La question ne trouvait toujours pas de réponse. Liam avait beau la tourner encore et encore dans sa tête, il avait beau en observer tous les angles, entre les P et les Q qui pendent, entre l'instant où il avait vu son père se jeter sur lui, elle était irrésolue. C'était aussi complexe d'y répondre qu'une autre.
[Qu'est-ce que je fous à vivre sur cette terre.]
Et ça tourne, tourne, tourne en boucle, et ça ne s'arrête jamais jamais jamais jamais. La poussière s'accumule sur sa table de chevet, avec les origamis et la saleté. Liam continue toujours de s'interroger. [Ce n'est pas moi qui devrais être là.]
Est-ce qu'il y a vraiment un Paradis ? Un lieu plus haut que le ciel où son père l'observe ? Est-ce qu'il y a quelque chose après la mort ? Ou bien les hommes ne deviennent qu'un tas de protéine qui nourrit les vers, fertilisent la terre ? Liam ne sait pas. Il ne croit pas en Dieu, il n'y croit plus depuis qu'il est en âge de comprendre que les adultes sont des menteurs. Alors Liam commence à vivre un peu pour lui. Régulièrement, Hawk fait le mur. L'expression est un peu étrange, faire le mur, ça veut dire quoi ? Rester immobile, les bras le long du corps ? Il s'enfuit plutôt ; il abandonne Phaner et ses préoccupations, il laisse derrière lui Fawn et son père. Il se trouve une place, plus agréable et moins écrasante dans la forêt, là où son ami l'attend. C'est simple, lorsqu'il met un pied dedans, et qu'il perçoit le souffle du vent, Liam s'y sent davantage chez lui que chez les Green.
[Où tu es où ?] [Tu as un nom, n'est-ce pas ?]
Ses absences sont de plus en plus courantes, il ne touche plus aux tâches qu'on lui assigne, et lorsqu'on lui reproche quelque chose, il hausse les épaules. En vérité, Hawk est plus heureux là-bas qu'avec les humains.
Aussitôt que le souffle du vent semble murmurer dans son cou, Liam sent ce poids terrible sur la poitrine se faire balayer. Et il le voit déjà au loin, l'on dirait qu'il l'attend. Ses ramures sont imposantes, son pelage est sali par la terre et la pluie qui se retire. Parfois Liam, il pense à prendre ses affaires et ne plus revenir.
Rester ici, avec lui.
C'est que le temps s'écoule différemment, il pourrait passer l'éternité à le regarder. Le renne est massif, épais, il pourrait lui transpercer la poitrine ou lui crever un oeil avec ses bois. Ses sabots frappent la terre comme des coups de tonnerre, et son souffle est sonore, un brouillard qui s'étend depuis ses narines. Pourtant, Liam peut abandonner sa main sur son museau, sentir sous ses doigts sa fourrure, les poils plus courts.
Quand il vient, Liam lui apporte à manger, des fruits souvent.
Lorsque sa main caresse son encolure, l'autre lui tend des baies.
Spiza s'était vu confier une mission. La perspective était galvanisante. Son cœur battait à tout rompre alors que ses foulées avalaient la distance, une hâte non dissimulée lui donnant de l'impulsion. Février avait retiré son manteau de neige depuis un moment, et avait entrepris de préparer ses tenues de printemps. Si le paysage restait globalement terne, quelques arbrisseaux laissaient entrevoir les premières pétales de fleurs blanches. C'était un paysage que Spiza appréciait beaucoup, il lui semblait toujours que le début du printemps serait le moment idéal pour débuter quelque chose — et rien ne semblait avoir débuté depuis bien longtemps, même lors des printemps précédents. Sa journée commençait donc bien ; savoir qu'il serait utile l'avait mis de bonne humeur, et voir les jolies fleurs printanières se dévoiler avait achevé de le pousser vers l'euphorie. Ses humeurs connaissaient beaucoup de fluctuation, et il espérait qu'aujourd'hui serait un jour de stabilité.
Tout dépendrait de la réussite de sa mission. On lui avait demandé de garder un œil sur Hawk, son collègue explorateur. Il l'avait déjà vu, ils étaient après tout collègues, mais ils n'avaient échangé ce qu'on pouvait appeler une conversation. Aussi, le polonais n'avait aucune idée de ce que pensait et ressentait le brun. La seule chose dont il était au courant, c'était que l'explorateur disparaissait et manquait à ses taches. Le blond, lui, était de ceux qui arrivaient toujours en avance et repartaient les derniers, après avoir terminé tout ce qu'on lui avait demandé de faire. Il venait travailler même lorsque il était malade, et n'avait jamais déçu qui que ce soit. Ce contraste entre les deux explorateurs avait fait naître une certaine curiosité en lui. Que pouvait-on faire pour manquer à ses devoirs ? Si certaines personnes pourraient penser que Spiza possédait des principes et un sens du devoir inébranlable, il était en réalité beaucoup trop anxieux à l'idée de se faire détester pour supporter l'idée de décevoir ou de ne pas être à la hauteur des attentes. Il envia le fait qu'Hawk n'était visiblement pas comme ça, même sans savoir la raison de ses absences.
Localiser Hawk n'était pas si difficile. Il suffisait de chercher des cheveux en bataille, ondulés. Eux aussi étaient tout le contraire des cheveux naturellement lisses et presque blancs de Lucjusz. Ces contrastes intriguèrent davantage Spiza. Le polonais s'était imaginé une histoire rocambolesque, Hawk aurait, au cours d'une exploration, fait la connaissance de malfrats. Il aurait sombré dans l'obscurité, et serait en train de comploter contre les Greens pour renverser le pouvoir. Cette histoire n'était pas crédible aux yeux du blond, mais elle l'amusa alors qu'il débuta sa filature, tapi dans les fourrés, les yeux rivés sur les vêtements d'Hawk pour apercevoir leurs couleurs à travers les arbres au loin. Il suffisait de regarder Hawk pour deviner qu'il était plutôt du genre à lire un livre, perché en haut d'un arbre, comme les protagonistes solitaires qui s'enferment dans une bulle. Son entrée dans la forêt avait confirmé l'impression.
