Lets meet again soon [bellamy x bloody-mary x akn /xx/09/2020] TERMINE

Daphne râle, parce qu’elle a les pieds dans le sable. C’est immonde, elle déteste ça, qui sait quelle maladie elle pourrait choper, les pieds dans le sable. Elle sent les grains entre ses orteils, ça la dégoûte, mais elle n’a pas envie de remettre ses chaussures, ça les abimerait, alors elle les garde dans sa main, et elle les balance. Elle les remettra après.
Elle a besoin d’aller chercher du matériel, c’est Bloody Mary qui l’accompagne. C’est plutôt une bonne chose - pour elle en tout cas, elle ne sait pas vraiment si iel voyait ça comme une bonne chose. C’est bien un.e des seuls qui n’a pas pris l’apocalypse comme une excuse pour ressembler à un sac poubelle. Et Daphne, elle aime ça, les gens qui font attention à eux, peut-être parce que c’est eux qui la jugeront le moins. Elle s’en fiche, qu’on la juge, mais elle préfère qu’on ne le fasse pas. Son temps est trop important pour qu’elle le perde à essayer de se justifier et de se défendre.
Et même si elle se sent plutôt bien, là, elle ne parle pas trop. Elle a un peu bu, il faut dire. Elle est forte, elle est indépendante - mais elle reste plus influençable qu’elle ne le croit. Alors forcément, en rentrant chez les pirates, en fréquentant des gens comme Bloody Mary à longueur de journées, elle finit par prendre les mauvaises habitudes d’un peu tout le monde, comme un caméléon ; sa peau se métamorphose, elle se fond dans le décor, dans la foule, et bientôt, on ne sait même plus d’où elle vient, qui elle est vraiment. Et l’instant d’après, on cligne des yeux, on la perd de vue, et pourtant, elle est toujours là. Elle s’est juste transformée, encore et toujours. Elle a toujours été un peu fêtarde. Elle faisait le mur, quand elle avait seize ans.
Elle rejoignait ses amis, elle buvait.
Elle ne marchait plus droit, et elle appelait son frère au petit matin, parce qu’elle ne pouvait pas rentrer seule.
Avec ces antécédents là, c’est facile de se laisser aller à l’ivresse un peu tous les jours.

Elle a vu Ethan au loin, elle s’est dirigée vers lui nonchalamment, comme si elle n’était pas venue ici spécialement pour lui. Elle se tourne vers Bloody Mary, elle doit lever un peu les yeux pour le voir, parce que c’est une perche, parce qu’iel en impose mine de rien. Bellamy, elle aimerait bien n’avoir à lever les yeux pour personne. Mais il y a des gens, c’est comme ça, il faut lever les yeux.

« Je vais voir quelqu’un, cinq minutes. Ca te dérange ? »

Daphne n’attend pas de réponse. Que ca lae dérange ou non ne lui importait pas trop. Elle se dirigeait déjà vers Ethan de toute façon. Elle tourna les talons et se dirigea vers son jumeau, qui s’était arrêté pour les laisser venir vers eux. Du coin de l’oeil, elle regarda si la grande perche la suivait, puis elle posa ses prunelles bleues sur Ethan.
Pas un bonjour.
Pas un sourire.
Un reproche, soit-disant qu’elle le suivait. Alors qu’il y a une heure encore, elle bossait sur une voiture. Sympa. On se sentait drôlement aimé avec Ethan.

« C’est pas parce que t’as décidé de rester tout seul que je dois l’être aussi. J’ai même pas eu le choix, en plus. »

Elle croise les bras contre sa poitrine et elle souffle bruyamment. C’est bizarre, qu’il dise ça. Daphne  ne reste pas seule, elle a besoin d’être entourée. Elle n’aurait jamais rejoint un groupe, si la solitude lui donnait un joli teint. Mais ça la rend grise, et elle n’a pas besoin de ça. C’est déjà dur sans maquillage.
Elle toise Ethan, le regarde de haut en bas, puis baisse les yeux sur sa poitrine. Faut être vachement cons pour les confondre tous les deux. Ou alors ne l’avoir jamais vu. Elle ne voyait que ça. Ethan était courbé et tout mou, alors que Daphne, elle accentuait sa démarche, ses hanches. C’était trop évident, que ce n’était pas elle.

« Si tu faisais un truc avec tes cheveux, aussi… »

Daphne roule des yeux, elle s’avance pour prendre son frère par les épaules et elle sourit à Bloody Mary. Ethan ne se présenterait pas de lui-même. Il n’aimait pas parler, ce n’était pas nouveau. Et elle devinait facilement qu’il n’aimait pas les gens comme la grande perche. Ils étaient trop différents de lui, c’était carrément le genre à profiter de la petite proie facile qu’était Ethan, à le ronger, le bouffer, et le laisser sur le bord de la route, seul et agonisant.
Elle attrape les joues de son frère et elle les pince un peu. Il ne pouvait pas rester seul toute sa vie. Et Daphne, elle était là. Il n’avait pas besoin d’être autant sur la défensive. Elle avait bien conscience du rapace qu’était le.a rouquin.e

« C’est mon frère. Il est pas malpoli, juste tu lui fous les jetons je pense. Enfin, de quoi est-ce qu’il a pas peur, hein… »

Daphne glousse un peu, elle lâche les joues de son frère et elle les frotte légèrement, et ses yeux se lève vers le ciel. Elle s’appuie sur l’épaule de son frère, elle a l’air un peu plus à l’aise maintenant. Du doigt, elle montre le pantalon mouillé de son jumeau.

