si la vie était restée simple, on serait certainement allée au bowling avec la bande de copains d’école, on aurait fait le tour des coins pour manger jusqu’à trouver celui qui accepte de faire simplement des tartines de beurre de cacahuètes, puis on aurait enchaîné avec une soirée jusqu’à ce que le sang et l’alcool se confondent et que la vue se floutent et que les rires prennent le pas sur n’importe quelle musique déjà bien trop forte.
ce temps n’est plus, et elle le sait, elle le sent Elizabeth; elle le sent que ce qui est perdu ne reviendra plus, que le temps des copains d’école s’éloignera encore et encore et que ses souvenirs seront un jour confus et flous. Alors elle en veut plus; plus de souvenirs, plus de décisions douteuses, plus de conneries. Sa tête lui qui martèle sans cesse qu’on lui a volé la fin de ses études, qu’on lui a volé ses amis, qu’on lui a coupé sa vie de jeune fille fêtarde trop tôt.
alors elle avait prévu, Eli, d’aller zoner au zoo, d’y voir les animaux, de chanter les mêmes refrains de musiques qu’elle avait déjà beaucoup trop écoutées et, de danser, seule, comme si rien n’avait changé.
alors que tout a changé. elle le sait. mais ça ne l’empêche pas de vouloir l’ignorer le temps de quelques instants.
Elizabeth, elle accepte que les choses changent, tant qu’elle a toujours le droit de s’évader — dans sa tête.
finalement, en traînant de ses pas lents jusqu’à l’arche de Noé, on se demande : est-ce qu’on aurait appelé quelqu’un pour nous accompagner si on le pouvait ? À qui est-ce qu’on aurait demandé compagnie ?
Alistair n’est pas là (et vu le bordel que lui et les pirates ont causé, c'est préférable qu'il reste loin d'ici.) Capucine est épuisée. et les greens ne te sont pas forcément familier — peut-on leur reprocher leur manque de confiance, leur méfiance à ton égard ? Tu le sais Eli, que lorsqu’on trahit, il y a des conséquences. Et lorsqu’une trahison est commise, elle retombe toujours sur la famille.
sur ceux qui restent.
alors elle traîne des pieds, aussi lente que le soleil qui tarde à se coucher.
c’est presque comme si il attendait que tu sois arrivée à destination avant de s'endormir; tu te dis que c'est peut-être sa façon à lui de t'accompagner; que peut-être cette planète te comprend à sa manière : parce qu'au final, le Soleil est seul lui aussi. On gravite autour de lui, comme les greens gravitent autour de toi; sauf que, personne ne s'en approche vraiment, par crainte de s'y brûler.
ce qu'il te faudrait, peut-être, c'est quelqu'un qui n'a pas peur de se brûler les ailes.
les yeux se ferment quelques instants, le temps de
respirer
quel joyeux bordel qu'est la vie aujourd'hui; qui n'aurait pas peur de prendre feu à tes côtés ?
elle respire longuement, et reprend sa marche. direction le zoo. avec les animaux présents. et les mélodies qu'elle invente sur ses pas.