La fin de l'hiver voilait la forêt d'une étrange ambiance, un peu mélancolique. Il suffisait que les nuages laissent place à une étendue bleue pour que l'impression se dissipe, mais ce jour là, le ciel était d'un blanc uniforme. Un léger vent faisait murmurer les feuilles mortes au sol, et la silhouette solitaire, lointaine, d'Hawk paraissait presque comme un fantôme qui errait à la recherche de quelque chose. La bouche de Spiza s'arrondit en un "o" muet alors qu'il aperçut une couleur encore différente. Il s'agissait d'un animal. Un renne. Les yeux du polonais se plissèrent, à la recherche d'un peu plus de netteté. Un renne. Un renne ? Lucjusz n'en avait jamais vu, si ce n'est via des médias ou des photos. C'était autre chose d'en voir un en chair et en os. La mission n'avait pas mis plus de temps à se volatiliser de ses pensées : Hawk et le renne semblaient bien s'entendre, et Spiza comprenait qu'on préfère passer du temps avec un animal.
Un dilemme s'imposa à lui. La peur de déranger Hawk ou de faire fuir le renne enracinait ses pieds dans le sol, mais l'envie de tenter sa chance semblait lui pousser le dos. Déséquilibré par ces deux émotions, il tituba dans ses pensées, trébucha sur les mots qui se bousculaient dans son esprit. Puis, parce que le renne lui rappela la maison, l'écurie et les chevaux, il trouva le courage de faire quelques pas de plus. Il était encore à trente mètres. Ses poumons se remplirent d'air, et il en extirpa un soupire sans fin. Ses pieds reprirent leur chemin timide, les mains enfoncées dans les poches de sa veste en jean. Le renne avait fixé son regard sur lui, et Spiza se pencha en pliant légèrement les genoux aussitôt, comme écrasé par le poids. Il prit une nouvelle inspiration, prêt à formuler la plus belle de ses interventions :
— Hey. S'il manquait cruellement d'éloquence, il avait au moins la chance d'avoir une voix assez douce pour exprimer facilement sa volonté de n'embêter personne. Dis lui que je suis pas méchant ajouta-t-il, presque certain qu'Hawk allait l'expliquer au cervidé et que celui-ci comprendrait ses mots, comme certains dessins animés qu'il avait pu voir lorsqu'il était petit. C'était déjà une chance que le renne ne se soit pas encore enfui, mais quinze mètres les séparaient, et le moindre faux pas pourrait effrayer l'animal.
résumé:
Spiza suit Hawk après qu'on lui ait donné la mission de découvrir ce qu'il trafique. Il le suit jusqu'à la forêt, s'émerveille en voyant le renne. Après délibération mentale, il décide de s'approcher tout doucement et il demande à Hawk de dire au renne qu'il lui fera pas de mal, on sait jamais, au cas où Hawk a un pouvoir qui lui permet de parler aux animaux comme dans la famille delajungle.
Le renne releva la tête, Hawk recula aussitôt d'un pas. C'est qu'il ne perçoit plus les choses comme avant, les semelles qui font craquer les branches, ou couinent sur la terre, les bruits se font ensevelir sous d'autres bruits. Le renne est tranquille, lui, il renifle sa main, et retourne à ce qu'il faisait. Sa bouche est humide et brûlante, comparée aux doigts de Hawk qui sont froids et raides. Il se retourne vers ce que son ami regardait, et son sourire revient se plastifier à son visage. Un réflexe, un masque parmi tant d'autres pour cacher l'anxiété dans ses entrailles.
C'est qu'il était bien, là, Liam.
« Je ne sais pas. »
Répliqua Hawk, on lui disait souvent : « ce n'est pas méchant », avant de lui donner les coups ou de l'humilier, qu'il fallait s'endurcir de son côté pour supporter le poids du harcèlement. Ah... Ce n'était pas contre Spiza, et à vrai dire, Hawk ne le connait pas assez pour se faire une opinion des autres. C'est qu'avec le temps, sa méfiance a grandi, et qu'il cherche toujours à savoir s'il y a un double sens caché dans toutes les phrases qu'on lui balance. Le renne ne semble pas avoir peur, ses bois sont trop hauts et lourds pour qu'il s'inquiète du fardeau des humains.
Hawk regarda un peu plus Spiza, le corps tourné de trois quarts, à la fois vers l'animal et l'autre explorateur. Il avait cet accent de l'Est qu'il ne situait pas très bien, la voix un peu trop douce pour qu'il puisse l'entendre — les sons sont brouillés par le souffle du vent. Il était aussi blanc et blond que Liam avait le cheveu noir et la peau sombre.
Et Liam ne se doute pas un instant qu'on envoie Spiza sur ses pas, ses yeux se fixent sur lui ; c'est deux perles de jais, indifférentes.
[On dit qu'il a le regard d'un poisson mort.] [Hé Mackenzy, t'as une âme ?]
Liam passe la main sur l'encolure du renne, il perd ses doigts dans sa fourrure épaisse, et il enlève par automatisme des feuilles qui s'y agglutinent.
« Tu fais quoi ? T'es en mission d'exploration ? »
Liam fronce les sourcils, non, d'habitude, ils sont toujours au moins deux, surtout après que l'ombre est portée ses premières agressions. Hawk reste planté là, toujours aussi immobile dans la forêt des murmures. Et il se demande, si tu es là.
[Si tu l'observes quelque part.] [Si tu veux un petit origami pour ta collection.]
Ne t'en fais pas, il prend soin de la pierre ; il la conserve au fond de sa poche. Il ne la montre à personne, de même qu'il n'a parlé à personne du renne. C'est son secret. Et son secret vient d'être dévoilé, ah... il n'aura pas été si malin à déjouer les Green.
Hawk se retourne et répond qu'il ne sait pas pour le renne Il demande à Spiza s'il est en mission d'exploration
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Jeu 4 Mar - 11:36
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Le cervidé était bien plus docile, moins sauvage, que ce que Spiza avait imaginé. Il avait déjà entendu parler des élevages de rennes, savaient que certains pouvaient être apprivoisés, mais c'était bien la première fois qu'il en rencontrait un. Son corps se remplit de l'excitation de la découverte. Il ne put l'exprimer. Il applatit l'excitation, la glissa sous la semelle de sa chaussure et scella ses lèvres. Hawk avait quelque chose de parfaitement intimidant. Contrairement aux fortes têtes, aux personnes à la voix qui portent, Hawk était un murmure qu'on ne parvenait à entendre que si l'on tendait l'oreille. Spiza savait tendre l'oreille, aussi l'exercice n'était pas difficile pour lui. Néanmoins, il éprouvait bien du mal à communiquer avec les personnes beaucoup trop introverties. Ils arborraient cette fragilité, semblaient se briser suite à un coup de vent. Lucjusz ne souhaitait pas être ce vent. Et la réponse du brun ne tarda pas à lui rappeler cette pensée. Je ne sais pas.