« Je cherche du matos, t’en as pas récupéré dans ton taudis ? T’iras te changer en passant, ce pantalon est vraiment dégueu…"

Elle se penche vers Bloody Mary. Il récupère plein de trucs, il sait recoudre des fringues. C'est une vraie penderie, là-bas... Elle chuchote, assez fort pour qu'Ethan l'entende quand même. Elle fixe son frère, ses yeux pétillent de malice, et elle rit, parce qu'elle sait que s'il pouvait, il s'enterrerait dans le sable.

Daphne plisse les yeux. Elle regarde la main d’Ethan repousser la sienne, et elle le fixe. Il est toujours comme ça. Il la repousse tout le temps. Elle le vient le voir, comme une soeur vient voir son frère, et il la repousse, parce qu’il s’en fout. Elle lui tripote les joues, les cheveux, elle le sert contre elle, et il a repousse, parce qu’il s’en fout.

« Si tu le dis. »

Elle s’en fiche elle aussi. Elle devrait s’en foutre. La tempête aurait du lui apprendre à n’en avoir rien à faire. Elle s’en fout de tout le monde, alors pourquoi c’est si dur de s’en foutre de ce type toujours cambré, toujours mou et déprimé, qui ne lui accorde que des regards désintéressés, qui fait bien sentir que sa présence dérange ?
Elle s’en fichera, un jour.
Ethan est impressionné, et elle le voit. Ce n’est pas compliqué à remarquer. Elle le présente à sa place, parce que ça pourrait peut-être le mettre moins mal à l’aise, mais ça aussi, il le prend avec défi, comme si Daphne ne cherchait qu’à le rabaisser, à avoir l’ascendant. Il oublie toujours qu’avec lui, elle est sincère, elle est naturelle, parce qu’il est censé savoir lire entre les lignes.
Elle s’en fiche.
Elle n’a pas peur.
Ce n’est pas de la peur de vouloir être seul. Pas après ce qui s’est passé, pas après que lui l’ai laissé seule.
Elle s’en fiche.

Elle se recule un peu, pour avoir une meilleure vue d’ensemble, et elle les regarde. Plus soumis qu’Ethan, tu meurs. Les inconnus lui font plus d’effet que sa soeur, et ça, c’est vachement triste. Mais ça aussi il l’ignore, parce que pour lui, il n’y a que sa tristesse dans le monde, que ses larmes à lui, qui viennent se mêler à l’eau salé et au sable.

« C’est drôle de parler alors que t’es à deux doigt de te mettre à genoux, là. »

Daphne le toise. Elle ignore la main sur sa nuque, parce que c’est qu’une main, c’est pas grand chose. Le contact ne la dérange pas, elle. Et de toute façon, c’est pas le genre de personne qu’on repousse, BM. Elle ne sait pas si c’est l’alcool qui la rend aussi agressive, mais ça aussi, elle s’en fiche. Elle se tourne vers Bloody Mary, qui a l’air toujours impassible. Daphne aimerait bien le.a sonder, mais elle devine facilement qu’on ne sonde pas quelqu’un comme la grande perche. C’est la grande perche qui vont sonde depuis son perchoir. Alors Daphne, elle ne peut que regarder, espérer comprendre un peu, et regarder à nouveau Ethan, parce que lui, c’est un vrai livre ouvert. Parce que lui, contrairement à ce qu’il dit, c’est une proie, c’est trop facile de le chasser, de l’attraper, de le dépecer.

« Tu parles. Il a envie de rien. »

Daphne hausse les épaules, pour bien montrer au monde qu’elle s’en fiche. Elle fixe Ethan, elle veut qu’il voit, qu’elle hausse les épaules. Il dit toujours qu’elle est susceptible comme une enfant. Et c’est vrai, elle le sait. Mais c’est dur de ne pas l’être.

Elle l’écoute, elle reste silencieuse. Elle balance ses chaussures dans sa main, de l’autre, elle retire son gros sac à dos. Il est presque vide, il n’y a qu’une bouteille dedans - elle a fait de la place pour le matos qu’ils devaient ramener.  Elle lance ses chaussures un peu plus loins, à côté d’un rocher. « J’ai quoi en échange ? » Daphne, elle a envie de lui dire qu’en échange, elle lui foutrait la paix, pour de bon, parce qu’elle sait que c’est la seule qui l’intéresse à peu près. Mais elle ne répond pas, elle le fixe longuement. Même plus prêt à lui rendre un service, ils sont tombés bien bas.

