[13/7] candide crime (⁂) lust & sweetie

Encore à cette distance, il entend ce que les chevaliers tramaient. Visiblement, ils ne parviennent pas à saisir tous les enfants, même ceux appartenant initialement à leur groupe. Clairement, c’est une pagaille sans nom et se tapir dans les endroits les moins peuplés n’est peut-être pas la meilleure stratégie mais le garçon ressent, étrangement, le besoin de s’éloigner des remontrances.

Assis aux abords de la grotte, sa curiosité ne peut s’empêcher d’épier ses poursuivants. Étrangement, c’est comme si une timidité oubliée surgit derechef. Ses œillades vers l’extérieur sont ses seules tentatives audacieuses avant de reporter son attention vers ses genoux endoloris par les nombreuses chutes de la journée, recroquevillés contre son torse. Il ne fait que les balancer pour se consoler. Il ne fait que se dire, se répéter qu’il ne s’agit que d’un mauvais rêve et cela passera. Eux aussi s’en iront, ils se lasseront. Pourquoi toute cette attention portée sur lui ? Ne peut-on pas le laisser tranquille au lieu de vouloir l’emprisonner encore une fois, dans une cage dorée ?

Cette oscillation ne peut malheureusement pas l’apaiser. Lukas n’est pas vraiment un enfant. Il ne peut pas être bercé. Il est uniquement bordé par les soucis. Il entend des chevaliers se rapprocher de sa cachette. Ils n’ont pas mis beaucoup de temps, comme prévu. Sweetie n’ose même plus tenter un regard, déjà trop effaré par leur rapprochement.
Bien que la continuité de la caverne ne lui semble guère plus accueillante que les bras de ces chevaliers, il n’hésite pas à entamer une course véloce pour leur échapper, avant d’entendre des pas ricocher, en parallèle.

Au premier bruit, le garçon se glisse de nouveau contre une paroi pour tenter de s’y dissimuler mais la grotte n’est pas encore assez sombre pour le rendre invisible. Les pas lui semblent plutôt légers. Sweetie n’est pas du genre à avoir été habitué à un climat sauvage et s’y être adapté mais assez rusé, il connaît quelques techniques.
À ses pieds, le garçon se munit d’un petit caillou qu’il lance pour dérouter l’attention. La minuscule atteint un point de chute puisque Lukas l’entend ricocher.

Ce jet lui permettra, certes, de savoir de qui il peut bien s’agir mais est, finalement, parfaitement idiot. Le jeune Lukas n’a pas pensé que le caillou peut dévoiler sa position puisqu’il manque de connaissances et d’expériences, à huit ans, pour savoir qu’un projectile provient forcément de quelque part.

Quelques jurons aigus chassent donc les quelques doutes que le garçon a pu encore avoir. Des jurons qui le rendent, d’ailleurs, profondément, désolé.



Furtivement, Lukas s’est échappé de sa cachette pour se présenter, en plus de ses excuses. Son faciès baissé car coupable, il n’ose dévoiler les rougeurs aux joues que lui provoque cette situation embarrassante. Toutefois, les ténèbres les dissimulent assez bien lorsqu’elles restent perpétuelles, devant une plus petite fille que lui encore. Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Serait-elle aussi victime de ce mauvais charme ? Pleine de charme pourtant, elle est, cette inconnue.



Puisque son regard empli de tort pourrait éventuellement l’écorcher, lui aussi, il se contente de le concentrer contre le sol, faisant rouler les gravas du pied plutôt que les manipuler de ses mains. Elles sont, pour leur part, inoffensives, puisque rangées derrière son dos. Ayant perdu beaucoup de sa confiance et, par conséquent, de son entreprise, par cette chute d’âge, sa tenue ne l’aide pas davantage à être plus crédule. Vulgaire pièce de tissu confié par un de ses tuteurs d’un jour, il peine encore à la maintenir et la remonte, de temps à autre, sur ses hanches. Elle ne vaut rien contrairement rien à la dentelle de la princesse.
Avec un pareil accoutrement, elle pourrait se demander s’il n’est pas habitant de ce milieu.