Quelque part, cette réponse le réconforta. C'était différent. Hawk ne s'apparentait pas à la majorité qui voyait Spiza comme un pion que l'on manipulait — et même s'il le comprenait, il lui suffisait d'un mot, d'un geste de la part de son interlocuteur pour avancer à la case désirée sans qu'il ne puisse s'empêcher de bouger. La pensée inverse bouscula cette première impression : le polonais se retrouva mal à l'aise. L'idée que Hawk puisse le voir comme un méchant aurait pu être agréable si l'envie de faire bonne impression ne lui grignotait pas le bout des doigts dans un fourmillement nerveux. Ses phalanges s'accrochèrent au pan de son haut qu'il tritura, comme s'il ne savait pas quoi faire de ses dix doigts.
Spiza s'apprêta à dire quelque chose. Ouvrit la bouche. La referma à l'instant où la question fut posée. Désorganisation dans son esprit ; il ne sut plus quoi dire, ni quoi penser. Il n'avait pas pensé qu'il lui faudrait peut-être dire la vérité. Ses sourcils se froncèrent si fort qu'on put avoir l'impression qu'ils tentaient de se réunir. L'inspiration prise, comme s'il lui fallait tout ce souffler pour formuler les prochains mots, il répondit : — J'étais curieux, parce que j'ai entendu dire que tu disparaissais souvent. Le choix avait été fait. Celui du sacrifice, des quelques non-dits, mais des mots qui portent une certaine vérité. Il est vrai qu'il était curieux, et que c'est cette curiosité qui l'a poussé à accepter la mission, en partie. (il était plus facile d'omettre qu'il l'avait aussi fait pour qu'on l'apprécie)
Son regard oscilla entre le renne et le brun. Il planta ses dents à l'intérieur de sa joue, toujours à la recherche d'une façon de prouver qu'il n'était pas méchant. C'était probablement la première fois qu'il dut prouver quelque chose comme ça et sa main glissa dans ses cheveux comme s'il espérait que réorganiser ses cheveux ordonnerait ses pensées — l'acte fut vain. — C'est la première fois que je vois un renne. Tu l'as apprivoisé tout seul ? demanda-t-il, d'une voix qui porte un peu plus cette fois, comme s'il lui était plus facile de parler d'autre chose que de lui.
résumé:
Spiza est pas très à l'aise. Il pense que c'est pas si mal que quelqu'un se méfie de lui, c'est même un peu cool sauf qu'il veut qu'on l'aime et qu'on ait une bonne impression de lui alors c'est pas si cool. Il réfléchit beaucoup, comme à son habitude, se demande s'il faut dire la vérité ou pas et finit par dire une mi-vérité (il est là par curiosité, mais ne parle pas de sa mission) Il finit par poser une question sur le renne parce que c'est moins stressant de parler d'un renne que de soi-même.
Le silence de Spiza alerte Hawk, c'est qu'il peine à démêler les mots et leurs absences sont un lourd poids dans la poitrine. Il se demande s'il a donné la bonne réponse et pense alors qu'il est devenu une anomalie dans la forêt. Et c'est un peu triste, qu'il laisse ses doigts s'emmêler dans la fourrure du renne. Lui, il se fiche bien des émotions humaines : il continue de réclamer à Hawk la nourriture, alors l'adolescent lui donne sans attendre. Spiza finit par reprendre les mots, l'on dirait qu'il a hésité longtemps, et Liam se demande s'il va se faire gronder. Cela arrive souvent ! Même les enfants s'y mettent. Mais ce n'est pas cela qui sort de la bouche de Spiza, la curiosité ? Alors Hawk enchaîne :
« Tu... tu ne fais pas de l'exploration alors. »
Spiza l'a suivi, depuis combien de temps ? Hawk remue les épaules, ses doigts grattent l'encolure du renne, et c'est plein de pensées vaines qui le traversent. Que fera-t-il si Spiza dévoile son petit secret ? Liam ne fait pas confiance aux siens ; ça s'est perdu peu à peu, avec les diverses annonces qu'il a perçu. Hawk apprend que les parents ne sont pas parfaits.
[Grandir n'est-il pas d'accepter le pire ?]
Madame Blackwell peut être cruelle, et Phaner aussi.
Hawk gonfla la poitrine, puis il haussa les épaules à la question de Spiza ; elle vient comme un cheveu dans la soupe, et elle se colle désagréablement au palet. C'est qu'il ne sait pas, Hawk, le renne l'a apprivoisé lui, et pas l'inverse. C'est le renne qui a décidé qu'il deviendrait son ami, et qui le suit dans la forêt quand Liam s'y enfonce. Il le guide souvent, puis il recule pour l'emmener à la sortie.
[Il l'escorte pour éviter que le garçon ne se perde.]
Le renne remue la tête, il soupira dans la main sale de Hawk. Le faux-con releva son attention sur lui, il sourit en coin, avant que ses yeux ne viennent se fixer sur Spiza, avec cet éclat noir et profond, sans âme. Il n'est pas doué pour sociabiliser, et il se demande clairement ce qu'il doit dire dans cette conversation qu'il n'a pas prévue. Le renne répond à sa place, un coup de museau dans l'épaule.
« Pas... pas vraiment... il est venu se coucher sur moi, une fois, et voilà. »
C'est quelque chose dont il ne veut pas parler, ce petit secret ainsi dévoilé, voilà qu'il amplifie le malaise dans ses entrailles. Hawk avala sa salive, puis il remua les épaules pour se défaire de la tension dans ses muscles.
[Tu es vraiment un crétin.] [Sérieusement ?] [Tu as encore d'autres conneries de ce genre-ci à balancer ?]
Hawk se passa — aussi — la main dans les cheveux, et il sous-rit à Spiza, sans trop savoir ce qu'il dit.
Hawk n'est toujours pas plus utile Il répond et demande à Spiza qu'il fait pas d'explo du coup ?