« Laisse tomber, je me démerderai. »

Elle secoue la tête, elle a l’air un peu déçue. Elle s’éloigne jusqu’au rocher, s’y assoit et enfile ses chaussures. Elle en profite pour les fixer à nouveau. Il a l’air si petit à côté de la grande perche. Et il a l’air encore plus petit quand il prend cet air de proie apeuré, qu’on a coincé dans un coin ; la souris qui se fait choper par le chat, qui essaie de s’enfuir, qui sait qu’elle ne le peut pas, mais qui essaie quand même. Et ça lui fait presque du mal de voir qu’il a plus de facilité à s’ouvrir à un parfait inconnu plutôt qu’à elle, même si elle comprend bien que Bloody Mary, c’est pas n’importe quel inconnu.
Elle hausse la voix un peu pour qu’on l’entende bien. Elle s’empare de la bouteille dans son sac, elle en boit une longue gorgée. C’est amer, ça lui brûle la gorge, mais c’est moins amer que d’avoir Ethan pour frère. Elle replie une de ses jambes pour la tenir contre sa poitrine.

« Tu veux pas baisser ton pantalon aussi, là, tout de suite ? Je me retourne si ça te gêne. »

Daphne, elle hausse les épaules, parce que c’est toujours ce qu’elle fait, hausser les épaules. Pour dire qu’elle s’en fiche, que sa tête est trop pleine d’elle, d’elle et d’elle-même pour s’attarder sur des choses sans importance. Mais c’est toujours important quand c’est Ethan. Seulement des fois, elle préfère se cacher, rester secrète un peu, le temps d’une seconde ou deux, pouvoir souffler parce qu’il n’y a personne pour voir ce que sa tête, faussement pleine d’elle, d’elle et d’elle-même, renferme.
Elle replie ses deux jambes, elle y pose ses bras et elle sourit. Elle n’a jamais compris lequel des deux n’était pas en phase avec l’autre ; peut-être les deux. Mais elle, elle est persuadée que si Bloody Mary lui demandait de se mettre à genoux - non, s’il l’ordonnait - Ethan, il le ferait. Parce qu’il n’aurait pas les épaules pour tenir tête à quelqu’un comme la grande perche, et elle n’est même pas sûre qu’il y ait beaucoup de monde qui le pouvaient. Pas quand on était si grand.e, si impressionnant.e, quand on devait lever la tête pour vous regarder, baisser les yeux parce que le regard devenait insoutenable. C’est pas de sa faute, à Ethan. Il n’est pas faible. C’est iel qui est trop fort.e.

« Si BM veut te voir à genoux, y a de grandes chances que tu finisses par terre, tu sais… »

Nouveau haussement d’épaule, comme si c’était une fatalité. Comme si c’était inévitable. Mais Ethan il court vite, il peut s’enfuir. Pas sûr qu’on ne le rattrape pas, mais il peut toujours essayer.

Daphne rit, elle penche la tête en arrière, elle étire ses bras vers le ciel. Elle a besoin de rire, et BM la fait rire. Ethan ne rit pas, lui, et elle ne comprend pas trop pourquoi. C’est plutôt drôle, ce qu’ils disent. Et il est seul à ne pas rire. Alors elle se lève, elle le bouscule gentiment et elle sourit. Il devrait rire un peu. Effet placebo, il pourrait finir par se sentir véritablement bien s’il faisait semblant, s’il riait aux éclats quelques secondes. Au lieu de ça, il fait la gueule.

« T’es d’accord pour que je regarde ? Promis je filme pas. »

Elle lève la main, comme l’enfant qu’elle était, qui volait des bonbons, les cachait dans sa bouche, levait ses paumes pour prouver qu’elle n’avait rien. Ses yeux s’arrondissent, pour feindre un visage innocent, vierge de n’importe quel vice.
Elle l’agite, cette petite main d’enfant, jette un oeil à ses ongles. Son sourcil se hausse, elle essaie de comprendre si Ethan veut la blesser ; mais pourquoi il ferait ça, franchement ? Elle n’a rien fait.

« C’est pas vrai, mais même si ça l’était, y a rien de mal à ça. Si tu veux me blesser, trouve autre chose, ça marche pas. »

Daphne regarde ses ongles à nouveau, semble vérifier qu’ils sont toujours intacts. Elle tend la main vers sa bouteille, qu’elle a laissé à l’abandon, elle la tend à Bloody Mary.
Ethan la pousse, la bouteille tombe de ses mains, s’écrase sur le sol. Elle y jette un oeil, le liquide ambré teinte le sable sous les pieds de Daphne. Ethan ne s’arrête pas - il se met rarement en colère, mais quand il le fait, elle a presque peur de lui tenir tête. Alors, comme si elle ne cherchait même pas à se défendre, elle se laisser tomber dans le sable, elle râle, elle frotte sa jupe, mais elle reste dans le sable. Elle laisse les yeux de Bloody Mary et d’Ethan se poser sur elle. Elle se sent sale et humiliée, mais elle ne se lève pas. Elle continue de frotter sa jupe, la serre entre ses doigts.

« Putain je l’ai lavé hier, t’abuses… »

Daphne ravale sa salive et elle pose les yeux sur Bloody Mary. Elle ne sait pas trop ce qu’elle cherche. Elle veut surtout fuir le regard de son frère. Elle désigne la bouteille en soupirant, se défait un peu de son jumeau.