Pourtant, il a l’air bien au fait de ce qui se passe à l’extérieur, de nouveau attentif. Il imagine même plutôt bien dans quelle situation se retrouve la demoiselle. Ou bien il interprète.
Entreprenant, non, encore une fois. Il est juste possessif et se porte garant de la sécurité d’une parfaite inconnue s’il l’a décidé.

Les échos se réverbérant, jusqu’à eux, contre les parois de la grotte, s’échouant plutôt dans leurs oreilles inquiètes que les fissures, Sweetie revient à la raison et, empoigne l’avant-bras de la nouvelle venue. Il ne l’invite pas puisque le garçon ne connaît pas la « galanterie » mais la pousse à le faire en tirant dessus.

Froissement dans le cœur du petit garçon qui ne sait comment encaisser de tels propos. Oh pourtant, d’un autre temps, il les aurait mieux digérés. Mais aujourd’hui, ils lui font bien plus mal.
Son cœur est bien plus minuscule pour tolérer le règne qu’on veut avoir sur lui.
Sa cage thoracique est bien trop fragile.
C’est peut-être pour cela qu’on n’hésite pas à broyer radius et cubitus gauches avant qu’il ne puisse le faire.

Lukas n’est pas un garçon gentil. Peut-être sage et obéissant mais juste parce que cela l’arrange. Cette inconnue a beau l’avoir blessé en sous-entendant qu’il mentait, il ne peut pas trop lui en vouloir car elle est la seule à vouloir être sa camarade, à accepter l’idée de s’enfuir. Toutefois, elle lui a surtout piqué cette idée. Alors qu’elle lui a saisi le poignet, lui ne peut s’empêcher d’échapper son bras et de la reprendre, cette fois, par la main, se voulant inséparable d’elle pour l’heure. Alors que les deux fuyards se mettent à courir, le garçon ne peut s’empêcher de la regarder, le rouge aux joues pleines de tendre colère ; si bien qu’elles en sont gonflées.



Regard vers l’arrière pour vérifier qui sont à leurs trousses. Il ne peut les distinguer mais les pas des dits adultes sont bien plus grands, bien plus rapides. Il se reconcentre sur la jeune fille. Il remonte aussi sa pièce de tissu à sa ceinture.



Forcément, c’est à ce moment que le burlesque pointe le bout de son nez. Quelques centimètres plus grand que la demoiselle, lui se prend dans le front une stalactite de plein fouet alors qu’elle devait certainement juste frôler l’autre crinière rousse.
Comme une certaine punition, Lukas se retrouve projeté par l’arrière, le nez coulant, de sang. Si Sweetie n’était pas présent au sein de ce corps, le garnement se serait probablement mis à hurler larmes et autres sentiments. Seule la chute les retarde et les handicape, de ce fait.

Toutefois, si les deux enfants doivent abaisser un peu la tête pour franchir ce chemin, il sera plus difficile pour les poursuivants d’avancer.
Pour l’instant, Lukas n’adopte quand même pas la bonne position puisqu’il est toujours roulé en boule face à la douleur. C’est presque accroupi. C’est presque issu de son génie, non ?

La confusion entre âge adulte et précoce se fait réellement sentir lorsque de petites gouttes salines naissent dans le coin de ses yeux. Secouées, elles hésitent franchement à couler quand on s’inquiète pour lui. C’était tout le temps comme ça : Au moindre coup dur, on le relève, Lukas. Tout le monde n’a pas eu cette chance. Mais lui n’a jamais appris à se relever tout seul. En tout cas, pas si jeune.

Ce n’est que quand l’autre fugitive se met à lui hurler dessus que le plus grand garçon en lui prend un peu plus de courage pour ressortir de sa coquille. Une enfance plus naïve, romantique et une maturité relative mais plus endurcie forment une alliance capable d’entendre les mots qu’on lui tend.
Elle, cette alliance, les comprend.
Sans ça, il serait resté là, hier, à ne rien faire. Il y a plusieurs années, il aurait continué à chouiner pitoyablement. Aujourd’hui, c’est autrement.
L’alliance comprend ces mots mais les accepte-t-elle ?