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Mer 10 Mar - 12:04
ft. hawk
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Spiza remua les épaules à son tour, dans un mimétisme inconscient. Hawk était une énigme, à ses yeux. S'il appréciait les personnes qui lui ressemblaient, son collègue se refermait dans une introversion particulière et extrême, que Lucjusz avait du mal à comprendre. Que fallait-il tirer de ce genre de comportement ? Hawk était-il simplement timide ? Ou détestait-il Lucjusz ? Le polonais ne se souvenait pas d'un moment où il aurait pu déplaire à Hawk, mais il était déjà arrivé, par le passé, qu'on le déteste juste parce qu'il existe.
Une sensation désagréable noua sa gorge, les cordes vocales avec, et il planta ses dents dans sa langue. Son regard n'osa plus se poser sur le duo insolite, et il se balança d'une feuille à une autre, d'une branche nue à l'écorce sombre d'un chêne centenaire. Il est plus facile de s'adapter à quelqu'un qui extériorise quelque chose ; des attentes, des envies, une volonté. Pour Lucjusz, savoir comment se comporter devant quelqu'un qui n'exultait rien d'autre que de la timidité était perturbant. Bousculé, métaphoriquement, Spiza ouvrit la bouche, la referma, la peau écrasée par ses sourcils froncés. Il cherchait ses mots, mais aucun mot ne semblait convaincant, et il ne sut pas quel rôle jouer. Ses paupières se refermaient et s'ouvraient frénétiquement, clignements nerveux qui tentaient d'aider Spiza à se fondre dans la réalité — mais Spiza n'avait plus de réalité depuis longtemps, il n'était que l'ombre d'attentes qu'on lui susurrait, et il se métamorphosait à leur image.
Il sourit, et ses sourcils encore froncés attestèrent de son incapacité à être franc. Son expression, témoin de sa confusion, finit par se détendre alors qu'il posa enfin son regard sur le renne. Quelques secondes passèrent, étendues sur le fil du silence, lentes, et Spiza se jeta à l'eau : si Hawk aimait le renne, il ne pouvait pas y avoir de meilleur sujet de conversation que l'animal en question, même si le brun était avare en vocalisation. — Il est mignon. T'as de la chance. Ça me manque, les animaux. confia-t-il, avant de finalement s'asseoir avec une nonchalance feinte contre le tronc d'un arbre. Il n'avait pas l'intention de quitter les lieux, après tout, il avait une mission à mener à bien — mais la présence du renne l'intéressait à présent plus que les disparitions d'Hawk. Le cervidé lui rappela son quotidien aux écuries de ses parents. Et parce qu'on nommait toujours les animaux, il lui parut logique d'enchaîner sur la question suivante : Il s'appelle comment ? Ou elle. Ou iel. Ou. Je sais pas. Cet être, s'appelle comment ? Tu viens t'occuper de lui souvent ?
résumé:
Spiza est très perturbé parce que c'est plus facile pour quelqu'un qui calque son comportement sur les autres, de le faire avec un interlocuteur qui montre qui il est. Du coup il essaie, et il finit par essayer d'allier sa propre passion pour les animaux avec la passion apparente d'Hawk. Il s'assied contre un arbre pour montrer qu'il compte pas bouger.
Hawk est incapable de percevoir le malaise de Spiza. Quand bien même les émotions de son vis-à-vis seraient visibles, quand bien même celui-ci porterait une pancarte au-dessus de sa tête afin de lui envoyer un message clair, il ne le verrait pas. Ce n'est pas du désintérêt, Liam a toujours connu des difficultés à comprendre et décrypter les émotions des autres. Alors quand il voit Spiza occuper l'espace, il ne saisit pas que c'est un message tacite pour dire qu'il restera là. Hawk plisse certes les yeux, attention ! C'est seulement parce que le renne remue en réponse. Alors Hawk fixe Spiza sans ciller pendant un moment, il étudie toute sa physionomie et il essaye de mémoriser tous les traits de son visage. Il remarque tous les détails, mais il ne retient pas l'essentiel — les cheveux blonds et le trou dans la face. Il remarque l'allure générale, les quelques micros-expressions qui animent ses traits, voilà tout.
Et Liam observe surtout, le décor qui se dessine derrière Spiza. Les arbres qui se dressent comme des corps fiers et droits, les feuilles qui s'érigent dans tous les sens, et les oiseaux en train de remuer les ailes. Près de Spiza, il y a un petit insecte en train de faire son chemin, jusqu'à trouver un trou et s'y cacher.
Hawk ne saurait pas dire si le renne est « mignon ». Si on lui donnait son avis, il répondrait qu'il est chaud, et que sa fourrure est pleine de noeuds, d'insectes, et de terre. Néanmoins, il ajouterait que ce serait malvenu de forcer l'animal à se faire brosser. Lui-même, il fuit les peignes aussi vite que les chats qui se cachent quand ils voient l'aspirateur. Alors sa tignasse brune et bouclée, elle est souvent sale, pleine de sébum et de poussière. On ne sait pas ce qu'est la cendre tombant de ses racines, des pellicules ou de la poussière ? Lui, il s'en fout.
« Être ? Répéte Liam en plissant davantage les yeux, et le “iel” tombe en “yelle” dans son oreille. Cet être ?Quoi cet être ? Ah... tu parles du hêtre, non ? »
Et Hawk désigne du menton l'arbre non loin de Spiza, dont les ramures sont un monde à elles seules, dont les branches sont des artères et des labyrinthes pour les hommes. Pour les oiseaux, ce sont autant de maisons que de garde-manger.
Puis Liam ouvre la bouche, il vient de saisir ! Spiza ne parlait pas de l'arbre, il désignait le renne. Il haussa les épaules, puis il avoua avec réticence :
« Je l'ai appelé Marshall Law, mais plus souvent Law que Marshall, je crois que les animaux ont du mal avec les prénoms qui ont plus de deux syllabes. »
Il ne faut pas lui en vouloir, Hawk n'est pas une lumière — si on lui posait la question, il répondrait que la lumière est un procédé, ou un concept, il détaillerait comment on peut créer une lampe, il ajouterait que c'était le surnom donné à des philosophes et qu'il trouvait ça très vaniteux de parler de sois ainsi.