« On ira en chercher une autre sur le chemin… »

De nouveau, ses yeux se posent sur les prunelles bleues du jeune homme. Elle pose ses bras derrière elle, elle baisse les yeux.
Ethan, il croit que Daphne elle a besoin qu’on répare ses vêtements, les babioles qu’elle trouve. Alors que Daphne, elle peut en trouver d’autres, des robes et des jupes. Elle n’a qu’à fouiller les maisons, les ruines, elle en trouvera. A choisir, Daphne, elle préférerait qu’il reste avec elle, mais il a du mal à le comprendre. Il ne la comprend jamais vraiment, elle a l’impression. Il croit que le matériel, c’est être présent.

« Mouais, je suis pas sûre que recoudre un string, ça pardonne le fait que tu m’aies laissé toute seule. »

Elle secoue la tête, comme pour lui signifier qu’elle n’a plus envie de parler, elle préfère se taire, c’est pas le moment de se disputer, c’était pas le moment de la jeter dans le sable. Elle a envie de crier, de lui dire que non, elle n’a pas l’impression qu’il en fait « trop » pour elle. De lui que s’il est patient avec elle juste parce que « maman l’a dit », qu’il ne le soit pas du tout. Elle a envie de se lever et de le pousser aussi, parce qu’il est trop concentré sur son malheur à lui pour se rendre compte qu’elle aussi, elle a un coeur tout noir. Mais elle y reste, dans le sable.
Elle se recule un peu, comme pour mieux s’installer, être plus à l’aise. Elle les regarde, elle rit encore. Parce que c’est drôle, cette histoire de plan à trois. C’est ridicule, et pourtant Ethan, il y réfléchit, comme s’il y avait besoin d’y réfléchir. Elle se penche un peu sur le côté pour mieux voir Bloody Mary, même si elle n’en a pas besoin, et elle lui sourit.

« Eh, il a pas dit non… Tu me diras, c’est presque comme s’il se touchait tout seul, non ? »

Elle rit à nouveau, elle a envie de jeter sa tête en arrière, mais elle a peur que ses mèches blondes se perdent dans le sable. Alors elle se contente de rire, elle dandine ses jambes de gauche à droite, et puis elle tend la main. Elle fait la moue, elle l’agite vers Bloody Mary, parce qu’elle en a marre d’être dans le sable. Elle est sale. C’est dégueu. Elle vient peut-être d’attraper toutes les maladies du monde.

« T’aiderais pas une demoiselle en détresse ? »

Daphne attend qu’on la redresse, ce que Bloody Mary fait en exagérant bien l’ennui que cela lui procure. Ethan dit toujours de sa soeur qu’elle est excessive au possible, mais Daphne, elle, elle n’a jamais trouvé plus excessive que Bloody Mary. Les autres. ça les agacent peut-être, mais Daphne, ça la fait rire, ces yeux qui se roulent, ces doigts fins qui accentuent chacun de leur mouvement pour les rendre plus sensuels. Elle aime l’excès, Daphne. Alors les pupilles de lae Pirate, qui dansent, se lèvent vers le ciel, pour se reposer sur la blonde allongée dans le sable, ça ne la vexe pas. Elle aurait réagi pareille. Elle lae remercie, elle frotte le sable sur l’arrière de sa jupe en grognant. Elle est toute blanche maintenant, c’est immonde, elle va devoir se balader comme ça, sale, sans aucune classe, avec toutes les maladies du monde sur son corps.

« Et encore ? C’est sérieux ça ? »

Daphne lae fixe, ses yeux s’écarquillent, ses paupières s’agitent, elle bat des cils. Pourtant, maintenant qu’elle y réfléchit, chacun ses valeurs. Si Bloody Mary y trouve son compte, qui elle est pour juger, elle ? De quel droit se permettrait-elle de juger la belle rousse qui doit baisser les yeux pour la voir, parce que son piédestal est bien trop haut pour elle, pour n’importe qui, pour le monde ? Encore une démonstration de l’excès ; Bloody Mary, iel est trop tout.
Daphne évite le regard d’Ethan. Elle évite même ses mots, mais ses oreilles les entendent malgré elle. Elle laisse ses pupilles bleues se balader sur Bloody Mary, parce qu’elle n’a pas envie de voir son frère s’éloigner, encore. Pourtant, il faudrait bien qu’elle voit les choses en face. Elle finit par se détourner, elle fronce les sourcils. Ethan est déjà un peu loin, alors elle hausse la voix pour se faire entendre. Elle a presque envie de prendre la bouteille et de la lancer, mais elle se retient. Elle n’a pas envie de le braquer encore plus, pourtant elle devrait.

« Toi trouve toi quelqu’un pour aller te faire foutre, ça te ferait du bien ! T’es trop tendu comme mec, rigole un peu, merde ! »

Daphne récupère son sac rageusement et elle se détourne vers Bloody Mary en soufflant. Elle grimace un peu en voyant le goulot s’approcher de ses lèvres, elle secoue rapidement la tête, prend la bouteille et l’essuie sur le sac. Ce serait dommage d’abîmer un si joli visage avec des boutons de fièvre sur les lèvres.