Le sang se relaie sur son avant-bras qu’il a utilisé pour sécher aussi ses larmes. La main poisseuse, il ne reprend pas la main d’une demoiselle avec celle-ci mais bien avec l’autre. Tous deux maintiennent l’autre fermement, avec une certaine colère dans la poigne chacun. Si Sweetie peut normalement contenir facilement toute la colère qui règne en lui, le petit Lukas bouillonne facilement. Ses états d’âme fusent. Acquiesçant avec un renchérissement de larmes quand on s’inquiète pour lui, il boude maintenant : On ne remet pas en cause ses capacités. S’il a dit qu’il peut le faire, c’est que c’est possible.
Et c’est d’ailleurs d’une course franche, urgeant l’autre à presser le pas, qu’il arrive finalement à un point bien plus étincelant, qu’il est attiré. Étincelant non pas parce que la lumière a éclaté ; ils n’ont pas changé de milieu. Enfin presque.

Là, dans ces cavernes, ils ont finalement trouvé un trésor. Une sorte d’échappatoire, oui, mais pas à celui auquel on penserait en premier puisque devant eux, un cul-de-sac. Ils ne peuvent pas aller plus loin et ils ne peuvent pas repartir.
L’âme d’enfant de Lukas se perd sur les innombrables jouets qui envahissent cette pièce taillée exprès pour des personnes de sa taille. Ça lui permet de fuir la réalité. De toute manière, les adultes sont bien trop loin et bien trop grands pour s’y faufiler. Lukas est si certain de son optimisme qu’il lâche la main de sa coéquipière et s’en va fouiller dans une malle (la seule), coincée dans une cavité. Elle est d’ailleurs si grande qu’elle lui permet de rentrer la tête dedans et découvrir des costumes (seulement trois, ceci dit) qui pourrait, non seulement, l’habiller, mais aussi lui permettre de jouer un rôle : Celui de pirate, tiens.



Enfilant finalement la pièce maîtresse de son costume, un cache-œil, ça ne l’empêche pas de bien voir. La petite fille, elle, n’a pas besoin de jouer un rôle. Elle s’inquiète pour lui, les autres ne le font pas. Et il apprécie cette part d’elle alors pourquoi la cacher ?

Elle a raison. Elle ne fait que répéter ce que les autres lui rappellent sans cesse : il n'est pas un pirate. Il n'est pas comme les autres enfants. Trop bien élevé, il ne peut pas s'empêcher de remettre ses cheveux en ordre quand elle les bataille.
Il bataille avec les autres et ses costumes qui ne lui sied pas.
Le cache-oeil affublé, il finit par le relever pour ne plus être si aveugle qu'il ne l'est déjà. La lumière n'est pas aussi aveuglante. Il doit l'accepter.



Et pourtant pas si lumière pour penser qu'il peut vraiment jouer les pirates. Il n'en dit pour autant pas plus, ne développe pas sachant qu'il pourrait davantage s'enfoncer. Surtout avec une autre appellation qui lui traverse l'esprit : Sweetie, c'est pas méchant. Mais à quoi ça sert d'être méchant ?



Et toi tu veux faire la grande alors que tu es aussi gentille.

Attaqué, le garçon se défend du mieux qu'il peut. Elle a raison. Il sort du lot. Bien qu'on voudrait lui faire passer le message comme si c'est une mauvaise chose, il essaye de tirer son épingle du jeu, jouer le rôle principal. Il se cantonne à ses principes, à ses promesses.



Déterminé, il lui assigne ça avec un clin d'œil. Il accepte la proposition qu'elle soit sa princesse. En toute personne, Lukas ne voit que des princes et princesses que lui est capable de sauver. Il ne faut pas lui lancer ce défi.
Motivé, le brun finit par inspecter un peu plus la malle et y dénicher une arme totalement factice et qui ne tromperait personne. Ça lui rappelle quelque chose mais même s'il n'est pas une lumière, il sait que ça ne fonctionnera pas. Une idée bien plus lumineuse lui vient en tête : en un tas, il finit par accumuler une quantité de pierres non négligeable tout de même. À Arsène, il en attribue une, avec le sourire.



Se gaussant sur place de son plan, le garçon bien élevé se surprend à dire un mot aussi grossier. Puis il se met à rire à nouveau. Ce n'est pas gentil comme mot comme ce n'est pas gentil de se comporter. Arsène a tort : il n'est pas si gentil.