Hawk capte que dalle. Le jeu de mot était trop tentant
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Ven 12 Mar - 12:47
ft. hawk
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Spiza n'avait jamais entendu beaucoup de personnes parler d'Hawk — faudrait-il qu'il ait des amis au sein des Greens, pour ça, et ce n'était pas franchement le cas — et personne ne l'avait correctement prévenu. Hawk était, visiblement, quelqu'un d'étrange. Il était difficile de communiquer avec lui, et Spiza comprenait qu'on venait probablement de le rouler. Lui, qui avait pensé être perçu comme fiable, qui se voyait tel un chevalier à qui on confiait la mission de sauver une princesse (ou un prince) d'un dragon furieux, comprenait maintenant qu'on s'était servi de sa naïveté pour s'occuper d'une tâche qui s'annonçait difficile. La réalisation ne le bouscula pas davantage. Elle retomba à plat, dans un silence sourd, dans l'océan de sa déception. Encore. Comme toujours.
Si Lucjusz comprit la référence à l'arbre, il ne comprit pas la confusion d'Hawk. Mais une réflexion ne débuta pas, parce que lui, avait déjà saisi que Hawk était insaisissable. Et il tendit l'oreille dans un silence lourd, pour accueillir les mots voilés de l'autre explorateur, qui semblait éprouver la plus grande difficulté à maintenir un ton stable. Il opina de la tête suite aux mots du brun, se réconfortant dans l'idée qu'ils aimaient tous les deux les animaux. — Oui, quand j'étais chez mes parents, je m'occupais beaucoup des chiens et des chevaux, et ils arrivent plus à se concentrer sur des petits mots en général. C'est pour ça qu'on utilise la méthode du clicker sur les chiens, peut-être que ça marcherait sur un renne. Marshall Law, il répéta le nom en fronçant les sourcils, ça provient de quelque chose en particulier ? et sa voix originellement plutôt basse, s'affaissa à nouveau d'un octave, comme s'il espérait qu'une voix suave et douce mette sa proie en confiance — Hawk, pas le renne. Mais Spiza n'avait rien d'un prédateur, et même le brun pouvait certainement le voir.
L'écorce qui s'enfonçait dans son dos lui rappela l'inconfort de sa position. Les mains posées sur le sol pour aider son corps à se relever, il se positionna pour la nouvelle étape de son plan inexistant : l'abordage. S'il n'avait aucun navire à aborder, il avait un renne à conquérir. Autant joindre l'utile à l'agréable, s'il devait tenter d'apprivoiser Hawk, il pouvait en profiter pour s'acoquiner avec un cervidé, c'était une opportunité qu'il ne rencontrerait probablement pas à nouveau. Lentement, comme il le faisait pour ses mots à l'encontre d'Hawk, il s'approcha, et offrit la paume de sa main au renne afin qu'il puisse le sentir, alors que ses oreilles étaient toutes concentrées sur la voix d'Hawk, prêtes à accueillir ses mots. — Salut, Law. murmura-t-il, incroyablement intimidé de se présenter face à un animal qu'il ne connaissait que dans des photos.
résumé:
Spiza prend conscience qu'on l'a poussé à aller s'occuper d'un cas désespéré, et il a pas assez confiance en lui pour se dire qu'il peut ramener Hawk ou le remotiver à bien travailler. Il demande des précisions à propos du nom du renne, se lève et s'approche pour lui présenter sa main. (j'ai pas écrit la réaction de Law parce que c'est ton renne, donc je veux pas jouer sa réaction à ta place. )
Spiza ne fit pas de remarques sur la mauvaise compréhension de Hawk. D'habitude, les autres Greens auraient sauté sur l'occasion pour se moquer de lui, et de lui rappeler qu'il n'était qu'un idiot dont on avait bien accepté la présence. Alors le jeune homme écouta, il tendait l'oreille entre deux soupirs du vent pour saisir les mots au vol. Il hocha la tête, quand bien même il n'avait pas tout compris. Il n'osait pas demander à Spiza de répéter, mais il pensait avoir eu les informations essentielles. L'autre était habitué aux animaux, si bien qu'il l'observa se rapprocher de Law avec méfiance. Du renne et de l'adolescent, ce n'était pas l'animal à cornes le plus méfiant, loin de là !
« C'est un personnage d'un jeu vidéo. »
Celui que son père adorait jouer, lorsque tous les deux s'affrontaient dans l'univers virtuel. Le seul endroit où Liam excellait dans quelque chose — l'origami c'était joli, mais ça ne provoquait pas d'exaltation. Le renne renifla la main de Spiza, avant de reculer et de secouer ses branches. Hawk renifla, puis il se passa la main dans sa tignasse, mal à l'aise.
« T'es pas américain, je me trompe ? »
C'était à son tour de poser des questions. Le silence est socialement inacceptable, cela signifie que la conversation est fade, soi-disant. On avait répété à Hawk que parler était un moteur social, et qu'il devait choisir précisément ses mots pour ne pas assommer son interlocuteur — et donc éviter de lui parler, en long et en large, en diagonale et dans toutes les directions, de jeux vidéos ou d'origamis — et de choisir des sujets de discussion qui pouvaient plaire.
Néanmoins, Liam ne sait pas ce qui peut plaire à Spiza, et il sent juste un vague malaise en l'examinant. Ses yeux restent fixes sur sa figure, il constate leur différence de taille, et se demande quel âge Spiza. Il semble étrangement éteint, avec son oeil qui cherche à s'accrocher à une ancre que Liam n'est pas capable de voir. Il est petit et malingre, il lui donne une vague impression morose. Et Hawk sent qu'il y a des efforts pour maintenir la conversation ; il s'interroge juste : pourquoi ?
« Mh... Spiza... il y a un truc qui t'inquiète ? »
Hawk fit un magnifique double-salto-arrière-plongeon dans le bassin du malaise ; il interrogea Spiza directement. Il était fatigué de toujours chercher à deviner le sens des mots, les traductions dans les gestes d'autrui, et Spiza semblait ne pas vouloir prendre le dessus sur lui. Alors en réponse, c'est Hawk qui s'affirme : il fait un pas en avant, le renne pose son museau dans son omoplate, et il le fixe de ses yeux noirs.
[Tu aurais dû fermer ta putain de gueule.] [Tu sais qu'il y a des trucs qu'on ne doit pas dire.] [La vérité, c'est juste un soin palliatif.]
