Il voit encore la tornade qui engloutit la ville.
Son esprit rembobine toujours sur ce moment, comme un disque rayé, la scène se déroule au ralenti ; ses mains enfoncées dans la carcasse d'une machine à laver, au milieu de la décharge, le vent qui soulève violemment sa veste, son menton qui se redresse, et elle est là, implacablement dressée dans l'horizon.
Il ne sait plus si ça fait cinq minutes, cinq heures ou cinq jours ; ses nuits sont courtes, parfois inexistantes quand il est occupé à fouiller les gravats, la lampe torche à la main.
Là, il la voit encore, sur la fine pellicule de ses yeux ; il ne parvient à l'effacer que lorsqu'il cligne, alors c'est ce qu'il fait.
Parfois, il le fait compulsivement ; trois clignements dans la seconde, pendant presque une minute, et tant pis pour les regards en biais de ceux qui parviennent à ne pas y penser. Pour lui, ce n'est pas si simple.
Mais ça ne l'empêche pas de se lever d'avancer, de chercher, tous les jours. Il a les mains en sang, mais parfois, ce n'est pas le sien ; il essuie tout ça sur son pantalon, bien sûr, même si ça fait mal. Il ne veut pas que ça finisse sur les enfants qui réclament qu'on leur tienne la main quand il vient les aider.
Il revoit aussi les flammes, et la pluie impuissante face à leur fureur. Ses jambes brûlantes à force de courir, ses poumons étranglés par la fumée.
Il se dit que ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne la trouve, elle aussi ; dans la meute de marmots qu'il a ramené aux gens mieux organisés que lui, peut-être. Ils sont de moins en moins nombreux ceux qu'il retrouve en vie, mais ils sont là. Ca lui suffit. C'est une raison suffisante pour continuer.
Sa maison n'existe plus, alors elle n'est pas là bas. Il se repasse l'image de son ancien foyer, sans toit, sans mur. Plus rien, balayé. Ca ne lui a causé aucune tristesse ; il ne s'est pas attardé.
Entre les visages frappés d'horreur et les bâtiments écroulés, les cris d'épouvante et l'odeur du sang dans les rues, Ashton ravale ses larmes et sa peur ; il cligne des yeux, cinq fois en deux secondes. Il a le visage rougit par l'épuisement, mais aussi par les blessures ; on y voit du plasma séché ici et là, une grosse tâche rouge plus fraîche s'étale sur son front pourtant.
Il se remémore ses chutes dans sa course fiévreuse, tombé sur le visage dans un grand
crack ; la brique d'une maison, légère comme une plume, qu'il évite presque, mais qui lui déchire quand même le front.
Rien de grave, qu'il se dit, et il continue de courir.
Mais au bout d'un moment, c'est encombrant, la douleur. On voudrait s'en passer ; sa plaie ne fait que se rouvrir alors il a du sang dans les yeux. Il a du mal à respirer, parfois, avec ce gros bout de scotch gris sur le nez. Alors il prend son courage à deux mains, mais c'est pour les enfants perdus qu'il le fait, pour leur bien à
eux, pas à lui.
Il est pressé, s'agite nerveusement ; c'est la première fois de sa vie qu'il met les pieds à l'hôpital ; le contexte actuel rend les choses bien différentes de ce à quoi il s'attendait. Il voulait demander des anti-douleur au type à l'accueil, mais il ne l'a pas trouvé, alors en désespoir de cause, il erre dans les couloirs, perdu entre les morts et les vivants.
Ce n'est pas si différent des rues, du dehors ; en ça, c'est presque rassurant. Mais il veut sortir vite. Le moindre courant d'air le fait pourtant cligner des yeux très vite, l'angoisse lui grimpant au corps.
Lorsqu'il croit tomber sur quelqu'un ayant vaguement l'allure d'un médecin, il lui tape un peu timidement l'épaule, mais ne s'encombre ni formalités, ni de la politesse. Ce genre de choses n'a plus d'importance, il se dit en clignant des yeux.
Plus rien n'a d'importance.
–
J'ai besoin d'anti-douleurs, tu peux m'en donner ? il sent vaguement le morceau de scotch se détendre sur son nez, menaçant de se décoller, alors il rajoute :
Et un pansement, aussi.Ashton l'a finalement accepté : pour lui, la Terre a simplement arrêté de tourner.
- résumé+hrp:
J'ai pas précisé combien de temps s'est réellement écoulé depuis la tempête pour pas te bloquer Boubou si jamais, mais ça fait moins d'une semaine. Donc :
- Ash est trop largué pour compter les jours. Il revoit constamment la tempête dans son esprit, pleins de flashbacks à cause du ptsd, et ça amplifie la fréquence de ses tocs.
- Il n'a quasiment pas dormi depuis la tempête, maximum 3h par nuit, trop préoccupé à l'idée de retrouver sa sœur + occupé à ramener les autres enfants qu'il trouve
- Il a le nez cassé, sur lequel il a mit du scotch gris + le front ouvert (mais le crâne va bien) + les mains abîmées par les gravats + quelques égratignures et une mine atroce
- Il vient donc à l'hôpital dans l'espoir de repartir vite, juste le temps qu'on lui file un anti-douleur et un pansement pour arrêter le saignement sur son front
- Il aborde le premier médecin qu'il croise (aka boubou) sans se montrer très poli