« Eh, fais gaffe, on sait pas combien de clochards sont venus se soulager ici… »

Elle grimace à nouveau, mais ça la fait rire. Parce que c’est drôle, de dire ça, alors qu’elle est autant à la rue que les clochards qui la dégoûtent tant. Elle se croit encore dans sa tour d’ivoire, dans son petit appartement bien rangé, dans sa penderie, assise sur sa coiffeuse. Elle oublie qu’elle dort dans une voiture, elle aussi. Qu’elle n’a plus le confort d’une baignoire. Elle oublie, c’est mieux ainsi.
Elle rend la bouteille à son ami.e, croise les bras et sourit encore.

« Bon alors, c’est qui que t’as mis dans ton lit ? Un cousin ? Une tante ? Un papi….? Si c’est un papi je préfère pas savoir, en fait. »

Daphne n’a plus envie de voir Ethan. Il l’agace trop. Il lui fait perdre son sang froid, alors que Daphne, elle a toujours dit qu’elle resterait calme, qu’elle règlerait ses conflits avec l’élégance d’une dame - c’est ce qu’elle dit, pas ce qu’elle fait. Mais lui, il la fait sortir de ses gonds. Elle a envie d’hurler encore, de lui dire de ne plus venir lui parler, la voir, n’importe quoi, mais ça ne le dérangerait même pas. Et sa voix s’étouffe dans sa gorge, parce qu’elle n’a rien à dire, rien à hurler. La rage reste coincée dans ses poumons, et elle ne pourra jamais l’expulser, jamais l’envoyer voler vers Ethan et ne plus jamais la récupérer. Elle est là, elle y reste.

Mais il y a Bloody Mary. Alors même dans la rage et dans l’ivresse, elle trouve un peu de réconfort, une raison de sourire. Elle se détourne d’Ethan pour qu’il disparaisse de son champ de vision plus vite. Elle garde ses yeux sur sa grande perche, son allié.e, la seule bouée qu’elle a pour l’instant. Ethan est parti, mais pas iel. Iel est resté.e avec elle, iel partage son ivresse. Alors Daphne, elle se fiche que son frère soit parti. Elle a même l’impression que Bloody Mary la comprend mieux. Elle aime bien se dire qu’iel est son amie, c’est réconfortant, et elle trouve qu’ils vont bien ensemble tous les deux, et elle a besoin d’un duo comme iel. Elle sourit un peu. Ils n’avaient qu’à trouver une autre alliée, s’appeler les Totally Spies, ou un truc idiot du genre, mais un truc qui réconforte Daphne. Et les Totally Spies, ça leur va bien, non ? La rousse, la blonde. Ca leur va bien.

« J’ai horreur des vieux. Je sais même pas si je pourrais en toucher un contre un million… »

Elle grimace avec horreur, imagine la scène un instant et secoue la tête vivement. Même pas pour un million, impossible. Elle ferait beaucoup de choses pour un million. Elle adore les défis, l’adrénaline. Elle dirait même qu’elle aime bien le danger. Mais pas approcher un vieux. Pas approcher le lit d’un vieux.
Mais Bloody Mary, elle l’a vite compris, iel est au dessus de ce que le monde dicte. Et Daphne, ça fait briller ses yeux, parce que c’est ce qu’elle a toujours voulu, c’est ce à quoi elle aspire. Et c’est peut-être pour ça qu’elle lae colle un peu. Comme un caméléon, elle veut changer sa peau, la voir se métamorphoser par la présence de la belle rousse. La tempête lui a pris beaucoup de choses, mais elle lui donne peut-être l’occasion de se libérer des chaînes que la vie accroche à tout le monde. Et Ethan qui s’en va comme ça, ça brise les maillons de la chaîne, petit à petit. Un peu plus, elle se glisse dans les ombres, et il viendra un jour où le caméléon y restera. Elle attend.

« … Il était beau au moins, ton cousin ? »

Elle arque un sourcil, sa moue se transforme, elle est un peu curieuse, un peu amusée aussi. Parce que personne ne parlerait avec autant de franchise. Elle réfléchit, se demande si elle oserait faire un truc pareil avec un cousin. Et comme elle réfléchit longuement, comme elle hésite, elle se dit que ce n’était pas impossible, sans doute. Peut-être.
Daphne sait qu’iel parle d’Ethan. Elle ne se retourne pas pour autant. Elle lae laisse partir vers son frère et elle attend, sans regarder en arrière. Elle hésite à reprendre la bouteille, mais elle n’arrive pas à passer au dessus du dégoût de l’avoir vu par terre. Elle en attendra une autre, comme elle attend que Bloody Mary revienne. Elle lui attrape le bras pour enrouler le sien autour, elle marche rapidement, loin de la plage, loin de son frère.

« C’est un con, il restera con. J’en ai marre de me battre pour lui alors qu’il se soucie à peine de moi. C’est quel culot de dire qu’il en fait énormément pour moi alors qu’il m’a largué, sérieux… Au beau milieu de la fin du monde, t’imagines ? Il me laisse pioncer dans ma bagnole, merde… Elle est à deux doigts de l’explosion, et il le sait… »

Profondément agacée, elle serre la manche de Bloody Mary entre ses doigts. Ses sourcils se froncent, son visage se fait un peu plus sévère. Elle n’évite pas les conflits. C’est Ethan qui fuit, tout le temps, sans cesse. Et elle, elle est essoufflée à force de lui courir après sans jamais s’arrêter. Elle prend des pauses maintenant. Mais elle sait qu’un jour elle arrêtera de courir, parce qu’elle en sera incapable.
Elle penche en arrière pour voir Bloody Mary la grande perche, elle sourit. Elle doit s’appuyer sur son épaule pour aller lui embrasser la joue. Daphne, elle est câline, elle est tactile. Elle aime bien qu’on le soit avec elle.