Hawk n'est toujours pas doué. Il demande à Spiza ce qui l'inquiète
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Lun 15 Mar - 13:10
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GALERIE DES ARTS
La référence aux jeux vidéo le perdit un instant dans une spirale de nostalgie. Pour une raison qu'il ignorait, son cerveau avait choisi d'associer les jeux vidéo à Corvin, et il suffisait qu'on lui rappelle l'existence de ces jeux pour qu'il pense à son meilleur ami. Il lui fallut un effort supplémentaire pour ne penser qu'aux jeux vidéo. Il partit à la recherche d'un Marshall Law dans ses souvenirs, mais rien ne lui vint. Les souvenirs liés aux jeux vidéo lui paraissaient si lointain qu'il éprouvait des difficultés à se souvenir du moindre nom, de la moindre image. La possibilité de jouer à nouveau, assis sur un canapé neuf, lui parut si mince qu'il l'éluda aussitôt. Il se demanda si Hawk espérait jouer à nouveau.
Le brun l'interrogea sur sa nationalité et il se contenta d'abord d'acquiescer. Spiza ne parlait jamais beaucoup de lui — on ne l'y invitait pas. Les autres faisaient parfois semblant, et même Lucjusz finissait par voir quand il ne s'agissait que d'un intérêt apparent — souvent, il ne le voyait pas. Les feuilles mortes craquaient sous ses pas à chaque fois qu'il bougeait, l'aidaient à s'ancrer dans la réalité alors que ses pensées le poussaient toujours à oublier son enveloppe corporelle. La nouvelle question d'Hawk le rappela à la réalité pour de bon, la surprise dynamisa sa réaction alors qu'il posa un regard étonné sur le brun. Ses doigts quittèrent le poil du cervidé docile, comme si on l'avait pris la main dans le sac. (C'était le cas)
— Je suis Polonais. Il répondit d'abord, dans un murmure , parce que ses pensées étaient occupées à formuler une réponse à l'autre question. Est-ce que quelque chose l'inquiétait ? Il n'était pas certain de la raison de la question, et n'était pas non plus certain d'avoir exprimé une quelconque inquiétude. Aussi, ses doigts se rattrapèrent au pan de sa veste et le silence s'installa, confortablement, annonçant qu'il ne comptait pas repartir de si tôt. On ne lui posait jamais de questions aussi personnelles. Son anxiété le paralysait à l'instant où on lui adressait des mots qu'il ne s'attendait pas à recevoir. Réfléchir, réfléchir. Lucjusz avait beau pousser ses pensées, elles ne s'harmonisaient pas, et il eut recours à sa solution favorite : la fuite via l'autre. — Tu te sens pas bien, là-bas ? Avec les Greens, je veux dire. Sur ces mots, il posa son regard sur le brun, cette fois, de manière un peu plus franche. L'idée qu'on puisse lui poser des questions sur ce qu'il ressent le toucha plus qu'il ne pouvait l'exprimer et ses lèvres s'étirèrent en un sourire, presque invisible, timide mais chaleureux. Le choix de ses mots n'est pas anodin, il ne dit pas « avec nous », mais il dit avec les Greens parce que Lucjusz ne sait pas ce que c'est d'être part d'un groupe. Il est présent mais il n'est pas l'un des leurs.
résumé:
Spiza est très touché par la question de Hawk, et très surpris. Il lui en faut pas beaucoup.
Si on demande à Hawk de situer la Pologne sur une carte, il la placerait probablement au niveau de l'Allemagne. Il sait que c'est un pays en Europe, mais il peine à visualiser exactement où le situer. Au moins, il ne pense pas que c'est quelque part en Amérique du Nord ou du Sud. Il se demande alors comment Spiza a appris l'anglais, comment on l'enseigne dans les pays qui ne le parlent pas. Les questions fusent dans tous les sens, parfois elles s'arrêtent, et souvent, elles se font happer par d'autres pensées. Le renne recule d'un pas, il gratte la terre avec son sabot. Alors le haussement d'épaules de Spiza relance la machine.
Hawk se demande ce que vaut ce silence.
Sa main passe le long de la croupe du renne, avant de remonter dans la fourrure et de s'y abandonner. Il y enlève avec précaution des feuilles, il songe qu'il devrait voir comment le peigner. Puis il s'interroge : est-ce vraiment utile ? Il ne raccorde d'attention à Spiza, seulement lorsque celui lui pose une question — alors que la sienne est restée sans réponse. Hawk ne sait pas pourquoi. Et lui aussi, il ne sait pas répondre.
Non, Hawk ne se sent pas bien avec les Green. Mais il n'a jamais eu de sentiment d'appartenance dans la vraie. Sur internet, c'est différent. Dans la guilde où il avait rencontré Barry, il avait eu la sensation d'avoir des amis, un groupe soudé, même s'il ne parlait jamais du harcèlement scolaire qu'il subissait.
« Et toi ? »
Ah... Spiza, Hawk est sans doute le genre de personnes qu'il redoute le plus. Son masque ne peut pas se tailler sur-mesure, et il ne peut qu'avancer à tâtons. Le pire, c'est que Liam n'exige rien de Spiza, peut-être simplement retourné à sa tranquillité et à sa solitude. [C'est que les gens sont épuisants, et anxiogènes.]
Hawk pressent que quelque chose ne se passe pas comme d'habitude, mais il ne connait pas assez Spiza pour parvenir à le déterminer. Alors Hawk s'affale un peu sur son renne, il passe son bras par-dessus son encolure, et il reprend ce qu'il faisait : il enlève les feuilles, la terre, attentif à l'animal. Bine plus qu'à l'humain près de lui.
[L'école, ce matin ? Ah c'était tranquille.] [Comment je me sens ? Je vais bien ! Juste un peu fatigué.] Je rêve de le voir crever, et de regarder, regarder son agonie. [Pourquoi j'ai les mains qui tremblent ? Mh... bah il fait froid dehors, j'ai du mal à me réchauffer. Mes gants ? Oh... tu sais comment je suis, je les ai oubliés à l'école, je les récupérerais demain.] Si seulement, demain ne pouvait jamais voir le jour. [Je ne suis pas triste, ne t'en fais pas... tu t'en fais toujours beaucoup trop.] Je sais où tu caches la clef pour l'armurerie, P'pa.
Le vent se leva quelques instants, plaqua les mèches de ses cheveux contre son front, dans ses yeux. Il glissa deux doigts dans ses mèches pour les replacer correctement. Leur conversation ressemblait à une partie de tennis de table durant laquelle on aurait demandé aux joueurs de ne pas toucher la balle avec leurs raquettes. Le polonais commençait à penser qu'il avait eu tort de venir, il aurait probablement fallu quelqu'un de moins prudent, de plus franc que lui pour secouer Hawk et pour lui soutirer des informations sur ces activités supposées douteuse.
