Every breath you take Ϟ Tobacco

une blessure déjà trop profonde

"Arrête de bouger. "

Un geignement sortait de la bouche du jeune homme, alors que la grande femme passait doucement ce tissu étonnamment propre, souillé par le fond d'une vodka offerte par un ancien client. Le sang imbibait le torchon, mais la blessure de l'adolescent allait survivre aux infections bien plus présentes depuis la tempête. Elle soupire.

- Tu devrais vraiment aller voir l'hôpital, Garlic.

- Non merci, j'leur fais pas confiance. Et puis tu peux parler, hein.

- T'as seize ans. Contrairement à toi, je sais prendre des décisions pour moi. Allez file, t'as ton tabac maintenant laisse moi.

- J'peux t'en gratter une dernière avant de partir ?

Tobacco laisse s'échapper un long soupir, avant de lui offrir la cigarette qu'elle s'était roulée pour elle-même. Ça l'embêtait, mais au moins le gamin serait content de rentrer avec sa dose de nicotine. Elle se disait qu'il fallait qu'elle arrête de donner autant. Surtout vu le peu qu'il lui avait offert aujourd'hui. Mais au moins, ça garde les clients réguliers. La mexicaine se remet à rouler, pour pouvoir enfin fumer. Elle avait passé plusieurs heures sans tabac, c'était un record pour elle. Alors enfin, elle profite, allumant une allumette au bois cassé sur la table basse, après plusieurs essais ratés.

La relaxation offerte par la cigarette et le manque de sommeil l'endormaient presque, mais il fallait qu'elle tienne. Alors après quelques bouffées difficiles, elle se décide à l'écraser sur sa main, la douleur lui donnant l'énergie de garder les yeux ouverts. Elle grince des dents, alors qu'elle se voit interrompue par trois tocs sur sa porte. Rarement, que les clients s'enchaînent d'une telle façon. Mais bon, elle se lève, la marque de la brûlure toujours présente, avant d'ouvrir.

Tobacco la regarde de haut en bas, un air sérieux. Elle l'a déjà croisée, mais une nouvelle cliente ne fait pas de mal. Sa pose lui rappelle un peu une professeure qu'elle avait à l'époque. Qui lui disait qu'elle ne réussirait jamais médecine. Au final, elle avait raison.

Elle fait signe à l'inconnue de rentrer.

" Installe toi sur le canapé, fais attention aux ressorts, et sort c'que t'as pour moi, j'arrive. "

Elle s'en va dans sa plantation, récupérant ce qui avait assez poussé, de façon à bien fournir sa nouvelle cliente.

une blessure déjà trop profonde

La vendeuse, tabac frais toujours en main, dépose sa récolte dans un sachet en plastique. Elle récupère une feuille de journal, un bout de carton et déchire tout son matériel pour essayer d'en faire une cigarette. Maladroitement roulée, elle se dit que ça ira pour tout survivant en manque de nicotine. Toujours boitante, la main où elle avait écrasé sa cigarette quelques minutes plus tôt lui procure encore douleur.

La frottant de sa main libre, elle retourne dans le salon pour découvrir la demoiselle, et une table vide. Avec un peu de stupeur, elle va pour s'asseoir en face d'elle, lui donnant à nouveau un regardé étonné.

" Tobacco. "

Les instructions étaient claires, n'est-ce pas ? Sortir de quoi troquer pour du tabac, il n'y a pas plus simple. Ou alors elle est là pour quelque chose d'autre. Elle n'avait pas spécialement la tête d'une pirate, mais on ne sait jamais la tête d'un pirate. Elle se relève, et va récupérer une bouteille en verre vide. Son regard ne la quitte pas, alors qu'une angoisse se crée petit à petit dans son estomac. Elle la garde bien serrée dans sa main, à côté de la table. Son plan était simple, si une once d'agressivité se faisait ressentir, elle serait prête à casser l'objet sur son crâne. Mais pour l'instant, dans l'incertitude, elle continue l'échange normalement, hormis pour le bruit de la bouteille qu'elle faisait doucement rebondir sur la table.

" Alors ? T'attends quoi pour sortir c'que t'as ? "

Elle ouvre son autre main et fait glisser la cigarette roulée auparavant vers sa cliente. À son tour, elle en roule une, et sort une des dernières allumettes qu'il lui restait. Après quelques essais, le feu naît enfin sur la table basse. Elle tend le bâton de bois vers son interlocutrice, pour qu'elle puisse l'allumer si elle le voulait.

" J'veux pas te presser, mais ça serait cool si te te dépéchaît. "

une blessure déjà trop profonde

La patience de Tobacco arrivait à sa limite, alors qu'elle entendit la demoiselle dire qu'elle n'était pas venue pour du tabac. Aux aguets, elle observait chaque mouvement de Thunderbird avec la plus grande des attentions. Sans compter le fait qu'elle venait d'éteindre une des dernières allumettes que la vendeuse possédait, ça partait vraiment sur le mauvais pied.