« Toi aussi tu m’aurais laissé dormir dans ma caisse sans vergogne, mais on va faire comme si c’était pas le cas, ok ? »

Elle hoche la tête, comme pour lui dire de jouer le jeu. Elle en a besoin, elle a envie de pouvoir dire qu’il y a quelqu’un pour s’occuper d’elle.

« Heureusement que t’es là, toi tu me laisseras pas. Vas-y c’est à toi, dis un truc qu’ils disent toujours dans les sitcoms, tu sais les trucs trop niais que personne dit jamais dans la vraie vie… »

Daphne pose ses yeux sur Bloody Mary, semble lae sonder, un peu surprise. Il y a plein de choses qu’elle trouve moche, elle. Un tas de choses, en fait, si bien qu’elle ne saurait même pas tout lister. En fait, rares sont les choses qui trouvent réellement grâce à ses yeux ; elle est un peu exigeante, Daphne. Elle ne veut que le meilleur, le top du top, parce que c’est tout naturel, quand on est déjà tout en haut, de ne pas se contenter de n’importe quoi. Et c’est un peu étrange, parfois, qu’elle soit comme ça. Parce que sa voiture, c’est une poubelle. Beaucoup de ses vêtements sont recousus. Elle se contente d’un pauvre gloss qui a passé la date de péremption. Mais ces choses là sont dignes d’elle, c’est ce qu’elle dira.

« C’était un bon coup, alors ? »

Elle lui pince la hanche, une fois, deux fois, et elle sourit. Daphne, c’était la fille du lycée qui aimait tout savoir, et qui savait tout. Qui fourrait son nez un peu partout sans qu’on le sache, et qui te demandait innocemment, le lundi matin, pourquoi ton date s’était mal passé. Elle aime bien les ragots, Daphne. Les histoires un peu croustillantes qu’elle et ses copines se racontaient tard le soir au téléphone. Les petites choses simples, les histoires de coeur mélodramatiques, les baisers volés pendant une soirée trop arrosée. Ca lui manque, d’être une adolescente. De ne plus avoir à se soucier de passer la ville au peigne fin, au cas où le cadavre d’une certaine personne se cacherait dans les décombres.

« C’est pas que ça. C’est plein de trucs. C’est fatiguant, juste, qu’il se rende pas compte que j’essaie de l’aider. Et il accepterait de l’aide de n’importe qui, mais pas de moi, j’arrive pas à comprendre ça. Il accorde plus d’attention à une meuf qui est six pieds sous terre depuis quoi… Dix ans ? Alors que c’est pas elle qui se réveille tous les matins avec la boule au ventre parce qu’elle se demande si elle devra aller le voir à la morgue dans la journée. Je sais même pas s’il s’en rend compte. Tu sais quoi, on peut faire le test toi et moi. Tu me tues maintenant, tu fais ce que tu veux avec mon cadavre, je m’en fous un peu d’où il atterrit juste maquille moi un peu, que je sois un peu présentable pour ma dernière photo tu vois… Et tu calcules le temps qu’il met à se rendre compte que je suis crevée. On fait ça ? »

Daphne tend sa main, comme pour qu’iel la serre, elle a toujours ce grand sourire aux lèvres, elle bat des cils à son tour. Parce qu’elle préfère en rire, elle n’a pas envie d’être triste ou agacée. Elle a envie de rire maintenant. Elle ignore la rage dans ses poumons, elle se dit qu’elle finira par l’expulser en riant. Alors elle glousse, prend la main de Bloody Mary pour la serrer, comme pour sceller leur pacte, et elle lae lâche.
Et elle éclate enfin de rire. L’air sort de ses poumons, presque comme une libération. Elle se colle un peu contre Bloody Mary, elle laisse sa main se poser sur sa taille. Ca ne la dérange pas, elle aime ça. Elle lui pince la hanche à nouveau, lève ses yeux rieurs vers ellui. Bloody Mary, c’est pas le genre de personnes qu’on croit drôle. Iel est trop imposant pour ça. Et pourtant.

« Ils doivent pas être incroyables, si la banquette fait un meilleur taff… »

Elle glousse encore un peu, ses yeux s’arrêtent sur les plis du front de Bloody Mary et elle rit un peu plus. Elle ne sait pas trop ce qui lae fait tiquer. Elle ne pense pas assez clairement pour deviner, mais ça la fait rire. Alors elle se contente de rire.