Mais voilà : il avait beau se creuser la tête, il ne voyait pas quel genre de vers il pouvait tirer du nez d'Hawk. L'explorateur n'avait pas le profil de quelqu'un qui agissait contre son groupe, et Spiza ne voyait là que quelqu'un qui profitait de son lien spécial avec un animal. L'idée qu'on l'avait envoyé pour surveiller son collègue était à présent désagréable. Spiza s'était fait soldat d'une quête inutile. Il songea qu'Hawk n'était probablement pas bien chez les Greens. L'absence de réponse de la part du brun confirma ses pensées et il pensa que, si c'était avec Hawk, il pourrait peut-être partager ses propres pensées. Alors, son torse se souleva au rythme d'une grande inspiration et il s'assit en tailleur sur le sol, le regard perdu au loin. — Je sais pas. C'est pas vraiment... Comme j'avais imaginé ? Je crois. Je pense. (il cherchait, dans ses mots, une façon de nuancer ses propos) C'est trop... Je suis entré dans un groupe parce que je voulais comme une famille, ou des amis, pas parce que je voulais une armée qui entre en conflit politique. Il marmonnait, comme si sa bouche presque fermée voulait empêcher les mots de sortir trop durs, et il attrapa un bâton pour tracer des dessins abstraits dans le sol, entre les feuilles mortes qui craquaient sous son passage. « En réalité, on m'a demandé de voir pourquoi tu disparaissais (il adressa un regard à Hawk, même si sa gorge se noua à la perspective de voir de la colère ou de la déception sur son visage) et je suis à peu près certain qu'ils ont fait ça parce qu'ils avaient peur que tu trahisses le groupe. Et, tu vois, j'aimerais bien qu'on fasse partie d'un groupe où la notion de trahison n'existe pas, et qu'on puisse tous se lier à qui on veut, avoir les idées que l'on veut, sans qu'on nous force à prendre position pour quoi que ce soit. Ses lèvres se pincèrent entre elles. La culpabilité de trop partager, de monopoliser la conversation le rendit muet alors que son regard se perdit à nouveau dans les feuilles gisant au sol. Hawk allait probablement le trouver ridicule à s'ouvrir de cette manière. Ses jambes le démangeaient, lui intimaient de prendre le chemin de la maison et de ne plus importuner le brun.
résumé:
Spiza est pas très à l'aise part 541321. Il s'asseoit en tailleur et entreprend de donner un peu sa vision des choses, sous-entendant qu'il aime pas trop les Greens actuellement. Il espère encourager Hawk à se livrer à son tour, mais c'est aussi une manière de chercher des alliés dans la solitude et le malaise qui l'habitent depuis un moment.
Spiza se met au sol, Haxwk le suit du regard sans rien dire, et sa main passe distraitement sur le museau de Law. Le renne posa sa tête contre la sienne, et c'était à peine sur le sommet de son crâne touchait ses bois. Liam n'était pas très grand, il atteignait à peine le mètre soixante-treize maintenant ; il devait encore lever la tête vers Ashton pour le regarder dans les yeux - lorsqu'il osait. Le souffle de l'animal se cognait contre son épaule, et sa main continuait les caresses, lentes, délicates. Sa fourrure était drue, ses doigts se réchauffaient malgré tout.
Alors Liam écouta ce que Spiza avouait, une partie des mots formaient une drôle de mélasse avec le souffle du vent, et celui du renne qui s'éclatait contre son oreille. Pourtant, Liam pense avoir compris l'essentiel, et ses yeux, deux trous profonds et indifférents restaient fixés sur son vis-à-vis.
Liam aurait pu sourire. Liam aurait pu battre des paupières. Liam aurait pu avoir un millier de micros-expressions signifiant à Spiza qu'il avait écouté. Mais rien.
Hawk était tel un poisson mort échoué sur les rivages d'une jeunesse en perdition ; la métaphore ne voulait rien dire, pas plus que le fond. Bref, Hawk accuse la vérité, ses épaules s'abaissent seulement, et il retint un soupir. C'était toujours la même chose.
« Merci de ta franchise. »
Lâcha Liam d'une voix éteinte, un peu fatiguée de cette routine.
« Je disparais souvent. »
Et il lui arrivait de chourer de la nourriture, et quand il ne la volait pas, il ne la mangeait pas. Il la gardait et la ramenait pour quelqu'un. Hawk se racla la gorge, puis il s'assit à son tour. En imitation, Law arqua une patte, puis une autre, et suivit le mouvement. Quelle étrange connexion que la leur. Hawk hausse les épaules.
Qu'est-ce qu'il peut répondre ? De nouveau, il se retrouva inutile et démuni face à ces confessions.
« T'as l'impression qu'on t'empêche de penser par toi-même ? »
Ah... Hawk ne le sait pas à quel point la question peut faire mal.
Hawk ne sait pas que Spiza a besoin de lire en lui pour s'adapter, et pour lui plaire. Et Hawk n'exigeait rien de tout ça, il n'exige même pas de Spiza d'être « lui-même », en vérité, ça ne lui vient pas à l'esprit qu'il ait besoin de plaire.
« Et t'as peur de finir rejeter si tu sors du moule ? »
Hawk se mouille les lèvres, et il continue de caresser Law. Ses doigts cherchent son contact, affamés qu'ils sont de la chaleur que l'immense animal dégage. Ses yeux vont de Spiza à la forêt alentour, et quelque part, il est soulagé de s'être assis. Son bassin n'ira pas mieux, comme son audition. Hawk fixe Spiza, en songeant que son temps chez les Green est compté.
Hawk met les pieds dans le plat un peu. Il demande à Spiza s'il a peur d'être rejeté s'il ne rentre pas dans le moule.
