce n'était pas le calme avant la tempête et elle se sentait protégée, dans ce supermarché qui devant à peine tenir debout sur ses tôles, aux rayons quasiment vides mais dans lequel on pouvait encore trouver nombres de babioles inutiles.

Et dire qu'il y avait une de ses vies où elle se servait de tout ça.

La langue de Balm s'égara sur le fond de teint et grimaça aussitôt, sentant son goût âcre. C'était à prévoir, mais voilà que ça se répandait dans toute sa bouche, c'était vraiment immonde.

Faisant comme si rien de tout ceci ne s'était passé, elle posa de nouveau les yeux vers le miroir de poche avant de prendre la parole :

« Parfait, je n'aurais pas fait mieux ! », gloussa-t-elle.

C'était ce qu'elle pensait, qu'elle était vraiment magnifique. C'était comme une couche de protection et malgré l'avertissement du goût, elle fut tout de même tentée de poser un doigt dans la couche de fond de teint, rien que pour le plaisir de le sentir tracer un chemin dans la poudre.

Ne le fit pas mais regardait toujours Key, sourire jusqu'aux oreilles.

« Je peux tenter sur toi ? On en a assez pour deux, il me semble, non ? Je suis pas très adroite mais je crois que je l'ai déjà fait pendant une ou deux kermesses. »

Spoiler:

Résumé:

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