Daphne s’arrête, elle écoute. Elle ne rit plus, elle écoute juste. Elle se laisse faire, comme une marionnette. Elle laisse Bloody Mary la prendre ses mains, la prendre dans ses bras. Elle ne bouge pas, ne dit rien, ferme les yeux. Elle apprécie l’étreinte, la voix qui chante pour elle. Ethan il chante aussi, mais pas pour elle. Il ouvre ses bras, mais pas pour elle. Elle se laisse juste bercer, profite qu’on la prenne contre soi, qu’on ne la rejette pas. Et si elle n’avait pas tant envie de rire, elle se serait sûrement laissée un peu sangloter contre ellui. Mais elle a besoin de rire, alors elle penche la tête en arrière pour voir la belle rousse, elle sourit de nouveau.

« Tu vois, là on dirait une sitcom. Là tu vas me demander en mariage, c’est ça ? »

Elle se penche, tapote les poches de Bloody Mary, comme si elle cherchait un écrin, et elle rit encore, encore, jusqu’à expulser tout l’air de ses poumons. Elle se rapproche à nouveau, l’enlace un peu plus fort, appuie son nez contre son cou et lui embrasse. Ca lui manque, les câlins.

« Tu me dis si je t’emmerde, je prends un peu de place, c’est vrai. Mais ils font du bien, tes câlins. »

Daphne lae dévisage longuement. Elle essaie de deviner ce qui se cache derrière ses mots, derrière cette incertitude qu’iel exprime brièvement, le temps de quelques mots, avant de se taire, de la laisser pendue à ses lèvres. Néanmoins, elle arrive bien à comprendre que l’expérience n’a pas été agréable, et Daphne sourit, comme pour être rassurante, mais elle ne sait pas si son amie en a besoin. Les hommes sont rudes, et elle ne le sait que trop bien. Son frère lui disait tout le temps qu’elle choisissait toujours les pires copains possible. La plupart du temps, il n’avait pas tort. Elle semblait vraiment n’être attirée que par les pires rejetons de cette planète, sauf exception.

« C’est des pourris les hommes. Je crois que de tous mes copains, j’en ai eu qu’un qui était pas une ordure. »

Elle semble réfléchir, mais elle finit par acquiescer. Un seul, parmi toutes les aventures de Daphne, les longues, les courtes. Les passionnées, les emmerdantes. Alors elle lui tapote la joue. Elle aime se dire qu’elles se comprennent un peu, dans la peine que les hommes ont du leur infliger. Parce que dans les yeux de Bloody Mary, ça se voit. Daphne, elle a trop vu de gens malheureux pour ne pas reconnaître ceux qu’on avait meurtri.
Elle continue de tapoter les joues de Bloody Mary, reste un peu silencieuse. Ethan est plus que compliqué, c’est une vraie énigme. Elle essaie de le comprendre du mieux qu’elle peut, de se mettre dans ses chaussures. Et à force de le faire, comme un calque, elle a fini par avoir mal elle aussi. Par elle-même se sentir vide des fois, quand elle est seule dans sa voiture, le soir, qu’elle bidouille une vieille radio qu’elle a trouvé. Elle fait danser le tournevis entre ses doigts, sa tête est vide, la banquette est vide. Et le vide, il ne s’étend que quand elle est seule, quand elle se laisse submerger par les ombres et en devenir. Et quand elle suit Ethan, quand elle troue ses robes, quand elle cherche des boîtes débiles à réparer, c’est différent. Le néant la quitte un peu, et Ethan la fait rire, parce qu’il est un peu maladroit, et c’est drôle. Mais des fois, il court trop vite. Alors elle s’est trouvé des amis, des gens comme Bloody Mary, dont la présence est douce et rassurante. Des gens qui la comprennent, bizarrement.
Elle laisse Ethan de côté, préfère ne pas surenchérir. Elle n’a pas envie de laisser éclater son agacement, parce qu’il ne mérite quand même pas qu’elle dise de mauvaises choses à son sujet. Elle les tait, les enferme dans une boîte, qu’elle jette à la mer.

« Pourquoi c’est si compliqué avec les filles ? T’as pas eu beaucoup d’aventures féminines ? »

Daphne s’étonne un peu, elle fixe Bloody Mary. Pourtant, elle est sûre qu’iel en attire beaucoup des filles. Dans les bars, appuyé nonchalamment contre le mur, dans le fumoir. La cigarette au bord des lèvres, le regard qui sonde la salle, chaque personne présente, qui jauge toutes les pupilles lascives qui se posent sur ellui.
Elle finit par hausser les épaules et frottent ses mains contre son dos. C’est trop improbable, au final, qu’iel n’ait que peu d’expérience avec les femmes. C’est sans doute simplement que sa préférence ne se tourne pas vers elles.

« … Je suis sûre que tu lui rappelles l’autre greluche. C’était une rouquine elle aussi. »

Les iris de Daphne s’assombrissent et elle détourne le regard. Elle aurait bien aimé qu’Anna n’existe jamais. Tout ce qu’elle avait fait, c’était lui faire du mal. Et pourtant, elle était dans sa tête tout le temps, en permanence. Elle faisait de l’ombre à tout et tout le monde, alors qu’elle l’avait brisé. Et Daphne, elle avait peur que ça finisse par le perdre, pour de bon, de trop se noyer dans ses souvenirs. Et elle devait bien l’avouer, égoïstement, ça lui faisait du mal de se dire qu’on lui faisait de l’ombre, à elle, alors que Daphne et Ethan, c’est des âmes soeurs. Elle a même un peu peur que, s’il y avait un Dieu là-haut, il finisse par proposer d’échanger Anna contre Daphne, et qu’il accepte, lui, parce que cette fille l’obsède trop, qu’elle l’a trop cassé. Et elle, de son côté, si on lui proposait, elle est certaine qu’elle accepterait, malgré tout, de lui ramener Anna, même si elle devait s’effacer.