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Lun 12 Avr - 12:18
ft. hawk
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La réponse que lui offrit Hawk ne fut pas celle qu'il attendait. Il avait appris, avec le temps, qu'il suffisait qu'il donne son avis — aussi faux soit-il — pour encourager les autres à donner le leur ; ils ne s'arrêtaient plus, et Spiza pouvait s'oublier, se plonger dans leur opinion. Hawk ne lui offrit pas d'opinion. La situation éveilla un malaise chez Lucjusz qui avait l'habitude qu'on utilise son introversion comme un tremplin pour mettre la lumière sur les autres personnes. Hawk était différent. Si le polonais appréciait habituellement la différence, celle-là ne lui plaisait pas. Il regretta la solitude de son appartement d'avant, regretta les heures passées à attendre des messages qui ne viendraient pas sur son téléphone portable. Même le vide de ces moments paraissait plus rempli que la conversation qu'il tentait de mener avec son collègue. Il suivit l'animal du regard alors qu'il plia ses membres pour se coucher à côté du brun. Même cette vision ne suffit pas balayer son envie de fuir la situation — on l'avait bien eu, à l'envoyer pêcher l'inpéchâble.
Et les questions du dompteur de cervidé enfoncèrent le clou (dans sa peau, c'était dans sa peau, et peut-être même dans son cœur, qu'il sentait le clou s'enfoncer).
Mais l'envie d'y répondre avait disparu. Spiza avait déjà assez parlé de lui et de ce qu'il pensait, il ne l'avait fait que dans l'espoir d'un échange équivalent. Ses pupilles suivaient les doigts d'Hawk, observèrent les doigts se faire engloutir sous la couche de poils hivernale encore épaisse de l'animal et il songea qu'il aurait aimé être un cerf, parce qu'on n'attend rien d'un cerf, et qu'un cerf n'attend rien des autres non plus. Ses journées auraient été passées le nez fourré dans de l'herbe. L'idée que toutes ses conversations récentes s'étaient soldées par un profond sentiment d'inconfort était douloureuse. Il lui sembla que personne ne voulait se faire aimer par Lucjusz autant que lui voulait aimer, et la solitude scella ses lèvres. Parce qu'il se fichait bien de ce que lui pouvait penser. Il se fichait bien d'extérioriser ses pensées et ses avis, ce qu'il voulait, c'était que les pensées des autres prennent forment dans des mots qu'il pourraient entendre, dont il pourrait s'approprier. Il n'y avait rien qu'il pouvait usurper chez Hawk, et il la chaleur de Spiza ne sembla pas attendre le brun non plus. Il se demanda pourquoi ses tentatives de combler sa solitude ne faisaient que creuser davantage le vide qu'il avait en lui, mais la seule réponse qui lui vint à l'esprit lui donna envie de vomir — il était seul parce qu'il n'y avait rien à aimer, chez lui.
— Je crois juste que je suis pas fait pour être Green. il murmura, la mâchoire tendue, comme s'il n'avait pas voulu laisser les mots sortir. Il souhaitait revenir en Pologne. Même si sa relation avec son meilleur ami avait été illusoire, elle était au moins parvenue à lui insuffler ce sentiment d'exister, qu'il n'avait pas retrouvé depuis. L'idée que plus rien n'avait d'intérêt s'imposait de plus en plus souvent à son esprit et le moindre détail lui rappelait cette pensée. T'as probablement pas tort de disparaître souvent. fit-il remarquer avant de, finalement, tourner le dos à Hawk pour observer un insecte escalader une feuille morte au sol. Il devait abandonner son obsession de se faire aimer, ce besoin des autres pour se sentir exister.
résumé:
Spiza est dépité qu'Hawk réponde jamais vraiment à ses interrogations, il est très mal à l'aise d'avoir l'impression d'être le seul à dire ce qu'il pense. Il déprime (comme toujours en ce moment PTDR) parce qu'il avait en réalité l'espoir de se faire un ami mais il se rend compte que ça va pas marcher, à nouveau, et qu'Hawk est totalement désintéressé par lui et il est triste parce qu'il arrive plus à se forger un optimisme illusoire comme avant, plus ça va et plus il est conscient de tous les défauts des gens, des défauts de ses relations etc etc.
C'était comme si les émotions des autres étaient des pièces de puzzles, mais la plupart des embouts ne fonctionnaient pas ensemble, et quand enfin il parvenait à recomposer le visage, il n'avait pas le moindre sens. Ça ressemblait fort aux arts de Picasso, sans que Liam n'ait l'expérience autour pour arriver à un tel résultat. Alors le malaise grandissant de Spiza lui passe au-dessus de la tête, il voit les divers signaux, mais son cerveau ne les interprète pas. Il ne reste qu'à la surface de ce qu'il voit, tandis que ses yeux détaillent le blond clair de ses cheveux, et les insectes autour d'eux. C'est peut-être ce qu'il trouve de plus rassurant, dans cette forêt. Il ferme parfois les paupières, les doigts se perdent dans la fourrure du renne, et Liam ressent les vibrations de son souffle sur son encoulure.
Le jeune homme en conclu que Spiza lui ressemble un peu, une impression vague sans qu'il ne mette clairement le doigt dessus. Il croit que c'est un lien suffisant — l'autre se confie —, alors Liam sourit en espérant aller dans la bonne direction. Il n'est pas ravi d'entendre ça, mais on lui a toujours répété — encore et encore — qu'il fallait sourire. Même quand il se faisait taper à l'école.
« Il n'y a pas de mode d'emploi. »
Liam hausse les épaules, c'était quelque de frustrant. Il n'y a pas de mode d'emploi pour dire quoi faire, juste suivre ce qu'on dit sans se poser de questions. Passer sous silence les douleurs dans son bassin, et sa perte d'audition — Hawk était angoissé à l'idée qu'un jour, il n'entendrait plus rien.
« Oui, et je crois que Madame Black...Liam s'interrompt, il soupire :Calico, je veux dire, préfèrerait que je ne revienne pas. »
C'est un fait : il n'y a pas d'émotion dans sa voix. L'on dirait que Liam venait de donner sa liste de course à Spiza. Il plisse les yeux sur ce dernier, il se demande encore ce qu'il s'est passé pour son oeil.
« Pourquoi t'es explorateur ? T'as un trou, je veux dire... »
Nouvel haussement des épaules, Liam ne veut pas être cruel, il pose juste le doigt là où ça fait mal, et il appuie dessus - il se demande si c'est vraiment vide, sous les mèches blondes qui cachent le fossé de son visage.
« Moi, ils m'ont pris parce que j'ai plus de quatorze sur dix à chaque oeil. Il vient de là, mon surnom. »
Hawk ne sent pas plus utile pourtant, devrait-il ajouter, mais il préfère garder ça pour lui. A force, ce sont les Green qui ne voudront plus de sa présence. À quoi bon avoir des yeux de faucons quand on est incapable de lire les émotions humaines sur la face d'autrui ?