Elle réfléchissait, et priait qu'au moins, elle ne perdrait pas son temps en acceptant de l'écouter. Tout était mal parti, et Anthonette rêvait déjà d'être à nouveau seule, alors que l'envie de sommeil revenait petit à petit. Mais, la demoiselle n'avait pas l'air mal intentionnée, alors elle repose la bouteille en verre au sol. Claquant sa langue d'agacement, elle récupère à nouveau une allumette, la dernière de sa boîte, lâche un long soupir avant de tirer une grande bouffée.

Mais elle n'en profite pas longtemps, qu'une violente toux la prend. De la surprise, en entendant la phrase de la médecine. En réponse, elle lève un sourcil, et tire afin de se calmer d'une dose de nicotine. Elle se remet doucement de l'irritation dans sa gorge, avant d'écouter la fin de la phrase. Mais son interlocutrice empirait son cas. Tobacco n'était même pas sortie de la journée, cela veut dire qu'elle l'avait déjà vue auparavant, et pour remarquer qu'elle boitait malgré ses efforts, la tabatière pensait de plus en plus qu'elle avait un côté malsain. Puis, " dur en ce moment ", elle commençait à se demander pour qui se prenait Thunderbird. Ce n'est pas comme si elle sortait beaucoup, de toute façon. Elle n'en a pas besoin.

Elle mange, elle boit. Peut-être pas assez, sûrement pas assez vu les conditions de vie, mais au moins, elle n'a pas besoin de sortir. Son marché lui amène tout ce dont elle a besoin. Mais ce qui fit déborder le verre, dépassa la limite, ce fut le contact avec sa main sans prévention. Réflexe, même Tobacco ne se rend pas compte de son mouvement, mais sa main, clope toujours entre deux doigts, part mettre un coup d'elle même, droit vers sa joue, alors que l'autre se retire du plus vite possible.

" Que te follen, Cabròn ! J'irai pas à ton putain d'hôpital, et tu me touches pas, c'est aussi simple que ça. "

une blessure déjà trop profonde

L'adrénaline pousse le sang à travers les veines d'Anthonette. Un toucher, un coup de poing, et voilà dans quel état elle se met. La respiration accélérée, elle pose son regard sur la vagabonde qui lui fait face. Elle analyse un peu son expression, sa lèvre rougeâtre, la trace laissée sur sa joue. Elle se remet dans son fauteuil, et tire à nouveau sur sa cigarette. Bien que la culpabilité d'avoir frappé quelqu'un qui souhaite juste l'aider, encore plus après des excuses, la prenait à l'estomac, elle garde un air sérieux, ne quittant pas la médecin du regard.
Tobacco soupire, et malgré l'interaction, reste à l'écoute. Elle pointe la vodka et le chiffon étant restés sur la table, le second toujours tâché de sang, lui indiquant que cela pourrait peut-être être utile.

Mais la vagabonde doute. Elle lui parle de la soigner en dehors de l'hôpital, et de soigner son boitement. Tout ce qu'elle voit, c'est une jambe qui traîne. Dans les yeux de la mexicaine, ce sont des années de persécution qui sont enfermés dans ce boitement. Ce serait presque impossible de soigner ça correctement, encore plus avec sa phobie. Elle pensait à une arnaque. Mais pourquoi elle l'arnaquerait ? Aucune idée, mais il vaut mieux se méfier de tout le monde dans la situation actuelle.

" J'ai rien à t'échanger pour les antidouleurs, tu fumes pas. Et si t'arrives à soigner ma jambe sans me toucher, je suis prête à me faire appeler Dumbass. "

Un ton presque agressif qui sort de la voix de Tobacco. Un fond de moquerie peut-être, ou d'ironie. Au final, derrière tout ça, c'était de la détresse. Si elle avait réellement un moyen de l'aider ne serait-ce qu'un minimum, Anthonette serait réellement heureuse pour la première fois depuis longtemps. Mais les rêves appartiennent au soleil. Elle s'attend à une demande inatteignable de son interlocutrice en échange de ces services, elle s'attend à tout.

Et puis même. Le fait qu'elle ne l'ait jamais vue auparavant, mais qu'elle sait que Anthonette boitait, ça la faisait douter encore plus. Cela veut dire qu'elle l'a sûrement suivie, voir espionnée, tout ça pour jouer les héroïnes ? Les pensées de Tobacco volaient sur l'autoroute de son cerveau. Déjà que l'aide en général n'était pas sa tasse de thé, venant de quelqu'un qui l'aurait stalk, elle n'apprécie pas du tout ce qui se passe. Mais le sang froid de Thunderbird la ferait presque paniquer, là où le sang chaud de la vendeuse bouillonnait sans cesse, elle se sentait de plus en plus petite. Et peu importe si elle mordait ou non, elle ne la laisserait pas tomber. Alors elle s'accroche à la parole pour tenir. Elle essaie de jouer un jeu.

" Comment tu m'as trouvée, Thunderbird ? "