Daphne inspire. Pousse la boîte plus loin dans la mer pour finir par l’oublier. Elle penche la tête pour voir la grande perche rousse, et elle rit. Parce qu’il fallait s’y attendre, à ce qu’iel dise ça. Parce que ça aurait été bizarre, que Bloody Mary ne fasse pas de remarques de ce genre.
Elle hoche la tête, son sourire s’élargit, elle lui pince encore la hanche.

« Oui, enfin, c’est ce que tu dis, j’ai aucune preuve de ça, moi. »

Daphne hausse les sourcils, fixe Bloody Mary. Elle réfléchit longuement à ses mots. A la bonne copine, au meilleur ami gay, et elle finit par éclater de rire. Elle se tord un peu dans les bras de son nouveau meilleur ami gay, elle masse son ventre comme pour en calmer les maux. Parce que c’est trop absurde, et qu’elle y croit à peine, que quelqu’un comme Bloody Mary passe pour la bonne copine avec qui on va faire du shopping, alors qu’iel a sans doute fait du rentre-dedans à toutes les filles dont iel a croisé la route, que c’était trop évident qu’iel avait sans doute juste envie de vous mettre dans son lit, pas de faire ami-ami avec vous.

« La bonne copine, j’aurais tout entendu… Elles comprennent pas les sous-entendus salaces, les filles avec qui t’as parlé ? T’es pas assez franc pour elles ? »

Daphne penche la tête, elle pousse un long soupir pour ralentir un peu son rythme cardiaque, qui s’est drôlement accéléré avec son fou rire. C’est vrai qu’elle voit un peu Bloody Mary comme une bonne copine. Mais pas totalement comme une bonne copine. Ce sont sans doute leurs intérêts communs pour les choses un peu superficielles qui font qu’elles ont l’air de deux copines. Mais la considérer comme sa super copine, ce serait aussi mettre de côté les numéros de charme de la grande perche, la façon qu’iel a de vous dévorer du regard, de vous faire comprendre que vous êtes une proie, et qu’iel est en chasse.
Un instant, une seconde, Daphne baisse les yeux vers la main qui se presse plus contre sa taille, et elle sourit. Elle penche la tête à nouveau pour voir le visage de cellui qui la serre contre ellui. Presque innocemment, ses yeux s’arrondissent, ses sourcils se lèvent un peu plus. Bloody Mary aime jouer, et Daphne aime ça tout autant. Elle aime bien prolonger les jeux, les échanges de regards, parce que c’est prolonger l’attention qu’il y a sur elle, et qu’elle n’en a jamais assez, qu’elle aimerait qu’il y en ait toujours plus.

« Tu parles beaucoup, hein… »

Daphne hoche la tête lentement, ses yeux toujours plein d’innocence. Elle n’attend pas longtemps. Effectivement, Bloody Mary parle beaucoup, mais iel agit beaucoup aussi. Daphne, ça fait longtemps qu’on ne l’a pas touché, qu’on ne l’a pas embrassé. Ethan, il peut dire ce qu’il veut, qu’elle se tape tout le monde, qu’elle change de mec tous les soirs, c’est bien loin de la réalité, tout ça, depuis la tempête. Elle en a même perdu l’habitude. Ca lui fait tourner un peu la tête, ce cocktail d’alcool et de baisers. Ses doigts cherchent un appui, et ils s’accrochent au tissu de son haut. Elle doit se mettre un peu sur la pointe de ses pieds, parce que Bloody Mary, c’est vraiment une grande perche. Elle sent les caresses, le souffle chaud, les soupirs, se balader jusqu’à son cou, revenir vers son visage, repartir. Il lui semble qu’elle soupire un peu elle-même, et l’instant d’après, plus rien. Les cailloux roulent sous les pieds de Bloody Mary, sa voix rauque s’impose dans l’air. Daphne passe ses mains sur ses pommettes, qu’elle sent plus chaudes qu’à l’ordinaire, et elle aussi, elle se tourne pour faire danser ses hanches jusqu’a Bloody Mary. Elle se plante devant iel en souriant, attrape la cigarette pour inspirer une longue bouffée de nicotine, comme jalouse de l’attention qu’iel donne plus à la cigarette qu’à elle. Elle baisse les yeux vers la cigarette entre ses doigts, en prend une dernière longue bouffée pour la terminer et la jette à terre. Fini d’embrasser la nicotine. Daphne fait la moue, elle l’enlace à nouveau, prend ses mains pour les reposer là où elles devraient être, à la courbure de son bassin. Elle glisse ses mains dans les poches arrières de son pantalon, jette un peu sa tête en arrière et appuie son nez sur la mâchoire de Bloody Mary, parce qu’elle est trop petite pour aller chercher plus haut, de toute façon.

« Tu veux rester mon meilleur ami gay ? Soit, si c’est ce que tu veux… »